Loi n° 1.560 du 2 juillet 2024 relative à l'encadrement de l'activité de marchand de biens.
Albert II
PAR LA GRÂCE DE DIEU
PRINCE SOUVERAIN DE MONACO
Avons sanctionné et sanctionnons la loi dont la teneur suit, que le Conseil National a adoptée dans sa séance du 27 juin 2024.
Chapitre I
Définitions
Article Premier.
Au sens de la présente loi, l’activité de marchand de biens consiste pour des personnes physiques ou morales à réaliser, à titre habituel et pour leur propre compte, des opérations d’achat de biens immeubles, de fonds de commerce, d’actions ou de parts sociales de sociétés civiles visées à l’article 13 bis, chiffre 7°, de la loi n° 580 du 29 juillet 1953 portant aménagement des droits d’enregistrement et d’hypothèques, modifiée, en vue de les revendre.
Les personnes remplissant les critères prévus à l’alinéa précédent sont qualifiées de marchands de biens, sous réserve des dispositions de l’article 2.
Pour l’application de la présente loi, les lotisseurs, à savoir les personnes qui acquièrent des biens immeubles en vue de les aménager et de les diviser en lots ou de les réunir dans le but de les revendre, sont assimilés aux marchands de biens.
Chapitre II
Des conditions d’exercice de l’activité
Section 1
De la déclaration et de l’autorisation d’exercer
Art. 2.
L’activité de marchand de biens est subordonnée, selon le cas :
- au dépôt d’une déclaration ou à la délivrance d’une autorisation administrative d’exercer, dans les conditions prévues par la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l’exercice de certaines activités économiques et juridiques, modifiée, ou ;
- à la délivrance d’une autorisation administrative sur le fondement de l’Ordonnance du 5 mars 1895 sur les sociétés anonymes et en commandite par actions, modifiée.
La déclaration ou l’autorisation mentionnée au précédent alinéa porte la mention « Marchand de biens ».
Art. 3.
La délivrance de l’autorisation administrative prévue à l’article 2 est subordonnée, pour les personnes physiques exerçant en nom personnel et les gérants de société à responsabilité limitée, à la justification de leur résidence effective à Monaco.
La délivrance de l’autorisation administrative prévue à l’article 2 est subordonnée, pour les personnes morales, à la détention directe ou indirecte d’au moins 75 % de leur capital social par des personnes physiques de nationalité monégasque, ou qui justifient, si elles sont de nationalité étrangère, de leur résidence effective à Monaco.
Section 2
De la garantie financière
Art. 4.
Toute personne physique ou morale, qui procède à la déclaration d’exercer ou qui sollicite l’autorisation administrative prévues à l’article 2, doit justifier de l’obtention d’une garantie financière affectée au paiement de tout ou partie du droit d’enregistrement prévu à l’article 11, en cas de défaillance.
La garantie financière visée à l’alinéa précédent doit être obtenue auprès d’une banque ou d’un établissement financier habilité à donner caution et ayant son siège ou sa succursale dans la Principauté.
Art. 5.
La garantie financière prévue à l’article précédent doit être prise sous la forme d’une garantie à première demande à l’égard du Trésor.
Cette garantie résulte d’un engagement écrit par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation ayant pour origine les opérations visées à l’article premier, à verser une certaine somme, à première demande, au Trésor. Cette somme ne peut toutefois excéder le montant de la créance certaine, liquide et exigible au titre de laquelle la garantie financière est actionnée.
Le garant s’exécute sur l’ordre du Trésor et ne peut opposer aucune exception tenant à l’obligation garantie.
Art. 6.
L’auteur de la déclaration ou le titulaire de l’autorisation prévues à l’article 2 doit disposer de la garantie financière selon les conditions prévues par la présente section.
Toute cessation de la garantie doit être portée sans délai par le garant et par le marchand de biens, à la connaissance du Ministre d’État.
Art. 7.
Les modalités relatives à la garantie financière prévue à l’article 4 et son montant minimal sont fixés par Ordonnance Souveraine.
Section 3
De l’assurance de la responsabilité civile professionnelle
Art. 8.
