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EXTRAIT - TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco Audience du 20 novembre 2015 - Lecture du 3 décembre 2015

  • N° journal 8256
  • Date de publication 18/12/2015
  • Qualité 98.17%
  • N° de page 3058
1°) Recours en annulation de la décision en date du 9 juillet 2014 par laquelle le Ministre d’Etat a fait connaître la décision de l’Etat de Monaco de préempter l’appartement et la cave sis « Villa Béatrice » au 14, avenue Hector Otto à Monaco, et de la décision de rejet née le 24 novembre 2014 en l’absence de réponse au recours gracieux formé le 24 juillet 2014 contre elle.
En la cause de :
La SAM MICHEL PASTOR GROUP,
Ayant élu domicile en l’étude de Maître Thomas GIACCARDI, Avocat-défenseur près la Cour d’Appel de Monaco, et plaidant par ledit Avocat-défenseur.
Contre :
L’Etat de Monaco, ayant pour avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation de France.
2°) Recours en annulation de la décision en date du 9 juillet 2014 par laquelle le Ministre d’Etat a fait connaître la décision de l’Etat de Monaco de préempter l’appartement et la cave sis « Villa Béatrice » au 14, avenue Hector Otto à Monaco, et de la décision de rejet née le 24 novembre 2014 en l’absence de réponse au recours gracieux formé le 24 juillet 2014 contre elle.
En la cause de :
La SCI BLEUE,
Ayant élu domicile en l’étude de Maître Thomas GIACCARDI, Avocat-défenseur près la Cour d’Appel de Monaco, et plaidant par ledit Avocat-défenseur.
Contre :
L’Etat de Monaco, ayant pour Avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation de France.
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en assemblée plénière
Après en avoir délibéré ;
Considérant que les sociétés SAM MICHEL PASTOR GROUP et SCI BLEUE demandent l’annulation de la décision en date du 9 juillet 2014 par laquelle le Ministre d’Etat s’est porté acquéreur d’un appartement et d’une cave situés dans l’immeuble « Villa Béatrice » au 14, de l’avenue Hector Otto à Monaco, et de celle du 24 novembre 2014 de rejet implicite du recours gracieux ;
Sur la légalité externe des décisions attaquées :
Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs : « Doivent être motivées à peine de nullité les décisions administratives à caractère individuel qui : 1° - restreignent l’exercice des libertés publiques ou constituent une mesure de police ; 2° - infligent une sanction ; 3° - refusent une autorisation ou un agrément ; 4° - subordonnent l’octroi d’une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; 5° - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; 6° - opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; 7° - refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir ; 8° - accordent une dérogation, conformément à des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur » ; que l’acte par lequel le Ministre d’Etat décide d’exercer le droit de préemption institué au profit de l’Etat par l’article 38 de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000, modifiée, relative aux conditions de location de certains locaux à usage d’habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947, impose des sujétions aux personnes physiques ou morales directement concernées au sens de l’article 1er de la loi susvisée du 29 juin 2006 ; que, dès lors, il est au nombre des décisions qui, en l’absence de dispositions législatives particulières donnant un autre fondement à l’obligation de motivation, doivent être motivées en vertu des dispositions précitées de l’article 1er de la loi du 29 juin 2006 ; que cette motivation doit, aux termes de l’article 2 de la même loi, être « écrite et comporter, dans le corps de la décision, l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent son fondement » ;
Considérant que la décision du 9 juillet 2014 par laquelle le Ministre d’Etat a décidé d’exercer le droit de préemption de l’Etat de Monaco sur l’immeuble litigieux mentionne, après en avoir décrit la consistance, l’adresse et le prix de vente, que « cet appartement est situé dans un quartier dans lequel l’Etat est déjà présent. Cette acquisition revêt dès lors un intérêt urbanistique pour l’Etat » ; que, même s’il ne décrit pas le lien existant avec le projet TEOTISTA II et n’explique pas les raisons pour lesquelles ce bien fait l’objet d’une décision de préemption, le Ministre d’Etat a suffisamment motivé sa décision au regard des exigences des articles 1er et 2 précités de la loi du 29 juin 2006 ; qu’il suit de là que les sociétés SAM MICHEL PASTOR GROUP et SCI BLEUE ne sont pas fondées à demander pour ce motif l’annulation de la décision de préemption du 9 juillet 2014 et, par voie de conséquence, du rejet du recours gracieux ;
Sur la légalité interne des décisions attaquées :
Sur le moyen tiré de l’inconstitutionnalité de la loi
Considérant que l’article 24 de la Constitution monégasque dispose : « La propriété est inviolable. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique légalement constatée et moyennant une juste indemnité, établie et versée dans les conditions prévues par la loi » ; que le libre exercice du droit de propriété consacré par ce texte doit être concilié avec les autres règles et principes de valeur constitutionnelle applicables dans l’État monégasque ; qu’il en est ainsi du principe accordant une priorité aux monégasques, consacré par la Constitution, compte tenu des caractères particuliers, notamment géographiques, de la Principauté ;
Considérant que les dispositions de l’article 38 précité de la loi n° 1.235 qui imposent aux propriétaires ou aux notaires instrumentaires de déclarer, à peine de nullité, les aliénations volontaires à titre onéreux et apports en société, portant sur un ou plusieurs locaux à usage d’habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947, afin de permettre au Ministre d’État, dans le délai d’un mois à compter de la notification de cette déclaration, de se porter acquéreur aux conditions qui y sont fixées, sont nécessaires pour permettre aux Monégasques et aux personnes ayant des liens particuliers avec la Principauté de se loger à Monaco et ne portent pas à l’exercice du droit de propriété une atteinte excédant celles qui peuvent lui être apportées au regard des règles et principes ci-dessus rappelés ;
Sur l’exercice du droit de préemption
Considérant qu’aux termes de l’article 38 précité : « Les aliénations volontaires à titre onéreux et apports en société, sous quelque forme que ce soit, portant sur un ou plusieurs locaux à usage d’habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947 doivent, à peine de nullité, faire l’objet par les propriétaires instrumentaires d’une déclaration d’intention au Ministre d’Etat.(…) Cette déclaration, qui vaut offre de vente irrévocable pendant un délai d’un mois à compter de sa notification, doit comporter le prix et les principales caractéristiques de l’opération envisagée./ Dans ce délai le Ministre d’Etat peut faire connaître sa décision de se porter acquéreur aux conditions fixées dans la déclaration (…) » ; que, si la loi ne précise plus que l’exercice de ce droit de préemption par le Ministre d’État est subordonné à des motifs d’ordre urbanistique ou social, il ne peut s’exercer, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d’intérêt général qui, propres à chaque espèce, doivent correspondre à un objet suffisamment défini ; que tel n’est pas le cas en l’espèce ; que la décision attaquée est donc entachée d’une erreur de droit.
Décide :
Article Premier.
La décision du Ministre d’Etat du 9 juillet 2014 est annulée, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 24 juillet 2014.
Art. 2.
Les dépens sont mis à la charge de l’Etat.
Art. 3.
Expédition de la présente décision sera transmise à S.E. M. le Ministre d’Etat.
Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.


Le Greffier en Chef,
B. BARDY.
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