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TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - Extrait - Audience du 11 juillet 2023 - Lecture du 26 juillet 2023

  • N° journal 8655
  • Date de publication 11/08/2023
  • Qualité 100%
  • N° de page

Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du 10 mai 2022 du Conseiller de Gouvernement-Ministre de l’Intérieur refusant d’autoriser la FONDATION HECTOR OTTO à vendre un bien immobilier dont elle est propriétaire.

En la cause de :

La FONDATION HECTOR OTTO, dont le siège est 12, rue Princesse Florestine à Monaco, représentée par le président de son Conseil d’administration, domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l’étude de Maître Régis BERGONZI, Avocat-Défenseur près la Cour d’appel de Monaco, et plaidant par ledit Avocat-Défenseur ;

Contre :

L’État de Monaco, représenté par le Ministre d’État, ayant pour Avocat-Défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation de France ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en assemblée plénière,

…/…

Après en avoir délibéré :

1. Considérant que la FONDATION HECTOR OTTO, œuvre de bienfaisance perpétuelle, demande au Tribunal Suprême l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 10 mai 2022 par laquelle le Conseiller de Gouvernement-Ministre de l’Intérieur, après avis défavorable du Conseil d’État, a refusé de l’autoriser à vendre un bien immobilier de deux pièces dont elle est propriétaire au neuvième étage de l’immeuble « Casabianca », 17, boulevard du Larvotto à Monaco, à M. J. S. au prix de 3.670.000 euros ;

2. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 12 de la loi du 29 janvier 1922 sur les fondations : « Les fondations autorisées jouissent, à dater de cette publication, de la personnalité civile et de la capacité juridique prévue par la présente loi » ; que l’article 13 de la même loi précise que « les fondations sont administrés  conformément aux dispositions des actes qui les ont constituées et de leurs statuts approuvés, sous la surveillance d’une commission (…) » ; qu’en vertu de l’article 14 de la même loi, la Commission de surveillance, sous le contrôle du Ministre d’État, a notamment pour mission de « veiller à ce que les intentions des fondateurs soient exécutées et que les revenus des fonds affectés à la fondation soient employés conformément à leur destination » et « de contrôler l’observation des prescriptions de la présente loi » ; que l’article 19 de la même loi dispose que : « Les administrateurs peuvent, sans aucune autorisation, procéder à l’acquisition des immeubles nécessaires à la mise en œuvre et au fonctionnement de la fondation. / Ils ne peuvent acquérir d’autres immeubles sans y avoir été spécialement et préalablement autorisés par ordonnance souveraine, après avis de la commission de surveillance et délibération du Conseil d’État. / Ils ne peuvent sans y avoir été autorisés dans les mêmes conditions, aliéner ou hypothéquer les biens composant la dotation initiale de la fondation ou ayant fait l’objet de libéralités postérieures à son profit » ;

3. Considérant, d’une part, que si la décision attaquée mentionne que l’avis de la Commission de surveillance des fondations a été sollicité, le Ministre d’État n’a entendu produire devant le Tribunal Suprême ni l’avis de la Commission de surveillance se prononçant sur la demande de la fondation requérante, dont il indique au demeurant qu’il était favorable, ni même le procès-verbal de la réunion au cours de laquelle la Commission a examiné cette demande ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée a été prise au terme d’une procédure irrégulière, faute d’avis rendu par la Commission de surveillance conformément à l’article 19 de la loi du 29 janvier 1922, doit être regardé comme fondé ;

4. Considérant, d’autre part, que la décision attaquée, qui s’est approprié les motifs de l’avis défavorable du Conseil d’État, mentionne une analyse comparative avec d’autres ventes intervenues au sein du même immeuble depuis 2018, faisant apparaître une valorisation potentielle de l’appartement de 4.150.000 euros à laquelle une décote de 200.000 euros devrait être appliquée en raison d’importants travaux à réaliser ; qu’il en a été déduit que le prix envisagé entrainerait un appauvrissement de la fondation, du fait d’une sous-évaluation significative ; que, toutefois, alors que la fondation requérante contestait une telle appréciation, le Ministre d’État n’a pas entendu produire devant le Tribunal Suprême l’analyse comparative sur laquelle sont fondés l’avis défavorable du Conseil d’État et la décision attaquée ; qu’ainsi, il n’établit pas que le prix de vente envisagé caractériserait une sous‑évaluation significative de la valeur de l’appartement de nature à justifier un rejet de la demande d’autorisation ;

5. Considérant, en revanche, qu’il ressort des pièces du dossier que, préalablement à l’acceptation de l’offre d’achat de l’appartement par le Conseil d’administration de la FONDATION HECTOR OTTO, ce bien a été évalué par une agence immobilière monégasque à 3.604.500 euros ; que la fondation requérante a demandé à deux autres agences immobilières monégasques et à un expert près la cour d’appel d’Aix-en-Provence d’évaluer la valeur vénale de l’appartement ; que celle‑ci a été estimée respectivement à 3.250.000 euros, entre 3.350.000 et 3.450.000 euros, et à 3.650.000 euros ; que si le Ministre d’État affirme, dans sa contre-requête, que les deux avis de valeur ont été produits sans que les agences immobilières aient été informées de la surface réelle de l’appartement, il ressort des pièces du dossier que ces avis mentionnent, de manière concordante avec le rapport d’expertise, la surface de l’appartement ; que les trois évaluations ont été réalisées en tenant compte des ventes récemment réalisées pour des biens du même type dans le même immeuble et dans le même quartier ou dans des quartiers comparables ainsi que de la situation du marché immobilier en Principauté de Monaco ; que ces évaluations sont également fondées sur une prise en compte détaillée des caractéristiques favorables et défavorables de l’appartement en cause ; que le rapport d’expertise comporte, par ailleurs, de nombreuses photos de l’immeuble et de l’appartement ; que le prix de vente de l’appartement, fixé à 3.670.000 euros, est supérieur à l’ensemble des évaluations ainsi réalisées ;

6. Considérant, en outre, que si la décision attaquée indique qu’aucune nécessité urgente de liquidités n’a été démontrée, ni même alléguée, la demande de la fondation requérante adressée à S.A.S. le Prince Souverain le 19 octobre 2021 précisait que l’offre d’achat de l’appartement constituait une opportunité digne d’intérêt dès lors qu’elle était en train de réaliser la construction d’un EHPAD et avait besoin à ce titre de disposer de fonds ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la décision attaquée doit être regardée comme n’étant pas légalement justifiée ;

8. Considérant qu’en conséquence et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, la FONDATION HECTOR OTTO est fondée à demander l’annulation de la décision qu’elle attaque ;

Décide :

Article Premier.

La décision du 10 mai 2022 du Conseiller de Gouvernement-Ministre de l’Intérieur est annulée.

Art. 2.

Les dépens sont mis à la charge de l’État.

Art. 3.

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.

Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.

Le Greffier en Chef,

V. Sangiorgio.

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