DIRECTION DES SERVICES JUDICIAIRES COUR D’APPEL DE LA PRINCIPAUTE DE MONACO ANNEE JUDICIAIRE 2013-2014 RENTREE DES TRIBUNAUX Audience Solennelle du 1er octobre 2013
DISCOURS DE RENTREE prononcé par M. Jean-François RENUCCIi
Conseiller à la Cour de Révision
« Le professeur de droit, le juge et l’avocat face a la cour européenne des droits de l’homme »
ALLOCUTIONS DE Mme Brigitte GRINDA-GAMBARINI
Premier Président de la Cour d’Appel
M. Jean-Pierre DRENO
Procureur Général
Le mardi 1er octobre 2013 a été marqué par la traditionnelle audience de rentrée des Cours et Tribunaux.
Cette audience a été précédée par la Messe du Saint-Esprit qui a été concélébrée par Mgr Bernard BARSI et Mgr GIULIANO. M. Jacques BOISSON, Secrétaire d’Etat, représentait Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain.
A l’issue de la messe, l’audience solennelle débutait sous la présidence de Mme Brigitte GAMBARINI, Premier Président de la Cour d’Appel qui avait à ses côtés, M. Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président de la Cour d’Appel, M. Thierry PERRIQUET, Mme Muriel DORATO-CHICOURAS et M. Marc SALVATICO, Conseillers à la Cour.
M. Roger BEAUVOIS, Premier Président de la Cour de Révision était accompagné de Mme Cécile PETIT, MM. Jean-Pierre DUMAS, Charles BADI, Guy JOLY, Jean-François RENUCCI, Conseillers.
Mme Martine COULET-CASTOLDI, Président du Tribunal de Première Instance, conduisait les magistrats de sa juridiction :
Mme Michèle HUMBEERT, Premier juge chargée des fonctions de vice-président,
M. Jérôme FOUGERAS-LAVERGNOLLE, Premier Juge,
Mme Stéphanie Vikström, Premier Juge,
M. Sébastien BIANCHERI, Premier Juge,
M. Cyril BOUSSERON, Premier Juge,
M. Florestan BELLINZONA, Premier Juge,
M. Pierre KUENTZ, Juge d’instruction,
M. Loïc MALBRANCKE, Juge d’instruction,
M. Morgan RAYMOND, Juge Tutélaire,
Mme Patricia HOARAU, Juge,
Mme Emmanuelle CASINI BACHELET, Juge,
Mme Sophie LEONARDI, Juge,
Mlle Cyrielle COLLE, Juge,
Mme Aline BROUSSE, Magistrat référendaire.
Mlle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, était également présente.
M. Jean-Pierre DRENO, Procureur Général, représentait le ministère public avec à ses côtés, M. Gérard DUBES, Premier Substitut, MM. Jean-Jacques IGNACIO, Michaël BONNET, Substituts et Mlle Alexia BRIANTI, Magistrat référendaire.
Le plumitif d’audience était tenu par Mme Béatrice BARDY, Greffier en Chef, assistée de Mmes Laura SIOLI-SPARACIA et Virginie SANGIORGIO, Greffiers en Chef adjoints, entourées des greffiers en exercice.
Me Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET et Me Claire NOTARI occupaient le banc des huissiers.
Me Jean-Pierre LICARI, Bâtonnier de l’Ordre des avocats-défenseurs et avocats, était entouré des membres du barreau.
Assistaient également à cette audience les notaires, experts-comptables, administrateurs judiciaires et syndics de faillite.
Madame Brigitte Grinda-Gambarini, Premier Président de la Cour d’Appel, ouvrait l’audience en ces termes :
« L’audience solennelle est ouverte.
Comme tous les 1er octobre, les juridictions de l’ordre judiciaire sont réunies pour clore solennellement une année judiciaire et annoncer la reprise de leurs travaux.
Monsieur le Secrétaire d’État, Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain qui nous a récemment fait l’immense honneur d’assister à la cérémonie solennelle d’inauguration de la nouvelle partie du palais de justice réservée aux cours supérieures et au Conseil d’État est aujourd’hui retenu par les Hautes obligations de sa charge. Pouvez-vous lui faire part de nos sentiments déférents et respectueux et de notre profonde gratitude pour la confiance totale dont il nous honore.
Monsieur le Ministre d’État,
Monseigneur BARSI, Archevêque de Monaco,
Monsieur Laurent NOUVION, Président du Conseil National, la compagnie judiciaire est très heureuse de vous accueillir pour la première fois dans cette salle d’audience en votre qualité de représentant de nos concitoyens,
Monsieur le Président du Conseil de la Couronne,
Monsieur le Ministre Plénipotentiaire, Directeur des Services Judiciaires et Président du Conseil d’Etat,
Monsieur le Chef du Cabinet de S.A.S. le Prince Souverain,
Madame, Messieurs les Conseillers de Gouvernement,
Monsieur l’Ambassadeur de France,
Monsieur l’Ambassadeur d’Italie,
Monsieur le Président du Tribunal Suprême et les membres de cette juridiction,
Messieurs les membres du Haut conseil de la magistrature,
Monsieur le Vice-Président du Conseil d’Etat, Messieurs les Conseillers d’Etat,
Mesdames, Messieurs soyez assurés de notre sincère reconnaissance pour votre fidélité.
Nous nous réjouissons également de la présence de tous les acteurs de la vie judiciaire monégasque :
Monsieur Régis ASSO, Directeur de la Sûreté Publique, vous avez pris vos fonctions au début de l’année 2013 et nous sommes heureux de vous voir également assister pour la première fois à cette audience solennelle de rentrée des Cours et Tribunaux.
Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de la Principauté de Monaco et les membres du barreau monégasque, Mesdames, Messieurs les notaires, les huissiers de justice, les experts judiciaires, les syndics et administrateurs,
Monsieur le Directeur de la maison d’arrêt et son adjoint,
Nous sommes enfin toujours très satisfaits de constater que nos voisins et amis se déplacent, parfois de loin, pour venir assister à la reprise de nos travaux.
Madame Catherine HUSSON-TROCHAIN, Première Présidente de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence,
Monsieur Jean-Marie HUET, Procureur Général près de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence,
Monsieur Vito MONETTI, Procureur Général près de la Cour d’appel de Gênes,
Madame Dominique KARSENTY, Présidente du Tribunal de Grande Instance de Nice,
Monsieur Éric BEDOS, Procureur de la République auprès du Tribunal de Grande Instance de Nice,
Madame Isabelle IMBERT, Vice-Présidente du Tribunal de Grande Instance de Grasse et camarade des bancs de la faculté, représentant Monsieur Philippe RUFFIER, Président de ce même Tribunal,
Monsieur Georges GUTIERREZ, Procureur de la République, nouvellement installé auprès du Tribunal de Grande Instance de Grasse, que nous recevons avec joie, également pour la première fois, lors de cette rentrée judiciaire, tout comme Monsieur Xavier BONHOMME, Procureur de la République auprès du Tribunal de Grande Instance d’Ajaccio,
Maître Robert CERESOLA représentant Maître Marie-Christine MOUCHAN, Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Nice,
Monsieur Christian VALLAR, Doyen de la faculté de droit de Nice,
Mesdames, Messieurs votre fidèle présence nous touche toujours infiniment et reflète notre attachement à des valeurs communes ainsi que notre affection pour certaines traditions telles que cette audience solennelle de rentrée des Cours et Tribunaux.
Nous avons eu cette année encore le plaisir de rendre visite aux juridictions du pays voisin pour assister à d’autres audiences solennelles de rentrée.
Le constat est identique : la mémoire des pierres du Parlement de Provence ou de la villa « La Cote » abritant le Tribunal Administratif de Nice est toute aussi lourde de sens que cette communion de pensée qui unit, à travers les frontières, nos compagnies judiciaires respectives.
L’ouverture d’une nouvelle année judiciaire suppose que soient au préalable rappelés les événements qui ont marqué l’année écoulée et il est d’usage de les évoquer de façon chronologique.
Je ferai, cette année, une exception à cette règle car un événement mérite d’être immédiatement rappelé sous la forme d’un hommage, s’agissant du départ à la retraite le 4 avril 2013 d’un très grand Monsieur, juriste remarquable à la plume incisive et subtile, dont les qualités humaines et la grande simplicité laisseront dans ces murs une trace indélébile.
Monsieur Jean APOLLIS, Premier Président de la Cour de Révision, a siégé pour la dernière fois en Principauté lors de la session du mois de mars 2013. Ce très haut magistrat, qui préfère se décrire comme un simple chef d’orchestre, dirigeant et orientant le travail de ses musiciens, a veillé sur notre juridiction suprême du 10 février 1999 au mois de mars de cette année.
Il a marqué de son empreinte, par ses grandes qualités de juriste et son humanisme, l’ensemble de nos juridictions et plus simplement la justice de notre pays.
À ce Premier Président qui prétendait après sa dernière audience que le temps des certitudes avait laissé peu à peu la place à la période des doutes, j’ai envie de répondre, au nom de la compagnie judiciaire monégasque, que nous n’éprouvons, quant à nous, aucun doute quant à l’admiration et l’affection que nous lui portons.
Son départ a été ressenti avec une vive émotion et ses symphonies vont nous manquer. Tout en le remerciant pour ce qu’il a apporté à notre justice, nous lui souhaitons une période de repos bien mérité et le félicitons pour l’honorariat qui lui a été conféré.
Il est également temps de renouveler nos plus vives félicitations à Monsieur Roger BEAUVOIS, Vice-Président de la Cour de Révision depuis l’année 2006 qui vient d’être nommé Premier Président de cette Cour par ordonnance souveraine du 4 avril 2013.
Ce très grand magistrat, Commandeur de l’Ordre National du Mérite et Commandeur de la Légion d’honneur, a effectué en France une remarquable carrière qui l’a notamment conduit à occuper les très hautes fonctions de Président de Chambre à la Cour de Cassation française de 1992 à 2001, avant d’être nommé conseiller à la Cour de Révision et d’être donc détaché en Principauté de Monaco pour la première fois au mois d’août 2004.
Nous formons à l’intention de Monsieur BEAUVOIS, toujours Président de Chambre honoraire à la Cour de Cassation française, des vœux de parfaite réussite au plus haut poste de la magistrature monégasque et lui souhaitons un plein épanouissement dans cette éminente fonction.
Monsieur Jean-Pierre DUMAS, également Président de Chambre honoraire à la Cour de Cassation française, après avoir été Président de la deuxième Chambre civile puis de la Chambre commerciale, a accédé en 2004 aux fonctions de Conseiller à la Cour de Révision. Il vient d’être nommé Vice-Président de cette haute juridiction par ordonnance souveraine du 4 avril 2013. Nous lui présentons également nos plus chaleureuses félicitations.
D’autres événements ont marqué l’année 2012-2013.
En ce qui concerne les magistrats,
Mademoiselle Alexia BRIANTI et Madame Aline BROUSSE ont été nommées Magistrats référendaires par ordonnance souveraine du 26 décembre 2012 et affectées respectivement, à compter du 7 janvier 2013, au Parquet Général et au Tribunal de Première Instance pour une durée d’un an.
Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Conseiller à la Cour d’appel, a été nommé Vice-Président de notre Cour par ordonnance souveraine du 10 janvier 2013.
Mademoiselle Cyrielle COLLE, Magistrat référendaire, a été nommée Juge au Tribunal de Première Instance par ordonnance souveraine du 4 avril 2013.
Monsieur Florestan BELLINZONA a accédé aux fonctions de premier juge le 18 août 2013.
Au Barreau, Maître Régis BERGONZI a été nommé avocat-défenseur par ordonnance souveraine du 20 décembre 2012,
Maître Olivier MARQUET a été nommé avocat-défenseur par ordonnance souveraine du 16 janvier 2013,
Maître Christophe BALLERIO a été nommé avocat à l’issue de son stage par Arrêté du Directeur des Services Judiciaires le 14 novembre 2012,
Mademoiselle Alice PASTOR et Monsieur Xavier-Alexandre BOYER qui ont réussi l’examen d’aptitude à la profession d’avocat, ont été nommés avocats stagiaires par arrêté de Monsieur le Directeur des Services Judiciaires en date du 26 décembre 2012 et ont prêté serment le 11 janvier 2013.
Maître Bernard BENSA a enfin été nommé avocat par arrêté du 11 mars 2013 après une remarquable carrière au barreau de Nice où sa réputation n’est plus à faire.
Du coté des greffes, Madame Laurie PANTANELLA a été nommée greffier stagiaire le 20 novembre 2012 et affectée au service correctionnel début janvier 2013. Concomitamment,
Mademoiselle Florence TAILLEPIED, Attachée au greffe général a été nommée auprès du Tribunal Suprême et de la Cour de Révision, tandis que Mademoiselle Marina MILLIAND a été nommée au secrétariat de la première présidence de notre Cour d’appel et à celui de la Cour d’appel civile.
Madame Joëlle JEZ, greffier, a été admise à faire valoir ses droits à la retraite le 5 mars 2013.
Madame Catherine DUCAS a été nommé greffier stagiaire le 18 mars 2013 et affectée au greffe de l’instruction.
La compagnie judiciaire a également été mise à l’honneur à l’occasion de la fête nationale, puisque Monsieur Charles BADI, Conseiller à la Cour de révision a été distingué dans l’Ordre de Saint-Charles, au grade de Chevalier.
Si aucun événement malheureux n’a directement touché cette année la compagnie judiciaire, tous les magistrats et personnels de justice ont ce matin une pensée émue pour la famille et les amis de l’ancien directeur de la sûreté publique, M. André MUHLBERGER décédé cet été dans des conditions tragiques. Nous prions M. Régis ASSO et ses adjoints de bien vouloir faire part de notre vive émotion et de toute notre sympathie aux membres de la famille et aux proches de M. MUHLBERGER.
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Comme chaque année, l’un des membres du corps judiciaire est conduit à nous faire part de ses réflexions sur un sujet susceptible d’intéresser l’ensemble de l’auditoire.
Que l’on soit juge ou avocat, les droits de l’homme sont devenus la référence nécessaire et commune de tout discours moderne et la convention qui les édicte -sans réellement se prononcer sur les devoirs de ces mêmes hommes- demeure la norme incontournable. Espoir suprême des justiciables, mais contrainte juridique pour le juge national tenu de livrer une motivation imparable, elle est également un précieux outil offert à l’ingéniosité des avocats pour nous conduire à approfondir notre réflexion.
Cette réflexion est de plus chaque jour enrichie à la lumière des nombreuses études doctrinales consacrées à la convention européenne et souvent, hélas, compliquée par les controverses qu’elles suscitent.
Il était donc légitime et intéressant de mettre en scène ces trois acteurs que sont le théoricien ou professeur de droit, le juge et l’avocat dans un livret commun ayant pour thème la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
Cette remarquable mise en situation va nous être proposée par Monsieur le Conseiller à la Cour de révision Jean-François RENUCCI, Professeur à la faculté de droit de Nice et surtout éminent spécialiste des droits de l’homme, unanimement reconnu par ses pairs.
En application des dispositions de l’article 47 de la nouvelle loi du 24 juin 2013 relative à l’organisation judiciaire, je cède immédiatement la parole à notre orateur pour traiter le sujet suivant :
« Le professeur de droit, le juge et l’avocat face à la Convention européenne des droits de l’homme ».
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* *
Monsieur Jean-François RENUCCI prononçait alors son discours.
« Mesdames, Messieurs,
Je dois donc vous parler du juge, de l’avocat et du professeur de droit face à la Convention européenne des droits de l’homme.
Je dois dire qu’au départ, l’entreprise me paraissait facile. La Convention européenne des droits de l’homme est une matière sur laquelle je travaille depuis près de 20 ans, professeur de droit je le suis depuis longtemps maintenant, avocat je l’ai été et juge, je le suis devenu.
Par conséquent, ayant exercé cumulativement ou successivement ces différentes fonctions, je me suis dit que rien ne serait plus facile que de traiter un tel sujet, tout simplement en faisant appel à mon expérience, à mes souvenirs et à mes sentiments.
Mais, finalement, l’exercice s’est révélé beaucoup plus difficile que je ne pensais. Serait-ce parce que, finalement, plusieurs personnalités s’entrechoquent ? Là cela devient un peu plus problématique : en effet, lorsqu’il est question de double personnalité, cela peut déjà poser problème, mais s’il y en a trois, les choses sont encore plus délicates.
Mais, y a-t-il vraiment trois personnalités ? Sans doute pas, mais vraisemblablement une seule exerçant des fonctions différentes.
Très bien, mais alors suis-je toujours le même dans les trois cas de figure, ou suis-je plus ou moins différent ? Et si je suis le même, n’est-ce pas dangereux ? Et si je ne suis plus le même, n’est-ce pas encore plus dangereux ? Incontestablement, ça se complique un peu.
Finalement, mieux vaut se recentrer sur le terrain purement juridique et laisser de côté ces questions métaphysiques, voire existentielles, auxquelles sont peu habitués les juristes.
Là, nous sommes sur un terrain plus familier.
La Convention européenne des droits de l’homme est un texte relativement ancien, qui date du début des années 50. Chacun connaît la genèse de ce texte, écrit dans l’après-guerre avec une farouche et belle volonté du « Plus jamais ça » ! Plus jamais d’atteintes aux droits de l’homme ! Plus jamais d’horreurs telles qu’on en a connu pendant la Seconde Guerre mondiale !
Mais, si ce texte date des années 50, ce n’est que bien des années plus tard que l’on s’y est intéressé de très près dans les juridictions et dans les facultés.
Certes, les États qui, comme la Principauté, ont signé la Convention ces dix dernières années ont été directement confrontés à cette réalité, réalité qui faisait immédiatement partie du paysage judiciaire. Mais pour ce qui est des Etats, comme la France et quelques autres, qui avaient signé la Convention dès les années 50 ou tout de suite après, l’intérêt n’a pas été immédiat, ce qui explique sans doute, du moins en partie, les réactions controversées par la suite…, des réactions au demeurant particulièrement vives, parfois même irrationnelles.
En effet, pendant près de quarante ans, la Convention européenne n’intéressait guère les juges et les avocats, pas même les professeurs de droit à l’exception de quelques internationalistes. Bref, dans les Palais de justice, on vivait sans elle (certains d’entre vous sont peut être en train de se dire que ce n’était pas plus mal…, tandis que d’autres sont en train de penser très exactement le contraire…).
Puis, dans les années 90, ce fut le choc avec l’irruption de la Convention européenne dans les préoccupations des juristes. Dès lors, dans tous les États membres du Conseil de l’Europe, les juges et les avocats, ainsi que les professeurs de droit se sont beaucoup intéressés à la Convention. Que s’est-il passé tout d’un coup ?
Rien de surnaturel, et rien véritablement de spontané. L’explication est simple : à l’origine, le système européen de protection des droits de l’homme était essentiellement politique et pas encore véritablement judiciaire. En effet, à l’origine, le système reposait principalement sur le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, organe politique puisque composé de tous les ministres des Affaires étrangères des Etats membres : c’est précisément ce Comité des ministres qui était amené à se prononcer sur une éventuelle violation des droits de l’homme par l’un des États. C’est dire que la Convention européenne des droits de l’homme, pas dans son contenu, mais dans sa mise en œuvre, dans son fonctionnement, n’était pas véritablement l’affaire des individus, mais davantage celle des Etats.
Mais, une possibilité existait : le judiciaire n’était pas loin même si, au départ, il était assez marginal et presque caché (du coup les mauvaises langues pourraient dire que le judiciaire avance parfois masqué). En effet, si les États le voulaient bien (et uniquement s’ils le voulaient bien), ils pouvaient opter pour la juridiction de la Cour européenne des droits de l’homme, cette juridiction de la Cour étant facultative. Car la Cour existait, mais son rôle était mineur. D’ailleurs, à l’époque, l’activité de la Cour n’était pas très importante (du moins quantitativement) : les juges se réunissaient à Strasbourg une semaine par mois et conservaient bien évidemment toutes leurs activités professionnelles habituelles. Maintenant les choses ont radicalement changé : la Cour est permanente et les juges se consacrent totalement à leur activité juridictionnelle… et d’ailleurs même dans ces conditions la Cour est aujourd’hui presque au bord de l’asphyxie.
C’était en effet une option pour les États. Dans le système européen, c’est le Comité des ministres, organe politique, qui jugeait les États, mais, si les États optaient pour la formule judiciaire, c’est alors la Cour européenne, organe judiciaire, qui jouait ce rôle.
La politique des petits pas était ainsi enclenchée. Au fil du temps, de plus en plus d’États optaient pour la voie judiciaire. Il y avait là, il faut bien le reconnaître, une petite pression « amicale », politique et diplomatique, de sorte qu’il a fini de ne plus être de bon ton de ne pas opter pour la juridiction facultative de la Cour. Bon gré mal gré, tous les États ont fini par admettre la voie judiciaire : au début des années 90, tous les États membres de l’époque avaient accepté la juridiction de la Cour européenne.
