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TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - Extrait - Audience du 12 juillet 2023 - Lecture du 26 juillet 2023

  • N° journal 8655
  • Date de publication 11/08/2023
  • Qualité 100%
  • N° de page

Recours en annulation pour excès de pouvoir de l’Ordonnance Souveraine n° 9.640 du 23 décembre 2022 portant dispositions générales de caractère statutaire applicables aux agents contractuels de l’État.

En la cause de :

L’UNION DES SYNDICATS DE MONACO, dont le siège est au 28, boulevard Rainier III à Monaco, représentée par son Secrétaire Général en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

et le SYNDICAT DES AGENTS DE L’ÉTAT ET DE LA COMMUNE, dont le siège est au 28, boulevard Rainier III à Monaco, représentée par sa Secrétaire Générale en exercice, domiciliée en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l’étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, Avocat-Défenseur près la Cour d’appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, Avocat au barreau de Nice ;

Contre :

L’État de Monaco, représenté par le Ministre d’État, ayant pour Avocat-Défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation de France ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en assemblée plénière,

…/…

Après en avoir délibéré :

1. Considérant que l’UNION DES SYNDICATS DE MONACO et le SYNDICAT DES AGENTS DE L’ÉTAT ET DE LA COMMUNE demandent, sur le fondement du 1° du B de l’article 90 de la Constitution, l’annulation pour excès de pouvoir de l’Ordonnance Souveraine n° 9.640 du 23 décembre 2022 portant dispositions générales de caractère statutaire applicables aux agents contractuels de l’État ;

Sur l’article 1er de l’ordonnance souveraine attaquée

2. Considérant qu’aux termes de l’article 51 de la Constitution : « Les obligations, droits et garanties fondamentaux des fonctionnaires, ainsi que leur responsabilité civile et pénale, sont fixés par la loi » ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article 3-3 de la loi du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l’État : « Les agents contractuels de l’État sont recrutés et leur contrat peut être renouvelé, dans les conditions déterminées par ordonnance souveraine, sous réserve de la priorité accordée aux personnes de nationalité monégasque » ; que l’article 3-4 de la même loi dispose : « Les dispositions générales applicables aux agents contractuels sont fixées par ordonnance souveraine » ;

4. Considérant qu’en vertu du premier alinéa de l’article 1er de l’ordonnance souveraine attaquée : « Les dispositions de la présente ordonnance s’appliquent aux agents de l’État qui n’ont pas la qualité de fonctionnaire au sens de l’article 2 de la loi n° 975 du 12 juillet 1975, modifiée, susvisée, et qui sont recrutés en qualité d’agents contractuels en application des articles 3-1 à 3-3 de ladite loi, ou pour occuper des emplois non permanents de l’État » ;

5. Considérant que les syndicats requérants soutiennent que l’article 1er de l’ordonnance souveraine attaquée serait contraire à l’article 51 de la Constitution au motif que les dispositions générales régissant les agents contractuels de l’État ne seraient pas prévues par la loi au même titre que le statut des fonctionnaires ; que toutefois, un tel moyen doit être regardé comme dirigé contre les dispositions, citées au point 2, de la loi du 12 juillet 1975 qui ont renvoyé à une ordonnance souveraine le soin de déterminer les dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’État ; que les requérants ne peuvent utilement invoquer à l’encontre de cette loi une méconnaissance de l’article 51 de la Constitution ; qu’au demeurant, ni cette disposition constitutionnelle, ni aucun des droits et libertés garantis par le titre III de la Constitution n’impose que les dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’État soient prévues par la loi ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 51 de la Constitution ne peut qu’être écarté ;

Sur l’article 7 de l’ordonnance souveraine attaquée

6. Considérant qu’en vertu des dispositions du troisième alinéa de l’article 7 de l’ordonnance souveraine attaquée, tout changement d’activité pendant un délai de deux ans à compter de la cessation d’exercice de son emploi est porté par l’agent contractuel concerné à la connaissance de son Administration avant le début de cette nouvelle activité ; qu’une telle obligation s’impose aux agents ayant occupé un emploi dont la nature des fonctions le justifie ; qu’il est renvoyé à un arrêté ministériel le soin de préciser les modalités d’application de ces dispositions ;

