GREFFE GENERAL - EXTRAIT
TRIBUNAL SUPRÊME
de la Principauté de Monaco
Audience du 17 novembre 2016
Lecture du 25 novembre 2016
Requête en indemnisation présentée par les époux S. en réparation des préjudices nés de la décision de préemption du 3e et dernier étage de l'immeuble situé 44, rue Grimaldi à Monaco, prise par le Ministre d'Etat le 18 mai 2005 et annulée par décision du 12 juin 2006 du Tribunal Suprême.
En la cause de :
D. S. et J. M.
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, Avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit Avocat-défenseur ;
Contre :
S.E. M. le Ministre d'Etat, ayant pour avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO, Avocat-défenseur à la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par la S.C.P. PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation de France ;
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en Assemblée plénière,
…/…
Après en avoir délibéré :
Considérant que par décision n° 2005-22 en date du 12 juin 2006, le Tribunal Suprême a annulé la décision du Ministre d'Etat en date du 18 mai 2005 d'acquérir l'appartement sis au 3e étage du 44, rue Grimaldi à 98000 Monaco, à raison de la tardiveté de la notification de cette décision ;
Considérant qu'à la suite de cette décision d'annulation, les époux S. sollicitaient du Ministre d'Etat le transfert de la propriété de l'appartement litigieux, y ajoutant une demande d'indemnisation des préjudices nés de l'illégalité de la décision annulée, à hauteur de 59.924 € ;
Considérant que si, par courrier du 19 septembre 2006, le Ministre d'Etat se déclarait disposé à procéder au transfert de l'appartement, il opposait en revanche un refus à la demande d'indemnisation qui lui était présentée ;
Considérant que les époux S. après avoir majoré le montant de leurs demandes par courriers des 16 octobre et 19 décembre 2006, assignaient alors en indemnisation l'Etat de Monaco par devant le Tribunal de Première Instance, lequel, par jugement du 27 octobre 2011 se déclarait incompétent pour en connaître ;
Que, par arrêt du 12 février 2013, la Cour d'Appel de Monaco le confirmait en toutes ses dispositions, la Cour de Révision rejetant dans son arrêt du 26 mars 2014 le pourvoi formé devant elle ;
Sur la compétence du Tribunal Suprême :
Considérant que l'article 90-B-1° de la Constitution dispose :
-B- « En matière administrative, le Tribunal Suprême statue souverainement :
1-sur les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions des diverses autorités administratives et les ordonnances souveraines prises pour l'exécution des lois, ainsi que l'octroi des indemnités qui en résultent » ;
Que, dès lors, le requérant en excès de pouvoir qui a obtenu l'annulation d'une décision administrative est recevable, soit à contester devant le Tribunal Suprême le refus que lui a opposé l'Administration de tirer les conséquences indemnitaires de l'annulation prononcée, soit à former directement devant le même Tribunal Suprême un recours indemnitaire pour obtenir réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision annulée ; que ces actions ne sont enserrées dans aucun délai autre que le délai de prescription des créances ;
Considérant que les préjudices dont les époux S. réclament l'indemnisation résultent, non seulement de l'annulation de la décision de préemption à concurrence de 59.924 € mais en outre du délai, dont le caractère fautif est allégué, mis par le Ministre d'Etat à exécuter la décision du Tribunal Suprême, la rétrocession de l'appartement, objet de la décision annulée, n'étant intervenue que par acte notarié du 29 mai 2007 ; que, si les conclusions tendant à la réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision annulée relèvent bien de la compétence du Tribunal Suprême, il appartient au Tribunal de Première Instance, juge administratif de droit commun, de connaître du surplus de la demande ;
Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision annulée :
Considérant que le délai fixé par l'article 13 de l'ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée n'étant pas applicable, aucune fin de non-recevoir tirée de la tardiveté ne peut être opposée à la requête indemnitaire des époux S. enregistrée le 15 octobre 2015 ;
Considérant qu'en cas d'annulation pour vice de forme ou de procédure, le requérant doit établir, pour justifier d'un préjudice indemnisable, que l'acte annulé n'aurait pu être légalement pris, même si la forme ou la procédure avaient été régulières ;
Considérant que l'annulation de la décision de préemption du Ministre d'Etat de l'appartement sis au 3ème et dernier étage de l'immeuble 44, rue Grimaldi à Monaco a été prononcée pour n'avoir pas été notifiée dans le délai d'un mois prévu par l'article 38 de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 ; que s'agissant ainsi d'une annulation pour vice de forme, les époux S. doivent établir, pour justifier d'un préjudice indemnisable, que la préemption ne pouvait être légalement exercée, même si le délai avait été respecté ; que la présente requête indemnitaire ne comporte aucun moyen tendant à établir l'illégalité de la décision de préemption ;
Qu'en conséquence, les conclusions tendant à la réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision annulée ne peuvent qu'être rejetées.
Décide
Article Premier.
Les conclusions tendant à la réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision annulée sont rejetées.
Art. 2.
Les époux S. sont renvoyés à se pourvoir devant le tribunal de première instance pour le surplus de leurs conclusions.
Art. 3.
Les dépens sont partagés par moitié entre l'Etat et les époux S.
Art. 4.
Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'Etat.
Pour extrait certifié conforme à l'original délivré en exécution de l'article 37 de l'ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.
Le Greffier en Chef,
B. BARDY.