TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - EXTRAIT - Audience du 6 juin 2024 - Lecture du 18 juin 2024
Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du 2 mai 2023, rectifiée le 17 mai 2023, du Directeur des Ressources Humaines du Centre Hospitalier Princesse Grace (CHPG) déclarant M-F. B. inapte à son métier d’infirmière.
En la cause de :
M-F. B. ;
Ayant élu domicile en l’étude de Maître Sarah FILIPPI, Avocat-défenseur près la Cour d’appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au Barreau de Nice ;
Contre :
Le Centre Hospitalier Princesse Grace (CHPG), sis 1, avenue Pasteur à Monaco, pris en la personne de son Directeur en exercice ;
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en assemblée plénière,
…/…
Après en avoir délibéré :
1. Considérant que M-F. B. demande au Tribunal Suprême, d’une part, l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 2 mai 2023, rectifiée le 17 mai 2023, par laquelle Madame le Directeur des Ressources Humaines du Centre hospitalier Princesse Grace la déclare « inapte définitif à son métier d’infirmière », d’autre part, à ce qu’il soit enjoint de l’affecter dans un emploi vacant permanent approprié à son état de santé au titre d’un reclassement et de l’accompagner dans le cadre prévu à cet effet faisant suite à l’avis d’inaptitude prononcé par l’Office de la médecine du travail ; en dernière part, la condamnation du Centre Hospitalier Princesse Grace au paiement d’une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
Sur les conclusions à fin d’annulation
2. Considérant qu’aux termes de l’article 2‑1 de la loi n° 637 du 11 janvier 1958 tendant à créer et à organiser la médecine du travail : « Le suivi individuel de l’état de santé dont bénéficie chaque salarié est réalisé par un médecin du travail de l’Office de la médecine du travail. Ce suivi médical comprend : /[…] 3) un examen médical de préreprise du travail réalisé, pendant l’arrêt de travail du salarié, à la demande de ce dernier, de son médecin traitant, du médecin conseil du régime d’assurance maladie dont relève le salarié ou du médecin conseil de l’Assureur-Loi, afin de préconiser, si nécessaire, l’aménagement ou l’adaptation du poste de travail occupé ; / 4) un examen médical de reprise du travail dans les situations déterminées par ordonnance souveraine, afin : /a) de s’assurer du maintien de l’aptitude médicale du salarié au poste de travail occupé ; /b) de préconiser, si nécessaire, l’aménagement ou l’adaptation du poste ; […] / 8) l’établissement, à l’issue de chaque examen médical, d’une fiche de visite contenant, le cas échéant et sans indication des motifs, la déclaration d’aptitude ou d’inaptitude médicale » ;
3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée est fondée sur l’avis du 24 avril 2023 par lequel un médecin du travail de l’Office de la médecine du travail a déclaré M-F. B. « inapte définitif à son poste » ; que, si le 13 avril précédent, le même médecin avait indiqué « Reprise envisageable à compter du 22/04/2023 », il n’avait pas pour autant, conformément aux prescriptions de l’article 2‑1 de la loi du 11 janvier 1958 précitée, donné un avis d’aptitude ; que le Directeur des ressources humaines du Centre Hospitalier Princesse Grace a pu ainsi se fonder sur le seul avis d’inaptitude médicale du 24 avril 2023 ;
4. Considérant cependant qu’en déclarant M-F. B., d’une manière générale, « inapte définitif à son métier d’infirmière » alors que la médecine du travail s’est bornée à la déclarer « inapte définitif à son poste », celui d’infirmière en réanimation, le Directeur des ressources humaines du Centre Hospitalier Princesse Grace a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation ;
5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M-F. B. est fondée à demander l’annulation de la décision qu’elle attaque ;
Sur les conclusions à fin d’injonction
6. Considérant que M-F. B. demande à ce qu’il soit enjoint de l’affecter dans un emploi vacant permanent approprié à son état de santé au titre d’un reclassement et de l’accompagner dans le cadre prévu à cet effet faisant suite à l’avis d’inaptitude prononcé par l’Office de la médecine du travail ;
7. Considérant qu’il n’appartient pas au Tribunal Suprême d’adresser des injonctions à l’administration ; que, dès lors, les conclusions à fin d’injonction présentées par M-F. B. sont irrecevables ;
Sur les conclusions à fin d’indemnisation
8. Considérant que, en application du 1° du B de l’article 90 de la Constitution, M-F. B. est fondée à obtenir les indemnités qui résultent de l’annulation de la décision attaquée ;
9. Considérant qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M-F. B. du fait de la décision annulée en condamnant le Centre Hospitalier Princesse Grace à lui verser une indemnité de 5.000 euros ;
Décide :
Article Premier.
La décision du 2 mai 2023, rectifiée le 17 mai 2023, du Directeur des Ressources Humaines du Centre Hospitalier Princesse Grace est annulée.
Art. 2.
Le Centre Hospitalier Princesse Grace est condamné à verser à M-F. B. la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice moral.
Art. 3.
Les dépens sont mis à la charge du Centre Hospitalier Princesse Grace.
Art. 4.
Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Art. 5.
Expédition de la présente décision sera transmise au Centre Hospitalier Princesse Grace.
Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.
Le Greffier en Chef,
N. Vallauri.