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TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - EXTRAIT - Audience du 18 novembre 2021 - Lecture du 2 décembre 2021

  • N° journal 8569
  • Date de publication 17/12/2021
  • Qualité 100%
  • N° de page

Recours en annulation de la loi n° 1.471 du 2 juillet 2019 portant modification de la loi n° 822 du 23 juin 1967 sur le repos hebdomadaire.

 

En la cause de :

 

L’UNION DES SYNDICATS DE MONACO, dont le siège est au 28, boulevard Rainier III, à Monaco, représentée par son Secrétaire Général en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l’étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, Avocat-défenseur près la Cour d’appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, Avocat au barreau de Nice ;

 

Contre :

 

L’État de Monaco, représenté par le Ministre d’État, ayant pour Avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation de France ;

 

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en assemblée plénière,

…/…

Après en avoir délibéré :

1. Considérant que l’UNION DES SYNDICATS DE MONACO demande, sur le fondement du A de l’article 90 de la Constitution, l’annulation de la loi du 2 juillet 2019 prévoyant que les établissements de commerce de détail bénéficient d’une dérogation de plein droit au principe, prévu par la loi du 23 juin 1967, du repos hebdomadaire des salariés le dimanche ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale

2. Considérant que l’article 22 de la Constitution dispose : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale et au secret de sa correspondance » ;

3. Considérant que l’article 1er de la loi attaquée ajoute des articles 3-1 à 3-9 à la loi du 23 juin 1967 sur le repos hebdomadaire ; que ces nouvelles dispositions prévoient que les établissements de commerce de détail peuvent déroger au principe du repos dominical en attribuant, dans la limite de trente dimanches par an et par salarié, le repos hebdomadaire un autre jour que le dimanche à l’ensemble des salariés ou, par roulement, à l’ensemble ou à une partie des salariés ; que les établissements de commerce de détail sont définis comme les commerces qui effectuent, à titre principal, la vente de marchandises ou de biens, neufs ou d’occasion, à des consommateurs, activité recouvrant également la livraison ou l’installation des marchandises ou biens chez le client ;

4. Considérant que les mêmes dispositions précisent, en outre, que les employeurs concernés ne peuvent bénéficier de cette dérogation ou envisager des modifications des modalités de son exécution qu’après en avoir informé les salariés, l’Inspecteur du Travail et, s’ils ont été désignés, les délégués du personnel ; qu’en vertu des articles 3-3, 3-4 et 3-5 de la loi du 23 juin 1967 issus de la loi attaquée, ne peuvent travailler le dimanche que les salariés volontaires, ayant préalablement et formellement manifestés par écrit leur accord, qu’ils ont la faculté de résilier à tout moment, toute modification des conditions d’exécution du travail dominical accepté ne pouvant intervenir que d’un commun accord entre employeur et salarié ; que l’article 3-7 de la même loi interdit que le salarié qui refuse ou décide de cesser de travailler le dimanche puisse encourir de ce fait une sanction disciplinaire ou faire l’objet de mesure de nature à affecter défavorablement ses conditions de travail ou le déroulement de sa carrière, comme il est exclu qu’un employeur puisse prendre en considération le refus de travailler le dimanche pour refuser d’embaucher une personne ; qu’il prévoit que toute sanction ou toute mesure méconnaissant ces dispositions est nulle ;

5. Considérant qu’enfin, l’article 3-7 de la loi du 23 juin 1967 issu de la loi attaquée prévoit que, outre le repos hebdomadaire, le salarié qui travaille le dimanche perçoit, à titre de compensation pour ce jour de travail, une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée de travail équivalente ou bénéficie, dans le mois qui suit le dimanche travaillé, d’un repos compensateur d’une journée par dimanche travaillé ; qu’il peut décider de prendre son repos compensateur dans un délai d’un an à compter du dimanche travaillé, les modalités d’attribution de ces compensations étant fixées d’un commun accord entre l’employeur et le salarié ;

