TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - EXTRAIT
Audience du 24 mars 2025
Lecture du 9 avril 2025
Recours en annulation pour excès de pouvoir, d’une part, de la décision du 4 août 2023 du Ministre d’État portant retrait de sa décision du 30 juin 2023 par laquelle il avait accepté la demande de la société à responsabilité limitée dénommée K, en abrégé « K », tendant à modifier l’activité qu’elle était autorisée à exercer à Monaco et, d’autre part, de la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre la décision du 4 août 2023.
En la cause de :
La SARL K, en abrégé « K », dont le siège social est sis x1, x1, à Monaco, représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l’étude de Maître Christophe BALLERIO, Avocat-défenseur près la Cour d’appel de Monaco, et plaidant par Maître Philippe-Bernard FLAMANT, Avocat au barreau de Nice ;
Contre :
L’État de Monaco, représenté par le Ministre d’État, ayant pour Avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par Maître François MOLINIÉ, Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation de France ;
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en Assemblée plénière,
…/…
Après en avoir délibéré :
Sur les conclusions à fin d’annulation :
1. Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l’exercice de certaines activités économiques et juridiques : « Les activités artisanales, commerciales, industrielles et professionnelles peuvent être exercées, à titre indépendant, dans les conditions prévues par la présente loi, à l’exception des activités ou des professions dont l’accès est déjà soumis à autorisation » ; qu’aux termes de son article 5 : « L’exercice des activités visées à l’article premier par des personnes physiques de nationalité étrangère est subordonné à l’obtention d’une autorisation administrative. (…) / (…) L’autorisation, délivrée par décision du Ministre d’État, détermine limitativement les activités qui peuvent être exercées, les locaux où elles seront déployées et mentionne, s’il y a lieu, les conditions de leur exercice. / L’autorisation est personnelle et incessible. / Toute modification des activités exercées ou tout changement de titulaire de l’autorisation initiale ou tout changement de locaux doit faire l’objet d’une nouvelle autorisation délivrée dans les formes et conditions prévues aux deux alinéas précédents » ;
2. Considérant que, par arrêté du 12 janvier 2022, le Ministre d’État a autorisé D. C. et F. D. à exercer, en qualité de gérant associé et d’associée de la SARL K, l’activité correspondant alors aux statuts de cette société ; qu’à la suite d’une modification de ces statuts par l’assemblée générale extraordinaire des associés du 25 avril 2023, il les a autorisés, par arrêté du 30 juin 2023, à exercer l’activité résultant de cette modification ; que, toutefois, par un nouvel arrêté du 4 août 2023, il leur a refusé l’autorisation d’exercer cette nouvelle activité ; que l’arrêté du 4 août 2023 doit donc être regardé comme ayant retiré l’autorisation accordée le 30 juin 2023 ;
3. Considérant que, sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits que si elle est illégale et dans le délai de recours contentieux ;
4. Considérant que le Ministre d’État soutient que la décision du 30 juin 2023 était entachée d’illégalité au motif que la modification de ses statuts par la société permettait à ses associés de créer une activité de plomberie, laquelle est suffisamment représentée sur le territoire monégasque dans la mesure où vingt-trois entités ont déjà été autorisées à l’exercer, et ainsi d’entrer en concurrence avec les entreprises monégasques de plomberie existantes ;
5. Considérant toutefois qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que l’autorisation délivrée le 30 juin 2023 aux associés de la société requérante était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ; que, par suite, la décision du 4 août 2023 qui retire cette décision créatrice de droits est entachée d’illégalité ; qu’il s’ensuit que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de sa requête, la société requérante est fondée à demander son annulation ainsi que celle de la décision implicite rejetant son recours gracieux ;
Sur les conclusions à fin d’indemnisation :
6. Considérant qu’ayant obtenu l’annulation pour excès de pouvoir des décisions qu’elle contestait, la société requérante est recevable, sur le fondement du 1° du B de l’article 90 de la Constitution, à demander l’indemnisation du préjudice qu’elle a subi ; que, dans les circonstances de l’espèce, elle est fondée à demander à ce que l’État de Monaco lui verse la somme d’un euro symbolique en réparation de son préjudice moral ;
Décide :
Article Premier.
La décision du 4 août 2023 par laquelle le Ministre d’État a retiré sa décision du 30 juin 2023 par laquelle il avait autorisé les associés de la SARL K en abrégé K, à exercer l’activité résultant des statuts modifiés de cette société, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre la décision du 4 août 2023 sont annulées.
Art. 2.
L’État de Monaco est condamné à verser à la SARL K en abrégé K, la somme d’un euro.
Art. 3.
Les dépens sont mis à la charge de l’État, avec distraction au profit de Maître Christophe BALLERIO, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation et seront liquidés sur état par le Greffier en Chef, au vu du tarif applicable.
Art. 4.
Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.
Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.
Le Greffier en Chef,
N. Vallauri.