7. Considérant que l’obligation d’informer l’Administration de l’activité professionnelle que l’ancien agent contractuel envisage d’exercer est nécessaire à la mise en œuvre du contrôle déontologique prévu par le même article 7 de l’ordonnance souveraine attaquée et justifié par la nature des fonctions exercées au sein de l’État ; qu’elle a pour objectif de prévenir et de lutter contre les conflits d’intérêts ; que les dispositions critiquées sont ainsi justifiées par un motif d’intérêt général ; qu’en imposant une telle obligation déclarative pendant une durée de deux années après la cessation de l’emploi, l’article 7 de l’ordonnance souveraine attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des agents concernés au regard de l’objectif poursuivi ;

Sur l’article 14 de l’ordonnance souveraine attaquée

8. Considérant que le second alinéa de l’article 14 de l’ordonnance souveraine attaquée, prévoit, d’une part, que l’agent contractuel de l’État a accès à son dossier individuel, à l’exception des pièces non consultables dans les conditions définies par arrêté ministériel et, d’autre part, qu’il a droit d’en obtenir communication avant le prononcé d’une sanction disciplinaire ;

9. Considérant, en premier lieu, d’une part, que le droit, énoncé par l’article 14 de l’ordonnance souveraine attaquée, d’obtenir communication des pièces de son dossier comporte, pour l’agent concerné, celui d’en prendre copie ; que, d’autre part, en vertu de l’article 67 de l’ordonnance souveraine attaquée, l’agent contractuel contre lequel est engagé une procédure devant le conseil de discipline est mis en demeure de fournir ses explications et a droit à la consultation de son dossier à la Direction des ressources humaines et de la formation de la Fonction publique ; qu’il s’ensuit que les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’article 14 de l’ordonnance souveraine attaquée ne permettrait pas un exercice effectif des droits de la défense ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que, conformément au principe général du droit de respect des droits de la défense, l’autorité administrative compétente doit faire connaître à l’intéressé les motifs de toute mesure prise en considération de la personne et lui permettre de prendre connaissance des pièces correspondantes de son dossier, de présenter ses observations et, le cas échéant, de se faire assister par un conseil de son choix ; que le respect de ce principe s’impose à l’autorité administrative sans qu’il soit besoin, pour le législateur, d’en rappeler l’existence ; que, par suite et en tout état de cause, les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que faute de prévoir un droit pour l’agent contractuel à la communication des pièces de son dossier à l’occasion du prononcé de toute mesure prise en considération de la personne, l’ordonnance souveraine attaquée méconnaîtrait le principe constitutionnel des droits de la défense ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu’en posant le principe d’une exclusion du droit à communication de certaines pièces du dossier et en renvoyant à un arrêté ministériel le soin de préciser à quelles conditions certaines pièces ou parties de celles-ci ne sont pas consultables par l’agent contractuel concerné, l’ordonnance souveraine attaquée n’a pas, par elle-même, méconnu le principe constitutionnel des droits de la défense ; qu’il appartiendra à l’arrêté ministériel de préciser, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, les critères objectifs de nature à justifier une telle exclusion dans le respect du principe constitutionnel des droits de la défense ;

Sur l’article 19 de l’ordonnance souveraine attaquée

12. Considérant que l’article 19 de l’ordonnance souveraine attaquée prévoit, tout d’abord, que pour l’application des dispositions générales de caractère statutaire applicables aux agents contractuels de l’État, aucune distinction n’est faite entre les deux sexes, sous réserve des mesures exceptionnelles commandées par la nature de l’emploi ; qu’il énonce ensuite un principe de non-discrimination interdisant toute distinction entre les agents contractuels en raison de leur genre, de leurs opinions politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales, de leur orientation sexuelle, de leur état de santé, de leur handicap, de leur apparence physique ou de leur appartenance ethnique ; que le même article autorise que des distinctions soient faites entre fonctionnaires en vue de répondre à des « exigences professionnelles essentielles et déterminantes », notamment afin de tenir compte de la nature de l’emploi ou des conditions de son exercice ;

13. Considérant, en premier lieu, qu’eu égard à leur emplacement au sein du titre de l’ordonnance souveraine attaquée portant dispositions générales, les dispositions de l’article 19 sont applicables tant au recrutement qu’au déroulement de la carrière des agents contractuels de l’État ;