6. Considérant, d’une part, qu’en adoptant la loi attaquée, le législateur, prenant en compte l’évolution des modes de consommation comme le développement de la concurrence du commerce électronique, ainsi que l’ouverture le dimanche des commerces des pays voisins, a entendu, en élargissant les dérogations au principe du repos dominical, permettre aux établissements de commerce de détail de la Principauté de lutter contre la concurrence et développer l’attractivité économique de Monaco ; qu’il a ainsi poursuivi un but d’intérêt général ;

7. Considérant, d’autre part, qu’il résulte des dispositions attaquées que le repos donné le dimanche demeure un droit pour le salarié ; que les dérogations au principe du repos dominical au bénéfice des établissements de commerce de détail ne sont applicables qu’aux seuls salariés volontaires de ces établissements, lesquels peuvent à tout moment revenir sur leur décision et ne peuvent faire l’objet d’une sanction ou de toute autre mesure défavorable pour avoir refusé ou cessé de travailler le dimanche ; que les dérogations sont limitées à trente dimanches par an et par salarié ; que le repos hebdomadaire est différé à un autre jour de la semaine ; qu’enfin, la loi ouvre aux salariés concernés le bénéfice d’une journée de repos par dimanche travaillé en lieu et place de la compensation salariale également prévue ;

8. Considérant que les dispositions de la loi attaquée, en permettant aux salariés de concilier vie professionnelle et vie familiale, ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité

9. Considérant qu’aux termes de l’article 17 de la Constitution : « les Monégasques sont égaux devant la loi. Il n’y a point entre eux de privilèges » ; que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que soient réglées de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il soit dérogé à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme dans l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la norme qui l’établit ;

10. Considérant, d’une part, que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité entre salariés n’est pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ;

11. Considérant, d’autre part, que l’article 3-9 de la loi du 23 juin 1967 issu de la loi attaquée prévoit que tout employeur d’un établissement de commerce de détail, occupant habituellement moins de dix salariés, ayant mis en œuvre la dérogation prévue aux articles précédents, peut obtenir, de la part de l’État, s’il réalise un chiffre d’affaire annuel total inférieur à un montant fixé par arrêté ministériel, qui ne peut être inférieur à un million deux cent mille euros, le remboursement des cotisations qu’il verse pour son salarié, pour les dimanches travaillés en application de ladite dérogation, dans la limite des compensations fixées ; qu’en prévoyant un remboursement des charges patronales aux établissements de commerces de détail n’ayant pas plus de dix salariés et réalisant un chiffre d’affaires inférieur à un montant d’au moins un million deux cent mille euros, le législateur a pris en compte le coût, pour les petits et moyens commerces de détail, des compensations salariales prévues par la loi et entendu assurer un accompagnement financier de ces structures dans la mise en œuvre de la dérogation nouvelle ; que la différence de traitement qui en résulte est en rapport avec l’objet de la loi rappelé au point 6 ;

12. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité garanti par l’article 17 de la Constitution doit être écarté ;

Sur les autres moyens de la requête

13. Considérant qu’en vertu des dispositions du 2° du A de l’article 90 de la Constitution, le Tribunal Suprême n’est compétent pour statuer sur les recours en annulation en matière constitutionnelle que s’ils ont pour objet une atteinte aux droits et libertés consacrés par le titre III de la Constitution ; que, dès lors, il n’appartient pas au Tribunal Suprême d’apprécier la conformité des lois aux conventions internationales auxquelles la Principauté de Monaco est partie ;

14. Considérant que l’UNION DES SYNDICATS DE MONACO ne peut ainsi utilement se prévaloir, pour demander l’annulation de la loi attaquée, de ce qu’elle méconnaîtrait l’article 9 de la Constitution, qui n’est pas au nombre des droits et libertés consacrés par le titre III de la Constitution, l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la loi du 23 juin 1967 ;

15. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requête de l’UNION DES SYNDICATS DE MONACO doit être rejetée ;

 

Décide :

 

Article Premier.

 

La requête de l’UNION DES SYNDICATS DE MONACO est rejetée.

 

Art. 2.

 

Les dépens sont mis à la charge de l’UNION DES SYNDICATS DE MONACO.

 

Art. 3.

 

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.

Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.

 

Le Greffier en Chef,

V. Sangiorgio.

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