Mais cette voie judiciaire restait facultative, de sorte que les nouveaux États membres du Conseil de l’Europe, les nouveaux signataires de la Convention européenne des droits de l’homme, pouvaient parfaitement ne pas suivre l’exemple et donc rester justiciables, non pas de la Cour, mais du Comité des ministres. C’est pour cela que l’on continuait à parler de « juridiction facultative » de la Cour. Mais là encore de petites pressions « amicales » devaient intervenir et, de toute façon, cela n’a duré qu’un temps. En 1998, un protocole d’amendement particulièrement important est intervenu (Protocole n° 11) et l’une des principales modifications consistait précisément à juridictionnaliser le système européen de protection des droits de l’homme. La juridiction de la Cour n’était plus facultative, mais obligatoire, et le Comité des ministres n’intervenait plus pour se prononcer sur l’éventuelle violation de la Convention par l’un des États. Son rôle était cantonné (et c’est toujours le cas) à la surveillance de l’exécution des arrêts qui sont rendus par la Cour de Strasbourg, et par elle seule.
C’est dire que les nouveaux signataires de la Convention européenne, après 1998, n’avaient plus le choix : la seule instance à se prononcer sur une éventuelle violation de la Convention est la Cour, organe judiciaire.
En plus, une autre évolution importante devait intervenir simultanément. À l’origine, le recours individuel devant la Cour européenne était lui aussi facultatif : c’est le recours étatique qui était en quelque sorte la norme (la Convention était donc bien davantage l’affaire des Etats que des individus).
Désormais, le recours individuel n’est plus facultatif et il est même devenu le recours principal, le recours étatique étant quant à lui assez marginal désormais. Progressivement, le système a beaucoup changé : on peut même penser qu’il a changé de nature, le recours individuel étant au cœur du système. La CEDH est progressivement devenue l’affaire des individus plus que des Etats, du moins dans sa mise en œuvre et son fonctionnement.
Tout cela a eu pour conséquence une importance croissante et forte de la Convention européenne dans le milieu judiciaire, d’autant plus que conformément au principe de subsidiarité, nul ne peut exercer un recours à Strasbourg s’il n’a pas épuisé les voies de recours internes. Le premier juge de la Convention européenne est le juge national et c’est donc devant lui que prioritairement une éventuelle violation de la Convention, qui est d’application directe, doit être plaidée.
À partir de ce moment là, devant les juges (juges nationaux puis juges européens), l’invocation de la Convention est devenue quasi systématique et n’a fait que monter en puissance au fil des années. Il faut reconnaître que si, la plupart du temps, cette invocation est judicieuse et opportune, parfois elle l’est un peu moins.
Mais revenons à notre préoccupation première : les réactions face à la Convention européenne des droits de l’homme du juge, de l’avocat et du professeur de droit.
Pour résoudre la difficulté, le plus simple serait la caricature : comme on grossit le trait, les choses sont évidemment beaucoup plus faciles.
Ainsi, on pourrait dire que lors du premier face à face entre ces trois juristes et la Convention européenne des droits de l’homme, les réactions étaient plutôt instinctives :
Comment les caractériser ? Quel est le trait dominant ?
Pour le professeur de droit, c’était certainement la curiosité : un nouveau champ d’étude qui apparaît, de nouvelles questions à poser et à se poser, de belles controverses doctrinales en perspective.
Pour l’avocat, c’était probablement davantage la gourmandise : de nouveaux arguments à faire valoir devant les cours et tribunaux, une arme nouvelle à sa disposition ; même si ce n’est pas une arme de destruction massive comme certains ont pu (à tort) le penser, son efficacité est certaine.
Pour le juge, c’était plutôt la contrariété, surtout pour les juges qui intervenaient en dernier ressort, qui avaient pris l’habitude de dire définitivement le droit : c’était ainsi à l’époque, mais ça, c’était avant.
Mais là, je caricature. La réalité est beaucoup plus complexe, beaucoup plus nuancée, comme toujours. Cela est d’autant plus vrai que la curiosité n’est pas l’apanage des professeurs de droit, et que des magistrats ou des avocats peuvent être tout aussi curieux (je parle naturellement d’une curiosité scientifique). La même réflexion peut être faite pour la gourmandise, et pour ce qui est de la contrariété il en est de même : j’ai connu des confrères avocats, et bon nombre de collègues professeurs de droit qui ont été très contrariés… le mot est faible.
Dès lors, mieux vaut parler des juristes et de leurs réactions face à la Convention, lesquels ne constituent pas un ensemble homogène avec des réactions similaires. Nous ne pensons pas tous pareil, et c’est très bien ainsi.
En définitive, sur le plan des réactions face à la Convention, il n’y a pas réellement de spécificités propres à ces trois professionnels, même si l’on peut déceler une dominante, et encore. Quoi qu’il en soit, il est assurément difficile d’en tirer des conclusions générales. En réalité, quelle que soit la fonction, chacun réagit en fonction de sa sensibilité propre, et si des dominantes peuvent être observées, c’est peut-être davantage une question de génération qu’une question de fonction.
Il est vrai qu’une approche générationnelle peut être intéressante et significative, tant il est vrai que les plus jeunes générations de juristes ont été davantage sensibilisées à la matière, tout simplement parce que depuis quelques années la matière est enseignée dans les Facultés de droit et qu’elle est donc intégrée dans leur formation. Mais, là encore, il ne faut pas généraliser, les approches restant tout de même différentes et les juristes n’étant pas (fort heureusement) une population homogène.
Ce qui a probablement le plus changé, ce n’est pas la disparition des approches différentes de la Convention, et encore moins des controverses qui sont parfois très vives, mais davantage la manière dont s’expriment ces divergences.
Pour mieux appréhender cette évolution, une rétrospective s’impose. Au début, il y a quelques années, lorsque les juristes ont découvert la matière, je l’ai dit, les réactions étaient plutôt instinctives, voire irrationnelles. On était « pour » ou « contre » quasiment par principe ou d’instinct. Les « pour » voyaient dans la Convention un texte sacré et donc intouchable où toute critique était interdite puisque forcément blasphématoire. Les « contre » pensaient très exactement le contraire, et de façon tout aussi instinctive.
Chez les « pour », on pouvait à l’époque observer des réactions assez surprenantes : finalement, certains étaient plus que « pour » la Convention européenne des droits de l’homme : ils « croyaient en elle ». Ils croyaient en elle à tel point qu’ils n’en parlaient qu’en des termes idylliques et extatiques. Chez les « pour » d’autres étaient il est vrai un peu plus nuancés : certes il y avait de la sympathie et même de l’admiration, mais à des degrés divers et variables, mais sans passion romantique ni déception post-romantique1. Quoi qu’il en soit, nous étions davantage dans le domaine de la croyance : c’était un véritable acte de foi.
Chez les « contre », l’hostilité était particulièrement vive, y compris de la part des plus grands noms de la doctrine. Le doyen Carbonnier lui-même faisait état d’une « impression de décousu, de baroque même », ridiculisant la Cour de Strasbourg « qu’un rien amuse » écrivait-il, ajoutant que l’on finirait par s’irriter à la longue d’être (je cite) « gouverné par un conseil de conscience irresponsable, comme une chapelle très cléricale »2. Le Doyen Cornu parlait, lui, des « forces majoritaires de l’illusion, de l’utopie, de l’aveuglement et de la présomption », fustigeant « un corps étranger, un droit venu d’ailleurs (…) jouant au désordre plus qu’à la cohérence ».
Il a même évoqué (je cite) « un pont aux ânes qui débouche sur un terrain vague »3.
Bref, vous l’avez bien compris : ceux qui étaient « pour » l’étaient totalement et ne pouvaient pas comprendre un avis contraire, ou alors très difficilement. Et ceux qui étaient « contre » l’étaient de la même manière.
Autant dire que le dialogue était particulièrement difficile et les relations tendues. Il était devenu urgent d’apaiser les choses et probablement de se détendre.
Ce vœu a été partiellement exaucé. Les choses ont progressivement évolué, les relations se sont apaisées ce qui bien sûr n’empêche pas de vives controverses. Mais il est vrai que les oppositions ont changé de nature : on se place davantage sur le terrain juridique, on argumente en droit.
On est « pour » ou on est « contre », mais nous ne sommes plus dans le domaine de l’instinct ou de la croyance, mais dans celui de l’argumentation. On est « contre » parce que…, ou alors on est « pour » parce que… et on développe des arguments juridiques. Bref, on fait du droit.
Les rapports ont donc fini par se normaliser. La Convention européenne des droits de l’homme fait partie des préoccupations professionnelles du monde judiciaire, elle est appliquée, elle suscite des débats : nous sommes dans l’ordre naturel des choses.
En définitive, la question n’est même plus véritablement d’être « pour » ou « contre » la Convention, mais de savoir quelles sont les frontières de son applicabilité : ceux qui aiment bien ce texte auront tendance à souhaiter un élargissement de son champ d’application, tandis que ceux qui l’aiment moins (c’est un doux euphémisme) auront plutôt tendance à penser qu’il convient d’en restreindre le domaine… mais tout cela pour des raisons juridiques, tout cela découlant d’une argumentation juridique (exemple : l’applicabilité de l’Art. 6 au contentieux de la fonction publique, cf même l’applicabilité de la Convention au domaine économique et social).
Désormais, les juristes qui sont confrontés à la Convention européenne des droits de l’homme, qu’ils soient juges, avocats ou professeurs de droit, ils raisonnent véritablement en droit.
L’heure n’est plus aux croyances, aux réactions instinctives, aux convictions profondes ni aux affirmations péremptoires, mais aux démonstrations : c’est tout de même plus intéressant et plus constructif.
Le grand changement, c’est que la Convention européenne des droits de l’homme est désormais considérée pour ce qu’elle est : c’est un texte juridique, forcément imparfait puisque c’est une œuvre humaine (d’autant plus que c’est le fruit d’un compromis) : ce n’est pas un texte sacré, un texte divin, pas plus que ce n’est un texte diabolique. C’est un texte important, certes, d’autant plus qu’il a une valeur supérieure à la loi (mais pas à la Constitution) : mais ce n’est jamais qu’un texte de droit : pas moins, certes, mais pas plus.
Alors, me direz-vous, tout va désormais pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Pas vraiment.
En effet, les choses continuent de changer. Aujourd’hui, la Cour européenne des droits de l’homme fait l’objet de critiques : ça c’est classique, mais la nouveauté c’est que ces critiques se font sur le plan, non pas juridique, mais politique.
Ça c’est la grande nouveauté et c’est très récent. Mais nous sortons ici du champ d’étude qui est le mien aujourd’hui puisque là, ce n’est plus le juge, l’avocat ou le professeur de droit face à la Convention européenne des droits de l’homme, mais le politique face à cette Convention : c’est sans doute tout aussi intéressant, mais ce serait « hors sujet » et tous ceux qui ont été formés dans les Facultés de droit, et ils sont nombreux dans cette salle, savent à quel point il faut se garder du hors sujet.
Pour ce qui est de la préoccupation du juriste, et pour conclure, peut-être pourrais-je vous livrer mon sentiment subjectif sur la Convention.
Difficile.
Difficile, car le professeur de droit que je suis aura du mal à le faire, tant il est vrai que la noblesse et l’intérêt de la fonction consistent à répondre à des questions sur le plan strictement scientifique et jamais sur le plan purement subjectif : une démarche scientifique est incompatible avec une approche subjective.
Et puis, si, dans un moment de faiblesse et oubliant mes devoirs de professeur, j’étais tenté de me laisser aller à une approche purement subjective de la Convention, l’avocat que j’ai été dirait alors au juge que je suis devenu que ce ne serait pas une bonne idée : en effet, certains d’entre vous pourraient alors me reprocher, dès demain et ici même dans cette enceinte ou juste à côté, un défaut d’impartialité qui serait évidemment contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et aux exigences du procès équitable.
Alors, je ne puis me permettre de vous donner mon sentiment subjectif, mais ce que je puis vous dire, en toute objectivité et avec certitude, c’est qu’on n’en a pas fini avec la Convention européenne des droits de l’homme.
Je vous remercie.
*
* *
Madame le Premier Président reprenait alors la parole en ces termes :
« Monsieur le Conseiller, cher collègue, je me fais l’interprète de tous ici et vous présente de vifs compliments pour la qualité de votre brillant exposé.
Pour avoir assisté au cycle remarquable de conférences que vous avez eu la gentillesse de dispenser cette année dans nos murs, je savais que l’auditoire trouverait un réel intérêt dans votre discours et nous vous sommes très reconnaissants d’avoir consacré du temps à cette précieuse analyse et ce, alors que votre charge de conseiller à la cour de révision, mais aussi d’enseignant à la faculté de droit, ne vous en laisse guère.
L’étude minutieuse et pleine d’esprit à laquelle vous vous êtes livré a parfaitement mis en exergue la diversité des réactions suscitées par la convention européenne des droits de l’homme, mais aussi leur caractère radical et il faut le dire bien souvent passionné.
Vous l’avez brillamment souligné, aucun acte de foi n’est attendu des professionnels du droit, seule une réponse argumentée devant permettre de fonder l’applicabilité ou non de tel ou tel article de cette Convention.
Nous retiendrons surtout la grande sagesse de vos propos et la leçon d’humilité qui les colore. Pour les hommes que nous sommes -certes dotés de qualités mais recelant également en chacun de nous d’innombrables défauts- il ne s’agit en définitive que d’appliquer un texte aussi imparfait que nous pouvons l’être. Restons donc modeste et contentons nous de raisonner en droit et sans passion.
L’ouverture d’une nouvelle année judiciaire nous donne habituellement l’occasion de dresser un bilan de l’année écoulée et de la vie des juridictions. Il y a un an déjà, nous avions brièvement évoqué notre relation face à l’espace et au temps.
La permanence de notre institution, de nos valeurs, de nos traditions, dont cette audience est l’illustre représentation, ne peut pas dissimuler le fait que la justice évolue au sein d’un monde en constante mutation dans lequel le changement affecte inéluctablement les êtres et les choses. La nécessité de nous adapter continuellement à de nouvelles règles et à des besoins renouvelés ne doit cependant pas nous faire oublier que le premier des devoirs du service public est de garantir à tous l’accès au droit et au juge dans des conditions matérielles et temporelles satisfaisantes.
L’espace dans lequel nous évoluons, c’est tout d’abord un lieu de communication, celui du message livré et ce lieu-là ne s’arrête pas aux portes de ce palais.
Donner des repères à nos concitoyens, c’est nécessairement ouvrir les portes de nos prétoires et de nos bureaux aux plus jeunes.
Dans ce sens, il nous semble indispensable de continuer à répondre favorablement à toute action de communication sur nos professions, notamment en direction des écoles et des universités : Journée des métiers bien sûr, mais également bains en entreprise, intervention dans les établissements scolaires aux côtés d’officiers de police pour répondre à certaines interrogations, accès encadré à certaines audiences, ou encore stages d’étudiants de second cycle et accueil d’auditeurs de justice de l’Ecole Nationale de la Magistrature. Le rôle du Tribunal de Première Instance est fondamental dans ce type d’actions et d’interventions et nous ne pouvons que louer chaleureusement l’implication totale de ses magistrats et de leur Présidente.
A titre symbolique, la présence ce matin de Mme Isabelle BONNAL, Directrice de l’éducation Nationale et de M. Christian VALLAR, doyen de la faculté de droit de Nice, conforte ces liens qui unissent le monde de l’Education et du Savoir et celui de la Justice.
L’espace, c’est aussi paradoxalement, une zone de distance réduite entre la peur et l’information. Cette année, sous l’impulsion de notre procureur général et de Mlle Alexia BRIANTI, Magistrat référendaire, nous avons fait un premier pas vers la création d’une association des victimes. Le projet n’est pas à ce jour abouti mais la prise en compte de ce besoin est effective, les contacts ont été pris et la mise en place d’une première cellule d’accueil déjà envisagée.
L’espace, c’est encore l’aménagement de cette même distance entre la peur et certains types de situations. Divers événements fâcheux ont, cette année, marqué les esprits et nous remercions la Direction des services judiciaires d’avoir aussitôt fait réaliser une étude très complète sur la sécurité avant d’initier le plus rapidement possible la mise en place d’un système dissuasif destiné à protéger les magistrats et personnels de justice de tout individu dangereux ou simplement fragile et ce, dans les deux bâtiments du Palais de Justice. Qu’il me soit à cet égard permis de rendre publiquement hommage à la patience et au sang-froid des magistrats, greffiers et personnels de justice qui ont, dans ces circonstances, permis à la justice de suivre son cours normalement.
L’espace, c’est enfin l’accès au juge dans son aspect matériel. Nous évoquions il y a tout juste un an le projet relatif à l’extension de notre Palais de justice au bâtiment délaissé par le Conseil National rue Bellando de Castro qui vient d’être officiellement inauguré en présence de Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain.4
Grâce à cette extension, les cabinets de magistrats accueillant des personnes âgées ou à mobilité réduite et ne pouvant se déplacer normalement, se trouvent désormais situés en rez-de-chaussée du nouveau bâtiment. Nous bénéficions également d’une salle d‘audience supplémentaire et d’une chambre du conseil pour les juridictions supérieures, la Cour de révision et le Tribunal suprême dans la salle de délibération spécialement affectée au Conseil d’État.
Cette très récente inauguration nous conduit à rappeler qu’en décembre 1660, le Prince Honoré II avait vu s’achever la construction de la maison commune, ancêtre de notre actuel palais de justice, qui fut édifié au même endroit trois cents ans après et inauguré par le Prince Louis II et la Princesse héréditaire Charlotte le 2 avril 1930.
Moins d’un siècle plus tard, ce bâtiment et les quelques extensions successivement réalisées dans des locaux contigus ne suffisaient déjà plus à abriter l’ensemble de nos juridictions. Ainsi que le rappelait récemment Son Excellence M. NARMINO, l’augmentation régulière de nos activités a justifié -faute d’une emprise impensable sur l’édifice de la cathédrale voisine ou les locaux de l’archevêché- une extension sur ceux du Conseil National, institution exposée au même problème et dont le transfert en un autre lieu était déjà envisagé.
La compagnie judiciaire en son entier se réjouit de la parfaite réalisation de ce projet conduit et mené à terme sous l’impulsion de la Direction des Services Judiciaires et grâce à l’intervention du gouvernement monégasque dans des conditions de délais particulièrement satisfaisantes.
« Le Temple de la Justice » -ainsi que le nommait en 1930 M. NOGUES, Président de la délégation communale- se trouve donc agrandi.
Veiller à la bonne application de la loi dans les murs mêmes où elle fut votée ne pourra de toute évidence qu’être une source d’inspiration pour les magistrats, tant l’esprit des lois, cher à nos réflexions en délibéré, doit nécessairement y avoir laissé son empreinte.
Après ces quelques propos sur l’espace qui nous est consacré, je me dois de rappeler que l’appréciation du temps judiciaire avait été il y a un an une source d’émotion, alors même que la Commission européenne pour l’efficacité de la justice venait de classer nos juridictions au rang des mauvais élèves européens sur la base d’indicateurs statistiques peu adaptés à la taille de notre Etat en mettant l’accent sur certains retards dans les durées moyennes des instances.
Émues par le rapport critique émanant de la CEPEJ, Madame le Président du Tribunal de première instance et moi-même avions alors publiquement insisté auprès des magistrats, mais aussi des membres du barreau, sur notre responsabilité commune en matière de durée des instances. Certains avocats s’en sont émus.
Il n’était de toute évidence pas dans nos intentions de jeter l’anathème sur les membres du barreau, mais plutôt de sensibiliser tous les acteurs de la vie judiciaire sur l’impérieuse nécessité de mettre en place dès le 1er octobre 2012 de nouvelles pratiques plus respectueuses des attentes des justiciables. Des calendriers prioritaires ont été fixés pour les affaires les plus urgentes et les durées de mise en état de toutes les procédures se sont considérablement réduites.
Les excellents résultats obtenus cette année en matière civile par l’ensemble des juridictions permanentes, dont vous aurez un aperçu sur les petites plaquettes statistiques mises à votre disposition, sont révélateurs de notre succès à tous dans cette difficile entreprise de réduction des délais, mais aussi des stocks.
Le Tribunal de Première Instance a fait preuve d’une remarquable efficacité puisqu’il a rendu 1290 jugements, en ce compris les décisions de la Chambre du Conseil et des Commissions arbitrales de loyers, la formation collégiale du Tribunal ayant quant à elle rendu publiquement 845 décisions, soit 149 de plus que l’année précédente.
En matière sociale, le bureau de jugement du Tribunal du Travail a rendu 158 décisions, soit 92 jugements de plus qu’en 2011 - 2012, ce chiffre tenant en partie compte d’un grand nombre de désistements mais reflétant à l’évidence le succès de la nouvelle pratique également mise en place en matière de mise en état.
La Cour d’appel a également rempli les objectifs qu’elle s’était fixés. Si 291 décisions civiles, comprenant les affaires de Chambre du Conseil, ont été rendues, la Cour a notamment prononcé 232 arrêts en audience publique, soit quasiment le double par rapport à l’année précédente.
Dans tous les cas, les taux moyens de traitement des affaires en matière civile se sont grandement améliorés, la durée moyenne des délibérés également tandis que le nombre des procédures terminées a considérablement augmenté, en dépit d’une hausse significative des affaires nouvelles du moins devant la Cour d’appel.
