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COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO - ANNÉE JUDICIAIRE 2019-2020 - RENTRÉE DES TRIBUNAUX

  • N° journal 8462
  • Date de publication 29/11/2019
  • Qualité 100%
  • N° de page

Audience solennelle du 1er octobre 2019

Allocutions de
Madame Brigitte Grinda-Gambarini
Premier Président de la Cour d'appel

Madame Sylvie Petit-Leclair
Procureur Général

Discours de Rentrée
prononcé par
Monsieur François-Xavier Lucas
Conseiller à La Cour de Révision
« Le Traitement de la Faillite en droit monégasque »

Le mardi 1er octobre 2019 a été marqué par la traditionnelle audience de rentrée des Cours et Tribunaux.
Cette audience a été précédée par la Messe du Saint-Esprit concélébrée par Mgr Bernard Barsi, Archevêque de Monaco, l'Abbé Guillaume Paris, Vicaire général, M. le Chanoine César Penzo, Chapelain de Palais, Mgr René Giuliano et M. le Chanoine Daniel Deltreuil, Archidiacre, Curé de la Cathédrale.
À l'issue de celle-ci, Son Altesse Sérénissime le Prince, escorté de M. le Lieutenant-colonel Jean-Luc Carsenac, était accueilli par S.E. M. Serge Telle, Ministre d'État ainsi que, M. Laurent Anselmi, Directeur des Services Judiciaires, Président du Conseil d'État, au Palais de Justice afin de se rendre dans la salle d'Audience de la Cour d'appel où Il prenait place.
L'audience solennelle débutait sous la présidence de Mme Brigitte Grinda-Gambarini, Premier Président de la Cour d'appel qui avait à ses côtés, M. Éric Senna, Mesdames Sylvaine Arfinengo, Françoise Carracha et Claire Ghera, Conseillers.
Mme Cécile Chatel-Petit, Premier Président de la Cour de Révision, était accompagnée de M. Jean-François Renucci, Vice-Président, de MM. François-Xavier Lucas, Jean-Pierre Gridel, Guy Joly, François Cachelot, Serge Petit, Jacques Raybaud, Laurent Le Mesle, ainsi que de Mme Martine Valdes-Boulouque, Conseillers.
Mme Françoise Barbier-Chassaing, Président du Tribunal de Première Instance, conduisait les magistrats de sa juridiction :
Mme Magali Ghenassia, Vice-Président,
M. Jérôme Fougeras Lavergnolle, Vice-Président,
M. Sébastien Biancheri, Vice-Président,
M. Florestan Bellinzona, Premier Juge,
M. Morgan Raymond, Premier Juge,
Mme Françoise Dornier, Premier Juge,
Mme Geneviève Vallar, Premier Juge,
Mme Léa Parienti Galfre, Juge,
Mme Carole Delorme Le Floc'h, Juge,
M. Adrian Candau, Juge.
M. Michel Soriano, Juge de Paix, était également présent.
Mme Sylvie Petit-Leclair, Procureur Général, représentait le Ministère public avec à ses côtés M. Olivier Zamphiroff et Mme Cyrielle Colle, Premiers Substituts, Mme Alexia Brianti, Substitut et Mme Magali Ginepro, Secrétaire Général du Parquet.
Le plumitif d'audience était tenu par Mme Virginie Sangiorgio, Greffier en Chef, assistée de Mmes Marine Pisani et Nadine Vallauri, Greffiers en Chef adjoints, entourées des greffiers en exercice.
Me Claire Notari et Me Patricia Grimaud-Palmero occupaient le banc des huissiers.
Me Yann Lajoux, Bâtonnier de l'Ordre des avocats-défenseurs et avocats, était entouré des membres du Barreau.
Assistaient également à cette audience les notaires, administrateurs judiciaires et syndics de faillite.
Mme Brigitte Grinda-Gambarini, Premier Président de la Cour d'appel, ouvrait l'audience en ces termes :
« L'audience solennelle est ouverte.
En ce début d'année judiciaire, une période que nous souhaitons sereine pour notre Souverain et sa famille, ainsi que pour nos concitoyens, il nous faut être convaincus, et votre présence Monseigneur y contribue nécessairement, qu'il n'est pas de sentiment plus solidement ancré au tréfonds de la conscience humaine que celui de la Justice.