Toute personne physique ou morale, qui procède à la déclaration d’exercer ou qui sollicite l’autorisation administrative prévues à l’article 2, doit justifier de la souscription d’un contrat d’assurance couvrant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle à raison de l’activité exercée.
Le contrat d’assurance est souscrit auprès d’un agent général d’assurances ou d’un courtier en assurances agréé pour pratiquer dans la Principauté.
Art. 9.
L’auteur de la déclaration ou le titulaire de l’autorisation prévues à l’article 2 doit disposer en permanence d’un contrat d’assurance couvrant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle à raison de l’activité exercée selon les conditions prévues par la présente section.
Toute suspension de garanties, dénonciation de la tacite reconduction ou résiliation du contrat d’assurance doit être portée sans délai à la connaissance du Ministre d’État par l’entreprise d’assurance ou son représentant dans la Principauté et par le marchand de biens, titulaire dudit contrat.
Art. 10.
Les modalités relatives au contrat d’assurance prévu à l’article 8 sont fixées par Ordonnance Souveraine.
Chapitre III
Des droits d’enregistrement en matière de mutation à titre onéreux
Art. 11.
L’enregistrement des actes constatant les opérations visées à l’article premier qui ne sont pas soumises de plein droit à la taxe sur la valeur ajoutée, réalisées par les marchands de biens qui satisfont aux conditions de déclaration ou d’autorisation visées à l’article 2, bénéficie d’une exonération de moitié des droits d’enregistrement applicables, sous réserve des conditions cumulatives suivantes :
1°) qu’ils se conforment aux obligations particulières faites aux personnes se livrant à des opérations d’intermédiaire pour l’achat ou la vente des immeubles ou des fonds de commerce ou de clientèles prévues par l’article 8 de la loi n° 474 du 4 mars 1948 portant réforme en matière de droit d’enregistrement et de timbre, modifiée ;
2°) qu’ils souscrivent à la Direction des Services Fiscaux, dans les quinze jours à compter de leur inscription au Répertoire du Commerce et de l’Industrie, une déclaration conforme au modèle fourni par l’Administration ;
3°) qu’ils fassent connaître dans l’acte d’acquisition leur intention de revendre dans le délai de trois ans, lequel peut être prorogé d’un an sur demande auprès de l’autorité compétente ;
4°) qu’ils s’engagent, dans l’acte d’acquisition, à justifier, lors de la revente et dans les conditions précisées par Ordonnance Souveraine, de la conformité du bien aux normes en vigueur, notamment électriques et énergétiques.
En cas d’acquisitions successives par les personnes mentionnées à l’article premier, le délai imparti au premier acquéreur s’impose à chacune de ces personnes.
À défaut de revente dans le délai visé au chiffre 3°) du premier alinéa, ou à défaut de conformité du bien aux normes visées au chiffre 4°) du premier alinéa, les marchands de biens sont tenus de s’acquitter de la différence entre le droit d’enregistrement visé au premier alinéa et celui dont ils sont redevables, en vertu des articles 12, 13 bis et 16 de la loi n° 580 du 29 juillet 1953 portant aménagement des droits d’enregistrement et d’hypothèques, modifiée, outre l’intérêt de retard y afférent calculé au taux de l’intérêt légal, ainsi qu’un droit supplémentaire de 5 %.
Ces droits et intérêts de retard doivent être versés dans le mois suivant l’expiration du délai visé au chiffre 3°) du premier alinéa.
Chapitre IV
Sanctions
Section 1
Sanctions administratives
Art. 12.
Le contrôle de l’application de la présente loi et ses textes d’application est exercé dans les conditions fixées par la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, modifiée, précitée, ou par la loi n° 767 du 8 juillet 1964 relative à la révocation des autorisations de constitution des sociétés anonymes et en commandite par actions, modifiée.
Par décision du Ministre d’État, la déclaration d’exercer visée à l’article 2 peut faire l’objet d’une suspension ou être privée d’effets et l’autorisation visée audit article peut être suspendue ou révoquée, dans les conditions prévues par la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, modifiée, précitée, ou par la loi n° 767 du 8 juillet 1964, modifiée, précitée, ou si l’une des conditions d’exercice prévues au Chapitre II de la présente loi cesse d’être remplie.
