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TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - EXTRAIT

  • N° journal 8748
  • Date de publication 23/05/2025
  • Qualité 100%
  • N° de page

Audience du 24 mars 2025

Lecture du 9 avril 2025

 

Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du 27 avril 2022 du Ministre d’État prononçant la suspension de M. H. de ses fonctions de Directeur-Adjoint au sein de la Direction de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports et de la décision implicite née du silence gardé par le Ministre d’État sur sa demande du 18 septembre 2023 tendant à mettre fin à cette mesure.

En la cause de :

M. H., née le jma à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant X1, à Monaco ;

Ayant élu domicile en l’étude de Maître Régis BERGONZI, Avocat-défenseur près la Cour d’appel de Monaco, et plaidant par Maître Marie LHÉRITIER, Avocat au barreau de Paris ;

Contre :

L’État de Monaco, représenté par le Ministre d’État, ayant pour Avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par Maître Jacques MOLINIÉ, Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation de France ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière,

…/…

Après en avoir délibéré :

Considérant que M. H. demande au Tribunal Suprême l’annulation pour excès de pouvoir, d’une part, de la décision du Ministre d’État du 27 avril 2022 prononçant sa suspension de ses fonctions de Directeur-Adjoint au sein de la Direction de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports ; d’autre part, de la décision implicite née du silence gardé par le Ministre d’État sur sa demande du 18 septembre 2023 tendant à mettre fin à cette mesure ; en dernière part, à ce qu’il soit enjoint au Ministre d’État de la réintégrer ;

Sur la recevabilité de la requête

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 13 de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963, modifiée, sur l’organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême : « Sous réserve des dispositions de l’alinéa suivant, le délai du recours devant le Tribunal Suprême est, à peine d’irrecevabilité, de deux mois à compter, selon le cas, de la notification de la signification ou de la publication de l’acte ou de la décision attaquée » ; qu’il est constant que le recours contre la décision du 27 avril 2022 susvisée, enregistré au Greffe Général du Tribunal Suprême le 11 mars 2024, est tardif ; que, toutefois, M. H. soutient que ces dispositions méconnaissent le droit d’accès au juge garanti par l’article 6, § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que l’article 13 alinéa 1er de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 précité a notamment pour objet de concilier les exigences de la sécurité juridique avec celles d’une bonne administration de la justice ; qu’il respecte ainsi les prescriptions de l’article 6, § 1er susvisé ; que ni les dispositions de l’Ordonnance Souveraine du 16 avril 1963, ni aucune autre disposition n’imposent qu’une décision administrative individuelle ou sa notification mentionne les voies et délais de recours contre cette décision ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient M. H., l’absence de mention des délais de recours n’est pas de nature à rendre ces délais inopposables ; que la circonstance que la décision administrative produise des effets pendant plusieurs mois après son édiction est également sans incidence sur le point de départ du délai de recours contentieux ou son opposabilité ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la requête, en ce qu’elle est dirigée contre la décision du Ministre d’État du 27 avril 2022, doit être déclarée irrecevable ;

Sur les conclusions à fin d’annulation

Considérant qu’aux termes de l’article 43 de la loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l’État, dans sa version en vigueur au moment où la décision de suspension a été prise : « En cas de faute grave, qu’il s’agisse d’un manquement aux obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, le fonctionnaire peut, avant la consultation du conseil de discipline, être immédiatement suspendu par décision du Ministre d’État. / La décision prononçant la suspension doit, soit préciser que le fonctionnaire conserve, pendant le temps où il est suspendu, le bénéfice de son traitement, soit déterminer la quotité de la retenue qu’il subit, laquelle ne peut être supérieure à la moitié du traitement. / La situation du fonctionnaire suspendu doit être définitivement réglée dans un délai de quatre mois à compter du jour où la décision de suspension a pris effet ; lorsqu’aucune décision n’est intervenue à l’échéance de ces quatre mois, l’intéressé reçoit à nouveau l’intégralité de son traitement, sauf s’il est l’objet de poursuites pénales. / Si le fonctionnaire n’a subi aucune sanction ou n’a été l’objet que d’un avertissement ou d’un blâme ou si, à l’expiration du délai de quatre mois, l’administration n’a pu statuer sur son cas, l’intéressé a droit au remboursement des retenues opérées sur son traitement. / Toutefois, lorsque le fonctionnaire est l’objet de poursuites pénales, sa situation n’est définitivement réglée qu’après que la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive » ;

