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TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - EXTRAIT - Audience du 17 novembre 2021 - Lecture du 2 décembre 2021

  • N° journal 8569
  • Date de publication 17/12/2021
  • Qualité 100%
  • N° de page

1°/ Recours en annulation pour excès de pouvoir des articles 1er et 2 de l’Ordonnance Souveraine n° 8.634 du 29 avril 2021 portant modification de l’Ordonnance Souveraine n° 2.318 du 3 août 2009, modifiée, fixant les conditions d’application de la loi n° 1.362 du 3 août 2009, modifiée, relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption.

2°/ Recours en annulation pour excès de pouvoir de l’article 2 de l’Ordonnance Souveraine n° 8.634 du 29 avril 2021 portant modification de l’Ordonnance Souveraine n° 2.318 du 3 août 2009, modifiée, fixant les conditions d’application de la loi n° 1.362 du 3 août 2009, modifiée, relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption.

 

En la cause de :

 

1°/ La CHAMBRE MONÉGASQUE DE L’HORLOGERIE ET DE LA JOAILLERIE, dont le siège social est sis à Le Coronado, 20, avenue de Fontvieille, à Monaco, représentée par son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

et la FÉDÉRATION DES ENTREPRISES MONÉGASQUES (FEDEM), dont le siège social est sis à Le Coronado, 20, avenue de Fontvieille, à Monaco, représentée par son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l’étude de M. le Bâtonnier Thomas GIACCARDI, Avocat-défenseur près la Cour d’appel de Monaco et plaidant par ledit Avocat-défenseur ;

2°/ L’UNION DES COMMERCANTS ET ARTISANS DE MONACO (UCAM), dont le siège est sis à Le Soleil d’Or, 20, boulevard Rainier III, à Monaco, représentée par son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

et la FÉDÉRATION DES ENTREPRISES MONÉGASQUES (FEDEM), dont le siège social est sis à Le Coronado, 20, avenue de Fontvieille, à Monaco, représentée par son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l’étude de M. le Bâtonnier Thomas GIACCARDI, Avocat-défenseur près la Cour d’appel de Monaco et plaidant par ledit Avocat-défenseur ;

 

Contre :

 

L’État de Monaco représenté par le Ministre d’État, ayant pour Avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation de France ;

 

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en assemblée plénière,

…/…

Après en avoir délibéré :

1. Considérant que les requêtes n° 2021-18 et n° 2021-19 sont dirigées contre les dispositions de la même ordonnance souveraine ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par une même décision ;

2. Considérant que si le Ministre d’État allègue, dans sa contre-requête, que la CHAMBRE MONÉGASQUE DE L’HORLOGERIE ET DE LA JOAILLERIE ne justifierait pas d’un intérêt à demander l’annulation de l’article 2 de l’Ordonnance Souveraine attaquée, il n’oppose pas une fin  de non-recevoir aux conclusions de la requête n° 2021-18 tendant à l’annulation de cette disposition et, en tout état de cause, ne soutient pas que la FÉDÉRATION DES ENTREPRISES MONÉGASQUES ne disposerait pas non plus d’un intérêt à en demander l’annulation ;

3. Considérant, d’une part, qu’aux termes du paragraphe 6 de l’article 11 de l’accord monétaire conclu le 29 novembre 2011 entre l’Union européenne et la Principauté de Monaco et rendu exécutoire par l’Ordonnance Souveraine n° 3.559 du 5 décembre 2011, « la Principauté de Monaco prend des mesures d’effets équivalents aux directives de l’Union européenne figurant en annexe B relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux conformément aux recommandations du groupe d’action financière internationale contre le blanchiment des capitaux (GAFI) » ; que, d’autre part, eu égard à l’intérêt général qui s’attache en Principauté de Monaco à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption, il est loisible aux autorités publiques de prendre toute autre mesure destinée à assurer l’effectivité de la défense de l’ordre public financier et de la protection de la sûreté publique ; que, dans tous les cas, les obligations auxquelles sont soumises les personnes assujetties doivent être proportionnées aux risques présentés par les activités en cause et compatibles avec le respect des droits fondamentaux garantis par le titre III de la Constitution ;