Sans la collaboration active et particulièrement efficace des avocats-défenseurs et avocats tout au long de l’année, j’insiste sur ce point, nous n’aurions certainement pas pu atteindre ces résultats et je prie Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de bien vouloir faire part à l’ensemble de ses confrères de notre très grande satisfaction et de notre volonté de voir perdurer cette démarche commune en attendant une réforme plus complète de notre procédure civile, que nous appelons toujours de nos vœux et que laisse sans doute augurer la très récente adoption de la proposition de loi sur la nullité des actes de procédure.
Avant de conclure ce bref aperçu sur l’espace et le temps au sein desquels nous évoluons, il faut rappeler également que l’adoption de la loi n° 1398 relative à l’administration et à l’organisation judiciaires en date du 24 juin 2013 va contribuer à faciliter grandement le fonctionnement de la justice.
Pour ne retenir que l’essentiel, la durée de l’année judiciaire est désormais identique pour l’ensemble des juridictions, les vacations estivales s’emplaçant du 15 juillet au 30 septembre, ce qui permettra à la Cour d’appel de prévoir des audiences supplémentaires au-delà du 30 juin de chaque année.
Par ailleurs, certains problèmes récurrents de composition auquel sont de plus en plus souvent confrontées les juridictions de jugement sont en partie allégés puisque la Cour d’appel qui ne comprend que cinq membres peut désormais faire compléter sa formation de jugement par un ou plusieurs magistrats du Tribunal de Première instance, une telle faculté étant également conférée à la cour de révision qui peut faire appel pour siéger à un ou plusieurs membres du Tribunal de Première Instance ou de la Cour d’appel.
A l’issue de ce rapide bilan, je tiens bien sûr à féliciter chaleureusement et à remercier les magistrats du siège de l’ensemble des juridictions pour le travail très important fourni au cours de l’année écoulée.
Madame le Greffier en chef, Mesdames ses adjoints, qu’il me soit enfin permis de saluer publiquement le sens du service public de l’ensemble de vos personnels qui ont en 2012-2013 encore démontré leur grande faculté d’adaptation face à des problèmes conjoncturels importants sans se départir d’une volonté de bien faire qui force l’admiration. Je pense en particulier aux sections civiles et correctionnelles du Tribunal de première instance qui ont dû faire face à des départs et arrêts maladie récurrents sans réduire pour autant leur très grande capacité de travail. Je pense également aux greffes des juridictions supérieures, Cour de révision et Cour d’appel, qui se limitent précisément au greffier en chef, ses deux adjoints et trois attachés de secrétariat pour faire face à un contentieux de plus en plus conséquent et complexe.
Mon souhait est à cet égard de poursuivre en 2013-2014 la réflexion initiée en fin d’année tendant à optimiser encore davantage les conditions de formation et de travail des greffiers dont vous avez la charge et ce, grâce à une étude en cours et à votre collaboration active.
S’il n’est pas d’usage qu’un magistrat du siège évoque l’activité pénale des différentes juridictions, nous ferons cette année une légère entorse à cette règle à l’initiative de Monsieur le Procureur Général qui va concentrer sa propre intervention sur le crédit accordé à notre Justice à travers l’analyse de certaines expertises européennes. Il m’appartient donc -j’en suis désolée- de vous épuiser encore quelques instants avant que notre Procureur Général ne vous passionne. Rassurez-vous je me limiterai aux données les plus significatives car nos plaquettes statistiques enrichies de photos et diagrammes remplaceront de longs développements. Si le nombre d’affaires pénales enregistrées en 2012-2013 accuse une très légère baisse globale, plus sensible en matière de vols, d’infractions financières et d’infractions à la législation sur les stupéfiants, on relève en revanche un léger accroissement du nombre des infractions liées à des actes de violence.
Pour autant, s’agissant de la nature des infractions constatées, il s’agit là d’une constante, le nombre des procédures établies au titre des infractions financières ou des vols représente encore 80 % de la masse pénale.
On observe que le nombre des procédures de flagrants délits a très légèrement diminué, corrélativement à une augmentation des citations directes.
Alors que la quantité des commissions rogatoires délivrées par les autorités monégasques diminue sensiblement, le nombre de commissions rogatoires délivrées par les autorités étrangères demeure stable. Il est intéressant de relever que le délai d’exécution de ces commissions rogatoires étrangères a été très encourageant cette année puisqu’il est passé de 98 jours en 2012 à 62 jours au cours de l’année écoulée. Nous pouvons féliciter les cabinets d’instruction et les services de police pour ce gain notable d’efficacité.
Au cours de l’année écoulée,
- 68 informations ont été ouvertes dont 7 relatives à des procédures de blanchiment,
- 656 jugements ont été rendus par le Tribunal correctionnel et 56 arrêts correctionnels ont été prononcés par la Cour d’appel, soit un taux d’appel de 8,5 %,
- 112 arrêts par la Chambre du Conseil de la Cour d’appel en matière pénale, soit 26 décisions de plus que l’année précédente,
- 33 arrêts pénaux par la Cour de Révision, soit également une légère augmentation par rapport à 2012, dont une seule décision de cassation.
Enfin, le nombre d’extraditions demandées par les autorités étrangères est demeuré stable : 12 procédures au cours de l’année écoulée.
Pour compléter cette rapide analyse et tenir ma promesse, je vous engage à vous reporter aux documents qui vous ont été distribués.
Avant de conclure mon propos, je crois utile de préciser que le bilan de l’année écoulée ne saurait suggérer une quelconque logique d’entreprise que sous-entendent certains indicateurs internationaux de performance reposant davantage sur des concepts mercantiles inhérents à une activité de production qu’à la mission première de la justice.
Célérité oui, mais aussi clarté et accessibilité. De tels critères doivent être nos indicateurs de progrès personnel qui nous permettront d’adapter la Justice à notre monde instable, sans perdre de vue cette phrase de Paul VALERY pour qui le droit est « L’intermède des forces ».
M. Roger ERRERA, Conseiller d’État français honoraire, auteur d’un essai original intitulé « Et ce sera justice » estime que le juge est plus que jamais dans la cité.
Évoquant l’évolution des mentalités et déplorant la désaffection du monde moderne envers la justice, Roger ERRERA estime que le niveau d’exigence de nos concitoyens augmente régulièrement… Nous le constatons chaque jour !
Il nous appartient d’y répondre pour éviter tout déficit de confiance en privilégiant certains objectifs simples :
- rendre des décisions de qualité dans des délais corrects en matière civile et bien sûr pénale,
- améliorer, pour ce faire et par tout moyen, les procédures de mise en état des affaires civiles mais aussi d’exécution des décisions pénales,
- maîtriser la croissance des frais de justice,
- favoriser le développement de la communication électronique,
L’acte de juger ne peut être réduit à des chiffres ou des taux. Bien juger ce n’est pas juger beaucoup, ni juger vite en évacuant les affaires. À ce terme de taux d’évacuation repris par les indicateurs internationaux, nous préférons substituer dans nos propres statistiques, le vocable de traitement, car nous ne pouvons qu’adhérer aux critiques cinglantes du Premier Président honoraire CANIVET qui se demandait comment on avait pu si naturellement accepter l’expression «d’évacuation des dossiers » laquelle sous-entend étymologiquement un acte d’expulsion et de rejet, plus qu’une véritable action de résolution d’un litige.
Sur ces quelques réflexions et sans plus attendre, je cède désormais la parole à Monsieur le Procureur Général ».
*
* *
Monsieur le Procureur Général Jean-Pierre Dréno s’exprimait en ces termes :
« Je vous remercie, Madame le Premier Président. Je vais m’efforcer d’user de cette parole que vous me cédez sans l’évacuer. Mais il me faut quand même respecter dans son usage un délai raisonnable.
Je me garderais d’imiter le révérend « Don Balaguère », le chapelain, héros du conte d’Alphonse Daudet intitulé « Les trois messes basses ».
Monseigneur me pardonnera. Nous ne sommes pas la veille de Noël. Et je ne veux pas finir comme ce malheureux religieux, terrassé dans la nuit de la nativité par une terrible attaque après avoir bâclé, comme vous le savez, la célébration des ses offices.
Comme à l’accoutumée durant l’année écoulée, le Conseil de l’Europe nous a dépêchés des experts.
Ces experts ont parcouru notre constitution, nos lois et nos ordonnances souveraines, les couloirs du Ministère d’Etat me semble-t-il, en tout cas, j’en suis certain pour en avoir été le témoin, les couloirs de notre palais de justice, ceux de la maison d’arrêt et ceux de la sûreté publique.
Ces experts sont venus évaluer notre niveau de respect de la démocratie, de respect de nos engagements internationaux et de respect des libertés individuelles et de la dignité humaine.
Bref, ces experts nous ont expertisés et je désirais, ce matin, évoquer et non pas évacuer leurs conclusions -je crois avoir déjà précisé dans un délai raisonnable-.
D’emblée j’évacue le sujet qui fâche et les sujets qui paraissent avoir contrarié certaines autorités de la Principauté, Monsieur le Ministre d’Etat me pardonnera, je veux parler des experts de la “Commission Européenne pour la démocratie par le droit”, c’est-à-dire de la Commission de Venise.
Mais il m’est impossible d’omettre les observations de ces experts en ce qui concerne les juridictions qui siègent dans ce bâtiment et les magistrats qui les servent.
En effet dans son avis, la Commission de Venise n’a pas manqué de relever que notre constitution établissait une juridiction constitutionnelle, le Tribunal Suprême et elle mentionne : « c’est l’une des juridictions de ce type la plus ancienne du monde (103 ans prochainement) qui offre un accès direct aux personnes physiques contre les lois censées violer les droits fondamentaux garantis par la constitution. »
L’avis de la Commission ajoute : « cela représente une importante garantie de protection effective des droits de l’homme à Monaco et constitue une garantie essentielle de la prééminence du droit car les particuliers disposent d’une voie de recours contre les actes inconstitutionnels, illégaux ou arbitraires. Les ordonnances du Prince peuvent aussi être contestées devant le Tribunal Suprême. »
Dans ce même avis, je retiens également cette constatation : « la composition et la compétence du Haut Conseil de la Magistrature garantissent l’indépendance de la magistrature monégasque à l’égard de l’exécutif ».
Enfin, dans le paragraphe consacré au « pouvoir judiciaire » figurent les remarques suivantes :
« * Les cours et tribunaux ne sont responsables ni devant le Prince ni devant le gouvernement…
* La séparation des fonctions administratives, législatives et judiciaires est assurée…
* L’indépendance des juges est aussi garantie…
* La loi garantit en particulier leur ina-movi-bilité (ce point est prévu par un accord pour ce qui est des juges français détachés à Monaco)…
* Les procureurs font partie de la magistrature…
* Les règles concernant l’indépendance des juges sont également applicables aux procureurs… »
Puis, après la commission de Venise, c’est à la fin du mois de novembre 2012 que nous avons également accueilli plusieurs experts du “Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants” dénommé plus couramment CPT. Il s’agissait de la semaine la plus pluvieuse de l’année, sinon même de la décennie et vous verrez que ce constat météorologique n’est pas sans importance.
Ces experts ont inspecté -leur rapport utilise le terme plus pudique de « visite »- :
* la direction centrale de la sûreté publique,
* nos cellules ici même dans ce palais,
* la maison d’arrêt
* et le service de psychiatrie et de psychologie médicale du Centre Hospitalier Princesse Grace.
Pour la sûreté publique, et il m’est agréable de constater que son directeur et ses principaux responsables, nous font ce matin, comme chaque année, l’amitié de leur présence, les experts du CPT ont considéré que le complexe cellulaire des gardes à vue offrait sans nul doute des conditions de séjour tout à fait satisfaisantes.
Ils n’ont enregistré aucune allégation de mauvais traitement et se sont félicités, je les cite, du « contrôle strict opéré par les autorités judiciaires » des gardes à vue.
Ils ont également apprécié la présence effective d’un avocat tout au long de la mesure de garde à vue des personnes suspectes.
Je rappelle que cette visite avait lieu au cours de la dernière semaine du mois de novembre 2012, c’est-à-dire 6 mois avant l’entrée en vigueur de la loi n° 1.399 du 25 juin 2013 intégrant dans l’ordre juridique monégasque et dans notre code de procédure pénale, l’assistance obligatoire de l’avocat pendant la garde à vue.
Nos experts ont « noté avec satisfaction » - ce sont les termes-mêmes de leur rapport - :
* l’enregistrement électronique des auditions des personnes gardées à vue,
* la très bonne tenue du registre de garde à vue
* et l’intervention du juge des libertés pour les prolongations des mesures de garde à vue, soit environ une douzaine par an, lequel juge rend une décision motivée.
Le rapport de notre délégation d’experts du Comité pour la prévention de la torture fait part, après son transport dans l’immeuble de la sûreté publique, « d’une impression très positive ».
Pour la maison d’arrêt, et je me réjouis d’apercevoir ici son directeur et son directeur-adjoint je vous livre les extraits suivants de leur rapport :
* « L’atmosphère observée par la délégation lors de la visite de la maison d’arrêt était… détendue et empreinte de respect mutuel… » ;
* « Les détenus avec lesquels la délégation s’est entretenue ont émis des avis très positifs au sujet de leur contact avec le personnel pénitentiaire » ;
* « Les conditions de confort et l’équipement des cellules restaient globalement satisfaisants… » ;
* « L’ensemble des locaux de détention étaient dans un état de propreté et d’entretien tout à fait correct ».
Enfin, dernier point qui me permet d’associer aussi les professionnels de la santé du Centre Hospitalier Princesse Grace à ces propos élogieux, je n’oublierai pas ce commentaire :
« la qualité des traitements médicaux et du suivi des détenus à la maison d’arrêt ainsi que la gestion efficace du service médical est à souligner. Le principe d’équivalence des soins qui devrait prévaloir avec la situation de la population en milieu libre est, quant à lui, largement assuré »,
et il me faut révéler que se trouvait alors détenue une femme enceinte, situation assez exceptionnelle sinon inédite mais je m’empresse d’ajouter que la grossesse de cette détenue préexistait à son incarcération.
Enfin, Madame le Premier Président, au risque d’apparaître aux yeux et aux oreilles de notre auditoire comme un insupportable laudateur, je ne saurai définitivement refermer le rapport du Comité Européen pour la prévention de la torture sans extraire cette dernière phrase :
« La coopération dont les autorités monégasques ont fait preuve à l’égard de la délégation a été en tous points exemplaire. Elle a eu accès sans délai à tous les lieux de privation de liberté, à toutes les informations nécessaires à l’exécution de sa mission et a pu s’entretenir sans témoin avec les personnes privées de liberté. »
Au rang des recommandations du CPT et cela sans doute n’est pas sans lien avec la pluviométrie que les experts ont connue durant leur séjour monégasque, et ses conséquences inéluctables, c’est-à-dire ces infiltrations d’eau dans certaines parties du bâtiment, les experts du CPT ont souhaité un transfert, à terme, de la maison d’arrêt de Monaco dans de nouvelles installations.
Mais je crois comprendre, sinon même je crains, que cette recommandation se heurte à d’incontournables contraintes foncières et immobilières.
J’en ai hélas terminé des éloges puisqu’il me faut enfin évoquer la visite du “Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme”, autrement baptisé « MONEYVAL ».
Il y a quelques jours encore avec nos partenaires du service d’information et de contrôle sur les circuits financiers -notre SICCFIN- dont j’ai le plaisir à saluer sa directrice, nous étions à Strasbourg pour débattre du contenu définitif du rapport d’évaluation de ces experts.
Ce que dans un premier temps j’avais retenu d’une réunion organisée à l’issue de la visite en Principauté de l’équipe d’évaluation de « MONEYVAL » lors de ce 4ème cycle d’évaluation, c’est qu’elle considérait que des progrès substantiels avaient été accomplis depuis la précédente visite qui avait eu lieu en novembre 2006 et que ces énormes progrès conduisaient à une image totalement différente et bien meilleure de la Principauté.
La réputation de paradis fiscal propice au blanchiment de l’argent sale était dès lors à ses yeux totalement usurpée, ce que nous savons tous déjà mais ce que certains médias s’obstinent toujours, semble-t-il, à ignorer ce qui me contraint encore à rappeler -et ce n’est pas qu’une incantation- qu’il n’y a pas de place ici en Principauté pour des fonds d’origine frauduleuse.
Par contre les experts de « MONEYVAL » s’interrogeaient sur les compétences de contrôle du procureur général qui vous parle à l’égard des professions juridiques
* les notaires,
* les huissiers de justice
* et les avocats.
Nos experts déploraient l’absence d’informations sur les moyens qui m’étaient nécessaires pour exercer cette compétence et les méthodes qui seraient mises en œuvre.
Ils redoutaient de constater un niveau insuffisant d’efficacité de ce contrôle des professions juridiques.
Bien sûr, ce sont ces observations que j’ai souhaité faire corriger et c’est dans ce cadre que je me suis adressé à vous, Monsieur le Bâtonnier.
Vous avez bien voulu associer vos confrères à une séance d’information sur vos obligations telles qu’elles découlent de la loi (n° 1362) du 3 août 2009 “relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption”, alors même que le recours de votre Ordre contre cette loi n’avait pas encore été examiné par la Cour européenne des droits de l’homme.
Je tiens à vous remercier sincèrement de votre implication et de votre participation dans l’organisation de cette information, durant laquelle évidemment, un représentant du service d’information et de contrôle sur les circuits financiers, le SICCFIN, a tenu un rôle essentiel.
Nous allons ainsi parvenir à rassurer totalement le comité « MONEYVAL » sur la pertinence de notre dispositif.
Mais je dois malheureusement concéder que nos travaux ont été terriblement perturbés par le vacarme engendré par les travaux qui se déroulaient dans la rue qui se situe derrière moi.
Car en réalité, qu’ils appartiennent à la Commission de Venise, au Comité européen pour la prévention de la torture, le CPT, ou encore au Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment, « MONEYVAL », ce que nous sommes parvenus à dissimuler à tous ces experts c’est notre difficulté, durant l’année écoulée, à faire respecter le principe fondamental de l’oralité des débats.
Durant ces 12 derniers mois en effet, le déroulement de toutes nos audiences a été particulièrement chaotique et anarchique en raison de ces travaux extrêmement bruyants.
Nous avons tous réellement souffert de cette situation et je forme le vœu que cette période que j’évoque soit définitivement révolue et que nous n’ayons pas à affronter des situations similaires durant l’année judiciaire qui débute.
Ce sont sans doute ces nuisances qui ont d’ailleurs conduit certains plaideurs à exposer directement leurs affaires aux journalistes plutôt qu’aux juges.
Mais il me faut affirmer que le recours à une telle procédure qui pourrait contribuer à faire de la justice un spectacle me paraît particulièrement périlleux sinon dangereux.
Outre le fait qu’il est peut-être plus difficile de convaincre un journaliste qu’un juge, la critique systématique des procédures en cours et des décisions qu’elles induisent est de nature à altérer gravement le crédit que le public peut accorder à sa justice.
Or nous le savons, et la jurisprudence de la Cour Européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales le rappelle, dans toutes les sociétés démocratiques et donc dans notre petite communauté, les tribunaux, les cours et l’ensemble des acteurs qui participent au fonctionnement de notre institution doivent inspirer la confiance aux justiciables et c’est dans cet état d’esprit que tous nous devons apporter notre contribution à l’œuvre de justice, cette œuvre de justice qui est indispensable pour garantir la cohésion sociale car il ne saurait y avoir, dans la cité, de paix sans justice crédible.
Madame le Premier Président je voudrais naturellement m’associer à vos propos et congratuler Monsieur le Haut Conseiller et professeur Renucci pour son discours d’une pertinente actualité.
Je souhaite remercier toutes les hautes autorités et personnalités qui nous font le très grand honneur de leur présence aujourd’hui, vorrei ringraziare particolarmente il procuratore generale presso la corte di appello di Genova le invio i miei cordiali saluti.
En 2013 comme en 2012, pour échanger nos informations, de nouvelles rencontres avec nos amis les procureurs d’Imperia et de San Remo et notre ami le procureur de Nice bien sûr seront organisées.
Madame le Premier Président,
Madame et Messieurs les Conseillers,
Au nom de son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, j’ai l’honneur de requérir qu’il plaise à la Cour :
- déclarer close l’année judiciaire 2012-2013 et ouverte l’année judiciaire 2013-2014,
- ordonner non pas la reprise, mais la poursuite des travaux judiciaires, car ceux-ci n’ont en réalité jamais cessé durant l’été,
- constater qu’il a été satisfait aux prescriptions des articles 46 et 47 de la nouvelle loi du 24 juin 2013 relative à l’administration et à l’organisation judiciaires,
- me décerner acte de mes réquisitions,
- et dire que du tout il sera dressé procès-verbal sur le registre des actes de la Cour d’appel ».
