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TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - Extrait - Audience du 12 juillet 2023 - Lecture du 26 juillet 2023

  • N° journal 8655
  • Date de publication 11/08/2023
  • Qualité 100%
  • N° de page

Recours en annulation pour excès de pouvoir des articles 2, 3, 9 et 10 de l’Ordonnance Souveraine n° 9.639 du 23 décembre 2022 modifiant l’Ordonnance Souveraine n° 6.365 du 17 août 1978 fixant les conditions d’application de la loi n° 1.527 du 7 juillet 2022 modifiant la loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l’État.

En la cause de :

L’UNION DES SYNDICATS DE MONACO, dont le siège est au 28, boulevard Rainier III à Monaco, représentée par son Secrétaire Général en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

et le SYNDICAT DES AGENTS DE L’ÉTAT ET DE LA COMMUNE, dont le siège est au 28, boulevard Rainier III à Monaco, représentée par sa Secrétaire Générale en exercice, domiciliée en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l’étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, Avocat-Défenseur près la Cour d’appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, Avocat au Barreau de Nice ;

Contre :

L’État de Monaco, représenté par le Ministre d’État, ayant pour Avocat-Défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation de France ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en assemblée plénière,

…/…

Après en avoir délibéré :

1. Considérant que l’UNION DES SYNDICATS DE MONACO et le SYNDICAT DES AGENTS DE L’ÉTAT ET DE LA COMMUNE demandent, sur le fondement du 1° du B de l’article 90 de la Constitution, l’annulation pour excès de pouvoir des articles 2, 3, 9 et 10 de l’Ordonnance Souveraine n° 9.639 du 23 décembre 2022 modifiant l’Ordonnance Souveraine n° 6.365 du 17 août 1978 fixant les conditions d’application de la loi n° 1.527 du 7 juillet 2022 modifiant la loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l’État ;

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 25 de la Constitution : « La liberté du travail et garantie. Son exercice est réglementé par la loi. / La priorité est assurée aux Monégasques pour l’accession aux emplois publics et privés, dans les conditions prévues par la loi ou les conventions internationales » ; que la priorité ainsi reconnue aux Monégasques s’exerce à la double condition que l’emploi en cause soit vacant et que le candidat possède les titres requis ou les aptitudes nécessaires pour accéder à cet emploi ;

3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 17 de la Constitution, « les Monégasques sont égaux devant la loi. Il n’y a pas entre eux de privilèges » ; que le principe d’égalité, garanti par l’article 17 de la Constitution, ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit ; qu’en revanche, il n’oblige pas à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ; que l’article 32 de la Constitution dispose : « L’étranger jouit dans la Principauté de tous les droits publics et privés qui ne sont pas formellement réservés aux nationaux » ;

4. Considérant que l’article 2 de la loi du 12 juillet 1975, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la loi du 7 juillet 2022 énonce que nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire s’il ne possède la nationalité monégasque ; qu’il prévoit, toutefois, que les emplois de la Direction de la Sûreté Publique relatifs à la sécurité et à l’ordre public peuvent être occupés par des fonctionnaires ne possédant pas cette nationalité ; qu’il résulte notamment des articles 3-1 à 3-4 de la loi du 12 juillet 1975, issus de l’article 3 de la loi du 7 juillet 2022, que les emplois permanents de l’État sont occupés par des fonctionnaires ; qu’ils peuvent cependant être pourvus par des agents contractuels lorsqu’aucune personne de nationalité monégasque ne remplit les conditions requises pour les occuper en qualité de fonctionnaire ; que des agents contractuels de l’État peuvent également être recrutés pour remplacer des fonctionnaires qui n’assurent pas momentanément leurs fonctions ou les assurent à temps partiel, ou pour remplacer d’autres agents de l’État ou encore pour exécuter des missions ou des tâches déterminées ; que les agents contractuels de l’État sont recrutés et leur contrat peut être renouvelé, dans des conditions déterminées par ordonnance souveraine, sous réserve de la priorité accordée aux personnes de nationalité monégasque ; que l’article 20-1 de la loi du 12 juillet 1975, créé par l’article 16 de la loi du 7 juillet 2022, précise que le candidat retenu à l’issue d’un concours de recrutement est recruté en qualité de fonctionnaire s’il est de nationalité monégasque ; qu’il est recruté en qualité d’agent contractuel de l’État s’il est d’une autre nationalité, sauf application des dispositions relatives aux  emplois de la Direction de la Sûreté Publique relatifs à la sécurité et à l’ordre public ; que l’article 20-2 de la loi du 12 juillet 1975, créé par l’article 17 de la loi du 7 juillet 2022, dispose qu’« en vue de favoriser la mobilité et la promotion internes, les fonctionnaires ayant acquis, dans leur catégorie, une ancienneté de service suffisante ou ceux disposant d’une expérience suffisante dans le domaine ou l’exercice de la fonction peuvent, s’ils remplissent les conditions d’aptitude nécessaires, être nommés à un emploi, de même catégorie ou de catégorie supérieure, soit à la suite d’une évaluation professionnelle, soit au choix après avis de la commission paritaire compétente instituée par l’article 28, le cas échéant, sur justification d’une formation professionnelle » ;