Sur l’article 1er de l’ordonnance souveraine attaquée

4. Considérant que l’article 1er de la loi n° 1.362 du 3 août 2009 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption, dans sa rédaction résultant en dernier lieu de la loi n° 1.503 du 23 décembre 2020 renforçant le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption, énumère les catégories de personnes et d’organismes soumis aux obligations que cette loi définit ; qu’aux termes de cet article, entrent dans le champ d’application de la loi : « (…) 15°) les commerçants et personnes, négociant des biens, uniquement dans la mesure où la valeur de la transaction ou d’une série de transactions liées est réglée en espèces pour un montant égal ou supérieur à un montant fixé par ordonnance souveraine ; / 16°) les commerçants et personnes qui négocient ou agissent en qualité d’intermédiaires dans le commerce des œuvres d’art, y compris lorsque celui-ci est réalisé par des galeries d’art et des maisons de vente aux enchères, uniquement lorsque la valeur de la transaction ou d’une série de transactions liées est d’un montant égal ou supérieur à un montant fixé par ordonnance souveraine ; / 17°) les personnes qui entreposent ou négocient des œuvres d’art ou agissent en qualité d’intermédiaires dans le commerce des œuvres d’art quand celui-ci est réalisé dans des ports francs, lorsque la valeur de la transaction ou d’une série de transactions liées est d’un montant égal ou supérieur à un montant fixé par ordonnance souveraine. / (…) / 26°) Les personnes non mentionnées aux chiffres précédents et à l’article 2 qui, à titre professionnel, réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux, uniquement pour lesdites opérations. / (…) » ; que l’article 83 de la même loi dispose : « Les conditions et modalités d’application de la présente loi sont fixées et précisées par ordonnance souveraine » ;

5. Considérant que l’Ordonnance Souveraine n° 2.318 du 3 août 2009 précise les conditions d’application de la loi du 3 août 2009 ; qu’elle a, en application de l’article 68 de la Constitution, le caractère d’une ordonnance souveraine prise pour l’exécution d’une loi, ainsi, au demeurant, que le fait valoir le Ministre d’État ; que l’article 1er de l’Ordonnance Souveraine du 29 avril 2021 ajoute à l’article 1er de l’Ordonnance Souveraine du 3 août 2009 un 26° ainsi rédigé : « les personnes visées au chiffre 26°) de la loi n° 1.362 du 3 août 2009, modifiée, susvisée : notamment les commerçants et personnes organisant la vente, la location de biens suivants : antiquités, matériaux précieux, pierres précieuses, métaux précieux, bijoux, horlogerie, maroquinerie, véhicules terrestres, aériens ou maritimes et autres objets de grande valeur » ;

6. Considérant qu’il résulte de la généralité des termes du 15° de l’article 1er de la loi du 3 août 2009, dans sa rédaction résultant de la loi du 23 décembre 2020, que les commerçants et personnes organisant la vente ou la location d’antiquités, de matériaux précieux, pierres précieuses, métaux précieux, bijoux, horlogerie, maroquinerie, véhicules terrestres, aériens ou maritimes ou d’autres objets de grande valeur sont régis par cette disposition ; qu’en prévoyant que ces commerçants et personnes relèvent du 26° de l’article 1er de la loi du 3 août 2009, l’article 1er de l’Ordonnance Souveraine du 19 avril 2021 a méconnu la portée de cette disposition législative ;

Sur l’article 2 de l’ordonnance souveraine attaquée

7. Considérant que l’article 2 de l’Ordonnance Souveraine du 29 avril 2021 insère dans l’Ordonnance Souveraine du 3 août 2009 un article 1-1 ainsi rédigé : « Les commerçants et personnes visés au chiffre 15°) de l’article premier de la loi n° 1.362 du 3 août 2009, modifiée, susvisée, déclarent au Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers, dans des conditions fixées par arrêté ministériel, les transactions ou séries de transactions liées, réglées en espèces, dont le montant est égal ou supérieur au montant fixé au deuxième alinéa de l’article 64 » ; que cette dernière disposition fixe ledit montant à 10.000 euros ;

8. Considérant que la loi du 3 août 2009 définit l’ensemble des obligations, en particulier de déclaration et d’information, mises à la charge des personnes entrant dans son champ d’application et destinées à lutter contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption ; qu’en imposant à certaines de ces personnes une obligation déclarative non prévue par la loi, l’article 2 de l’ordonnance souveraine attaquée ne se borne pas à préciser les conditions et modalités d’application de cette loi ; qu’il est, dès lors, entaché d’incompétence ;

9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes, les requérantes sont fondées à demander l’annulation des articles 1er et 2 de l’Ordonnance Souveraine n° 8.634 du 29 avril 2021 ;

 

Décide :

 

Article Premier.

 

Les requêtes n° 2021-18 et n° 2021-19 sont jointes.

 

Art. 2.

 

Les articles 1er et 2 de l’Ordonnance Souveraine n° 8.634 du 29 avril 2021 sont annulés.

 

Art. 3.

 

Les dépens sont mis à la charge de l’État.

Art. 4.

 

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.

Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.

Le Greffier en Chef,

V. Sangiorgio.

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