TRIBUNAL SUPRÊME - EXTRAIT - Audience du 16 novembre 2023 - Lecture du 30 novembre 2023
Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du 20 juin 2022 du Ministre d’État rejetant le recours gracieux contre la décision du 25 avril 2022 considérant que le logement de Mme L. relève des dispositions de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 et lui infligeant une amende d’un montant de 5.000 euros, en application des articles 35 et 37 de cette loi.
En la cause de :
Mme S. L. ;
Ayant élu domicile en l’étude de Maître Patricia REY, Avocat-défenseur près la Cour d’appel de Monaco, substituée par Maître Arnaud CHEYNUT, Avocat-défenseur près la même Cour et plaidant par Maître Clyde BILLAUD, Avocat près la même Cour ;
Contre :
L’État de Monaco, représenté par le Ministre d’État, ayant pour Avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation de France ;
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en assemblée plénière,
…/…
Après en avoir délibéré :
1. Considérant que Mme S. L. demande l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 20 juin 2022 du Ministre d’État rejetant son recours gracieux contre la décision du 25 avril 2022 considérant que son appartement situé XXX à Monaco relève des dispositions de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 et lui infligeant une amende d’un montant de 5.000 euros, en application des articles 35 et 37 de cette loi ;
2. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l’article 37 de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 confient au Ministre d’État le pouvoir de sanctionner la méconnaissance par un propriétaire de l’une des obligations énoncées à l’article 35 de cette loi ; qu’il en découle nécessairement la possibilité, pour le Ministre d’État, de considérer qu’un bien immobilier est soumis aux dispositions de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d’incompétence doit être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que la décision du Ministre d’État vise un appartement situé XXX à Monaco correspondant au lot n° XXX, dont il est constant qu’il appartient à Mme L. ; que le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait, sur ce point, entachée d’une erreur de fait, doit donc être écarté ;
4. Considérant, en troisième lieu, que, selon la législation applicable, trois régimes de location des locaux à usage d’habitation construits ou achevés antérieurement à 1947 coexistent : le régime de droit commun auquel ont été rendus les locaux de toutes catégories affectés pour la première fois à la location à compter du 25 juin 1970 par la loi n° 888 du 25 juin 1970 modifiant et complétant l’Ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959 relative aux conditions de location des locaux à usage d’habitation ; le régime d’exception issu de cette Ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959 remplacée par la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 modifiée ; et le régime dérogatoire au régime d’exception institué par la loi n° 887 du 25 juin 1970 portant limitation du champ d’application de l’Ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959 modifiant et codifiant la législation relative aux conditions de location des locaux à usage d’habitation, pour les locaux de catégorie 1 et 2 A-B devenant vacants à compter du 1er octobre 1970 ou 1971 ; que les caractéristiques de ces locaux de catégorie 1 et 2 A-B sont fixées par l’Ordonnance Souveraine n° 77 du 22 septembre 1949, à laquelle renvoie la loi n° 887 du 25 juin 1970 ;
5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’en raison de ses caractéristiques et de celles de l’immeuble situé XXX à la date du 26 juin 1970, notamment la présence d’un ascenseur, d’une terrasse et de deux grandes pièces de réception ainsi que d’une hauteur de plafond supérieure à la moyenne, l’appartement propriété de Mme L. doit être classé a minima dans les locaux de catégorie 2 B ; que, dès lors, il n’entre pas dans le champ d’application de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 ; qu’ainsi, en estimant qu’il était soumis au régime de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000, le Ministre d’État a entaché sa décision d’erreur de droit ; que, par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le moyen de la requête relatif à la vacance de l’appartement, la décision du Ministre d’État du 20 juin 2022 doit être annulée ;
Décide :
Article Premier.
La décision du Ministre d’État du 20 juin 2022 est annulée.
Art. 2.
Les dépens sont mis à la charge de l’État.
Art. 3.
Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.
Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.
Le Greffier en Chef,
V. Sangiorgio.