5. Considérant, d’une part, que pour l’application de l’article 20-2 de la loi du 12 juillet 1975, l’article 6 de l’Ordonnance Souveraine du 17 août 1978, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de l’ordonnance souveraine attaquée, prévoit que la circulaire diffusée par la Direction des ressources humaines et de la formation de la Fonction publique lorsqu’un emploi est à pourvoir mentionne l’obligation de posséder la nationalité monégasque et celle d’être fonctionnaire ; que l’article 7 de de l’Ordonnance Souveraine du 17 août 1978, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de l’ordonnance souveraine attaquée, précise que la liste des candidats fonctionnaires remplissant les conditions énoncées par la circulaire est fixée par la Direction des ressources humaines et de la formation de la Fonction publique et que ces fonctionnaires candidats sont informés, en temps utile, des modalités de l’évaluation professionnelle ;

6. Considérant, d’autre part, que les articles 13 et 13-1 de l’Ordonnance Souveraine du 17 août 1978, dans leur rédaction résultant des articles 9 et 10 de l’ordonnance souveraine attaquée, disposent que les candidats au concours externe sont départagés en fonction de leur mérite établi par ordre de classement par le jury de sélection ; qu’ils précisent, toutefois, que lorsque plusieurs candidats étrangers et candidats monégasques sont à départager, ces derniers ne sont soumis qu’à la vérification des aptitudes requises par l’avis de recrutement ;

7. Considérant, en premier lieu, que les syndicats requérants soutiennent que les articles 2, 3, 9 et 10 de l’ordonnance souveraine attaquée seraient privés de base légale en raison de l’inconstitutionnalité des articles 1er, 3 et 16 de la loi du 7 juillet 2022 ;

8. Considérant, toutefois, tout d’abord, que ni l’article 25 de la Constitution, eu égard à la portée, rappelée au point 2, du principe de priorité des Monégasques pour l’accession aux emplois publics et privés, ni aucune autre disposition de la Constitution ne fait obstacle à ce que le législateur décide de réserver aux nationaux la qualité de fonctionnaire ;

9. Considérant, ensuite, que les dispositions des articles 1er, 3 et 16 de la loi du 7 juillet 2022 n’ont ni pour objet, ni pour effet, compte tenu des caractéristiques démographiques de la Principauté, d’interdire l’accession aux emplois publics des personnes n’ayant pas la nationalité monégasque ; qu’en effet, elles ne ferment pas aux ressortissants étrangers l’accès aux concours de recrutement organisés par l’État  mais ont pour seule conséquence que l’étranger qui réussit un tel concours est recruté en qualité d’agent contractuel et non de fonctionnaire ; qu’en outre, un étranger peut occuper un emploi permanent de l’État en qualité d’agent contractuel lorsqu’aucune personne de nationalité monégasque ne remplit les conditions requises pour l’occuper en qualité de fonctionnaire ; qu’ainsi, le grief tiré de ce que ces dispositions législatives méconnaîtraient la liberté du travail garantie par l’article 25 de la Constitution ne peut qu’être écarté ;

10. Considérant, par ailleurs, qu’eu égard à la nature particulière du lien les unissant à l’État, les Monégasques ne sont pas dans la même situation que les étrangers ; que le grief tiré de ce que les articles 1er, 3 et 16 de la loi du 7 juillet 2022 méconnaîtraient le principe d’égalité entre Monégasques et ressortissants étrangers n’est donc pas fondé ;

11. Considérant, en outre, que la différence de traitement entre les personnes occupant des emplois relatifs à la sécurité et à l’ordre public au sein de la Direction de la Sûreté Publique et ceux occupant d’autres emplois publics est fondée sur un critère objectif résultant de la nature des missions assurées ; qu’elle n’est pas contraire au principe d’égalité ;

12. Considérant, enfin, qu’un étranger occupant un emploi public ne se trouve pas dans la même situation qu’un étranger occupant un emploi privé ; que, par suite, les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que la loi du 7 juillet 2022 méconnaîtrait le principe d’égalité entre ressortissants étrangers travaillant sur le sol monégasque ;

13. Considérant, en second lieu, que les articles 9 et 10 de l’ordonnance souveraine attaquée mettent en œuvre le principe constitutionnel de priorité des Monégasques pour l’accession aux emplois publics sans en méconnaître la portée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient les articles 25 et 32 de la Constitution doit être écarté ;

14. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’UNION DES SYNDICATS DE MONACO et le SYNDICAT DES AGENTS DE L’ÉTAT ET DE LA COMMUNE ne sont pas fondés à demander l’annulation des articles 2, 3, 9 et 10 de l’ordonnance souveraine qu’ils attaquent ;

Décide :

Article Premier.

La requête de l’UNION DES SYNDICATS DE MONACO et du SYNDICAT DES AGENTS DE L’ÉTAT ET DE LA COMMUNE est rejetée.

Art. 2.

Les dépens sont mis à la charge de l’UNION DES SYNDICATS DE MONACO et du SYNDICAT DES AGENTS DE L’ÉTAT ET DE LA COMMUNE.

Art. 3.

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.

Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.

Le Greffier en Chef,

V. Sangiorgio.

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