Par dérogation à la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, modifiée, précitée, et à la loi n° 767 du 8 juillet 1964, modifiée, précitée, la déclaration visée à l’article 2 peut faire l’objet d’une suspension ou être privée d’effets et l’autorisation visée audit article peut être suspendue ou révoquée, lorsque l’auteur de la déclaration ou le titulaire de l’autorisation est resté, sans motif légitime, plus de trois ans, sans réaliser une des opérations prévues à l’article premier.
Section 2
Sanctions pénales
Art. 13.
Le fait, pour toute personne, de se livrer aux opérations définies à l’article premier sans avoir procédé à la déclaration d’exercer ou sans avoir obtenu l’autorisation administrative prévues à l’article 2, est puni de l’amende prévue au chiffre 4 de l’article 26 du Code pénal.
Sont punis de la même peine toute personne qui a prêté son nom pour procéder à la déclaration d’exercer ou obtenir l’autorisation administrative prévue à l’article 2, ainsi que ceux au profit desquels l’opération de prête-nom est intervenue.
Le montant maximum de l’amende peut être porté jusqu’au double du profit éventuellement réalisé.
Art. 14.
Est puni des peines prévues à l’article précédent le fait, pour toute personne, de continuer de se livrer aux opérations définies à l’article premier après que la déclaration d’exercer ait été suspendue ou privée d’effets, ou que l’autorisation administrative, prévues à l’article 2, ait été suspendue ou révoquée.
Art. 15.
Est puni de l’amende prévue au chiffre 4 de l’article 26 du Code pénal, l’entreprise d’assurance ou son représentant dans la Principauté ou le marchand de biens qui méconnaît l’obligation prévue par l’article 9.
Art. 16.
Quiconque met ou tente de mettre obstacle aux contrôles exercés en vertu des articles 18 à 20 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, modifiée, est puni d’un emprisonnement de un mois à six mois et de l’amende prévue au chiffre 2 de l’article 26 du Code pénal ou de l’une de ces deux peines seulement.
Chapitre V
Dispositions transitoires et finales
Art. 17.
Les dispositions de la présente loi s’appliquent à toutes les procédures de déclaration d’exercer et d’autorisation administrative en cours d’instruction après son entrée en vigueur.
Art. 18.
Toute personne qui, au jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, exerce une activité de marchand de biens au sens de l’article premier, sur le fondement d’une déclaration ou d’une autorisation administrative, conformément aux dispositions de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, modifiée, précitée, ou sur le fondement de l’Ordonnance du 5 mars 1895, modifiée, doit se mettre en conformité avec les dispositions des articles 4 à 10, dans le délai de trois mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.
À défaut, et à l’expiration de ce délai, les dispositions de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, modifiée, précitée, ou celles de la loi n° 767 du 8 juillet 1964, modifiée, précitée, sont applicables.
Art. 19.
Les dispositions relatives aux droits d’enregistrement prévues à l’article 11 s’appliquent à toutes les acquisitions réalisées par les marchands de biens à compter du 1er septembre 2024.
Art. 20.
À compter de l’entrée en vigueur des dispositions relatives aux droits d’enregistrement prévues à l’article 11, l’article premier de la loi n° 1.044 du 8 juillet 1982 concernant l’exonération des droits d’enregistrement relatifs aux opérations faites par les marchands de biens, aux ventes publiques de certains meubles corporels et aux marchés de travaux, d’approvisionnement ou de fournitures, modifiée, ainsi que toutes dispositions contraires à la présente loi, sont abrogés.
Art. 21.
Une Ordonnance Souveraine détermine les modalités d’application de la présente loi.
La présente loi est promulguée et sera exécutée comme loi de l’État.
Fait en Notre Palais à Monaco, le deux juillet deux mille vingt-quatre.
Albert.
Par le Prince,
Le Secrétaire d’État :
Y. Lambin Berti.
Le Dossier Législatif - Travaux Préparatoires de la Loi est en annexe du présent Journal de Monaco.