TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - EXTRAIT
Audience du 25 mars 2025
Lecture du 9 avril 2025
Recours tendant à l’annulation de la décision du 23 janvier 2024 du Ministre d’État ayant privé d’effets les déclarations d’exercer de P. H. en qualité de gérant associé de la SARL AA et de L. H. en qualité d’associée de la SARL AA.
En la cause de :
P. H., né le jma à Sisteron, de nationalité monégasque, demeurant x1 à Monaco L. I. épouse H., née le jma à Nice, de nationalité monégasque, demeurant x1 à Monaco ;
La SARL AA, immatriculée au registre du commerce et de l’industrie de Monaco, dont le siège social est sis à Monaco, c/o L, x2 ;
Ayant tous élu domicile en l’étude de Maître Bernard BENSA, Avocat-défenseur près la Cour d’appel de Monaco et plaidant par ledit Avocat-défenseur ;
Contre :
L’État de Monaco représenté par le Ministre d’État, ayant pour Avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par Maître Jacques MOLINIÉ, Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation de France ;
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en Assemblée plénière,
…/…
Après en avoir délibéré :
1. Considérant qu’il résulte de la combinaison des articles 1er et 5 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l’exercice de certaines activités économiques et juridiques que l’exercice, à titre indépendant, des activités artisanales, commerciales, industrielles et professionnelles est soumis à un régime d’autorisation préalable ; que le titulaire d’une autorisation d’exercer encourt une suspension des effets ou une révocation dans certains cas prévus par l’article 9 de ladite loi, notamment « 3°) s’il est resté, sans motif légitime, plus de six mois sans exercer ; […] 7°) si, dans l’exercice de son activité, autorisée ou déclarée, il a méconnu les prescriptions légales ou règlementaires qui lui sont applicables » ; qu’il appartient à l’autorité administrative d’apprécier, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, s’il y a lieu de priver d’effets une telle autorisation ;
2. Considérant que P. H. et L. I. épouse H., contestent la décision rendue le 23 janvier 2024 privant d’effets leurs déclarations d’exercer en qualité de gérant associé et en qualité d’associée de la S.A.R.L. AA ; que cette décision se fonde, d’une part, sur l’absence d’exercice d’activité professionnelle durant six mois, en méconnaissance des exigences du 3°) de l’article 9 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, et, d’autre part, sur le défaut de déclaration des bénéficiaires effectifs auprès du registre des bénéficiaires effectifs pendant cinq ans, en méconnaissance du 7°) du même article ; qu’ils ont formé un recours gracieux à l’encontre de cette décision le 22 mars 2024, resté sans réponse ;
3. Considérant que la décision du 23 janvier 2024 a été prise après avis du 24 novembre 2023 de la Commission prévue au deuxième alinéa de l’article 10 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 ; que P. H. prétend ne pas avoir eu connaissance en temps utile de la convocation pour l’audition devant ladite Commission ; que la réunion s’est tenue en l’absence des gérants de la S.A.R.L. AA ; qu’il résulte du dossier que la lettre recommandée portant convocation en vue de l’audition du 24 novembre 2023 a été remise contre signature le 9 novembre 2023 à l’adresse de la S.A.R.L. AA ; que la circonstance que P. H. ait pris connaissance de ce courrier tardivement est sans incidence sur la régularité de la notification de cette convocation ; que les requérants n’apportent pas la preuve démontrant que le signataire de l’avis de réception n’était pas habilité à réceptionner le courrier adressé aux gérants de la S.A.R.L. AA ; qu’à l’issue de la réunion du 24 novembre 2023, la Commission a émis un avis défavorable au maintien de l’autorisation d’exercer ; que la décision du 23 janvier 2024 s’appuie sur cet avis ; que, dans ces conditions, la procédure suivie n’est pas entachée d’irrégularité ;
4. Considérant que la S.A.R.L. AA exerce l’activité suivante : « Entreprise générale du bâtiment tous corps d’état, rénovation, entretien, décoration à l’exclusion de l’activité d’architecte et, dans ce cadre, l’import-export de fourniture, matériel et mobilier sans stockage sur place. » ; qu’il est constant qu’elle n’a déposé aucune déclaration de chiffre d’affaires à compter du mois de septembre 2019 ; que, pour justifier l’absence de déclaration, les requérants se bornent à invoquer « une activité en sommeil du fait du manque d’activité, ce qui constitue un motif légitime de suspension d’activité » ; que, ce faisant, ils ne présentent aucun motif légitime de nature à justifier l’absence d’activité durant plus de six mois ; que, dès lors, le Ministre d’État a pu estimer, en application du chiffre 3°) de l’article 9 de la loi n° 1.144, que la déclaration d’autorisation pouvait être privée d’effets ;
5. Considérant que les dispositions des articles 21, 22 et 22‑1 de la loi n° 1.362 du 3 août 2009 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption modifiées par la loi n° 1.462 du 28 juin 2018 exigent, pour les sociétés, une mise à jour régulière des bénéficiaires effectifs ; que P. H. et L. H. n’ont pas respecté cette obligation durant cinq ans ; que, quelques jours avant la décision du 23 janvier 2024, P. H. a régularisé l’inscription des bénéficiaires effectifs auprès du registre des bénéficiaires effectifs ; qu’en dépit de cette régularisation tardive, le Ministre d’État a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, constater qu’aucune inscription des bénéficiaires de la S.A.R.L. AA n’avait été déclarée entre 2019 et 2024 ; qu’en application du 7° de l’article 9 de la loi n° 1.144, la déclaration d’exercice de l’activité de la S.A.R.L. AA a pu, pour ce second motif, être légalement privée d’effets ;
6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que P. H. et L. H. ne sont pas fondés à demander l’annulation de la décision qu’ils attaquent ;
Décide :
Article Premier.
La requête de P. H. et de L. H. est rejetée.
Art. 2.
Les dépens sont mis à la charge de P. H. et de L. H., avec distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation et seront liquidés sur état par le Greffier en Chef, au vu du tarif applicable.
Art. 3.
Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.
Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.
Le Greffier en Chef,
N. Vallauri.