Tous les magistrats et les membres de la Famille judiciaire sont particulièrement sensibles, Monseigneur, à l'Honneur que Vous nous faites d'être présent ce matin à nos côtés.
Permettez-moi, de Vous faire part de notre déférente gratitude pour la confiance que Vous nous témoignez et de notre volonté de continuer à rendre, en Votre nom et dans le respect des lois de la Principauté, cette Justice dont Vous nous avez confié l'exercice.
Nous remercions également de leur présence les plus Hautes Autorités et personnalités de la Principauté de Monaco :
Monsieur le Ministre d'État,
Monseigneur Barsi, Archevêque de Monaco,
Monsieur le Président du Conseil National,
Monsieur le Président du Conseil de la Couronne et ses membres,
Monsieur le Directeur des Services Judiciaires et Président du Conseil d'État,
Monsieur le Secrétaire d'État,
Monsieur le Chef de Cabinet de S.A.S. le Prince Souverain,
Monsieur le Chambellan de S.A.S. le Prince Souverain,
Madame, Messieurs les Conseillers-Ministres de Gouvernement,
Monsieur l'Ambassadeur de France que nous sommes très heureux d'accueillir pour la 1ère fois dans le cadre de cette audience solennelle,
Monsieur l'Ambassadeur d'Italie,
Monsieur l'adjoint au Maire de Monaco,
Monsieur le Conseiller Privé de S.A.S le Prince Souverain,
Monsieur le Président du Tribunal Suprême et les membres de cette juridiction,
Monsieur le Vice-Président du Conseil d'État,
Madame le Président du Conseil Économique et Social,
Madame et Messieurs les membres du Haut Conseil de la Magistrature,
Monsieur le Vice-Président de la Commission de Contrôle des Activités Financières,
Madame le Contrôleur Général des Dépenses,
Madame le Haut-Commissaire à la Protection des Droits, des Libertés et à la Médiation,
Messieurs les Conseillers d'État,
Monsieur le Délégué interministériel chargé de la transition numérique,
Mesdames et Messieurs les directeurs généraux et directeurs de l'administration,
Monsieur le Commandant de la Compagnie des Carabiniers du Prince,
Monsieur le Lieutenant-colonel de la Compagnie des Sapeurs-Pompiers,
Monsieur le Directeur de la Sûreté Publique et ses adjoints,
Monsieur le Directeur de la Maison d'Arrêt et son adjoint,
Monsieur le Président du Tribunal du Travail et les membres de cette juridiction,
Monsieur le Président du Conseil de l'Ordre des Experts-Comptables,
Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de la Principauté de Monaco et les membres du barreau monégasque,
Mesdames et Messieurs les notaires, les huissiers de justice, les experts judiciaires, les syndics et administrateurs.
Nous sommes également sensibles à la présence aujourd'hui des personnes qui ont eu la gentillesse de recevoir notre orateur du jour en entretien dans le cadre d'échanges informels sur le droit économique et financier monégasque :
Monsieur André Garino, Membre du Conseil de la Couronne et ancien Président du Conseil Économique et Social,
Monsieur Étienne Franzi, Président de l'Association Monégasque des Activités Financières,
Monsieur Thierry Orsini, Directeur Général du Département des Finances et de l'Économie.
Nous sommes également heureux d'accueillir ce matin les hauts responsables des nouvelles technologies et du numérique avec lesquels notre Institution judiciaire va certainement entretenir de fréquents et fructueux contacts dans les mois à venir.
Enfin, nos liens avec d'autres familles judiciaires et l'Université de Nice se manifestent encore ce matin grâce à la présence de :
Madame Pascale Rouselle, Présidente du Tribunal Administratif de Nice,
Maître Thierry Troin, Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Nice et Maître Roland Rodriguez, Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Grasse,
Monsieur Yves Strickler, représentant Monsieur Xavier Latour, nouveau Doyen de la Faculté de Droit de Nice.

*************

Avant d'ouvrir l'année judiciaire 2019-2020, rappelons les événements et décisions qui ont concerné les membres de notre Famille judiciaire.
Un changement, d'importance, concernant notre Institution vient d'être annoncé en fin d'année judiciaire par un très récent communiqué du Palais Princier en date du 24 septembre 2019.
