Ordonnance Souveraine n° 10.943 du 20 novembre 2024 relative à la lutte contre les animaux constituant une menace pour l'hygiène ou la santé publiques.
ALBERT II
PAR LA GRÂCE DE DIEU
PRINCE SOUVERAIN DE MONACO
Vu le Code de l’environnement ;
Vu la loi n° 1.128 du 7 novembre 1989 relative au traitement des animaux ;
Vu la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 relative à la copropriété des immeubles bâtis, modifiée ;
Vu la loi n° 1.430 du 13 juillet 2016 portant diverses mesures relatives à la préservation de la sécurité nationale, notamment son article premier ;
Vu la loi n° 1.446 du 12 juin 2017 relative à la préservation du patrimoine national ;
Vu l’Ordonnance Souveraine n° 3.647 du 9 septembre 1966 concernant l’urbanisme, la construction et la voirie, modifiée ;
Vu l’Ordonnance souveraine n° 10.886 du 12 mai 1993 rendant exécutoire la convention internationale du 23 juin 1979 sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage ;
Vu l’Ordonnance Souveraine n° 11.259 du 29 avril 1994 rendant exécutoire la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe ;
Vu l’Ordonnance Souveraine n° 15.389 du 17 juin 2002 rendant exécutoire l’Accord sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’Afrique Eurasie fait à La Haye (Pays-Bas) le 15 août 1996 ;
Vu Notre Ordonnance n° 5.640 du 14 décembre 2015 portant création d’une Direction de l’Action Sanitaire ;
Vu Notre Ordonnance n° 6.387 du 9 mai 2017 relative à la mise en œuvre du Règlement Sanitaire International (2005) en vue de lutter contre la propagation internationale des maladies ;
Vu l’avis de la Commission Technique d’Hygiène, de Sécurité et de Protection de l’Environnement en date du 17 juillet 2024 ;
Vu l’avis du Comité de la Santé Publique en date du 10 juillet 2024 ;
Vu l’avis du Conseil de l’Environnement en date du 18 septembre 2024 ;
Vu la délibération du Conseil de Gouvernement en date du 13 novembre 2024 qui Nous a été communiquée par Notre Ministre d’État ;
Avons Ordonné et Ordonnons :
Article Premier.
Pour l’application de la présente ordonnance, on entend par :
1) acquéreur, toute personne qui choisit d’acquérir des produits biocides ou qui donne l’ordre de l’acquisition de produits biocides ;
2) animaux errants, les animaux retrouvés sans maître sur le terrain d’autrui ou sur la voie publique ;
3) animaux considérés comme nuisibles, les animaux appartenant à l’une des espèces animales constituant une menace pour l’hygiène ou la santé publiques ou dont la prolifération constitue une telle menace et dont la liste est fixée par arrêté ministériel dans le respect des dispositions de l’article 2 ;
4) animaux sauvages, les animaux non domestiques appartenant à une espèce qui n’a pas subi de modification par sélection de la part de l’homme ;
5) bâtiment, un bien immeuble couvert et destiné à accueillir une occupation, une activité ou tout autre usage humain ;
6) décideur, toute personne exerçant une fonction d’encadrement pour l’utilisation des produits biocides ;
7) logement, un local à usage total ou partiel d’habitation ;
8) parties à usage commun, les espaces d’un bâtiment utilisés par les occupants d’au moins deux locaux tels que, notamment, cours, courettes, allées, vestibules, couloirs, escaliers, remises à voitures d’enfants, locaux pour vélos, locaux de gardiennage, dessertes de garages, locaux poubelles, cabinets d’aisances et salles d’eau ;
9) syndicat des copropriétaires, celui prévu par l’article 5 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007, modifiée, susvisée.
CHAPITRE I
DE LA LUTTE CONTRE LES ANIMAUX CONSIDÉRÉS COMME NUISIBLES
Art. 2.
Aucun animal appartenant à une espèce animale dont la préservation est assurée au titre des engagements internationaux ou des dispositions législatives ou réglementaires relatives au patrimoine naturel ne peut être considéré comme nuisible.
Section I
Dispositions générales
Art. 3.
Le propriétaire ou, le cas échéant, le syndicat des copropriétaires d’un bâtiment prend toutes mesures utiles, conformément aux dispositions fixées par arrêté ministériel, pour prévenir dans les parties à usage commun d’un bâtiment l’apparition et le développement des animaux considérés comme nuisibles, à savoir :
1) en mettant en œuvre des mesures préventives ou curatives, notamment des opérations d’éradication ;
2) en maintenant sa propreté ;
3) en entretenant les dispositifs de protection et de répulsion qui ont pu être mis en place ;
4) en vérifiant périodiquement la présence d’animaux considérés comme nuisibles ;
5) en veillant au bon état des ouvrages d’assainissement privés.
