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TRIBUNAL SUPRÊME - EXTRAIT - Audience du 17 novembre 2023 - Lecture du 30 novembre 2023

  • N° journal 8675
  • Date de publication 29/12/2023
  • Qualité 100%
  • N° de page

Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du 7 septembre 2022 du Ministre d’État rejetant la demande d’abrogation de la décision de révocation de l’autorisation administrative d’exercer de M. J. S..

En la cause de :

M. J. S. ;

Ayant élu domicile en l’étude de Maître Christophe BALLERIO, Avocat-défenseur près la Cour d’appel de Monaco, et plaidant par ledit Avocat-défenseur ;

Contre :

L’État de Monaco, représenté par le Ministre d’État, ayant pour Avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation de France ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en assemblée plénière,

…/…

Après en avoir délibéré :

1. Considérant que M. J. S. demande l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 7 septembre 2022 du Ministre d’État rejetant sa demande d’abrogation de la décision du 4 mai 2022 révoquant l’autorisation administrative d’exercer dont il bénéficiait ;

Sur la légalité externe

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 1er de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs : « Doivent être motivées à peine de nullité les décisions administratives individuelles qui : / 1° - restreignent l’exercice des libertés publiques ou constituent une mesure de police ; / (…) / 3° - refusent une autorisation ou un agrément ; / (…) » ; que le premier alinéa de l’article 2 de la même loi précise que « la motivation doit être écrite et comporter, dans le corps de la décision, l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent son fondement » ;

3. Considérant que la décision attaquée mentionne les dispositions sur le fondement desquelles elle est prise, tirées de l’article 9 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l’exercice de certaines activités économiques et juridiques ; qu’elle fait état des faits reprochés à M. S., tenant à l’absence d’exercice d’activité de la société, sans motif légitime, pendant plus de six mois, à l’absence de dépôt des comptes des exercices clos 2019 et 2020 ainsi qu’à l’altération de la moralité professionnelle de M. S.; qu’il résulte de ces éléments que la motivation est écrite et comporte, dans le corps de la décision, l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent son fondement, conformément aux prescriptions de la loi du 29 juin 2006 ; que le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée doit donc être écarté ;

Sur la légalité interne

4. Considérant, en premier lieu, que si la décision mentionne que « la décision querellée ne saurait être rapportée », elle fait référence à une « requête en abrogation », de sorte que le Ministre d’État ne s’est pas mépris sur le sens de la demande formulée par M. S. ; qu’ainsi la décision attaquée n’est pas entachée, sur ce point, d’une erreur de droit ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 5 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l’exercice de certaines activités économiques et juridiques : « L’exercice des activités visées à l’article premier par des personnes physiques de nationalité étrangère est subordonné à l’obtention d’une autorisation administrative » ; que selon son article 9 : « Par décision du Ministre d’État, la déclaration visée aux articles 2, 3 et 4 peut être privée d’effets ou suspendue en ses effets et l’autorisation mentionnée aux articles 5, 6, 7 et 8 suspendue en ses effets ou révoquée dans les cas suivants : /3° [Si l’auteur de la déclaration, le titulaire de l’autorisation ou la société] est resté, sans motif légitime, plus de six mois sans exercer ; /[…] 5° s’il advient qu’il ne présente plus toutes les garanties de moralité ; / […] 7° si, dans l’exercice de son activité, autorisée ou déclarée, il a méconnu les prescriptions légales ou réglementaires qui lui sont applicables ; / […] » ;

6. Considérant, d’une part, qu’aucun des éléments fournis par le requérant ne permet d’établir que sa société ne serait pas restée, sans motif légitime, plus de six mois sans avoir réalisé de chiffre d’affaires ; que les déclarations fournies par l’expert-comptable de la société, portant seulement sur la période allant d’octobre 2018 à décembre 2019, ne sont pas de nature à remettre en cause cette constatation ; que le Ministre d’État a ainsi pu considérer que la société est restée, sans motif légitime, plus de six mois sans exercer et que, partant, la décision du 4 mai 2022 n’avait pas à être abrogée ;

7. Considérant, d’autre part, qu’il ressort des pièces du dossier que le Tribunal de simple police a condamné, le 6 avril 2021, M. S. à deux amendes de 1.000 euros chacune, assorties de sursis, pour non-remise des comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2018 ; que le Ministre d’État a pu se fonder sur ces faits à l’origine des condamnations pour estimer que M. S. ne présentait plus les garanties de moralité professionnelle suffisantes et que la décision du 4 mai 2022 n’avait pas, dès lors, à être abrogée ;

8. Considérant, en dernière part, qu’il ressort des pièces du dossier que M. S. n’a pas déposé dans les délais requis le bilan, le compte des pertes et profits ainsi qu’une attestation de la société relatifs aux exercices clos les 31 décembre 2019 et 2020, en méconnaissance de ses obligations découlant de l’article 51-7 du code de commerce et des articles 4 et 5 de l’Ordonnance Souveraine n° 993 du 16 février 2007 portant application de la loi n° 1331 du 8 janvier 2007 relative aux sociétés ; que, si ces documents ont été finalement déposés postérieurement à la décision du 4 mai 2022, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de l’accusé de réception émis par la Direction de l’Expansion Économique le 30 septembre 2022, que M. S. ait régularisé sa situation à la date à laquelle le Ministre d’État a statué ; que le Ministre d’État a ainsi pu légalement se fonder sur ces éléments pour estimer que la décision du 4 mai 2022 n’avait pas à être abrogée ;

9. Considérant qu’il résulte de tous ces éléments que la régularisation partielle de la situation de M. S. à la date à laquelle la décision attaquée a été prise n’est pas suffisante pour conduire à considérer que la décision du 4 mai 2022 serait devenue illégale en raison de circonstances de fait et de droit postérieures à son édiction et donc que le Ministre d’État aurait été tenu de l’abroger ; que le moyen tiré de l’erreur de droit doit donc être écarté ;

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. S. n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision qu’il attaque ; que ses conclusions indemnitaires ne peuvent, par suite, qu’être rejetées ;

Décide :

Article Premier.

La requête de M. J. S. est rejetée.

Art. 2.

Les dépens sont mis à la charge de M. S..

Art. 3.

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.

Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.

Le Greffier en Chef,

V. Sangiorgio.

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