Réaffirmant son attachement à une justice indépendante et impartiale, Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain a déclaré tenir à ce qu'elle retrouve la sérénité qui doit présider à son bon fonctionnement et nous informe de Sa décision, prenant effet le 21 octobre prochain, date à laquelle notre actuel Directeur des Services Judiciaires sera nommé au poste de Conseiller de Gouvernement-Ministre des Relations Extérieures et de la Coopération.
L'ensemble de la Compagnie Judiciaire s'associe aux propos de Son Altesse Sérénissime remerciant Monsieur Laurent Anselmi pour le travail réalisé à la tête de la Direction des Services Judiciaires et nous assurons Monsieur le Directeur de notre volonté de poursuivre tous les travaux entrepris à son initiative pour contribuer à l'amélioration du droit monégasque, tout en formant à son intention des vœux de réussite et de plein accomplissement dans la Haute mission qui va lui être confiée au service des intérêts supérieurs de l'État.
Le même communiqué du 24 septembre 2019 annonce la nomination prochaine de Monsieur Robert Gelli, très Haut magistrat français, actuel Procureur Général de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, pour occuper les fonctions de Directeur des Services Judiciaires. Nous serons très honorés d'accueillir Monsieur Robert Gelli à la tête de notre Institution dès les premières semaines de l'année judiciaire 2019-2020.
D'autres changements importants ont concerné cette année notre Institution, puisque certains magistrats et avocats ont quitté notre Famille judiciaire.
Monsieur Hervé Poinot, Procureur Général Adjoint, a réintégré son corps d'origine à l'issue de la 1ère période triennale de son détachement, à effet du 1er juin 2019, et vient d'être nommé Avocat Général à la Cour d'appel de Nîmes.
Monsieur Édouard Levrault, magistrat instructeur, a également quitté le Tribunal de Première Instance, à l'issue de sa 1ère période triennale de détachement, advenue le 31 août 2019, et devrait prochainement rejoindre le Tribunal de Grande Instance de Nice, en qualité de Vice-Président.
À ces deux magistrats, qui ont contribué durant 3 années aux travaux, denses et sensibles, du Parquet Général et du Tribunal de Première Instance, nous souhaitons de réaliser leurs objectifs et de s'épanouir professionnellement et humainement dans l'exercice de leurs nouvelles missions au sein de l'Institution judiciaire française.
Une nomination de magistrat est intervenue au cours de l'année écoulée, Madame Claire Gillois-Ghera ayant été nommée Conseiller à notre Cour d'appel à compter du 1er novembre 2018 par ordonnance souveraine du 25 octobre 2018.
Les postes qui demeurent vacants au Parquet Général et au Tribunal de Première Instance seront pourvus très prochainement, étant précisé qu'un 3ème cabinet d'instruction va également compléter le Pôle instruction et permettre de faire face, dans des conditions optimales, à la charge lourde qui pèse sur ces magistrats du siège.
Le communiqué du Cabinet Princier du 24 septembre 2019 rappelle en effet que le Prince Souverain souhaite assurer à chaque justiciable une justice impartiale, indépendante, transparente et efficace et permettre la conduite à leur terme de toutes les procédures d'instruction dans les meilleures conditions.

***

Reprenons le cours des événements de l'année écoulée,
Au Barreau,
Maître Patrice Lorenzi, Avocat-Défenseur, a été à sa demande admis à cesser ses fonctions à compter du 31 octobre 2018\. L'honorariat lui a été conféré par ordonnance souveraine du 8 octobre 2018,
Maître Raphaëlle Svara, Avocat stagiaire, a été nommée Avocat à compter du 5 janvier 2019 par Arrêté du Directeur des Services Judiciaires,
Maître Charles Lecuyer, Avocat au barreau de Monaco, a été admis à exercer la profession d'Avocat-Défenseur à compter du 3 janvier 2019 par ordonnance souveraine du 1er février 2019,
Maître Didier Escaut, Avocat-Défenseur près de la Cour d'appel, a été admis à sa demande à cesser ses fonctions à compter du 30 juin 2019 par ordonnance souveraine du 5 juin 2019, l'honorariat lui a été conféré.
S'agissant des Greffes,
Madame Bénédicte Seren-Pasteau a été nommée greffier au greffe général par ordonnance souveraine du 13 novembre 2018,
Messieurs Damien Tourneux et Julien Sposito ont été nommés greffiers stagiaires par Arrêtés respectifs du Directeur des Services Judiciaires des 22 janvier et 6 mai 2019.