14. Considérant, en deuxième lieu, que le principe d’égalité garanti par l’article 17 de la Constitution implique que les femmes ont vocation à occuper tous les emplois publics dans les mêmes conditions que les hommes, aucune distinction ne pouvant être introduite entre les agents de l’un et de l’autre sexe dans les conditions d’exercice des fonctions correspondant à ces emplois, hormis celles qui sont justifiées soit par les conditions particulières dans lesquelles sont accomplies certaines missions, soit par un motif d’intérêt général ;

15. Considérant qu’en prévoyant que des distinctions entre les deux sexes ne peuvent être faites qu’exceptionnellement et à la condition qu’elles soient commandées par la nature de l’emploi, l’ordonnance souveraine attaquée ne méconnaît pas le principe constitutionnel d’égalité ;

16. Considérant, en troisième lieu, que le principe d’égalité, garanti par l’article 17 de la Constitution, implique également, en matière de fonction publique, qu’il ne soit établi aucune discrimination soit entre les agents contractuels, soit entre les candidats au même emploi, dès lors que les uns et les autres se trouvent dans des situations identiques ;

17. Considérant que le respect du principe constitutionnel d’égalité s’impose à l’Administration sans qu’il soit besoin que toutes ses implications soient explicitées par la loi ou par ordonnance souveraine ; que, par suite, les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir qu’en s’abstenant de mentionner certains motifs de discrimination tels que l’âge, l’état de grossesse, le nom patronymique ou la « prétendue race », l’article 19 de l’ordonnance souveraine attaquée méconnaîtrait l’article 17 de la Constitution ;

18. Considérant, en dernier lieu, que les « exigences professionnelles essentielles et déterminantes » susceptibles de justifier des distinctions doivent être objectivement commandées par la nature ou les conditions d’exercice de l’emploi ; que la différence de traitement en résultant doit être appropriée et nécessaire pour répondre à l’objectif d’intérêt général poursuivi ; que de telles distinctions peuvent être notamment fondées sur un critère d’aptitude physique ou une condition d’âge ; qu’en revanche, contrairement à ce qui est soutenu par les syndicats requérants, l’article 19 de l’ordonnance souveraine attaquée n’autorise pas que des distinctions soient fondées sur des caractéristiques personnelles sans lien avec la nature de l’emploi ou les conditions de son exercice ; que le moyen tiré de ce que cette disposition méconnaîtrait le principe d’égalité et, par voie de conséquence, les autres droits et libertés garantis par le titre III de la Constitution doit, dès lors, être écarté ;

Sur l’article 69 de l’ordonnance souveraine attaquée

19. Considérant que l’article 69 de l’ordonnance souveraine attaquée dispose que l’agent contractuel de l’État qui a fait l’objet d’une sanction disciplinaire, mais qui n’a pas été licencié, peut, après trois années s’il s’agit d’un avertissement ou d’un blâme et cinq années s’il s’agit d’une autre sanction, introduire, par la voie hiérarchique, une demande tendant à ce que toute mention de la sanction prononcée soit effacée de son dossier ; qu’il précise qu’il ne peut toutefois être fait droit à sa demande que si, par son comportement général, l’intéressé a donné toute satisfaction depuis la sanction dont il a fait l’objet ;

20. Considérant que la condition posée par l’article 69 de l’ordonnance souveraine attaquée tient à la manière de servir de l’agent appréciée par l’autorité hiérarchique sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir ; qu’en outre, la disposition critiquée prévoit que le Ministre d’État se prononce sur la demande après avis de la commission de la fonction publique et du chef de service de l’intéressé ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu’en posant cette condition à l’effacement de toute mention au dossier de la sanction, l’article 69 de l’ordonnance souveraine attaquée méconnaîtrait le principe d’égalité et la liberté du travail doit être écarté ;

21. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’UNION DES SYNDICATS DE MONACO et du SYNDICAT DES AGENTS DE L’ÉTAT ET DE LA COMMUNE ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’Ordonnance Souveraine qu’ils attaquent ;

Décide :

Article Premier.

Sous la réserve énoncée au considérant n° 11, la requête de l’UNION DES SYNDICATS DE MONACO et du SYNDICAT DES AGENTS DE L’ÉTAT ET DE LA COMMUNE est rejetée.

Art. 2.

Les dépens sont mis à la charge de l’UNION DES SYNDICATS DE MONACO et du SYNDICAT DES AGENTS DE L’ÉTAT ET DE LA COMMUNE.

Art. 3.

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.

Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.

Le Greffier en Chef,

V. Sangiorgio.

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