En cas d’infestation, le propriétaire ou, le cas échéant, le syndicat des copropriétaires propose aux occupants l’extension, aux frais de ces derniers, des opérations d’éradication aux parties privatives qu’ils occupent.
Lorsque l’infestation trouve son origine dans des parties privatives du fait de leurs occupants, ces derniers supportent les frais de toutes les opérations d’éradication rendues nécessaires pour mettre fin à l’infestation du bâtiment.
Art. 4.
En cas de méconnaissance des dispositions de l’article 3, le directeur de l’action sanitaire peut adresser au propriétaire ou, le cas échéant, au syndicat des copropriétaires, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une mise en demeure par laquelle il leur précise les manquements constatés et leur demande de mettre en œuvre, dans un délai qui leur est fixé, les mesures correctives. Lorsqu’un occupant a refusé la proposition mentionnée au deuxième alinéa de l’article 3, le directeur peut lui adresser, selon les mêmes modalités, une mise en demeure lui demandant d’accepter cette proposition ou de faire procéder à ses frais aux opérations d’éradication requises dans ses parties privatives.
Cette mise en demeure précise que l’intéressé dispose, à compter de la date de sa première présentation, d’un délai de cinq jours calendaires pour présenter ses observations au directeur et que, à défaut de mise en œuvre des mesures correctives dans le délai imparti, les services compétents de l’État peuvent, sauf opposition de sa part, y faire procéder à ses frais. L’intéressé s’expose au prononcé des mesures prescrites en vertu des dispositions de l’article L.550‑3 du Code de l’environnement et aux sanctions encourues en application du chiffre 2 de l’article 417 du Code pénal.
Art. 5.
Lorsque les services compétents de l’État constatent ou lorsqu’il est porté à leur connaissance la présence d’animaux considérés comme nuisibles en tout lieu, ils prennent ou font prendre toutes mesures utiles pour lutter contre ces animaux ou pour prévenir leur prolifération, notamment :
1) surveiller la présence des animaux considérés comme nuisibles sur le territoire et évaluer leurs impacts sur l’hygiène ou la santé publiques ;
2) gérer et entretenir les espaces du lieu susmentionné où se développent ou peuvent se développer les animaux considérés comme nuisibles ;
3) détruire les animaux considérés comme nuisibles, quel que soit leur stade de développement, dans des conditions permettant d’éviter leur dissémination et leur reproduction ;
4) informer le public, notamment sur les résultats de la surveillance mentionnée au chiffre 1, sur les effets sur l’hygiène ou la santé publiques associés aux animaux considérés comme nuisibles et sur les mesures de prévention et de lutte contre ces animaux.
Les mesures devant être mises en œuvre dans un lieu autre que la voie publique ne peuvent l’être qu’après avoir recueilli l’accord d’accès à ce lieu de la personne pouvant autoriser cet accès. Ces mesures sont mises en œuvre aux frais, selon le cas, du propriétaire, du syndicat des copropriétaires ou de l’occupant.
Art. 6.
Tout bailleur d’un logement est tenu de remettre au locataire un logement exempt de toute infestation d’animaux considérés comme nuisibles.
Art. 7.
Sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, il est interdit de jeter ou de déposer volontairement de la nourriture, y compris des graines, en tous lieux publics ou privés, lorsque cette pratique risque d’attirer des animaux considérés comme nuisibles.
Cette interdiction ne concerne pas les services compétents de l’État et les professionnels qualifiés dûment mandatés pour effectuer les opérations prévues par les dispositions de la présente ordonnance.
Le propriétaire, le syndicat des copropriétaires ou le locataire prend toute mesure pour empêcher que les animaux considérés comme nuisibles soient une cause de nuisance, un risque de contamination humaine par une maladie transmissible ou un risque de propagation d’épidémie chez les animaux.
Art. 8.
Le maître d’ouvrage de tout chantier de démolition ou de construction d’un bâtiment prend toutes les mesures pour faire procéder, par une entreprise qualifiée, à des opérations de lutte contre les animaux considérés comme nuisibles préalablement à la démolition et pendant toute la durée de la construction.
Il prend également toutes mesures utiles, dans le respect des conditions prévues par l’arrêté ministériel mentionné à l’article 9, pour supprimer ou surveiller tout point d’eau stagnante afin d’éviter l’apparition d’un gîte larvaire pour les insectes considérés comme nuisibles.
Art. 9.
Les mesures de lutte contre les animaux considérés comme nuisibles sont précisées par arrêté ministériel.
Section II
De l’utilisation, de l’acquisition et de la détention de moyens de lutte contre les animaux considérés comme nuisibles
Art. 10.