La Compagnie judiciaire a été honorée à l'occasion de la dernière fête nationale puisque :
Monsieur Laurent Anselmi, Directeur des Services Judiciaires et Président du Conseil d'État, a été promu au grade de Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles,
Monsieur Jean-Michel Lemoyne De Forges, Vice-Président du Tribunal Suprême, a été promu au grade de Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles,
Maître Frédéric Sangiorgio, Avocat-Défenseur honoraire, a été promu au grade de Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles,
Monsieur Jean-François Renucci, Vice-Président de la Cour de Révision, a été promu au grade d'Officier de l'Ordre de Saint-Charles,
Madame Muriel Dorato-Chicouras, Vice-Président de la Cour d'appel, a été promue au grade d'Officier de l'Ordre de Saint-Charles,
Madame Martine Coulet-Castoldi, Président honoraire du Tribunal de Première Instance, a été promue au grade d'Officier de l'Ordre de Saint-Charles.
***
Comme chaque année, un membre de notre Compagnie judiciaire va nous faire part, dans quelques instants, de ses réflexions sur un sujet de son choix, conformément aux dispositions de l'article 47 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.
C'est un magistrat de la Cour de Révision, éminent professeur de droit, qui a accepté d'être notre orateur du jour, Monsieur François-Xavier Lucas.
Un bref retour dans l'Histoire nous rappelle que si le monde grec méprisait ouvertement tous ceux qui s'adonnaient au commerce, souvenons-nous que Platon vilipendait les commerçants et encensait les agriculteurs, ces mêmes Grecs ont pourtant été à l'origine de puissantes banques d'affaires grâce à la monnaie frappée du roi Crésus et ont également inventé les termes du 1er contrat de société en conjuguant les concepts d'amitié et de bonne foi pour fonder une même entreprise.
Il a fallu attendre les apports du droit des affaires romain pour voir apparaître un aspect négatif lié aux difficultés du commerce avec « la loi des 12 tables » qui porte la 1ère réglementation de la faillite. Du Ve siècle avant J.-C. au IIe siècle après J.-C., le droit romain évoluera d'une pratique brutale et primitive, consistant à vendre le débiteur comme esclave, avec toutefois une garantie des vices cachés, à des procédés plus civilisés.
Notre droit commercial et des affaires qui tire également ses sources du droit romain, n'a pas échappé à cette évolution.
Le discours de ce matin portant, vous vous en doutez, sur ce thème, est intitulé :
« Le traitement de la faillite en droit monégasque ».
Je laisse la parole à notre orateur du jour, Monsieur François-Xavier Lucas.
Monsieur François-Xavier Lucas, Conseiller de la Cour de Révision, prenait alors la parole :
« Je vous remercie Madame le Premier Président,
Monseigneur,
Mesdames et Messieurs les hautes autorités,
Mesdames, Messieurs,
Je ne peux débuter ce discours de rentrée sans dire combien je suis honoré d'avoir le privilège de pouvoir m'exprimer devant vous aujourd'hui, en Votre présence Monseigneur, et alors que sont réunies autour de Vous la famille judiciaire monégasque, comme il est d'usage de l'appeler, et tant de hautes personnalités de la Principauté et de pays amis.
Je le suis d'autant plus que le thème qui a été choisi pour ce discours est un thème qui m'est cher, celui du droit de la faillite monégasque, que je suis heureux d'évoquer ce matin, pour partager avec vous quelques réflexions relatives à une éventuelle réforme de cette importante branche du droit.
Le choix d'un tel thème peut apparaître étonnant à plusieurs égards.
D'abord parce que la faillite ne paraît guetter ni la Principauté ni les entreprises qui y sont implantées. Ce serait une erreur de s'arrêter à cette proposition optimiste. On fait faillite même à Monaco. Sans doute y-a-t-il peu de procédures collectives significatives qui s'ouvrent chaque année en Principauté mais certaines faillites retentissantes ont nourri la chronique jurisprudentielle quand ce n'est pas celle des faits divers.
C'est aussi un sujet inattendu parce que la matière est technique, aride, peu engageante. La faillite, c'est cette procédure infamante qui pouvait jadis conduire aux galères puis à la prison pour dettes ceux qu'elle flétrissait. Elle reste un épisode tragique, peu conforme à l'esprit primesautier qui doit présider à une telle rentrée solennelle.
