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TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - EXTRAIT - Audience du 17 novembre 2021 - Lecture du 2 décembre 2021

  • N° journal 8569
  • Date de publication 17/12/2021
  • Qualité 100%
  • N° de page

Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du 19 février 2020 du Directeur de la Sûreté Publique refusant de délivrer à M. A-G. V. une première carte de séjour de résident.

 

En la cause de :

 

M. A-G. V. ;

Ayant élu domicile en l’Étude de Maître Yann LAJOUX, Avocat-défenseur près la Cour d’appel de Monaco et plaidant par ledit Avocat-défenseur ;

 

Contre :

 

L’État de Monaco, représenté par le Ministre d’État, ayant pour Avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation de France ;

 

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en assemblée plénière,

…/…

Après en avoir délibéré :

1. Considérant que M. A-G. V., ressortissant italien, demande au Tribunal Suprême d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 février 2020 par laquelle le Directeur de la Sûreté Publique a refusé de lui délivrer une première carte de séjour de résident et, au besoin, d’inviter l’État à produire tous les éléments justifiant sa décision ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 1er de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs : « Doivent être motivées à peine de nullité les décisions administratives à caractère individuel qui : 1° - restreignent l’exercice des libertés publiques ou constituent une mesure de police ; /(…) / 3° - refusent une autorisation ou un agrément ; / (…) » ; que l’article 6 de la même loi prévoit que « par dérogation aux dispositions du chiffre 3° de l’article premier, le refus d’établissement d’une personne physique sur le territoire de la Principauté n’est pas soumis à l’obligation de motivation » ; qu’il résulte de ces dispositions que la décision attaquée, refusant une première demande de carte de séjour de résident, n’avait pas à être motivée ; que M. V. n’est dès lors pas fondé à soutenir que cette décision, faute d’être motivée, serait illégale ;

3. Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 20 de l’Ordonnance Souveraine n° 4.524 du 30 octobre 2013 instituant un Haut Commissariat à la protection des droits, des libertés et à la médiation : « Le Haut Commissaire examine les pièces du dossier et sollicite des services compétents tout document ou information ou assistance nécessaire à l’accomplissement de sa mission » ; qu’aux termes de son article 22 : « Le caractère secret ou confidentiel des informations dont le Haut Commissaire demande communication ne peut lui être opposé que pour un motif dûment justifié tenant : / (…) / c) à la sûreté de l’État ou à la sécurité des personnes ou des biens ; / (…) / Le refus motivé de communication d’une information ou d’un document demandé par le Haut Commissaire lui est notifié par l’autorité ou le directeur de l’établissement public concerné. /Ladite autorité ou ledit directeur peut également communiquer l’information ou le document demandé en sollicitant du Haut Commissaire que pour des motifs de confidentialité, il n’en donne pas connaissance à la personne qui l’a saisi ou à des tiers. / Les informations dont le secret est protégé par la loi ne peuvent être communiquées au Haut Commissaire qu’à la demande ou avec le consentement exprès de la personne physique ou morale concernée ou celui de son représentant légal dans le cas de mineurs ou de majeurs incapables » ;

4. Considérant que la légalité d’une décision administrative s’apprécie à la date de son édiction ; que la circonstance que, dans le cadre de la procédure de médiation engagée par Mme le Haut Commissaire à la protection des droits, des libertés et à la médiation à la demande de M. V. postérieurement à la décision attaquée, le Directeur de la Sûreté Publique aurait méconnu les dispositions précitées de l’Ordonnance Souveraine du 30 octobre 2013 est sans incidence sur la légalité de cette décision ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée

5. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 6 de l’Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964, modifiée, relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers dans la Principauté : « L’étranger qui sollicite, pour la première fois, une carte de séjour de résident doit présenter, à l’appui de sa requête : / – soit un permis de travail, ou un récépissé en tenant lieu, délivré par les services compétents ; / – soit les pièces justificatives de moyens suffisants d’existence, s’il n’entend exercer aucune profession. / La durée de validité de la carte de résident temporaire ne peut dépasser la durée de validité des documents et visas exigés pour entrer et séjourner dans la Principauté. / La carte de résident temporaire ne peut être renouvelée que si l’étranger satisfait aux conditions prévues aux alinéas ci-dessus. / Elle peut lui être retirée à tout moment, s’il est établi qu’il cesse de remplir ces mêmes conditions ou si les autorités compétentes le jugent nécessaires » ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que l’Administration aurait, sans édicter aucune condition nouvelle, déterminé des critères permettant la mise en œuvre de cette disposition, sous réserve de l’appréciation particulière de la situation de chaque demandeur ;

6. Considérant qu’il résulte des écritures du Ministre d’État que la décision de refus de délivrance à M. V. d’une première carte de séjour de résident est fondée sur la circonstance qu’il n’a pas fourni l’attestation délivrée par un établissement bancaire monégasque requise pour justifier de moyens suffisants d’existence ; qu’ainsi, sans qu’il soit besoin de prescrire une mesure d’instruction, le moyen, soulevé par M. V., tiré de ce que la décision attaquée serait dépourvue de fondement en l’absence de risque de trouble à l’ordre public ne peut qu’être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; (…) / 3. Tout accusé a droit notamment à : / a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; / (…) » ; que ces stipulations ne concernent pas les décisions de police administrative ; que, par suite, le refus de délivrer une première carte de séjour de résident, ayant le caractère d’une mesure de police, n’entre pas dans le champ d’application de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 1er du septième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1 – Un étranger résidant régulièrement sur le territoire d’un  État ne peut en être expulsé qu’en exécution d’une décision prise conformément à la loi et doit pouvoir : a) faire valoir les raisons qui militent contre son expulsion, b) faire examiner son cas, et c) se faire représenter à ces fins devant l’autorité compétente ou une ou plusieurs personnes désignées par cette autorité. / 2. Un étranger peut être expulsé avant l’exercice des droits énumérés au paragraphe 1. a, b et c de cet article lorsque cette expulsion est nécessaire dans l’intérêt de l’ordre public ou est basée sur des motifs de sécurité nationale » ; que ces stipulations concernent les étrangers résidant régulièrement sur un territoire ; qu’elles ne s’appliquent pas à M. V., qui ne dispose pas d’un titre de séjour ; qu’ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant ;

9. Considérant, en dernier lieu, qu’aux termes de l’article 2 du quatrième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1 – Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence. / 2. Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien. / 3. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l’ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. / 4. Les droits reconnus au paragraphe 1 peuvent également, dans certaines zones déterminées, faire l’objet de restrictions qui, prévues par la loi, sont justifiées par l’intérêt public dans une société démocratique » ; que ces stipulations, qui protègent la liberté de circulation sur le territoire des États, ne s’appliquent qu’aux personnes qui y résident régulièrement ; qu’ainsi, elles n’ont pu être violées à l’occasion du refus de première carte de séjour de résident ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut dès lors qu’être écarté ;

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’eu égard aux moyens soulevés dans la requête de M. V., celle-ci doit être rejetée ;

 

Décide :

 

Article Premier.

 

La requête de M. A-G. V. est rejetée.

 

Art. 2.

 

Les dépens sont mis à la charge de M. V..

Art. 3.

 

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.

Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.

 

Le Greffier en Chef,

V. Sangiorgio.

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