Considérant qu’une mesure de suspension prise en application de ces dispositions est une mesure provisoire et conservatoire ayant pour but d’éviter un risque de trouble dans le fonctionnement du service auquel est affectée la personne ayant fait l’objet de cette mesure ; qu’elle peut être prononcée lorsque les faits imputés à cette personne présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité ; qu’en l’absence de poursuites pénales, son caractère provisoire implique qu’elle ne puisse produire ses effets que pendant un délai raisonnable ;

Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la date à laquelle M. H. a été suspendue comme à la date à laquelle sa demande de levée de cette suspension a été implicitement rejetée, les faits qui lui étaient imputés présentaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier une telle mesure ; que, par suite, M. H. n’est pas fondée à soutenir que le Ministre d’État, lequel pouvait légalement se fonder sur une recommandation du Chef de l’Inspection Générale de l’Administration, aurait fait une inexacte application des dispositions de l’article 43 de la loi du 12 juillet 1975 et qu’il aurait dû faire droit à sa demande de levée de la mesure de suspension ;

Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions du troisième alinéa de l’article 43 de la loi du 12 juillet 1975, précité, se bornent à prévoir les modalités de rémunération pendant la durée de la procédure disciplinaire de l’agent ayant fait l’objet d’une mesure de suspension ; qu’il ressort des travaux préparatoires de la loi n° 1.527 du 7 juillet 2022, entrée en vigueur le 1er janvier 2023, que les modifications de pure forme apportées à cet article n’en changent pas la signification ; qu’ainsi l’expiration du délai de quatre mois prévu par le troisième alinéa de l’article 43 de la loi du 12 juillet 1975 précité n’a ni pour objet ni pour effet d’impliquer la réintégration automatique du fonctionnaire ;

Considérant, en troisième lieu, que le troisième alinéa de l’article 43 de la loi du 12 juillet 1975 précité ne s’oppose ni à ce qu’un recours gracieux ou un recours en annulation soit introduit contre la décision prononçant la suspension, ni à ce que le fonctionnaire concerné puisse demander à l’autorité administrative, s’il s’y croit fondé, de mettre fin à cette mesure ; qu’en revanche, la mesure de suspension dont M. H. a fait l’objet, qui revêt un caractère provisoire et conservatoire, ne saurait s’appliquer au-delà d’un délai raisonnable ; qu’il ressort des pièces du dossier que cette mesure, édictée le 27 avril 2022 et appliquée à compter du 3 août 2022, produisait encore des effets dix-sept mois après sa mise en application ; qu’un tel délai excède le caractère raisonnable d’une mesure de suspension provisoire ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. H. est fondée à demander l’annulation de la décision implicite qu’elle attaque ;

Sur les conclusions à fin d’injonction

Considérant qu’il n’appartient pas au Tribunal Suprême d’adresser des injonctions à l’administration ; que les conclusions à fin d’injonction présentées par M. H. sont, en tout état de cause, irrecevables ;

Décide :

Article Premier.

La décision née du silence gardé par le Ministre d’État sur la demande de M. H. du 18 septembre 2023 tendant à mettre fin à la mesure de suspension de ses fonctions de Directeur-Adjoint au sein de la Direction de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports est annulée.

Art. 2.

Le surplus de la requête est rejeté.

Art. 3.

Les dépens sont mis à la charge de l’État, avec distraction au profit de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation et seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Art. 4.

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.

Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.

Le Greffier en Chef,

N. Vallauri.

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Version 2018.11.07.14