Mais là encore, ce serait une erreur de juger le droit de la faillite sinistre. Ce qui est triste, c'est qu'un débiteur soit surendetté, mais certainement pas que le droit de la faillite lui offre le moyen de se libérer. La procédure collective de traitement des difficultés n'est pas le mal mais le remède. D'où, l'importance de savoir comment le droit d'un État traite le failli, l'homme à terre criblé de dettes. L'accable-t-on comme le malhonnête que, pendant des siècles, l'on a considéré qu'il était ? Ou bien l'aide‑t-on à se désendetter et à se relever ? Il me paraît d'autant plus intéressant de se poser la question que personne ne se la pose plus guère à Monaco, là où il s'agit d'un des sujets les plus disputés en Europe. J'y reviendrai.
Cette question du poids de la dette est vieille comme le monde.
La littérature en a fait de beaux livres. Pour n'en prendre qu'un exemple, l'un des héros les plus célèbres de Balzac est César Birotteau, artisan parfumeur, failli pour avoir été escroqué par des financiers marrons mais réhabilité pour avoir eu à cœur de payer ses dettes jusqu'au dernier centime.
Cette question du traitement du débiteur est présente jusque dans l'Évangile, qui multiplie les références à cette idée que nous sommes des débiteurs. Le Notre Père, que nous avons récité à l'occasion de la messe du Saint-Esprit qui vient de nous réunir, l'exprime sans ambages. C'est encore plus clair en latin que dans la version française : Et dimitte nobis debita nostra sicut et nos dimittimus debitoribus nostris. Ce sont bien nos dettes dont nous demandons la remise. Au-delà, on ne compte pas les paraboles par lesquelles le Christ fait référence à cette image de la dette. On connaît tous celle du créancier impitoyable (Mt 18,23-35) qui traite sévèrement son débiteur pour une petite dette, là où il vient de se faire remettre une dette considérable par son propre créancier miséricordieux.
Mais le droit de la faillite n'est pas qu'un thème de roman ou de prêche, c'est aussi une branche du droit des affaires, celle qu'une terminologie plus contemporaine désigne comme le droit des entreprises en difficulté ou de l'insolvabilité, quand ce n'est pas du restructuring. C'est un métier que de restructurer les entreprises surendettées et c'est une matière considérable que celle qui gouverne ces opérations.
Cette importance est telle qu'il faut y voir un argument en faveur d'une réforme du droit monégasque de la faillite qui, compte tenu de son ancienneté, apparaît bien éloigné du droit de ses voisins en la matière. Peu importe, pourrait-on dire, en bougonnant que chaque État est souverain et que rien n'oblige les Monégasques à regarder ce qui se passe de l'autre côté de la frontière. Ce serait une erreur car s'ils ne s'y intéressent pas, d'autres le feront à leur place. Il convient en effet de ne pas perdre de vue que les règles qui gouvernent la faillite sont parmi celles que scrute la Banque mondiale lorsqu'elle porte un jugement sur le droit des affaires d'un pays, de façon à faire savoir aux bailleurs de fonds si ce droit offre un environnement propice aux investissement.
La qualité du droit de la faillite est ainsi devenue l'un des critères d'appréciation de la qualité de l'environnement économique d'un pays, ce qui explique la frénésie de réformes qui viennent de se succéder en Europe pour forger, dans les principaux pays, un droit moderne de l'insolvabilité. Une véritable compétition s'est instaurée entre les droits nationaux des États européens. La France l'a bien compris, qui, depuis sa dernière grande réforme opérée en 2005, modifie sa loi tous les deux ou trois ans pour la rendre encore plus conforme aux attentes des entreprises. Le droit européen n'est pas en reste, puisqu'une directive du 20 juin 2019 vient tout juste d'être adoptée pour unifier le droit de l'insolvabilité au sein de l'Union.
Au regard d'une telle effervescence législative dans le reste de l'Europe, le droit monégasque de la faillite, lui, fait figure d'exception. La loi actuellement en vigueur a été adoptée le 26 décembre 1977[1] et elle n'a pas été modifiée depuis sauf sur des points de détail. Bientôt 42 ans, c'est un âge canonique pour une loi et il ne doit guère y avoir de pays européen dont le droit n'a pas évolué depuis aussi longtemps dans une matière faisant l'objet d'une telle mise en concurrence à travers le monde.