Mme le Premier Président reprenait alors la parole en ces termes pour prononcer la clôture de l’audience solennelle :
La Cour, faisant droit aux réquisitions de Monsieur le Procureur Général,
Déclare close l’année judiciaire 2012-2013 et ouverte l’année judiciaire 2013-2014,
Ordonne la reprise intégrale des travaux de la Cour d’appel et des Tribunaux,
Constate qu’il a été satisfait aux prescriptions des articles 46 et 47 de la loi du 24 juin 2013,
Dit que du tout il sera dressé procès verbal pour être consigné sur le registre des actes importants de la Cour d’appel,
Avant de lever cette audience je tiens à remercier toutes les hautes autorités et personnalités qui ont bien voulu assister à cette cérémonie et les convie à l’invitation de Monsieur le Ministre plénipotentiaire, Directeur des Services Judiciaires, à se rendre dans la salle des pas perdus de la Cour d’appel pour la réception qui va suivre.
L’audience solennelle est levée ».
(Applaudissements de l’assistance)
De nombreuses personnalités avaient tenu à assister à cette audience solennelle, aux premiers rangs desquelles on notait, outre les personnalités déjà citées venues de France et d’Italie :
S.E. M. Michel ROGER, Ministre d’Etat,
S.E. Monseigneur Bernard BARSI, Archevêque de Monaco,
M. Laurent NOUVION, Président du Conseil National,
M. Michel-Yves MOUROU, Président du Conseil de la Couronne,
S.E. M. Philippe NARMINO, Directeur des Services Judiciaires, Président du Conseil d’Etat,
M. Jacques BOISSON, Secrétaire d’Etat,
M. Georges LISIMACHIO, Chef du Cabinet de S.A.S. le Prince,
S.E. M. Georges GRINDA, Ministre plénipotentiaire,
M. Paul MASSERON, Conseiller de Gouvernement pour l’Intérieur,
M. José BADIA, Conseiller de Gouvernement pour les Relations Extérieures,
M. Stéphane VALERI, Conseiller de Gouvernement pour les Affaires Sociales et la Santé,
Mme Marie-Pierre GRAMAGLIA, Conseiller de Gouvernement pour l’Equipement, l’Environnement et l’Urbanisme,
M. Jean CASTELLINI, Conseiller de Gouvernement pour les Finances et l’Economie,
S.E. M. Hugues MORET, Ambassadeur de France,
S.E. M. Antonio MORABITO, Ambassadeur d’Italie à Monaco,
M. Laurent ANSELMI, Délégué aux Affaires Juridiques, Secrétaire Général de la Chancellerie des ordres princiers,
M. Didier LINOTTE, Président du Tribunal Suprême,
M. Jean-François LANDWERLIN, Vice-Président du Conseil d’Etat,
M. Robert CORDAS, Premier Président honoraire de la Cour d’Appel,
M. James CHARRIER, Président de la Commission supérieure des comptes,
M. Christophe STEINIER, Vice-président du Conseil National,
M. Alain SANGIORGIO, Secrétaire Général honoraire de la Direction des Services Judiciaires, Membre du Conseil de la Couronne,
M. André GARINO, Président du Conseil Economique et social,
Me Paul-Louis AUREGLIA, Notaire honoraire, membre titulaire du Haut Conseil de la Magistrature,
M. Pierre JULIEN, Professeur agrégé des Facultés de Droit, membre suppléant du Haut Conseil de la Magistrature,
Mme Corinne LAFOREST DE MINOTY, Chef de l’Inspection Générale de l’Administration,
M. Robert COLLE, Secrétaire Général du Ministère d’Etat,
Monseigneur l’Abbé René GIULIANO, Vicaire Général,
M. Jean-Charles SACOTTE, Conseiller d’Etat,
M. Jean-Marie RAINAUD, Conseiller d’Etat,
M. Francis CASORLA, Conseiller d’Etat,
M. Alain FRANCOIS, Conseiller d’Etat,
Mme Camille SVARA, Premier adjoint, représentant M. Georges MARSAN, Maire de Monaco,
M. Philippe ROSSELIN, Conseiller honoraire à la Cour d’Appel,
M. Robert FRANCESCHI, Conseiller honoraire à la Cour d’Appel,
M. Patrice CELLARIO, Directeur Général du Département de l’Intérieur,
Mme Valérie VIORA PUYO, Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique,
M. Régis ASSO, Directeur de la Sûreté Publique,
M. Richard MARANGONI, Directeur adjoint de la Sûreté Publique,
Mme Isabelle BONNAL, Directeur de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports,
M. Antoine DINKEL, Directeur des Services Fiscaux,
Mme Marie-Pascale BOISSON, Directeur du S.I.C.C.F.I.N.
Mme Séverine CANIS-FROIDEFOND, Directeur de la Prospective, de l’Urbanisme et de la Mobilité,
Mme Armelle ROUDAUT-LAFON, Directeur des Affaires Maritimes,
M. Thomas FOUILLERON, Directeur des archives et de la bibliothèque du Palais,
Mme Martine PROVENCE, Secrétaire Général de la Direction des Services Judiciaires,
M. Christian OLLIER, Chef du service du Contrôle des Jeux,
M. Jean-Yves GAMBARINI, Directeur de la Maison d’Arrêt,
M. Olivier RICHAUD, Directeur-adjoint de la Maison d’Arrêt,
M. Michel SOSSO, Président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives,
M. Antoine MONTECUCCO, Greffier en Chef honoraire,
M. Christophe HAGET, Commissaire Principal, Chef de Division de Police Judiciaire,
M. Alain VAN DEN CORPUT, Commandant Principal, Chef de Division de la Police Maritime et aéroportuaire,
M. Patrick REYNIER, Commandant Principal, Chef de Division de l’Administration et de la Formation,
M. Bernard TOSI, Commandant Principal, représentant M. Rémy Le Juste, Commandant Principal, Chef de Division de la Police Administrative,
Mme Magali GINEPRO, Secrétaire Général du Parquet Général,
M. Jacques WOLZOK, Vice-Président du Tribunal du Travail,
Maître Henry REY, Notaire,
Maître René CLERISSI, Avocat-défenseur honoraire,
Me Jacques SBARRATO, Avocat-défenseur honoraire,
M. Alain FALLETTI, Chef de Service des Douanes,
Mme Catherine CATANESE, Secrétaire du Tribunal du Travail,
Mme Corinne QUERCI, Assistante Sociale à la Direction des Services Judiciaires,
Mme Antonella SAMPO-COUMA, Administrateur principal à la Direction des Services Judiciaires,
M. Jean-René TANCREDE, Directeur des « Annonces de la Seine »,
M. Jean BILLON, Administrateur Judiciaire,
Mme Claudine BIMA, Administrateur Judiciaire,
M. Jacques ORECCHIA, Administrateur Judiciaire,
M. Michel MONTFORT, Administrateur Judiciaire,
M. Paul ROUANET, Administrateur Judiciaire,
Mlle Souad SAMMOUR, Administrateur juridique à la Direction des Affaires Juridiques.
******
Inauguration du nouveau bâtiment affecté au Conseil d’Etat et aux juridictions suprêmes
Le vendredi 13 septembre 2013 a eu lieu, en présence de Son Altesse Sérénissime le Prince Albert II, l’inauguration des nouveaux locaux du Palais de Justice, sis 12, rue colonel Bellando de Castro. Après avoir été accueilli par S.E. M. Philippe NARMINO, Directeur des Services Judiciaires, S.A.S. le Prince Souverain était conduit dans la salle d’audience ou étaient présents les hautes personnalités monégasques et le corps judiciaire.
S.E. M. Philippe NARMINO prononçait alors l’allocution suivante :
« Monseigneur,
Révérend Père représentant Monseigneur l’Archevêque,
Monsieur le Président du Conseil National,
Monsieur le Secrétaire d’Etat,
Messieurs le Chef de Cabinet et le Chambellan de S.A.S. le Prince,
Madame et Messieurs les Conseillers de Gouvernement,
Monsieur le Chancelier des Ordres Princiers,
Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil d’Etat, du Tribunal Suprême, de la Cour de Révision et du Haut Conseil de la Magistrature,
Mesdames les Présidents, Monsieur le Procureur Général et membres du Parquet Général, Mesdames et Messieurs les magistrats de la Cour d’Appel, du Tribunal de Première Instance et de la Justice de Paix,
Mesdames et Messieurs les Conseillers Nationaux,
Monsieur le Bâtonnier et Mesdames et Messieurs les avocats défenseurs, avocats et avocats stagiaires, Mesdames et Monsieur les notaires, Madame le Greffier en Chef et Mesdames les greffiers du Greffe Général,
Les concepteurs du Palais de Justice voisin, achevé en 1930, soit à une époque où les affaires judiciaires occupaient une place modeste dans la vie de la cité, ne pouvaient prévoir le développement qu’elles connaissent depuis 2 ou 3 décennies.
Dans les Etats développés, les sociétés sont désormais judiciarisées, parfois même à outrance, à telle enseigne que sont imaginés des procédés divers visant à désengorger les tribunaux et alléger la charge des acteurs judiciaires.
Sans aller jusqu’à s’inscrire dans cette tendance, tout en continuant à promouvoir l’Etat de droit, la Principauté de Monaco n’est cependant pas restée à l’écart du mouvement général.
Le nombre des avocats, des magistrats, des greffiers et personnels de justice n’a cessé de croître.
Le Barreau comptait 11 avocats en 1960, 13 en 1980. Ils sont aujourd’hui 30 à y être inscrits.
Les magistrats des juridictions permanentes et du Parquet étaient au nombre de 13 en 1960, 15 en 1980. A ce jour, notre compagnie judiciaire se compose de 26 magistrats, sans compter ceux du Tribunal Suprême et de la Cour de Révision.
Le Greffe Général était composé en 1960 de 4 greffiers dont le Greffier en chef. L’effectif était de 9 en 1980. Les greffiers sont aujourd’hui 19.
Le nombre d’affaires soumises aux Tribunaux a augmenté dans les mêmes proportions.
Le Palais de Justice, à l’étroit dans ses murs, s’est étendu tant bien que mal, d’abord dans l’immeuble contigu du 8, rue des Carmes, où sont logés magistrats et greffiers en charge de divers services ainsi que la Direction des services judiciaires, ensuite dans des locaux éclatés situés à Monaco-Ville.
C’est dire, Monseigneur, que Votre décision d’affecter ce bâtiment, ancien siège du Conseil National, aux Services Judiciaires a été accueillie avec beaucoup de satisfaction et de soulagement.
Au terme de travaux de réaménagement menés en une année qui se sont emplacés dans une période malheureusement marquée par des restrictions budgétaires, ce qui a considérablement impacté l’ampleur du dispositif initialement prévu, le bâtiment est désormais opérationnel.
Le rez-de-jardin n’a pas été modifié dans sa structure. Il comporte 4 bureaux individuels et une salle de réunion. Y sont installés les Conseillers à la Cour d’appel et l’assistant judiciaire en charge des adoptions internationales.
Cette migration des membres de la Cour permet à chacun des juges du Tribunal de disposer de bureaux individuels dans l’immeuble du 8, rue des Carmes.
Le rez-de-chaussée, accessible comme le 1er étage aux personnes handicapées, accueille le service des accidents du travail et celui des juges tutélaires. Il apparaissait en effet naturel que les accidentés du travail et les personnes sous tutelle en particulier puissent accéder sans difficulté aux locaux où ils doivent être accueillis.
L’étage où nous nous trouvons peut être gagné soit par les escaliers d’origine, soit par un ascenseur nouvellement installé où peut prendre place un fauteuil roulant.
Il débouche sur une salle d’attente, pourvue de sanitaires spécialement aménagés, ouvrant sur la pièce où nous nous tenons qui abritait l’hémicycle de l’ancien Conseil National.
Il s’agit comme vous le constatez d’une salle d’audience aux dimensions respectables, constituant un lieu de justice propre à assurer la dignité des débats judiciaires. Elle a vocation à accueillir les audiences du Tribunal Suprême, de la Cour de Révision et du Tribunal criminel, voire en cas d’indisponibilité des salles d’audience du Palais de Justice, les audiences d’autres juridictions.
Ainsi, la salle d’audience de la Cour d’Appel, qu’utilisaient les juridictions suprêmes lors de leurs sessions, pourra être restituée à plein temps aux activités de cette Cour.
La création de cette nouvelle salle d’audience répond à un besoin impérieux qui ne pouvait être satisfait sans disposer d’espaces et de volumes adaptés.
Vous avez noté que la superficie de l’ancien hémicycle n’est pas totalement utilisée par cette salle.
Une séparation a été dressée, qui permet de disposer à l’arrière d’un indispensable espace de délibéré pour les juridictions qui y tiendront leurs débats.
Mais ce lieu, lorsque les juridictions ne sont pas en session, c’est-à-dire la majeure partie du temps, est destiné principalement à abriter les séances du Conseil d’Etat. Une plaque que Vous dévoilerez tout à l’heure Monseigneur (en comité restreint, compte tenu de la configuration des lieux), donne sa dénomination à la « Salle du Conseil d’Etat ». Cet organe de conseil du Prince et de Son Gouvernement ne disposait pas jusqu’ici de locaux propres et tenait ses séances dans la Chambre du Conseil de la Cour d’appel. Il est heureux que cette extension puisse le doter d’un siège dédié et lui procurer ainsi une pleine autonomie fonctionnelle.
La salle du Conseil d’Etat ouvre sur les escaliers d’honneur, qui n’ont pas été modifiés, et sur un bureau nouvellement créé que se partageront en bonne intelligence selon le rythme de leurs venues dans ces lieux les Présidents du Tribunal Suprême et de la Cour de Révision.
Voilà, pour l’essentiel, comment l’espace mis à disposition a été agencé, sans parler des travaux techniques, moins visibles, ayant consisté à reprendre tout le système de climatisation ou l’ensemble de l’installation électrique.
Je veux souligner aussi que ces aménagements ont été entrepris, du fait des circonstances, avec un budget extrêmement serré qui est loin d’avoir permis de conférer à ces lieux tout le faste dont aurait pu s’entourer une enceinte judiciaire.
J’ai accepté ces contraintes, Monseigneur, parce qu’elles ont été décidées par Votre Gouvernement dans une conjoncture alors difficile qui semble désormais s’éloigner, selon les résultats récemment enregistrés. On pourrait en déduire que le Conseil National est parti au mauvais moment pour les Services Judiciaires.
Si ces lieux devaient dans le futur faire l’objet d’améliorations pour répondre à des besoins avérés des utilisateurs, je suis convaincu que Vous y prêteriez une oreille attentive eu égard à la place que la Justice est en droit d’attendre dans la cité.
Pour l’heure, en restant terre à terre, je veux dire encore que l’essentiel des aménagements mobiliers de ce bâtiment a fait l’objet de récupération.
Le plafond qui nous éclaire, les boiseries qui nous entourent, les banquettes sur lesquelles vous êtes assis, ces bureaux d’où je vous parle proviennent de l’ancien Conseil National, comme les fauteuils verts qui garnissent cette pièce et la nouvelle Salle du Conseil d’Etat.
Quant aux bureaux des magistrats, ils sont meublés avec les éléments utilisés dans les lieux qu’ils ont quittés ; il en va de même pour ce qui concerne les greffes et les secrétariats.
J’ai la conviction profonde que nous avons été exemplaires d’humilité en la circonstance. Puisse cet exemple être suivi ailleurs !
Les juridictions suprêmes, chargées d’appliquer la loi et de dire le droit, sont désormais installées dans ces lieux où la loi s’élaborait et se votait. Le pouvoir judiciaire succède au pouvoir législatif. Mais comme vous allez le voir le pouvoir exécutif n’est pas en reste.
Grâce aux précieux renseignements qui m’ont été transmis par le Directeur des Archives du Palais Princier (et je saisis cette occasion pour le remercier), j’ai découvert que s’est édifié sur ces mêmes lieux, de 1862 à 1865 sous le règne du Prince Charles III, l’Hôtel du Gouvernement. Voici ce qu’en disait le Journal de Monaco du 22 mai 1864 :
« Cet hôtel, bâti sur un des points les mieux situés de la ville, à l’extrémité de la rue du Tribunal et en face du Palais de Justice, a une forme des plus gracieuses et des plus coquettes. En l’apercevant de la mer, avec sa terrasse garnie tout autour d’une élégante balustrade, on le prendrait pour une maison de plaisance. »
Nous apprenons que le bâtiment présentait donc des similitudes architecturales avec l’actuel, puisque la terrasse dominant la mer, qui rend la maison plaisante, existe encore 150 ans plus tard.
Mais l’histoire nous fait un autre signe. Le plan de cet Hôtel du Gouvernement comporte deux bureaux et une salle. Le Directeur des travaux publics de l’époque (A. Barral) en portant des mentions manuscrites, affecte ainsi les locaux :
A l’est le bureau du « Gouverneur », à l’ouest celui du « Maréchal ». Derrière, occupant tout l’espace, la « Salle de Conseil ».
Or nous savons qu’à cette époque, la Principauté était administrée par un Gouverneur Général (le prédécesseur du Ministre d’Etat et du Directeur des services judiciaires réunis) assisté par un Conseil d’Etat, l’une des plus anciennes institutions monégasques réorganisée sous le règne du Prince Florestan, qui était alors un organe de Gouvernement et auquel succèdera en 1909 un Conseil Supérieur de Gouvernement, devenu de nos jours le Conseil de Gouvernement.
Si bien que la « salle de Conseil » comme la désigne le Directeur des travaux publics n’est autre que celle où se tenait le Conseil d’Etat, à l’endroit même où aujourd’hui s’installe le dit Conseil dans sa version contemporaine.
Le cycle semble donc achevé non sans avoir laissé une autre trace remarquable, présente dans l’actuel Hôtel du Gouvernement : la résidence du Ministre d’Etat comporte en effet une grande salle de réception qui jouxte le grand salon, connue par tradition orale comme étant la salle du Conseil d’Etat et au demeurant désignée comme telle par le Journal de Monaco en 1908 à l’occasion de la relation des festivités de la Saint Albert.
Le Gouvernement a donc siégé ici pendant une vingtaine d’années de 1865 à 1894 ; le Conseil National s’y est installé en 1955, lorsque le Musée d’Anthropologie Préhistorique s’est délocalisé au Jardin Exotique, et y est demeuré jusqu’à l’année dernière. Aujourd’hui, le cycle semble s’achever là aussi avec l’installation des juridictions.
Exécutif, législatif et judiciaire, les trois pouvoirs que la Constitution organise, se sont succédés en trois temps dans ces lieux.
Ainsi, à la séparation fonctionnelle des pouvoirs prônée par le Baron de Montesquieu, la Principauté de Monaco peut se targuer d’ajouter une dimension temporelle.
Dans un même lieu, à des époques distinctes chevauchant trois siècles, se sont exercés les attributs de la puissance exécutive, législative et judiciaire.
Il appartient maintenant aux juridictions d’écrire les nouvelles pages de cette histoire institutionnelle.
Voilà venu le temps de conclure et d’adresser des remerciements.
Merci d’abord aux Conseillers nationaux d’avoir laissé leur place. J’ai tenu aujourd’hui à inviter la plupart d’entre eux à nous rejoindre pour qu’ils puissent dire adieu à leur ancien hémicycle.
Merci ensuite aux services de l’Etat impliqués avec sérieux dans la réfection du bâtiment et dans les opérations de réaménagement. Ils sont demeurés à l’écoute, même si des moyens limités ne leur ont pas permis de donner toute la mesure de leur talent.
Merci encore à tout l’auditoire pour sa participation à ce moment marquant de la vie judiciaire.
Et merci surtout à Vous, Monseigneur, Qui avez permis cette réalisation indispensable au bon fonctionnement de nos services. La Constitution Vous confie le pouvoir judiciaire dont l’exercice est délégué aux tribunaux. Cette haute responsabilité Vous a sans doute guidé au moment de Votre décision, comme elle Vous conduit à manifester en toute circonstance intérêt et respect pour ceux qui servent l’institution judiciaire ».
Le discours terminé, l’auditoire était invité à rejoindre la terrasse pour un cocktail. Pendant ce temps, S.A.S le Prince accompagné de son Chambellan, de S.E. M. le Directeur des Services Judiciaires, du Chef du Cabinet de S.A.S le Prince, des membres du Tribunal Suprême et de la Cour de Révision, du Conseil d’Etat, du Haut Conseil de la Magistrature, des chefs de cours et juridictions, du Procureur Général, du Greffier en Chef, des secrétaires du Conseil d’Etat et du Haut Conseil de la Magistrature, rejoignaient la salle du Conseil d’Etat, attenante à la salle d’audience, pour assister au dévoilement d’une plaque par S.A.S le Prince Souverain.
A l’issue de cette cérémonie, la signature d’un maroquin commémoratif était proposé à S.A.S le Prince.
Enfin, les participants regagnaient la terrasse extérieure, tandis que S.E. M. Philippe NARMINO accompagnait S.A.S. le Prince Souverain, le Chambellan et Mme le Conseiller de Gouvernement pour l’Equipement, l’Environnement et l’Urbanisme pour une visite des niveaux rénovés du rez-de-chaussée et du rez-de-jardin. A l’issue, ils rejoignaient la terrasse où était servi le cocktail.
1 Sur ces réactions, cf Ph. Malaurie, Grands arrêts, petits arrêts et mauvais arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, Défrénois 2007, p. 348.