Les moyens et méthodes de lutte contre les animaux considérés comme nuisibles ne portent pas atteinte à l’intégrité de la population à laquelle ils appartiennent et sont mises en œuvre dans le respect des engagements internationaux ainsi que de la législation et de la réglementation relatives au patrimoine naturel.
Toutefois, le Ministre d’État peut, après avis du Conseil de l’environnement, à condition qu’il n’existe aucune autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas à la survie de l’espèce concernée, autoriser la mise en œuvre de moyens et méthodes de régulation des populations, ainsi que de moyens de capture et de piégeage des animaux, interdits par arrêté ministériel en application des dispositions de l’article L. 313‑3 du Code de l’environnement.
La décision de mettre en œuvre ces moyens ou méthodes dérogatoires se fondent notamment sur des études épidémiologiques.
Art. 11.
Les mesures relatives à l’acquisition, à la détention et à l’utilisation de produits biocides destinés exclusivement aux professionnels sont fixées par arrêté ministériel.
CHAPITRE II
DE LA LUTTE CONTRE LES INSECTES VECTEURS DE MALADIE
Art. 12.
Sans préjudice des mesures pouvant, le cas échéant, être prises en application des dispositions du chapitre I, lorsque la présence d’insectes dans des conditions entraînant un risque de transmission d’une maladie humaine est constatée par les services compétents de l’État, ceux‑ci peuvent notamment prendre ou ordonner les mesures suivantes :
1) éliminer ces insectes, quel que soit leur stade de développement, dans des conditions permettant d’éviter leur dissémination et leur reproduction dans le respect des dispositions législatives ou réglementaires relatives au patrimoine naturel et des engagements internationaux ;
2) recueillir des données épidémiologiques sur les cas humains de la maladie transmise par les insectes et, en tant que de besoin, sur les cas de résistance des agents infectieux aux traitements ;
3) mettre en œuvre des actions d’information et d’éducation sanitaire de la population aux fins de réduire la prolifération des insectes vecteurs de maladie ;
4) surveiller les animaux susceptibles d’être contaminés par des agents pathogènes transmis par des insectes vecteurs ;
5) mettre en œuvre le programme de surveillance entomologique et de lutte contre les vecteurs et les réservoirs mentionné à l’article 21 de Notre Ordonnance n° 6.387 du 9 mai 2017, susvisée.
Art. 13.
Les agents des services compétents de l’État ou un opérateur public ou privé chargé de la lutte antivectorielle et figurant sur une liste fixée par arrêté ministériel peuvent être autorisés, par décision du directeur de l’action sanitaire, à entreprendre sur la voie publique ou dans les espaces extérieurs d’un bâtiment, que ces espaces soient à l’usage commun des occupants ou à l’usage privatif de l’un d’eux, les actions de prospections et de traitements, les travaux et les contrôles nécessaires prévus à l’article 12.
Toutefois, ils ne peuvent pénétrer dans les espaces mentionnés au premier alinéa qu’après avoir recueilli l’accord de la personne pouvant en autoriser l’accès. À défaut d’accord ou en l’absence de cette personne, le Ministre d’État peut, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, lui demander d’accorder l’accès en exposant les conséquences que son refus pourrait avoir pour la santé publique.
Les traitements mentionnés au premier alinéa ne peuvent être entrepris qu’après que les personnes se trouvant dans la zone à traiter ou, si nécessaire, à proximité de cette zone en ont été informées et ont disposé de suffisamment de temps pour prendre les mesures de protection requises.
CHAPITRE III
DES ANIMAUX SAUVAGES OU ERRANTS CONSTITUANT UNE MENACE POUR L’HYGIÈNE OU LA SANTÉ PUBLIQUES
Art. 14.
Lorsqu’il constitue une menace pour l’hygiène ou la santé publiques, les services compétents de l’État peuvent faire procéder à la capture de tout animal sauvage ou errant, par tous moyens appropriés ne provoquant pas chez cet animal de souffrances pouvant être évitées, et peuvent prendre toutes mesures utiles pour prévenir ou faire cesser cette menace.
CHAPITRE IV
DISPOSITIONS FINALES
Art. 15.
Le contrôle de l’application de la présente ordonnance et des textes réglementaires pris pour son application est exercé par les agents des services compétents de l’État, assermentés et commissionnés à cet effet.
Art. 16.
Les mesures d’application de la présente ordonnance sont prises, en tant que de besoin, par arrêté ministériel.
Art. 17.
Notre Secrétaire d’État, Notre Secrétaire d’État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires et Notre Ministre d’État sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution de la présente ordonnance.
Donné en Notre Palais à Monaco, le vingt novembre deux mille vingt-quatre.
ALBERT.
Par le Prince,
Le Secrétaire d’État :
Y. Lambin Berti.