Faut-il pour autant relever sur le ton du reproche cette permanence du droit monégasque de la faillite ? Pas nécessairement. Le conservateur qu'est tout juriste raisonnable ne touche aux lois que les mains tremblantes, instruit par Montesquieu de cette règle d'or qui veut qu'en matière de législation le mieux est trop souvent l'ennemi du bien. Les dépoussiéreurs de textes et autres barbouilleurs de lois ont le don d'inquiéter et le premier mouvement doit être de ne toucher au Code que lorsque c'est absolument nécessaire. Au-delà de ce parti-pris conservateur, il faut signaler que les dispositions gouvernant les procédures collectives monégasques ne suscitent aucune passion, aucune demande ni du bon peuple monégasque ni des praticiens. Sans doute concèdent-ils qu'ici ou là le Code n'est pas parfait, mais les échanges que j'ai pu avoir avec plusieurs éminents praticiens du traitement de la défaillance des entreprises à Monaco m'ont confirmé qu'il n'y a guère d'attente de réforme.
Enfin, cette loi datée n'est pas sans mérite car elle a évité à la Principauté de connaître les errements qu'ont connus les pays ayant adopté des législations se fixant comme unique objectif le sauvetage de l'entreprise. La France, pour ne prendre que cet exemple, a ainsi adopté en 1985 un droit sacrifiant de manière choquante les droits des créanciers au nom du sauvetage des entreprises en difficulté. Ces législations brutales pour les créanciers ont ruiné la force obligatoire du contrat et avec elle le crédit quand ce n'est pas la morale des affaires, ce qui fait apparaître rétrospectivement prudent et pertinent le choix de la Principauté de conserver une loi plus respectueuse des droits des créanciers.
Pleinement conscient de la force de ces objections, je ne pense pas qu'elles condamnent pour autant toute idée de réforme car celle-ci peut se faire en conservant un niveau élevé de considération pour les créanciers. Aussi, m'essayant à un exercice prospectif, j'ai imaginé ce que pourrait être un droit monégasque rénové du traitement de l'insolvabilité. Pour en dessiner les traits, il convient de définir les finalités qu'il faut lui assigner (I), de façon à être en mesure de proposer de nouveaux outils (II).
I - Redéfinir les finalités des procédures collectives
La loi monégasque de 1977 assigne trois objectifs au droit de la faillite : protéger les créanciers, assainir les professions, maintenir l'entreprise pour des raisons d'intérêt général.
S'agissant de l'assainissement des professions comme finalité du droit de la faillite, on s'accordera facilement sur son caractère nécessaire. Une telle police de la vie des affaires est indispensable dans un petit pays qui doit se protéger contre le risque de voir s'y installer des entrepreneurs n'offrant pas des garanties suffisantes de moralité et de solvabilité.
La vraie difficulté qu'il peut y avoir à écrire un droit moderne de l'insolvabilité est ailleurs. Elle est de savoir comment arbitrer entre les deux autres fins assignées à ce droit : protéger les créanciers et sauver les entreprises, objectifs entre lesquels il faut hélas choisir.
Jusqu'à présent, la loi monégasque a clairement fait le choix de protéger les créanciers. Si elle offre aux débiteurs en difficulté la possibilité de bénéficier d'un plan de sauvetage prenant la forme d'un concordat, c'est avec des chances de succès relativement minces, compte tenu des atteintes très limitées qui peuvent être portées aux droits des créanciers.
Faut-il aller au-delà et forger des outils plus efficaces de restructuration des entreprises en difficulté ? C'est une question éminemment politique, qui requiert une grande prudence car l'on ne doit pas, au nom du sauvetage - toujours hypothétique - d'une entreprise en difficulté, attenter trop gravement au droit des obligations. C'est l'accès au crédit et au-delà la sécurité juridique qui sont en cause, ce qui implique de ne pas tomber dans les errements qui ont été ceux d'un droit français qui a trop sacrifié sur l'autel du redressement des entreprises, avec les résultats particulièrement médiocres que l'on sait.