2 Note sous CEDH, 25 mars 1993, Costello-Robert c/ Royaume-Uni, JCP 1994-II-22262.
3 G. Cornu, Droit civil, Introduction, Montchrestien, 12ème éd., n° 262 et 262.
4 Le déroulement de l’inauguration est relaté in fine.
Conseiller à la Cour de Révision
« Le professeur de droit, le juge et l’avocat face a la cour européenne des droits de l’homme »
ALLOCUTIONS DE Mme Brigitte GRINDA-GAMBARINI
Premier Président de la Cour d’Appel
M. Jean-Pierre DRENO
Procureur Général
Le mardi 1er octobre 2013 a été marqué par la traditionnelle audience de rentrée des Cours et Tribunaux.
Cette audience a été précédée par la Messe du Saint-Esprit qui a été concélébrée par Mgr Bernard BARSI et Mgr GIULIANO. M. Jacques BOISSON, Secrétaire d’Etat, représentait Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain.
A l’issue de la messe, l’audience solennelle débutait sous la présidence de Mme Brigitte GAMBARINI, Premier Président de la Cour d’Appel qui avait à ses côtés, M. Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président de la Cour d’Appel, M. Thierry PERRIQUET, Mme Muriel DORATO-CHICOURAS et M. Marc SALVATICO, Conseillers à la Cour.
M. Roger BEAUVOIS, Premier Président de la Cour de Révision était accompagné de Mme Cécile PETIT, MM. Jean-Pierre DUMAS, Charles BADI, Guy JOLY, Jean-François RENUCCI, Conseillers.
Mme Martine COULET-CASTOLDI, Président du Tribunal de Première Instance, conduisait les magistrats de sa juridiction :
Mme Michèle HUMBEERT, Premier juge chargée des fonctions de vice-président,
M. Jérôme FOUGERAS-LAVERGNOLLE, Premier Juge,
Mme Stéphanie Vikström, Premier Juge,
M. Sébastien BIANCHERI, Premier Juge,
M. Cyril BOUSSERON, Premier Juge,
M. Florestan BELLINZONA, Premier Juge,
M. Pierre KUENTZ, Juge d’instruction,
M. Loïc MALBRANCKE, Juge d’instruction,
M. Morgan RAYMOND, Juge Tutélaire,
Mme Patricia HOARAU, Juge,
Mme Emmanuelle CASINI BACHELET, Juge,
Mme Sophie LEONARDI, Juge,
Mlle Cyrielle COLLE, Juge,
Mme Aline BROUSSE, Magistrat référendaire.
Mlle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, était également présente.
M. Jean-Pierre DRENO, Procureur Général, représentait le ministère public avec à ses côtés, M. Gérard DUBES, Premier Substitut, MM. Jean-Jacques IGNACIO, Michaël BONNET, Substituts et Mlle Alexia BRIANTI, Magistrat référendaire.
Le plumitif d’audience était tenu par Mme Béatrice BARDY, Greffier en Chef, assistée de Mmes Laura SIOLI-SPARACIA et Virginie SANGIORGIO, Greffiers en Chef adjoints, entourées des greffiers en exercice.
Me Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET et Me Claire NOTARI occupaient le banc des huissiers.
Me Jean-Pierre LICARI, Bâtonnier de l’Ordre des avocats-défenseurs et avocats, était entouré des membres du barreau.
Assistaient également à cette audience les notaires, experts-comptables, administrateurs judiciaires et syndics de faillite.
Madame Brigitte Grinda-Gambarini, Premier Président de la Cour d’Appel, ouvrait l’audience en ces termes :
« L’audience solennelle est ouverte.
Comme tous les 1er octobre, les juridictions de l’ordre judiciaire sont réunies pour clore solennellement une année judiciaire et annoncer la reprise de leurs travaux.
Monsieur le Secrétaire d’État, Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain qui nous a récemment fait l’immense honneur d’assister à la cérémonie solennelle d’inauguration de la nouvelle partie du palais de justice réservée aux cours supérieures et au Conseil d’État est aujourd’hui retenu par les Hautes obligations de sa charge. Pouvez-vous lui faire part de nos sentiments déférents et respectueux et de notre profonde gratitude pour la confiance totale dont il nous honore.
Monsieur le Ministre d’État,
Monseigneur BARSI, Archevêque de Monaco,
Monsieur Laurent NOUVION, Président du Conseil National, la compagnie judiciaire est très heureuse de vous accueillir pour la première fois dans cette salle d’audience en votre qualité de représentant de nos concitoyens,
Monsieur le Président du Conseil de la Couronne,
Monsieur le Ministre Plénipotentiaire, Directeur des Services Judiciaires et Président du Conseil d’Etat,
Monsieur le Chef du Cabinet de S.A.S. le Prince Souverain,
Madame, Messieurs les Conseillers de Gouvernement,
Monsieur l’Ambassadeur de France,
Monsieur l’Ambassadeur d’Italie,
Monsieur le Président du Tribunal Suprême et les membres de cette juridiction,
Messieurs les membres du Haut conseil de la magistrature,
Monsieur le Vice-Président du Conseil d’Etat, Messieurs les Conseillers d’Etat,
Mesdames, Messieurs soyez assurés de notre sincère reconnaissance pour votre fidélité.
Nous nous réjouissons également de la présence de tous les acteurs de la vie judiciaire monégasque :
Monsieur Régis ASSO, Directeur de la Sûreté Publique, vous avez pris vos fonctions au début de l’année 2013 et nous sommes heureux de vous voir également assister pour la première fois à cette audience solennelle de rentrée des Cours et Tribunaux.
Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de la Principauté de Monaco et les membres du barreau monégasque, Mesdames, Messieurs les notaires, les huissiers de justice, les experts judiciaires, les syndics et administrateurs,
Monsieur le Directeur de la maison d’arrêt et son adjoint,
Nous sommes enfin toujours très satisfaits de constater que nos voisins et amis se déplacent, parfois de loin, pour venir assister à la reprise de nos travaux.
Madame Catherine HUSSON-TROCHAIN, Première Présidente de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence,
Monsieur Jean-Marie HUET, Procureur Général près de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence,
Monsieur Vito MONETTI, Procureur Général près de la Cour d’appel de Gênes,
Madame Dominique KARSENTY, Présidente du Tribunal de Grande Instance de Nice,
Monsieur Éric BEDOS, Procureur de la République auprès du Tribunal de Grande Instance de Nice,
Madame Isabelle IMBERT, Vice-Présidente du Tribunal de Grande Instance de Grasse et camarade des bancs de la faculté, représentant Monsieur Philippe RUFFIER, Président de ce même Tribunal,
Monsieur Georges GUTIERREZ, Procureur de la République, nouvellement installé auprès du Tribunal de Grande Instance de Grasse, que nous recevons avec joie, également pour la première fois, lors de cette rentrée judiciaire, tout comme Monsieur Xavier BONHOMME, Procureur de la République auprès du Tribunal de Grande Instance d’Ajaccio,
Maître Robert CERESOLA représentant Maître Marie-Christine MOUCHAN, Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Nice,
Monsieur Christian VALLAR, Doyen de la faculté de droit de Nice,
Mesdames, Messieurs votre fidèle présence nous touche toujours infiniment et reflète notre attachement à des valeurs communes ainsi que notre affection pour certaines traditions telles que cette audience solennelle de rentrée des Cours et Tribunaux.
Nous avons eu cette année encore le plaisir de rendre visite aux juridictions du pays voisin pour assister à d’autres audiences solennelles de rentrée.
Le constat est identique : la mémoire des pierres du Parlement de Provence ou de la villa « La Cote » abritant le Tribunal Administratif de Nice est toute aussi lourde de sens que cette communion de pensée qui unit, à travers les frontières, nos compagnies judiciaires respectives.
L’ouverture d’une nouvelle année judiciaire suppose que soient au préalable rappelés les événements qui ont marqué l’année écoulée et il est d’usage de les évoquer de façon chronologique.
Je ferai, cette année, une exception à cette règle car un événement mérite d’être immédiatement rappelé sous la forme d’un hommage, s’agissant du départ à la retraite le 4 avril 2013 d’un très grand Monsieur, juriste remarquable à la plume incisive et subtile, dont les qualités humaines et la grande simplicité laisseront dans ces murs une trace indélébile.
Monsieur Jean APOLLIS, Premier Président de la Cour de Révision, a siégé pour la dernière fois en Principauté lors de la session du mois de mars 2013. Ce très haut magistrat, qui préfère se décrire comme un simple chef d’orchestre, dirigeant et orientant le travail de ses musiciens, a veillé sur notre juridiction suprême du 10 février 1999 au mois de mars de cette année.
Il a marqué de son empreinte, par ses grandes qualités de juriste et son humanisme, l’ensemble de nos juridictions et plus simplement la justice de notre pays.
À ce Premier Président qui prétendait après sa dernière audience que le temps des certitudes avait laissé peu à peu la place à la période des doutes, j’ai envie de répondre, au nom de la compagnie judiciaire monégasque, que nous n’éprouvons, quant à nous, aucun doute quant à l’admiration et l’affection que nous lui portons.
Son départ a été ressenti avec une vive émotion et ses symphonies vont nous manquer. Tout en le remerciant pour ce qu’il a apporté à notre justice, nous lui souhaitons une période de repos bien mérité et le félicitons pour l’honorariat qui lui a été conféré.
Il est également temps de renouveler nos plus vives félicitations à Monsieur Roger BEAUVOIS, Vice-Président de la Cour de Révision depuis l’année 2006 qui vient d’être nommé Premier Président de cette Cour par ordonnance souveraine du 4 avril 2013.
Ce très grand magistrat, Commandeur de l’Ordre National du Mérite et Commandeur de la Légion d’honneur, a effectué en France une remarquable carrière qui l’a notamment conduit à occuper les très hautes fonctions de Président de Chambre à la Cour de Cassation française de 1992 à 2001, avant d’être nommé conseiller à la Cour de Révision et d’être donc détaché en Principauté de Monaco pour la première fois au mois d’août 2004.
Nous formons à l’intention de Monsieur BEAUVOIS, toujours Président de Chambre honoraire à la Cour de Cassation française, des vœux de parfaite réussite au plus haut poste de la magistrature monégasque et lui souhaitons un plein épanouissement dans cette éminente fonction.
Monsieur Jean-Pierre DUMAS, également Président de Chambre honoraire à la Cour de Cassation française, après avoir été Président de la deuxième Chambre civile puis de la Chambre commerciale, a accédé en 2004 aux fonctions de Conseiller à la Cour de Révision. Il vient d’être nommé Vice-Président de cette haute juridiction par ordonnance souveraine du 4 avril 2013. Nous lui présentons également nos plus chaleureuses félicitations.
D’autres événements ont marqué l’année 2012-2013.
En ce qui concerne les magistrats,
Mademoiselle Alexia BRIANTI et Madame Aline BROUSSE ont été nommées Magistrats référendaires par ordonnance souveraine du 26 décembre 2012 et affectées respectivement, à compter du 7 janvier 2013, au Parquet Général et au Tribunal de Première Instance pour une durée d’un an.
Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Conseiller à la Cour d’appel, a été nommé Vice-Président de notre Cour par ordonnance souveraine du 10 janvier 2013.
Mademoiselle Cyrielle COLLE, Magistrat référendaire, a été nommée Juge au Tribunal de Première Instance par ordonnance souveraine du 4 avril 2013.
Monsieur Florestan BELLINZONA a accédé aux fonctions de premier juge le 18 août 2013.
Au Barreau, Maître Régis BERGONZI a été nommé avocat-défenseur par ordonnance souveraine du 20 décembre 2012,
Maître Olivier MARQUET a été nommé avocat-défenseur par ordonnance souveraine du 16 janvier 2013,
Maître Christophe BALLERIO a été nommé avocat à l’issue de son stage par Arrêté du Directeur des Services Judiciaires le 14 novembre 2012,
Mademoiselle Alice PASTOR et Monsieur Xavier-Alexandre BOYER qui ont réussi l’examen d’aptitude à la profession d’avocat, ont été nommés avocats stagiaires par arrêté de Monsieur le Directeur des Services Judiciaires en date du 26 décembre 2012 et ont prêté serment le 11 janvier 2013.
Maître Bernard BENSA a enfin été nommé avocat par arrêté du 11 mars 2013 après une remarquable carrière au barreau de Nice où sa réputation n’est plus à faire.
Du coté des greffes, Madame Laurie PANTANELLA a été nommée greffier stagiaire le 20 novembre 2012 et affectée au service correctionnel début janvier 2013. Concomitamment,
Mademoiselle Florence TAILLEPIED, Attachée au greffe général a été nommée auprès du Tribunal Suprême et de la Cour de Révision, tandis que Mademoiselle Marina MILLIAND a été nommée au secrétariat de la première présidence de notre Cour d’appel et à celui de la Cour d’appel civile.
Madame Joëlle JEZ, greffier, a été admise à faire valoir ses droits à la retraite le 5 mars 2013.
Madame Catherine DUCAS a été nommé greffier stagiaire le 18 mars 2013 et affectée au greffe de l’instruction.
La compagnie judiciaire a également été mise à l’honneur à l’occasion de la fête nationale, puisque Monsieur Charles BADI, Conseiller à la Cour de révision a été distingué dans l’Ordre de Saint-Charles, au grade de Chevalier.
Si aucun événement malheureux n’a directement touché cette année la compagnie judiciaire, tous les magistrats et personnels de justice ont ce matin une pensée émue pour la famille et les amis de l’ancien directeur de la sûreté publique, M. André MUHLBERGER décédé cet été dans des conditions tragiques. Nous prions M. Régis ASSO et ses adjoints de bien vouloir faire part de notre vive émotion et de toute notre sympathie aux membres de la famille et aux proches de M. MUHLBERGER.
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Comme chaque année, l’un des membres du corps judiciaire est conduit à nous faire part de ses réflexions sur un sujet susceptible d’intéresser l’ensemble de l’auditoire.
Que l’on soit juge ou avocat, les droits de l’homme sont devenus la référence nécessaire et commune de tout discours moderne et la convention qui les édicte -sans réellement se prononcer sur les devoirs de ces mêmes hommes- demeure la norme incontournable. Espoir suprême des justiciables, mais contrainte juridique pour le juge national tenu de livrer une motivation imparable, elle est également un précieux outil offert à l’ingéniosité des avocats pour nous conduire à approfondir notre réflexion.
Cette réflexion est de plus chaque jour enrichie à la lumière des nombreuses études doctrinales consacrées à la convention européenne et souvent, hélas, compliquée par les controverses qu’elles suscitent.
Il était donc légitime et intéressant de mettre en scène ces trois acteurs que sont le théoricien ou professeur de droit, le juge et l’avocat dans un livret commun ayant pour thème la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
Cette remarquable mise en situation va nous être proposée par Monsieur le Conseiller à la Cour de révision Jean-François RENUCCI, Professeur à la faculté de droit de Nice et surtout éminent spécialiste des droits de l’homme, unanimement reconnu par ses pairs.
En application des dispositions de l’article 47 de la nouvelle loi du 24 juin 2013 relative à l’organisation judiciaire, je cède immédiatement la parole à notre orateur pour traiter le sujet suivant :
« Le professeur de droit, le juge et l’avocat face à la Convention européenne des droits de l’homme ».
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Monsieur Jean-François RENUCCI prononçait alors son discours.
« Mesdames, Messieurs,
Je dois donc vous parler du juge, de l’avocat et du professeur de droit face à la Convention européenne des droits de l’homme.
Je dois dire qu’au départ, l’entreprise me paraissait facile. La Convention européenne des droits de l’homme est une matière sur laquelle je travaille depuis près de 20 ans, professeur de droit je le suis depuis longtemps maintenant, avocat je l’ai été et juge, je le suis devenu.
Par conséquent, ayant exercé cumulativement ou successivement ces différentes fonctions, je me suis dit que rien ne serait plus facile que de traiter un tel sujet, tout simplement en faisant appel à mon expérience, à mes souvenirs et à mes sentiments.
Mais, finalement, l’exercice s’est révélé beaucoup plus difficile que je ne pensais. Serait-ce parce que, finalement, plusieurs personnalités s’entrechoquent ? Là cela devient un peu plus problématique : en effet, lorsqu’il est question de double personnalité, cela peut déjà poser problème, mais s’il y en a trois, les choses sont encore plus délicates.
Mais, y a-t-il vraiment trois personnalités ? Sans doute pas, mais vraisemblablement une seule exerçant des fonctions différentes.
Très bien, mais alors suis-je toujours le même dans les trois cas de figure, ou suis-je plus ou moins différent ? Et si je suis le même, n’est-ce pas dangereux ? Et si je ne suis plus le même, n’est-ce pas encore plus dangereux ? Incontestablement, ça se complique un peu.
Finalement, mieux vaut se recentrer sur le terrain purement juridique et laisser de côté ces questions métaphysiques, voire existentielles, auxquelles sont peu habitués les juristes.
Là, nous sommes sur un terrain plus familier.
La Convention européenne des droits de l’homme est un texte relativement ancien, qui date du début des années 50. Chacun connaît la genèse de ce texte, écrit dans l’après-guerre avec une farouche et belle volonté du « Plus jamais ça » ! Plus jamais d’atteintes aux droits de l’homme ! Plus jamais d’horreurs telles qu’on en a connu pendant la Seconde Guerre mondiale !
Mais, si ce texte date des années 50, ce n’est que bien des années plus tard que l’on s’y est intéressé de très près dans les juridictions et dans les facultés.
Certes, les États qui, comme la Principauté, ont signé la Convention ces dix dernières années ont été directement confrontés à cette réalité, réalité qui faisait immédiatement partie du paysage judiciaire. Mais pour ce qui est des Etats, comme la France et quelques autres, qui avaient signé la Convention dès les années 50 ou tout de suite après, l’intérêt n’a pas été immédiat, ce qui explique sans doute, du moins en partie, les réactions controversées par la suite…, des réactions au demeurant particulièrement vives, parfois même irrationnelles.
En effet, pendant près de quarante ans, la Convention européenne n’intéressait guère les juges et les avocats, pas même les professeurs de droit à l’exception de quelques internationalistes. Bref, dans les Palais de justice, on vivait sans elle (certains d’entre vous sont peut être en train de se dire que ce n’était pas plus mal…, tandis que d’autres sont en train de penser très exactement le contraire…).
Puis, dans les années 90, ce fut le choc avec l’irruption de la Convention européenne dans les préoccupations des juristes. Dès lors, dans tous les États membres du Conseil de l’Europe, les juges et les avocats, ainsi que les professeurs de droit se sont beaucoup intéressés à la Convention. Que s’est-il passé tout d’un coup ?
Rien de surnaturel, et rien véritablement de spontané. L’explication est simple : à l’origine, le système européen de protection des droits de l’homme était essentiellement politique et pas encore véritablement judiciaire. En effet, à l’origine, le système reposait principalement sur le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, organe politique puisque composé de tous les ministres des Affaires étrangères des Etats membres : c’est précisément ce Comité des ministres qui était amené à se prononcer sur une éventuelle violation des droits de l’homme par l’un des États. C’est dire que la Convention européenne des droits de l’homme, pas dans son contenu, mais dans sa mise en œuvre, dans son fonctionnement, n’était pas véritablement l’affaire des individus, mais davantage celle des Etats.
Mais, une possibilité existait : le judiciaire n’était pas loin même si, au départ, il était assez marginal et presque caché (du coup les mauvaises langues pourraient dire que le judiciaire avance parfois masqué). En effet, si les États le voulaient bien (et uniquement s’ils le voulaient bien), ils pouvaient opter pour la juridiction de la Cour européenne des droits de l’homme, cette juridiction de la Cour étant facultative. Car la Cour existait, mais son rôle était mineur. D’ailleurs, à l’époque, l’activité de la Cour n’était pas très importante (du moins quantitativement) : les juges se réunissaient à Strasbourg une semaine par mois et conservaient bien évidemment toutes leurs activités professionnelles habituelles. Maintenant les choses ont radicalement changé : la Cour est permanente et les juges se consacrent totalement à leur activité juridictionnelle… et d’ailleurs même dans ces conditions la Cour est aujourd’hui presque au bord de l’asphyxie.
C’était en effet une option pour les États. Dans le système européen, c’est le Comité des ministres, organe politique, qui jugeait les États, mais, si les États optaient pour la formule judiciaire, c’est alors la Cour européenne, organe judiciaire, qui jouait ce rôle.
La politique des petits pas était ainsi enclenchée. Au fil du temps, de plus en plus d’États optaient pour la voie judiciaire. Il y avait là, il faut bien le reconnaître, une petite pression « amicale », politique et diplomatique, de sorte qu’il a fini de ne plus être de bon ton de ne pas opter pour la juridiction facultative de la Cour. Bon gré mal gré, tous les États ont fini par admettre la voie judiciaire : au début des années 90, tous les États membres de l’époque avaient accepté la juridiction de la Cour européenne.
Mais cette voie judiciaire restait facultative, de sorte que les nouveaux États membres du Conseil de l’Europe, les nouveaux signataires de la Convention européenne des droits de l’homme, pouvaient parfaitement ne pas suivre l’exemple et donc rester justiciables, non pas de la Cour, mais du Comité des ministres. C’est pour cela que l’on continuait à parler de « juridiction facultative » de la Cour. Mais là encore de petites pressions « amicales » devaient intervenir et, de toute façon, cela n’a duré qu’un temps. En 1998, un protocole d’amendement particulièrement important est intervenu (Protocole n° 11) et l’une des principales modifications consistait précisément à juridictionnaliser le système européen de protection des droits de l’homme. La juridiction de la Cour n’était plus facultative, mais obligatoire, et le Comité des ministres n’intervenait plus pour se prononcer sur l’éventuelle violation de la Convention par l’un des États. Son rôle était cantonné (et c’est toujours le cas) à la surveillance de l’exécution des arrêts qui sont rendus par la Cour de Strasbourg, et par elle seule.
C’est dire que les nouveaux signataires de la Convention européenne, après 1998, n’avaient plus le choix : la seule instance à se prononcer sur une éventuelle violation de la Convention est la Cour, organe judiciaire.
En plus, une autre évolution importante devait intervenir simultanément. À l’origine, le recours individuel devant la Cour européenne était lui aussi facultatif : c’est le recours étatique qui était en quelque sorte la norme (la Convention était donc bien davantage l’affaire des Etats que des individus).
Désormais, le recours individuel n’est plus facultatif et il est même devenu le recours principal, le recours étatique étant quant à lui assez marginal désormais. Progressivement, le système a beaucoup changé : on peut même penser qu’il a changé de nature, le recours individuel étant au cœur du système. La CEDH est progressivement devenue l’affaire des individus plus que des Etats, du moins dans sa mise en œuvre et son fonctionnement.
Tout cela a eu pour conséquence une importance croissante et forte de la Convention européenne dans le milieu judiciaire, d’autant plus que conformément au principe de subsidiarité, nul ne peut exercer un recours à Strasbourg s’il n’a pas épuisé les voies de recours internes. Le premier juge de la Convention européenne est le juge national et c’est donc devant lui que prioritairement une éventuelle violation de la Convention, qui est d’application directe, doit être plaidée.
À partir de ce moment là, devant les juges (juges nationaux puis juges européens), l’invocation de la Convention est devenue quasi systématique et n’a fait que monter en puissance au fil des années. Il faut reconnaître que si, la plupart du temps, cette invocation est judicieuse et opportune, parfois elle l’est un peu moins.
Mais revenons à notre préoccupation première : les réactions face à la Convention européenne des droits de l’homme du juge, de l’avocat et du professeur de droit.
Pour résoudre la difficulté, le plus simple serait la caricature : comme on grossit le trait, les choses sont évidemment beaucoup plus faciles.
Ainsi, on pourrait dire que lors du premier face à face entre ces trois juristes et la Convention européenne des droits de l’homme, les réactions étaient plutôt instinctives :
Comment les caractériser ? Quel est le trait dominant ?
Pour le professeur de droit, c’était certainement la curiosité : un nouveau champ d’étude qui apparaît, de nouvelles questions à poser et à se poser, de belles controverses doctrinales en perspective.
Pour l’avocat, c’était probablement davantage la gourmandise : de nouveaux arguments à faire valoir devant les cours et tribunaux, une arme nouvelle à sa disposition ; même si ce n’est pas une arme de destruction massive comme certains ont pu (à tort) le penser, son efficacité est certaine.
Pour le juge, c’était plutôt la contrariété, surtout pour les juges qui intervenaient en dernier ressort, qui avaient pris l’habitude de dire définitivement le droit : c’était ainsi à l’époque, mais ça, c’était avant.
Mais là, je caricature. La réalité est beaucoup plus complexe, beaucoup plus nuancée, comme toujours. Cela est d’autant plus vrai que la curiosité n’est pas l’apanage des professeurs de droit, et que des magistrats ou des avocats peuvent être tout aussi curieux (je parle naturellement d’une curiosité scientifique). La même réflexion peut être faite pour la gourmandise, et pour ce qui est de la contrariété il en est de même : j’ai connu des confrères avocats, et bon nombre de collègues professeurs de droit qui ont été très contrariés… le mot est faible.
Dès lors, mieux vaut parler des juristes et de leurs réactions face à la Convention, lesquels ne constituent pas un ensemble homogène avec des réactions similaires. Nous ne pensons pas tous pareil, et c’est très bien ainsi.
En définitive, sur le plan des réactions face à la Convention, il n’y a pas réellement de spécificités propres à ces trois professionnels, même si l’on peut déceler une dominante, et encore. Quoi qu’il en soit, il est assurément difficile d’en tirer des conclusions générales. En réalité, quelle que soit la fonction, chacun réagit en fonction de sa sensibilité propre, et si des dominantes peuvent être observées, c’est peut-être davantage une question de génération qu’une question de fonction.
Il est vrai qu’une approche générationnelle peut être intéressante et significative, tant il est vrai que les plus jeunes générations de juristes ont été davantage sensibilisées à la matière, tout simplement parce que depuis quelques années la matière est enseignée dans les Facultés de droit et qu’elle est donc intégrée dans leur formation. Mais, là encore, il ne faut pas généraliser, les approches restant tout de même différentes et les juristes n’étant pas (fort heureusement) une population homogène.
Ce qui a probablement le plus changé, ce n’est pas la disparition des approches différentes de la Convention, et encore moins des controverses qui sont parfois très vives, mais davantage la manière dont s’expriment ces divergences.
Pour mieux appréhender cette évolution, une rétrospective s’impose. Au début, il y a quelques années, lorsque les juristes ont découvert la matière, je l’ai dit, les réactions étaient plutôt instinctives, voire irrationnelles. On était « pour » ou « contre » quasiment par principe ou d’instinct. Les « pour » voyaient dans la Convention un texte sacré et donc intouchable où toute critique était interdite puisque forcément blasphématoire. Les « contre » pensaient très exactement le contraire, et de façon tout aussi instinctive.
Chez les « pour », on pouvait à l’époque observer des réactions assez surprenantes : finalement, certains étaient plus que « pour » la Convention européenne des droits de l’homme : ils « croyaient en elle ». Ils croyaient en elle à tel point qu’ils n’en parlaient qu’en des termes idylliques et extatiques. Chez les « pour » d’autres étaient il est vrai un peu plus nuancés : certes il y avait de la sympathie et même de l’admiration, mais à des degrés divers et variables, mais sans passion romantique ni déception post-romantique1. Quoi qu’il en soit, nous étions davantage dans le domaine de la croyance : c’était un véritable acte de foi.
Chez les « contre », l’hostilité était particulièrement vive, y compris de la part des plus grands noms de la doctrine. Le doyen Carbonnier lui-même faisait état d’une « impression de décousu, de baroque même », ridiculisant la Cour de Strasbourg « qu’un rien amuse » écrivait-il, ajoutant que l’on finirait par s’irriter à la longue d’être (je cite) « gouverné par un conseil de conscience irresponsable, comme une chapelle très cléricale »2. Le Doyen Cornu parlait, lui, des « forces majoritaires de l’illusion, de l’utopie, de l’aveuglement et de la présomption », fustigeant « un corps étranger, un droit venu d’ailleurs (…) jouant au désordre plus qu’à la cohérence ».
Il a même évoqué (je cite) « un pont aux ânes qui débouche sur un terrain vague »3.
Bref, vous l’avez bien compris : ceux qui étaient « pour » l’étaient totalement et ne pouvaient pas comprendre un avis contraire, ou alors très difficilement. Et ceux qui étaient « contre » l’étaient de la même manière.
Autant dire que le dialogue était particulièrement difficile et les relations tendues. Il était devenu urgent d’apaiser les choses et probablement de se détendre.
Ce vœu a été partiellement exaucé. Les choses ont progressivement évolué, les relations se sont apaisées ce qui bien sûr n’empêche pas de vives controverses. Mais il est vrai que les oppositions ont changé de nature : on se place davantage sur le terrain juridique, on argumente en droit.
On est « pour » ou on est « contre », mais nous ne sommes plus dans le domaine de l’instinct ou de la croyance, mais dans celui de l’argumentation. On est « contre » parce que…, ou alors on est « pour » parce que… et on développe des arguments juridiques. Bref, on fait du droit.
Les rapports ont donc fini par se normaliser. La Convention européenne des droits de l’homme fait partie des préoccupations professionnelles du monde judiciaire, elle est appliquée, elle suscite des débats : nous sommes dans l’ordre naturel des choses.
En définitive, la question n’est même plus véritablement d’être « pour » ou « contre » la Convention, mais de savoir quelles sont les frontières de son applicabilité : ceux qui aiment bien ce texte auront tendance à souhaiter un élargissement de son champ d’application, tandis que ceux qui l’aiment moins (c’est un doux euphémisme) auront plutôt tendance à penser qu’il convient d’en restreindre le domaine… mais tout cela pour des raisons juridiques, tout cela découlant d’une argumentation juridique (exemple : l’applicabilité de l’Art. 6 au contentieux de la fonction publique, cf même l’applicabilité de la Convention au domaine économique et social).
Désormais, les juristes qui sont confrontés à la Convention européenne des droits de l’homme, qu’ils soient juges, avocats ou professeurs de droit, ils raisonnent véritablement en droit.
L’heure n’est plus aux croyances, aux réactions instinctives, aux convictions profondes ni aux affirmations péremptoires, mais aux démonstrations : c’est tout de même plus intéressant et plus constructif.
Le grand changement, c’est que la Convention européenne des droits de l’homme est désormais considérée pour ce qu’elle est : c’est un texte juridique, forcément imparfait puisque c’est une œuvre humaine (d’autant plus que c’est le fruit d’un compromis) : ce n’est pas un texte sacré, un texte divin, pas plus que ce n’est un texte diabolique. C’est un texte important, certes, d’autant plus qu’il a une valeur supérieure à la loi (mais pas à la Constitution) : mais ce n’est jamais qu’un texte de droit : pas moins, certes, mais pas plus.
Alors, me direz-vous, tout va désormais pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Pas vraiment.
En effet, les choses continuent de changer. Aujourd’hui, la Cour européenne des droits de l’homme fait l’objet de critiques : ça c’est classique, mais la nouveauté c’est que ces critiques se font sur le plan, non pas juridique, mais politique.
Ça c’est la grande nouveauté et c’est très récent. Mais nous sortons ici du champ d’étude qui est le mien aujourd’hui puisque là, ce n’est plus le juge, l’avocat ou le professeur de droit face à la Convention européenne des droits de l’homme, mais le politique face à cette Convention : c’est sans doute tout aussi intéressant, mais ce serait « hors sujet » et tous ceux qui ont été formés dans les Facultés de droit, et ils sont nombreux dans cette salle, savent à quel point il faut se garder du hors sujet.
Pour ce qui est de la préoccupation du juriste, et pour conclure, peut-être pourrais-je vous livrer mon sentiment subjectif sur la Convention.
Difficile.
Difficile, car le professeur de droit que je suis aura du mal à le faire, tant il est vrai que la noblesse et l’intérêt de la fonction consistent à répondre à des questions sur le plan strictement scientifique et jamais sur le plan purement subjectif : une démarche scientifique est incompatible avec une approche subjective.
Et puis, si, dans un moment de faiblesse et oubliant mes devoirs de professeur, j’étais tenté de me laisser aller à une approche purement subjective de la Convention, l’avocat que j’ai été dirait alors au juge que je suis devenu que ce ne serait pas une bonne idée : en effet, certains d’entre vous pourraient alors me reprocher, dès demain et ici même dans cette enceinte ou juste à côté, un défaut d’impartialité qui serait évidemment contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et aux exigences du procès équitable.
Alors, je ne puis me permettre de vous donner mon sentiment subjectif, mais ce que je puis vous dire, en toute objectivité et avec certitude, c’est qu’on n’en a pas fini avec la Convention européenne des droits de l’homme.
Je vous remercie.
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* *
Madame le Premier Président reprenait alors la parole en ces termes :
« Monsieur le Conseiller, cher collègue, je me fais l’interprète de tous ici et vous présente de vifs compliments pour la qualité de votre brillant exposé.
Pour avoir assisté au cycle remarquable de conférences que vous avez eu la gentillesse de dispenser cette année dans nos murs, je savais que l’auditoire trouverait un réel intérêt dans votre discours et nous vous sommes très reconnaissants d’avoir consacré du temps à cette précieuse analyse et ce, alors que votre charge de conseiller à la cour de révision, mais aussi d’enseignant à la faculté de droit, ne vous en laisse guère.
L’étude minutieuse et pleine d’esprit à laquelle vous vous êtes livré a parfaitement mis en exergue la diversité des réactions suscitées par la convention européenne des droits de l’homme, mais aussi leur caractère radical et il faut le dire bien souvent passionné.
Vous l’avez brillamment souligné, aucun acte de foi n’est attendu des professionnels du droit, seule une réponse argumentée devant permettre de fonder l’applicabilité ou non de tel ou tel article de cette Convention.
Nous retiendrons surtout la grande sagesse de vos propos et la leçon d’humilité qui les colore. Pour les hommes que nous sommes -certes dotés de qualités mais recelant également en chacun de nous d’innombrables défauts- il ne s’agit en définitive que d’appliquer un texte aussi imparfait que nous pouvons l’être. Restons donc modeste et contentons nous de raisonner en droit et sans passion.
L’ouverture d’une nouvelle année judiciaire nous donne habituellement l’occasion de dresser un bilan de l’année écoulée et de la vie des juridictions. Il y a un an déjà, nous avions brièvement évoqué notre relation face à l’espace et au temps.
La permanence de notre institution, de nos valeurs, de nos traditions, dont cette audience est l’illustre représentation, ne peut pas dissimuler le fait que la justice évolue au sein d’un monde en constante mutation dans lequel le changement affecte inéluctablement les êtres et les choses. La nécessité de nous adapter continuellement à de nouvelles règles et à des besoins renouvelés ne doit cependant pas nous faire oublier que le premier des devoirs du service public est de garantir à tous l’accès au droit et au juge dans des conditions matérielles et temporelles satisfaisantes.
L’espace dans lequel nous évoluons, c’est tout d’abord un lieu de communication, celui du message livré et ce lieu-là ne s’arrête pas aux portes de ce palais.
Donner des repères à nos concitoyens, c’est nécessairement ouvrir les portes de nos prétoires et de nos bureaux aux plus jeunes.
Dans ce sens, il nous semble indispensable de continuer à répondre favorablement à toute action de communication sur nos professions, notamment en direction des écoles et des universités : Journée des métiers bien sûr, mais également bains en entreprise, intervention dans les établissements scolaires aux côtés d’officiers de police pour répondre à certaines interrogations, accès encadré à certaines audiences, ou encore stages d’étudiants de second cycle et accueil d’auditeurs de justice de l’Ecole Nationale de la Magistrature. Le rôle du Tribunal de Première Instance est fondamental dans ce type d’actions et d’interventions et nous ne pouvons que louer chaleureusement l’implication totale de ses magistrats et de leur Présidente.
A titre symbolique, la présence ce matin de Mme Isabelle BONNAL, Directrice de l’éducation Nationale et de M. Christian VALLAR, doyen de la faculté de droit de Nice, conforte ces liens qui unissent le monde de l’Education et du Savoir et celui de la Justice.
L’espace, c’est aussi paradoxalement, une zone de distance réduite entre la peur et l’information. Cette année, sous l’impulsion de notre procureur général et de Mlle Alexia BRIANTI, Magistrat référendaire, nous avons fait un premier pas vers la création d’une association des victimes. Le projet n’est pas à ce jour abouti mais la prise en compte de ce besoin est effective, les contacts ont été pris et la mise en place d’une première cellule d’accueil déjà envisagée.
L’espace, c’est encore l’aménagement de cette même distance entre la peur et certains types de situations. Divers événements fâcheux ont, cette année, marqué les esprits et nous remercions la Direction des services judiciaires d’avoir aussitôt fait réaliser une étude très complète sur la sécurité avant d’initier le plus rapidement possible la mise en place d’un système dissuasif destiné à protéger les magistrats et personnels de justice de tout individu dangereux ou simplement fragile et ce, dans les deux bâtiments du Palais de Justice. Qu’il me soit à cet égard permis de rendre publiquement hommage à la patience et au sang-froid des magistrats, greffiers et personnels de justice qui ont, dans ces circonstances, permis à la justice de suivre son cours normalement.
L’espace, c’est enfin l’accès au juge dans son aspect matériel. Nous évoquions il y a tout juste un an le projet relatif à l’extension de notre Palais de justice au bâtiment délaissé par le Conseil National rue Bellando de Castro qui vient d’être officiellement inauguré en présence de Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain.4
Grâce à cette extension, les cabinets de magistrats accueillant des personnes âgées ou à mobilité réduite et ne pouvant se déplacer normalement, se trouvent désormais situés en rez-de-chaussée du nouveau bâtiment. Nous bénéficions également d’une salle d‘audience supplémentaire et d’une chambre du conseil pour les juridictions supérieures, la Cour de révision et le Tribunal suprême dans la salle de délibération spécialement affectée au Conseil d’État.
Cette très récente inauguration nous conduit à rappeler qu’en décembre 1660, le Prince Honoré II avait vu s’achever la construction de la maison commune, ancêtre de notre actuel palais de justice, qui fut édifié au même endroit trois cents ans après et inauguré par le Prince Louis II et la Princesse héréditaire Charlotte le 2 avril 1930.
Moins d’un siècle plus tard, ce bâtiment et les quelques extensions successivement réalisées dans des locaux contigus ne suffisaient déjà plus à abriter l’ensemble de nos juridictions. Ainsi que le rappelait récemment Son Excellence M. NARMINO, l’augmentation régulière de nos activités a justifié -faute d’une emprise impensable sur l’édifice de la cathédrale voisine ou les locaux de l’archevêché- une extension sur ceux du Conseil National, institution exposée au même problème et dont le transfert en un autre lieu était déjà envisagé.
La compagnie judiciaire en son entier se réjouit de la parfaite réalisation de ce projet conduit et mené à terme sous l’impulsion de la Direction des Services Judiciaires et grâce à l’intervention du gouvernement monégasque dans des conditions de délais particulièrement satisfaisantes.
« Le Temple de la Justice » -ainsi que le nommait en 1930 M. NOGUES, Président de la délégation communale- se trouve donc agrandi.
Veiller à la bonne application de la loi dans les murs mêmes où elle fut votée ne pourra de toute évidence qu’être une source d’inspiration pour les magistrats, tant l’esprit des lois, cher à nos réflexions en délibéré, doit nécessairement y avoir laissé son empreinte.
Après ces quelques propos sur l’espace qui nous est consacré, je me dois de rappeler que l’appréciation du temps judiciaire avait été il y a un an une source d’émotion, alors même que la Commission européenne pour l’efficacité de la justice venait de classer nos juridictions au rang des mauvais élèves européens sur la base d’indicateurs statistiques peu adaptés à la taille de notre Etat en mettant l’accent sur certains retards dans les durées moyennes des instances.
Émues par le rapport critique émanant de la CEPEJ, Madame le Président du Tribunal de première instance et moi-même avions alors publiquement insisté auprès des magistrats, mais aussi des membres du barreau, sur notre responsabilité commune en matière de durée des instances. Certains avocats s’en sont émus.
Il n’était de toute évidence pas dans nos intentions de jeter l’anathème sur les membres du barreau, mais plutôt de sensibiliser tous les acteurs de la vie judiciaire sur l’impérieuse nécessité de mettre en place dès le 1er octobre 2012 de nouvelles pratiques plus respectueuses des attentes des justiciables. Des calendriers prioritaires ont été fixés pour les affaires les plus urgentes et les durées de mise en état de toutes les procédures se sont considérablement réduites.
Les excellents résultats obtenus cette année en matière civile par l’ensemble des juridictions permanentes, dont vous aurez un aperçu sur les petites plaquettes statistiques mises à votre disposition, sont révélateurs de notre succès à tous dans cette difficile entreprise de réduction des délais, mais aussi des stocks.
Le Tribunal de Première Instance a fait preuve d’une remarquable efficacité puisqu’il a rendu 1290 jugements, en ce compris les décisions de la Chambre du Conseil et des Commissions arbitrales de loyers, la formation collégiale du Tribunal ayant quant à elle rendu publiquement 845 décisions, soit 149 de plus que l’année précédente.
En matière sociale, le bureau de jugement du Tribunal du Travail a rendu 158 décisions, soit 92 jugements de plus qu’en 2011 - 2012, ce chiffre tenant en partie compte d’un grand nombre de désistements mais reflétant à l’évidence le succès de la nouvelle pratique également mise en place en matière de mise en état.
La Cour d’appel a également rempli les objectifs qu’elle s’était fixés. Si 291 décisions civiles, comprenant les affaires de Chambre du Conseil, ont été rendues, la Cour a notamment prononcé 232 arrêts en audience publique, soit quasiment le double par rapport à l’année précédente.
Dans tous les cas, les taux moyens de traitement des affaires en matière civile se sont grandement améliorés, la durée moyenne des délibérés également tandis que le nombre des procédures terminées a considérablement augmenté, en dépit d’une hausse significative des affaires nouvelles du moins devant la Cour d’appel.