Est-ce à dire qu'il ne faut rien faire ? Je ne le pense pas non plus car, même en conservant un important niveau de protection pour les créanciers, le droit monégasque peut être modifié pour se rapprocher des standards internationaux en matière de traitement de l'insolvabilité, standards dont c'est un euphémisme de dire qu'il se trouve éloigné. Le droit de la faillite monégasque ignore les techniques de restructuration qui se pratiquent aujourd'hui et qu'il serait sans doute opportun de trouver sur une place économique et financière importante comme l'est Monaco. Car ces techniques seront bienvenues le jour où se présentera la difficulté d'avoir à sauver une entreprise monégasque importante menacée de disparaître sous le poids de ses dettes. Ce qu'à Dieu ne plaise... Et cette situation ne se rencontrera peut-être jamais. Mais si elle survient et si l'on compte sur le Code de commerce pour offrir des outils de sauvetage appropriés, il faudra avoir d'autres armes que le sabre de bois dont nous disposons aujourd'hui.
II - Forger de nouveaux outils
Si l'on considère que des outils plus performants que ceux qui existent aujourd'hui doivent pouvoir être conçus, reste à savoir ce que pourrait être ce droit monégasque de l'insolvabilité, plus conforme à ce qui se pratique ailleurs en Europe. Différentes évolutions pourraient être envisagées, les unes touchant au domaine des procédures collectives, les autres à leur régime.
Redéfinir le domaine des procédures collectives, ce serait d'abord l'étendre à toutes les entreprises. Aujourd'hui, le droit monégasque présente la caractéristique de ne s'intéresser qu'aux commerçants. L'explication est connue. Elle est d'ordre historique, la faillite étant une création d'un droit né au Moyen Âge sur les foires, un droit coutumier applicable à ceux que l'on appelait alors les marchands. L'article 408 du Code de commerce en est resté là et il réserve les procédures collectives aux seules personnes physiques ou morales exerçant une activité commerciale. Ce choix est désormais difficilement défendable, à l'heure où les législations contemporaines s'adressent aux entreprises, sans plus se demander si elles exercent ou non une activité commerciale. En France, depuis 2005, tous les entrepreneurs individuels - y compris ceux qui exercent une activité libérale - sont éligibles aux procédures collectives. La question mérite d'être posée de savoir s'il n'y a pas lieu à Monaco de procéder à une semblable extension prenant acte du recul de la singularité de la situation juridique du commerçant.
La seconde question à se poser à propos d'une éventuelle réforme porte sur l'évolution du régime des dispositifs de traitement des difficultés. Plusieurs pistes d'amélioration peuvent être à cet égard proposées en distinguant selon qu'il existe ou pas des perspectives de redressement.
Lorsqu'il existe un espoir de sauvetage de l'entreprise, ce qui est loin d'être la situation la plus courante, des dispositifs plus efficaces doivent pouvoir être mobilisés.
En matière de traitement des difficultés des entreprises, on s'est à Monaco arrêté en 1977\. Imaginons que la recherche médicale se soit arrêtée à la même époque et que tous les progrès qu'ont connus les traitements depuis lors aient été ignorés... Fort heureusement, il n'en est rien et la Principauté est à la pointe en matière médicale. Hélas, telle est bien la situation pour le traitement de ces grands blessés de la compétition économique que sont les entreprises défaillantes, qui restent justiciables de dispositifs qui évoquent plus le XIXème siècle, Balzac et son Birotteau que les techniques modernes de restructuration des entreprises en difficulté. Il serait navrant d'en rester là.
Ces techniques modernes, dont les entreprises monégasques restent aujourd'hui privées, relèvent de ce que les praticiens désignent comme les dispositifs de prévention. On ne peut sauver les entreprises en difficulté qu'à la condition de disposer de ces outils de traitement anticipés, amiables et confidentiels. Rien de tel n'existe à Monaco et c'est dommage. Le seul instrument de sauvetage que connaît le Code de commerce monégasque est le concordat, qui n'a pas dû permettre de sauver beaucoup d'entreprises... Si la question se pose un jour d'avoir à aider une société importante qui a besoin du secours du tribunal pour se restructurer, il faudra trouver mieux. Il pourra s'agir d'une procédure « de pré-insolvabilité » - pour parler comme le fait la directive - telle la conciliation qui se pratique en France, avec des résultats, en termes de sauvetage des entreprises et des emplois, qui ne peuvent laisser indifférent.