Sans la collaboration active et particulièrement efficace des avocats-défenseurs et avocats tout au long de l’année, j’insiste sur ce point, nous n’aurions certainement pas pu atteindre ces résultats et je prie Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de bien vouloir faire part à l’ensemble de ses confrères de notre très grande satisfaction et de notre volonté de voir perdurer cette démarche commune en attendant une réforme plus complète de notre procédure civile, que nous appelons toujours de nos vœux et que laisse sans doute augurer la très récente adoption de la proposition de loi sur la nullité des actes de procédure.
Avant de conclure ce bref aperçu sur l’espace et le temps au sein desquels nous évoluons, il faut rappeler également que l’adoption de la loi n° 1398 relative à l’administration et à l’organisation judiciaires en date du 24 juin 2013 va contribuer à faciliter grandement le fonctionnement de la justice.
Pour ne retenir que l’essentiel, la durée de l’année judiciaire est désormais identique pour l’ensemble des juridictions, les vacations estivales s’emplaçant du 15 juillet au 30 septembre, ce qui permettra à la Cour d’appel de prévoir des audiences supplémentaires au-delà du 30 juin de chaque année.
Par ailleurs, certains problèmes récurrents de composition auquel sont de plus en plus souvent confrontées les juridictions de jugement sont en partie allégés puisque la Cour d’appel qui ne comprend que cinq membres peut désormais faire compléter sa formation de jugement par un ou plusieurs magistrats du Tribunal de Première instance, une telle faculté étant également conférée à la cour de révision qui peut faire appel pour siéger à un ou plusieurs membres du Tribunal de Première Instance ou de la Cour d’appel.
A l’issue de ce rapide bilan, je tiens bien sûr à féliciter chaleureusement et à remercier les magistrats du siège de l’ensemble des juridictions pour le travail très important fourni au cours de l’année écoulée.
Madame le Greffier en chef, Mesdames ses adjoints, qu’il me soit enfin permis de saluer publiquement le sens du service public de l’ensemble de vos personnels qui ont en 2012-2013 encore démontré leur grande faculté d’adaptation face à des problèmes conjoncturels importants sans se départir d’une volonté de bien faire qui force l’admiration. Je pense en particulier aux sections civiles et correctionnelles du Tribunal de première instance qui ont dû faire face à des départs et arrêts maladie récurrents sans réduire pour autant leur très grande capacité de travail. Je pense également aux greffes des juridictions supérieures, Cour de révision et Cour d’appel, qui se limitent précisément au greffier en chef, ses deux adjoints et trois attachés de secrétariat pour faire face à un contentieux de plus en plus conséquent et complexe.
Mon souhait est à cet égard de poursuivre en 2013-2014 la réflexion initiée en fin d’année tendant à optimiser encore davantage les conditions de formation et de travail des greffiers dont vous avez la charge et ce, grâce à une étude en cours et à votre collaboration active.
S’il n’est pas d’usage qu’un magistrat du siège évoque l’activité pénale des différentes juridictions, nous ferons cette année une légère entorse à cette règle à l’initiative de Monsieur le Procureur Général qui va concentrer sa propre intervention sur le crédit accordé à notre Justice à travers l’analyse de certaines expertises européennes. Il m’appartient donc -j’en suis désolée- de vous épuiser encore quelques instants avant que notre Procureur Général ne vous passionne. Rassurez-vous je me limiterai aux données les plus significatives car nos plaquettes statistiques enrichies de photos et diagrammes remplaceront de longs développements. Si le nombre d’affaires pénales enregistrées en 2012-2013 accuse une très légère baisse globale, plus sensible en matière de vols, d’infractions financières et d’infractions à la législation sur les stupéfiants, on relève en revanche un léger accroissement du nombre des infractions liées à des actes de violence.
Pour autant, s’agissant de la nature des infractions constatées, il s’agit là d’une constante, le nombre des procédures établies au titre des infractions financières ou des vols représente encore 80 % de la masse pénale.
On observe que le nombre des procédures de flagrants délits a très légèrement diminué, corrélativement à une augmentation des citations directes.
Alors que la quantité des commissions rogatoires délivrées par les autorités monégasques diminue sensiblement, le nombre de commissions rogatoires délivrées par les autorités étrangères demeure stable. Il est intéressant de relever que le délai d’exécution de ces commissions rogatoires étrangères a été très encourageant cette année puisqu’il est passé de 98 jours en 2012 à 62 jours au cours de l’année écoulée. Nous pouvons féliciter les cabinets d’instruction et les services de police pour ce gain notable d’efficacité.
Au cours de l’année écoulée,
- 68 informations ont été ouvertes dont 7 relatives à des procédures de blanchiment,
- 656 jugements ont été rendus par le Tribunal correctionnel et 56 arrêts correctionnels ont été prononcés par la Cour d’appel, soit un taux d’appel de 8,5 %,
- 112 arrêts par la Chambre du Conseil de la Cour d’appel en matière pénale, soit 26 décisions de plus que l’année précédente,
- 33 arrêts pénaux par la Cour de Révision, soit également une légère augmentation par rapport à 2012, dont une seule décision de cassation.
Enfin, le nombre d’extraditions demandées par les autorités étrangères est demeuré stable : 12 procédures au cours de l’année écoulée.
Pour compléter cette rapide analyse et tenir ma promesse, je vous engage à vous reporter aux documents qui vous ont été distribués.
Avant de conclure mon propos, je crois utile de préciser que le bilan de l’année écoulée ne saurait suggérer une quelconque logique d’entreprise que sous-entendent certains indicateurs internationaux de performance reposant davantage sur des concepts mercantiles inhérents à une activité de production qu’à la mission première de la justice.
Célérité oui, mais aussi clarté et accessibilité. De tels critères doivent être nos indicateurs de progrès personnel qui nous permettront d’adapter la Justice à notre monde instable, sans perdre de vue cette phrase de Paul VALERY pour qui le droit est « L’intermède des forces ».
M. Roger ERRERA, Conseiller d’État français honoraire, auteur d’un essai original intitulé « Et ce sera justice » estime que le juge est plus que jamais dans la cité.
Évoquant l’évolution des mentalités et déplorant la désaffection du monde moderne envers la justice, Roger ERRERA estime que le niveau d’exigence de nos concitoyens augmente régulièrement… Nous le constatons chaque jour !
Il nous appartient d’y répondre pour éviter tout déficit de confiance en privilégiant certains objectifs simples :
- rendre des décisions de qualité dans des délais corrects en matière civile et bien sûr pénale,
- améliorer, pour ce faire et par tout moyen, les procédures de mise en état des affaires civiles mais aussi d’exécution des décisions pénales,
- maîtriser la croissance des frais de justice,
- favoriser le développement de la communication électronique,
L’acte de juger ne peut être réduit à des chiffres ou des taux. Bien juger ce n’est pas juger beaucoup, ni juger vite en évacuant les affaires. À ce terme de taux d’évacuation repris par les indicateurs internationaux, nous préférons substituer dans nos propres statistiques, le vocable de traitement, car nous ne pouvons qu’adhérer aux critiques cinglantes du Premier Président honoraire CANIVET qui se demandait comment on avait pu si naturellement accepter l’expression «d’évacuation des dossiers » laquelle sous-entend étymologiquement un acte d’expulsion et de rejet, plus qu’une véritable action de résolution d’un litige.
Sur ces quelques réflexions et sans plus attendre, je cède désormais la parole à Monsieur le Procureur Général ».
*
* *
Monsieur le Procureur Général Jean-Pierre Dréno s’exprimait en ces termes :
« Je vous remercie, Madame le Premier Président. Je vais m’efforcer d’user de cette parole que vous me cédez sans l’évacuer. Mais il me faut quand même respecter dans son usage un délai raisonnable.
Je me garderais d’imiter le révérend « Don Balaguère », le chapelain, héros du conte d’Alphonse Daudet intitulé « Les trois messes basses ».
Monseigneur me pardonnera. Nous ne sommes pas la veille de Noël. Et je ne veux pas finir comme ce malheureux religieux, terrassé dans la nuit de la nativité par une terrible attaque après avoir bâclé, comme vous le savez, la célébration des ses offices.
Comme à l’accoutumée durant l’année écoulée, le Conseil de l’Europe nous a dépêchés des experts.
Ces experts ont parcouru notre constitution, nos lois et nos ordonnances souveraines, les couloirs du Ministère d’Etat me semble-t-il, en tout cas, j’en suis certain pour en avoir été le témoin, les couloirs de notre palais de justice, ceux de la maison d’arrêt et ceux de la sûreté publique.
Ces experts sont venus évaluer notre niveau de respect de la démocratie, de respect de nos engagements internationaux et de respect des libertés individuelles et de la dignité humaine.
Bref, ces experts nous ont expertisés et je désirais, ce matin, évoquer et non pas évacuer leurs conclusions -je crois avoir déjà précisé dans un délai raisonnable-.
D’emblée j’évacue le sujet qui fâche et les sujets qui paraissent avoir contrarié certaines autorités de la Principauté, Monsieur le Ministre d’Etat me pardonnera, je veux parler des experts de la “Commission Européenne pour la démocratie par le droit”, c’est-à-dire de la Commission de Venise.
Mais il m’est impossible d’omettre les observations de ces experts en ce qui concerne les juridictions qui siègent dans ce bâtiment et les magistrats qui les servent.
En effet dans son avis, la Commission de Venise n’a pas manqué de relever que notre constitution établissait une juridiction constitutionnelle, le Tribunal Suprême et elle mentionne : « c’est l’une des juridictions de ce type la plus ancienne du monde (103 ans prochainement) qui offre un accès direct aux personnes physiques contre les lois censées violer les droits fondamentaux garantis par la constitution. »
L’avis de la Commission ajoute : « cela représente une importante garantie de protection effective des droits de l’homme à Monaco et constitue une garantie essentielle de la prééminence du droit car les particuliers disposent d’une voie de recours contre les actes inconstitutionnels, illégaux ou arbitraires. Les ordonnances du Prince peuvent aussi être contestées devant le Tribunal Suprême. »
Dans ce même avis, je retiens également cette constatation : « la composition et la compétence du Haut Conseil de la Magistrature garantissent l’indépendance de la magistrature monégasque à l’égard de l’exécutif ».
Enfin, dans le paragraphe consacré au « pouvoir judiciaire » figurent les remarques suivantes :
« * Les cours et tribunaux ne sont responsables ni devant le Prince ni devant le gouvernement…
* La séparation des fonctions administratives, législatives et judiciaires est assurée…
* L’indépendance des juges est aussi garantie…
* La loi garantit en particulier leur ina-movi-bilité (ce point est prévu par un accord pour ce qui est des juges français détachés à Monaco)…
* Les procureurs font partie de la magistrature…
* Les règles concernant l’indépendance des juges sont également applicables aux procureurs… »
Puis, après la commission de Venise, c’est à la fin du mois de novembre 2012 que nous avons également accueilli plusieurs experts du “Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants” dénommé plus couramment CPT. Il s’agissait de la semaine la plus pluvieuse de l’année, sinon même de la décennie et vous verrez que ce constat météorologique n’est pas sans importance.
Ces experts ont inspecté -leur rapport utilise le terme plus pudique de « visite »- :
* la direction centrale de la sûreté publique,
* nos cellules ici même dans ce palais,
* la maison d’arrêt
* et le service de psychiatrie et de psychologie médicale du Centre Hospitalier Princesse Grace.
Pour la sûreté publique, et il m’est agréable de constater que son directeur et ses principaux responsables, nous font ce matin, comme chaque année, l’amitié de leur présence, les experts du CPT ont considéré que le complexe cellulaire des gardes à vue offrait sans nul doute des conditions de séjour tout à fait satisfaisantes.
Ils n’ont enregistré aucune allégation de mauvais traitement et se sont félicités, je les cite, du « contrôle strict opéré par les autorités judiciaires » des gardes à vue.
Ils ont également apprécié la présence effective d’un avocat tout au long de la mesure de garde à vue des personnes suspectes.
Je rappelle que cette visite avait lieu au cours de la dernière semaine du mois de novembre 2012, c’est-à-dire 6 mois avant l’entrée en vigueur de la loi n° 1.399 du 25 juin 2013 intégrant dans l’ordre juridique monégasque et dans notre code de procédure pénale, l’assistance obligatoire de l’avocat pendant la garde à vue.
Nos experts ont « noté avec satisfaction » - ce sont les termes-mêmes de leur rapport - :
* l’enregistrement électronique des auditions des personnes gardées à vue,
* la très bonne tenue du registre de garde à vue
* et l’intervention du juge des libertés pour les prolongations des mesures de garde à vue, soit environ une douzaine par an, lequel juge rend une décision motivée.
Le rapport de notre délégation d’experts du Comité pour la prévention de la torture fait part, après son transport dans l’immeuble de la sûreté publique, « d’une impression très positive ».
Pour la maison d’arrêt, et je me réjouis d’apercevoir ici son directeur et son directeur-adjoint je vous livre les extraits suivants de leur rapport :
* « L’atmosphère observée par la délégation lors de la visite de la maison d’arrêt était… détendue et empreinte de respect mutuel… » ;
* « Les détenus avec lesquels la délégation s’est entretenue ont émis des avis très positifs au sujet de leur contact avec le personnel pénitentiaire » ;
* « Les conditions de confort et l’équipement des cellules restaient globalement satisfaisants… » ;
* « L’ensemble des locaux de détention étaient dans un état de propreté et d’entretien tout à fait correct ».
Enfin, dernier point qui me permet d’associer aussi les professionnels de la santé du Centre Hospitalier Princesse Grace à ces propos élogieux, je n’oublierai pas ce commentaire :
« la qualité des traitements médicaux et du suivi des détenus à la maison d’arrêt ainsi que la gestion efficace du service médical est à souligner. Le principe d’équivalence des soins qui devrait prévaloir avec la situation de la population en milieu libre est, quant à lui, largement assuré »,
et il me faut révéler que se trouvait alors détenue une femme enceinte, situation assez exceptionnelle sinon inédite mais je m’empresse d’ajouter que la grossesse de cette détenue préexistait à son incarcération.
Enfin, Madame le Premier Président, au risque d’apparaître aux yeux et aux oreilles de notre auditoire comme un insupportable laudateur, je ne saurai définitivement refermer le rapport du Comité Européen pour la prévention de la torture sans extraire cette dernière phrase :
« La coopération dont les autorités monégasques ont fait preuve à l’égard de la délégation a été en tous points exemplaire. Elle a eu accès sans délai à tous les lieux de privation de liberté, à toutes les informations nécessaires à l’exécution de sa mission et a pu s’entretenir sans témoin avec les personnes privées de liberté. »
Au rang des recommandations du CPT et cela sans doute n’est pas sans lien avec la pluviométrie que les experts ont connue durant leur séjour monégasque, et ses conséquences inéluctables, c’est-à-dire ces infiltrations d’eau dans certaines parties du bâtiment, les experts du CPT ont souhaité un transfert, à terme, de la maison d’arrêt de Monaco dans de nouvelles installations.
Mais je crois comprendre, sinon même je crains, que cette recommandation se heurte à d’incontournables contraintes foncières et immobilières.
J’en ai hélas terminé des éloges puisqu’il me faut enfin évoquer la visite du “Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme”, autrement baptisé « MONEYVAL ».
Il y a quelques jours encore avec nos partenaires du service d’information et de contrôle sur les circuits financiers -notre SICCFIN- dont j’ai le plaisir à saluer sa directrice, nous étions à Strasbourg pour débattre du contenu définitif du rapport d’évaluation de ces experts.
Ce que dans un premier temps j’avais retenu d’une réunion organisée à l’issue de la visite en Principauté de l’équipe d’évaluation de « MONEYVAL » lors de ce 4ème cycle d’évaluation, c’est qu’elle considérait que des progrès substantiels avaient été accomplis depuis la précédente visite qui avait eu lieu en novembre 2006 et que ces énormes progrès conduisaient à une image totalement différente et bien meilleure de la Principauté.
La réputation de paradis fiscal propice au blanchiment de l’argent sale était dès lors à ses yeux totalement usurpée, ce que nous savons tous déjà mais ce que certains médias s’obstinent toujours, semble-t-il, à ignorer ce qui me contraint encore à rappeler -et ce n’est pas qu’une incantation- qu’il n’y a pas de place ici en Principauté pour des fonds d’origine frauduleuse.
Par contre les experts de « MONEYVAL » s’interrogeaient sur les compétences de contrôle du procureur général qui vous parle à l’égard des professions juridiques
* les notaires,
* les huissiers de justice
* et les avocats.
Nos experts déploraient l’absence d’informations sur les moyens qui m’étaient nécessaires pour exercer cette compétence et les méthodes qui seraient mises en œuvre.
Ils redoutaient de constater un niveau insuffisant d’efficacité de ce contrôle des professions juridiques.
Bien sûr, ce sont ces observations que j’ai souhaité faire corriger et c’est dans ce cadre que je me suis adressé à vous, Monsieur le Bâtonnier.
Vous avez bien voulu associer vos confrères à une séance d’information sur vos obligations telles qu’elles découlent de la loi (n° 1362) du 3 août 2009 “relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption”, alors même que le recours de votre Ordre contre cette loi n’avait pas encore été examiné par la Cour européenne des droits de l’homme.
Je tiens à vous remercier sincèrement de votre implication et de votre participation dans l’organisation de cette information, durant laquelle évidemment, un représentant du service d’information et de contrôle sur les circuits financiers, le SICCFIN, a tenu un rôle essentiel.
Nous allons ainsi parvenir à rassurer totalement le comité « MONEYVAL » sur la pertinence de notre dispositif.
Mais je dois malheureusement concéder que nos travaux ont été terriblement perturbés par le vacarme engendré par les travaux qui se déroulaient dans la rue qui se situe derrière moi.
Car en réalité, qu’ils appartiennent à la Commission de Venise, au Comité européen pour la prévention de la torture, le CPT, ou encore au Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment, « MONEYVAL », ce que nous sommes parvenus à dissimuler à tous ces experts c’est notre difficulté, durant l’année écoulée, à faire respecter le principe fondamental de l’oralité des débats.
Durant ces 12 derniers mois en effet, le déroulement de toutes nos audiences a été particulièrement chaotique et anarchique en raison de ces travaux extrêmement bruyants.
Nous avons tous réellement souffert de cette situation et je forme le vœu que cette période que j’évoque soit définitivement révolue et que nous n’ayons pas à affronter des situations similaires durant l’année judiciaire qui débute.
Ce sont sans doute ces nuisances qui ont d’ailleurs conduit certains plaideurs à exposer directement leurs affaires aux journalistes plutôt qu’aux juges.
Mais il me faut affirmer que le recours à une telle procédure qui pourrait contribuer à faire de la justice un spectacle me paraît particulièrement périlleux sinon dangereux.
Outre le fait qu’il est peut-être plus difficile de convaincre un journaliste qu’un juge, la critique systématique des procédures en cours et des décisions qu’elles induisent est de nature à altérer gravement le crédit que le public peut accorder à sa justice.
Or nous le savons, et la jurisprudence de la Cour Européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales le rappelle, dans toutes les sociétés démocratiques et donc dans notre petite communauté, les tribunaux, les cours et l’ensemble des acteurs qui participent au fonctionnement de notre institution doivent inspirer la confiance aux justiciables et c’est dans cet état d’esprit que tous nous devons apporter notre contribution à l’œuvre de justice, cette œuvre de justice qui est indispensable pour garantir la cohésion sociale car il ne saurait y avoir, dans la cité, de paix sans justice crédible.
Madame le Premier Président je voudrais naturellement m’associer à vos propos et congratuler Monsieur le Haut Conseiller et professeur Renucci pour son discours d’une pertinente actualité.
Je souhaite remercier toutes les hautes autorités et personnalités qui nous font le très grand honneur de leur présence aujourd’hui, vorrei ringraziare particolarmente il procuratore generale presso la corte di appello di Genova le invio i miei cordiali saluti.
En 2013 comme en 2012, pour échanger nos informations, de nouvelles rencontres avec nos amis les procureurs d’Imperia et de San Remo et notre ami le procureur de Nice bien sûr seront organisées.
Madame le Premier Président,
Madame et Messieurs les Conseillers,
Au nom de son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, j’ai l’honneur de requérir qu’il plaise à la Cour :
- déclarer close l’année judiciaire 2012-2013 et ouverte l’année judiciaire 2013-2014,
- ordonner non pas la reprise, mais la poursuite des travaux judiciaires, car ceux-ci n’ont en réalité jamais cessé durant l’été,
- constater qu’il a été satisfait aux prescriptions des articles 46 et 47 de la nouvelle loi du 24 juin 2013 relative à l’administration et à l’organisation judiciaires,
- me décerner acte de mes réquisitions,
- et dire que du tout il sera dressé procès-verbal sur le registre des actes de la Cour d’appel ».
Mme le Premier Président reprenait alors la parole en ces termes pour prononcer la clôture de l’audience solennelle :
La Cour, faisant droit aux réquisitions de Monsieur le Procureur Général,
Déclare close l’année judiciaire 2012-2013 et ouverte l’année judiciaire 2013-2014,
Ordonne la reprise intégrale des travaux de la Cour d’appel et des Tribunaux,
Constate qu’il a été satisfait aux prescriptions des articles 46 et 47 de la loi du 24 juin 2013,
Dit que du tout il sera dressé procès verbal pour être consigné sur le registre des actes importants de la Cour d’appel,
Avant de lever cette audience je tiens à remercier toutes les hautes autorités et personnalités qui ont bien voulu assister à cette cérémonie et les convie à l’invitation de Monsieur le Ministre plénipotentiaire, Directeur des Services Judiciaires, à se rendre dans la salle des pas perdus de la Cour d’appel pour la réception qui va suivre.
L’audience solennelle est levée ».
(Applaudissements de l’assistance)
De nombreuses personnalités avaient tenu à assister à cette audience solennelle, aux premiers rangs desquelles on notait, outre les personnalités déjà citées venues de France et d’Italie :
S.E. M. Michel ROGER, Ministre d’Etat,
S.E. Monseigneur Bernard BARSI, Archevêque de Monaco,
M. Laurent NOUVION, Président du Conseil National,
M. Michel-Yves MOUROU, Président du Conseil de la Couronne,
S.E. M. Philippe NARMINO, Directeur des Services Judiciaires, Président du Conseil d’Etat,
M. Jacques BOISSON, Secrétaire d’Etat,
M. Georges LISIMACHIO, Chef du Cabinet de S.A.S. le Prince,
S.E. M. Georges GRINDA, Ministre plénipotentiaire,
M. Paul MASSERON, Conseiller de Gouvernement pour l’Intérieur,
M. José BADIA, Conseiller de Gouvernement pour les Relations Extérieures,
M. Stéphane VALERI, Conseiller de Gouvernement pour les Affaires Sociales et la Santé,
Mme Marie-Pierre GRAMAGLIA, Conseiller de Gouvernement pour l’Equipement, l’Environnement et l’Urbanisme,
M. Jean CASTELLINI, Conseiller de Gouvernement pour les Finances et l’Economie,
S.E. M. Hugues MORET, Ambassadeur de France,
S.E. M. Antonio MORABITO, Ambassadeur d’Italie à Monaco,
M. Laurent ANSELMI, Délégué aux Affaires Juridiques, Secrétaire Général de la Chancellerie des ordres princiers,
M. Didier LINOTTE, Président du Tribunal Suprême,
M. Jean-François LANDWERLIN, Vice-Président du Conseil d’Etat,
M. Robert CORDAS, Premier Président honoraire de la Cour d’Appel,
M. James CHARRIER, Président de la Commission supérieure des comptes,
M. Christophe STEINIER, Vice-président du Conseil National,
M. Alain SANGIORGIO, Secrétaire Général honoraire de la Direction des Services Judiciaires, Membre du Conseil de la Couronne,
M. André GARINO, Président du Conseil Economique et social,
Me Paul-Louis AUREGLIA, Notaire honoraire, membre titulaire du Haut Conseil de la Magistrature,
M. Pierre JULIEN, Professeur agrégé des Facultés de Droit, membre suppléant du Haut Conseil de la Magistrature,
Mme Corinne LAFOREST DE MINOTY, Chef de l’Inspection Générale de l’Administration,
M. Robert COLLE, Secrétaire Général du Ministère d’Etat,
Monseigneur l’Abbé René GIULIANO, Vicaire Général,
M. Jean-Charles SACOTTE, Conseiller d’Etat,
M. Jean-Marie RAINAUD, Conseiller d’Etat,
M. Francis CASORLA, Conseiller d’Etat,
M. Alain FRANCOIS, Conseiller d’Etat,
Mme Camille SVARA, Premier adjoint, représentant M. Georges MARSAN, Maire de Monaco,
M. Philippe ROSSELIN, Conseiller honoraire à la Cour d’Appel,
M. Robert FRANCESCHI, Conseiller honoraire à la Cour d’Appel,
M. Patrice CELLARIO, Directeur Général du Département de l’Intérieur,
Mme Valérie VIORA PUYO, Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique,
M. Régis ASSO, Directeur de la Sûreté Publique,
M. Richard MARANGONI, Directeur adjoint de la Sûreté Publique,
Mme Isabelle BONNAL, Directeur de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports,
M. Antoine DINKEL, Directeur des Services Fiscaux,
Mme Marie-Pascale BOISSON, Directeur du S.I.C.C.F.I.N.
Mme Séverine CANIS-FROIDEFOND, Directeur de la Prospective, de l’Urbanisme et de la Mobilité,
Mme Armelle ROUDAUT-LAFON, Directeur des Affaires Maritimes,
M. Thomas FOUILLERON, Directeur des archives et de la bibliothèque du Palais,
Mme Martine PROVENCE, Secrétaire Général de la Direction des Services Judiciaires,
M. Christian OLLIER, Chef du service du Contrôle des Jeux,
M. Jean-Yves GAMBARINI, Directeur de la Maison d’Arrêt,
M. Olivier RICHAUD, Directeur-adjoint de la Maison d’Arrêt,
M. Michel SOSSO, Président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives,
M. Antoine MONTECUCCO, Greffier en Chef honoraire,
M. Christophe HAGET, Commissaire Principal, Chef de Division de Police Judiciaire,
M. Alain VAN DEN CORPUT, Commandant Principal, Chef de Division de la Police Maritime et aéroportuaire,
M. Patrick REYNIER, Commandant Principal, Chef de Division de l’Administration et de la Formation,
M. Bernard TOSI, Commandant Principal, représentant M. Rémy Le Juste, Commandant Principal, Chef de Division de la Police Administrative,
Mme Magali GINEPRO, Secrétaire Général du Parquet Général,
M. Jacques WOLZOK, Vice-Président du Tribunal du Travail,
Maître Henry REY, Notaire,
Maître René CLERISSI, Avocat-défenseur honoraire,
Me Jacques SBARRATO, Avocat-défenseur honoraire,
M. Alain FALLETTI, Chef de Service des Douanes,
Mme Catherine CATANESE, Secrétaire du Tribunal du Travail,
Mme Corinne QUERCI, Assistante Sociale à la Direction des Services Judiciaires,
Mme Antonella SAMPO-COUMA, Administrateur principal à la Direction des Services Judiciaires,
M. Jean-René TANCREDE, Directeur des « Annonces de la Seine »,
M. Jean BILLON, Administrateur Judiciaire,
Mme Claudine BIMA, Administrateur Judiciaire,
M. Jacques ORECCHIA, Administrateur Judiciaire,
M. Michel MONTFORT, Administrateur Judiciaire,
M. Paul ROUANET, Administrateur Judiciaire,
Mlle Souad SAMMOUR, Administrateur juridique à la Direction des Affaires Juridiques.
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Inauguration du nouveau bâtiment affecté au Conseil d’Etat et aux juridictions suprêmes
Le vendredi 13 septembre 2013 a eu lieu, en présence de Son Altesse Sérénissime le Prince Albert II, l’inauguration des nouveaux locaux du Palais de Justice, sis 12, rue colonel Bellando de Castro. Après avoir été accueilli par S.E. M. Philippe NARMINO, Directeur des Services Judiciaires, S.A.S. le Prince Souverain était conduit dans la salle d’audience ou étaient présents les hautes personnalités monégasques et le corps judiciaire.
S.E. M. Philippe NARMINO prononçait alors l’allocution suivante :
« Monseigneur,
Révérend Père représentant Monseigneur l’Archevêque,
Monsieur le Président du Conseil National,
Monsieur le Secrétaire d’Etat,
Messieurs le Chef de Cabinet et le Chambellan de S.A.S. le Prince,
Madame et Messieurs les Conseillers de Gouvernement,
Monsieur le Chancelier des Ordres Princiers,
Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil d’Etat, du Tribunal Suprême, de la Cour de Révision et du Haut Conseil de la Magistrature,
Mesdames les Présidents, Monsieur le Procureur Général et membres du Parquet Général, Mesdames et Messieurs les magistrats de la Cour d’Appel, du Tribunal de Première Instance et de la Justice de Paix,
Mesdames et Messieurs les Conseillers Nationaux,
Monsieur le Bâtonnier et Mesdames et Messieurs les avocats défenseurs, avocats et avocats stagiaires, Mesdames et Monsieur les notaires, Madame le Greffier en Chef et Mesdames les greffiers du Greffe Général,
Les concepteurs du Palais de Justice voisin, achevé en 1930, soit à une époque où les affaires judiciaires occupaient une place modeste dans la vie de la cité, ne pouvaient prévoir le développement qu’elles connaissent depuis 2 ou 3 décennies.
Dans les Etats développés, les sociétés sont désormais judiciarisées, parfois même à outrance, à telle enseigne que sont imaginés des procédés divers visant à désengorger les tribunaux et alléger la charge des acteurs judiciaires.
Sans aller jusqu’à s’inscrire dans cette tendance, tout en continuant à promouvoir l’Etat de droit, la Principauté de Monaco n’est cependant pas restée à l’écart du mouvement général.
Le nombre des avocats, des magistrats, des greffiers et personnels de justice n’a cessé de croître.
Le Barreau comptait 11 avocats en 1960, 13 en 1980. Ils sont aujourd’hui 30 à y être inscrits.
Les magistrats des juridictions permanentes et du Parquet étaient au nombre de 13 en 1960, 15 en 1980. A ce jour, notre compagnie judiciaire se compose de 26 magistrats, sans compter ceux du Tribunal Suprême et de la Cour de Révision.
Le Greffe Général était composé en 1960 de 4 greffiers dont le Greffier en chef. L’effectif était de 9 en 1980. Les greffiers sont aujourd’hui 19.
Le nombre d’affaires soumises aux Tribunaux a augmenté dans les mêmes proportions.
Le Palais de Justice, à l’étroit dans ses murs, s’est étendu tant bien que mal, d’abord dans l’immeuble contigu du 8, rue des Carmes, où sont logés magistrats et greffiers en charge de divers services ainsi que la Direction des services judiciaires, ensuite dans des locaux éclatés situés à Monaco-Ville.
C’est dire, Monseigneur, que Votre décision d’affecter ce bâtiment, ancien siège du Conseil National, aux Services Judiciaires a été accueillie avec beaucoup de satisfaction et de soulagement.
Au terme de travaux de réaménagement menés en une année qui se sont emplacés dans une période malheureusement marquée par des restrictions budgétaires, ce qui a considérablement impacté l’ampleur du dispositif initialement prévu, le bâtiment est désormais opérationnel.
Le rez-de-jardin n’a pas été modifié dans sa structure. Il comporte 4 bureaux individuels et une salle de réunion. Y sont installés les Conseillers à la Cour d’appel et l’assistant judiciaire en charge des adoptions internationales.
Cette migration des membres de la Cour permet à chacun des juges du Tribunal de disposer de bureaux individuels dans l’immeuble du 8, rue des Carmes.
Le rez-de-chaussée, accessible comme le 1er étage aux personnes handicapées, accueille le service des accidents du travail et celui des juges tutélaires. Il apparaissait en effet naturel que les accidentés du travail et les personnes sous tutelle en particulier puissent accéder sans difficulté aux locaux où ils doivent être accueillis.
L’étage où nous nous trouvons peut être gagné soit par les escaliers d’origine, soit par un ascenseur nouvellement installé où peut prendre place un fauteuil roulant.
Il débouche sur une salle d’attente, pourvue de sanitaires spécialement aménagés, ouvrant sur la pièce où nous nous tenons qui abritait l’hémicycle de l’ancien Conseil National.
Il s’agit comme vous le constatez d’une salle d’audience aux dimensions respectables, constituant un lieu de justice propre à assurer la dignité des débats judiciaires. Elle a vocation à accueillir les audiences du Tribunal Suprême, de la Cour de Révision et du Tribunal criminel, voire en cas d’indisponibilité des salles d’audience du Palais de Justice, les audiences d’autres juridictions.
Ainsi, la salle d’audience de la Cour d’Appel, qu’utilisaient les juridictions suprêmes lors de leurs sessions, pourra être restituée à plein temps aux activités de cette Cour.
La création de cette nouvelle salle d’audience répond à un besoin impérieux qui ne pouvait être satisfait sans disposer d’espaces et de volumes adaptés.
Vous avez noté que la superficie de l’ancien hémicycle n’est pas totalement utilisée par cette salle.
Une séparation a été dressée, qui permet de disposer à l’arrière d’un indispensable espace de délibéré pour les juridictions qui y tiendront leurs débats.
Mais ce lieu, lorsque les juridictions ne sont pas en session, c’est-à-dire la majeure partie du temps, est destiné principalement à abriter les séances du Conseil d’Etat. Une plaque que Vous dévoilerez tout à l’heure Monseigneur (en comité restreint, compte tenu de la configuration des lieux), donne sa dénomination à la « Salle du Conseil d’Etat ». Cet organe de conseil du Prince et de Son Gouvernement ne disposait pas jusqu’ici de locaux propres et tenait ses séances dans la Chambre du Conseil de la Cour d’appel. Il est heureux que cette extension puisse le doter d’un siège dédié et lui procurer ainsi une pleine autonomie fonctionnelle.
La salle du Conseil d’Etat ouvre sur les escaliers d’honneur, qui n’ont pas été modifiés, et sur un bureau nouvellement créé que se partageront en bonne intelligence selon le rythme de leurs venues dans ces lieux les Présidents du Tribunal Suprême et de la Cour de Révision.
Voilà, pour l’essentiel, comment l’espace mis à disposition a été agencé, sans parler des travaux techniques, moins visibles, ayant consisté à reprendre tout le système de climatisation ou l’ensemble de l’installation électrique.
Je veux souligner aussi que ces aménagements ont été entrepris, du fait des circonstances, avec un budget extrêmement serré qui est loin d’avoir permis de conférer à ces lieux tout le faste dont aurait pu s’entourer une enceinte judiciaire.
J’ai accepté ces contraintes, Monseigneur, parce qu’elles ont été décidées par Votre Gouvernement dans une conjoncture alors difficile qui semble désormais s’éloigner, selon les résultats récemment enregistrés. On pourrait en déduire que le Conseil National est parti au mauvais moment pour les Services Judiciaires.
Si ces lieux devaient dans le futur faire l’objet d’améliorations pour répondre à des besoins avérés des utilisateurs, je suis convaincu que Vous y prêteriez une oreille attentive eu égard à la place que la Justice est en droit d’attendre dans la cité.
Pour l’heure, en restant terre à terre, je veux dire encore que l’essentiel des aménagements mobiliers de ce bâtiment a fait l’objet de récupération.
Le plafond qui nous éclaire, les boiseries qui nous entourent, les banquettes sur lesquelles vous êtes assis, ces bureaux d’où je vous parle proviennent de l’ancien Conseil National, comme les fauteuils verts qui garnissent cette pièce et la nouvelle Salle du Conseil d’Etat.
Quant aux bureaux des magistrats, ils sont meublés avec les éléments utilisés dans les lieux qu’ils ont quittés ; il en va de même pour ce qui concerne les greffes et les secrétariats.
J’ai la conviction profonde que nous avons été exemplaires d’humilité en la circonstance. Puisse cet exemple être suivi ailleurs !
Les juridictions suprêmes, chargées d’appliquer la loi et de dire le droit, sont désormais installées dans ces lieux où la loi s’élaborait et se votait. Le pouvoir judiciaire succède au pouvoir législatif. Mais comme vous allez le voir le pouvoir exécutif n’est pas en reste.
Grâce aux précieux renseignements qui m’ont été transmis par le Directeur des Archives du Palais Princier (et je saisis cette occasion pour le remercier), j’ai découvert que s’est édifié sur ces mêmes lieux, de 1862 à 1865 sous le règne du Prince Charles III, l’Hôtel du Gouvernement. Voici ce qu’en disait le Journal de Monaco du 22 mai 1864 :
« Cet hôtel, bâti sur un des points les mieux situés de la ville, à l’extrémité de la rue du Tribunal et en face du Palais de Justice, a une forme des plus gracieuses et des plus coquettes. En l’apercevant de la mer, avec sa terrasse garnie tout autour d’une élégante balustrade, on le prendrait pour une maison de plaisance. »
Nous apprenons que le bâtiment présentait donc des similitudes architecturales avec l’actuel, puisque la terrasse dominant la mer, qui rend la maison plaisante, existe encore 150 ans plus tard.
Mais l’histoire nous fait un autre signe. Le plan de cet Hôtel du Gouvernement comporte deux bureaux et une salle. Le Directeur des travaux publics de l’époque (A. Barral) en portant des mentions manuscrites, affecte ainsi les locaux :
A l’est le bureau du « Gouverneur », à l’ouest celui du « Maréchal ». Derrière, occupant tout l’espace, la « Salle de Conseil ».
Or nous savons qu’à cette époque, la Principauté était administrée par un Gouverneur Général (le prédécesseur du Ministre d’Etat et du Directeur des services judiciaires réunis) assisté par un Conseil d’Etat, l’une des plus anciennes institutions monégasques réorganisée sous le règne du Prince Florestan, qui était alors un organe de Gouvernement et auquel succèdera en 1909 un Conseil Supérieur de Gouvernement, devenu de nos jours le Conseil de Gouvernement.
Si bien que la « salle de Conseil » comme la désigne le Directeur des travaux publics n’est autre que celle où se tenait le Conseil d’Etat, à l’endroit même où aujourd’hui s’installe le dit Conseil dans sa version contemporaine.
Le cycle semble donc achevé non sans avoir laissé une autre trace remarquable, présente dans l’actuel Hôtel du Gouvernement : la résidence du Ministre d’Etat comporte en effet une grande salle de réception qui jouxte le grand salon, connue par tradition orale comme étant la salle du Conseil d’Etat et au demeurant désignée comme telle par le Journal de Monaco en 1908 à l’occasion de la relation des festivités de la Saint Albert.
Le Gouvernement a donc siégé ici pendant une vingtaine d’années de 1865 à 1894 ; le Conseil National s’y est installé en 1955, lorsque le Musée d’Anthropologie Préhistorique s’est délocalisé au Jardin Exotique, et y est demeuré jusqu’à l’année dernière. Aujourd’hui, le cycle semble s’achever là aussi avec l’installation des juridictions.
Exécutif, législatif et judiciaire, les trois pouvoirs que la Constitution organise, se sont succédés en trois temps dans ces lieux.
Ainsi, à la séparation fonctionnelle des pouvoirs prônée par le Baron de Montesquieu, la Principauté de Monaco peut se targuer d’ajouter une dimension temporelle.
Dans un même lieu, à des époques distinctes chevauchant trois siècles, se sont exercés les attributs de la puissance exécutive, législative et judiciaire.
Il appartient maintenant aux juridictions d’écrire les nouvelles pages de cette histoire institutionnelle.
Voilà venu le temps de conclure et d’adresser des remerciements.
Merci d’abord aux Conseillers nationaux d’avoir laissé leur place. J’ai tenu aujourd’hui à inviter la plupart d’entre eux à nous rejoindre pour qu’ils puissent dire adieu à leur ancien hémicycle.
Merci ensuite aux services de l’Etat impliqués avec sérieux dans la réfection du bâtiment et dans les opérations de réaménagement. Ils sont demeurés à l’écoute, même si des moyens limités ne leur ont pas permis de donner toute la mesure de leur talent.
Merci encore à tout l’auditoire pour sa participation à ce moment marquant de la vie judiciaire.
Et merci surtout à Vous, Monseigneur, Qui avez permis cette réalisation indispensable au bon fonctionnement de nos services. La Constitution Vous confie le pouvoir judiciaire dont l’exercice est délégué aux tribunaux. Cette haute responsabilité Vous a sans doute guidé au moment de Votre décision, comme elle Vous conduit à manifester en toute circonstance intérêt et respect pour ceux qui servent l’institution judiciaire ».
Le discours terminé, l’auditoire était invité à rejoindre la terrasse pour un cocktail. Pendant ce temps, S.A.S le Prince accompagné de son Chambellan, de S.E. M. le Directeur des Services Judiciaires, du Chef du Cabinet de S.A.S le Prince, des membres du Tribunal Suprême et de la Cour de Révision, du Conseil d’Etat, du Haut Conseil de la Magistrature, des chefs de cours et juridictions, du Procureur Général, du Greffier en Chef, des secrétaires du Conseil d’Etat et du Haut Conseil de la Magistrature, rejoignaient la salle du Conseil d’Etat, attenante à la salle d’audience, pour assister au dévoilement d’une plaque par S.A.S le Prince Souverain.
A l’issue de cette cérémonie, la signature d’un maroquin commémoratif était proposé à S.A.S le Prince.
Enfin, les participants regagnaient la terrasse extérieure, tandis que S.E. M. Philippe NARMINO accompagnait S.A.S. le Prince Souverain, le Chambellan et Mme le Conseiller de Gouvernement pour l’Equipement, l’Environnement et l’Urbanisme pour une visite des niveaux rénovés du rez-de-chaussée et du rez-de-jardin. A l’issue, ils rejoignaient la terrasse où était servi le cocktail.
1 Sur ces réactions, cf Ph. Malaurie, Grands arrêts, petits arrêts et mauvais arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, Défrénois 2007, p. 348.
2 Note sous CEDH, 25 mars 1993, Costello-Robert c/ Royaume-Uni, JCP 1994-II-22262.
3 G. Cornu, Droit civil, Introduction, Montchrestien, 12ème éd., n° 262 et 262.
4 Le déroulement de l’inauguration est relaté in fine.