Il faut aussi introduire une procédure de restructuration judiciaire qui puisse être déclenchée sans attendre la cessation des paiements et qui permette à l'entreprise de se placer sous la protection d'un tribunal dès l'apparition des premières difficultés, comme c'est le cas aux États-Unis avec la fameuse procédure dite du Chapter XI ou, comme c'est le cas en France, avec la procédure de sauvegarde. Nombreux sont les pays d'Europe à avoir adopté - ou à être sur le point de le faire à l'occasion de la transposition de la directive - un tel dispositif. Il nous semble que Monaco ne peut faire l'économie d'une telle réflexion.
Enfin, reste le cas des entreprises - et ce sont les plus nombreuses - pour lesquelles il n'existe aucun espoir de redressement. Pour elles, également, la réforme apparaît souhaitable en vue de permettre une accélération et une simplification de la procédure de liquidation.
Si la liquidation s'impose, il faut veiller à ce qu'elle intervienne vite. Il n'est de l'intérêt de personne que ces procédures durent. Le Code de commerce français connaît deux dispositifs, la liquidation judiciaire simplifiée et le rétablissement professionnel, qui permettent de clôturer en quelques mois, voire en quelques semaines, la liquidation d'un débiteur dont la situation ne présente pas de difficulté (pas ou peu d'actifs, pas ou peu de salariés, débiteur de bonne foi à l'égard duquel aucune action punitive ne doit être engagée). On est tenté de suggérer que de telles procédures accélérées soient introduites à Monaco. Il en va de l'intérêt du débiteur sans que cela préjudicie à ses créanciers, qui ne seront pas plus payés parce que la procédure se sera éternisée. Le débiteur doit être fixé sur son sort aussi vite que possible. Soit il est incompétent ou malhonnête et le tribunal doit l'écarter de la vie des affaires au moins temporairement ; soit il n'encourt aucun reproche et il doit pouvoir rapidement reprendre une nouvelle activité après que ses actifs ont été vendus pour payer son passif. On le fait alors bénéficier de ce qu'il est d'usage désormais d'appeler « le droit au rebond », le fresh start disent les Américains, recommandé aux États membres de l'Union par la directive du 20 juin dernier et que le législateur monégasque doit considérer, même s'il aboutit à la libération des débiteurs faillis, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui à Monaco.
J'ai bien conscience que la consécration d'un tel droit de ne pas payer ses dettes est tout sauf une évidence et je partage une partie des objections qu'appelle une telle audace. Pour autant, on ne peut pas non plus ignorer que cette libération des débiteurs impécunieux est devenue une réalité dans la plupart des pays partenaires de la Principauté. Ni le fait que, dans la quasi-totalité des cas, ces dettes ne seront, quoi qu'il arrive, jamais payées. Comme me l'ont enseigné les bons pères jésuites, « ces choses-là nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs... ». Et remettons ses dettes au débiteur, non pas parce que le Notre Père nous y invite mais parce que de toutes façons il ne les paiera pas... On est alors d'autant plus porté à la générosité qu'elle ne coûte pas si cher.
Je conclurai sans conclure, précisément, mais en abandonnant à votre réflexion cette question de savoir si la Principauté doit conserver son droit de la faillite Seventies ou si elle doit au contraire adopter les dispositifs de restructuration, qui ont fleuri dans la plupart des législations mais qui restent ici inconnus. Un premier parti peut être de ne pas réformer et de s'en tenir à l'idée simple qu'à Monaco l'on respecte la parole donnée ou bien l'on s'expose à la liquidation de biens, sorte de devise qui pourrait être placardée à la frontière, comme un avis aux voyageurs : « Étranger, ici on paie ses dettes ou on est liquidé... ». J'apprécie la pureté cristalline de la formule. Elle est toutefois un peu sommaire car dans un monde où l'endettement est massif et le risque de défaillance important, il apparaît peu judicieux de se priver de ces outils de sauvetage des entreprises connus de la plupart des législations. La réflexion doit au moins être engagée à cet égard. Ces quelques propos n'avaient d'autre objet que d'y contribuer. ».
Madame le Premier Président de la Cour d'Appel reprenait :
« Monsieur le Conseiller, Monsieur le Professeur, je tiens à vous présenter au nom de tout l'auditoire nos plus sincères compliments pour l'esprit et la force d'anticipation et de projection avec lesquels vous avez traité ce sujet.
Si le droit français est longtemps resté marqué par la rigueur du Code de commerce napoléonien, vous avez Monsieur le Conseiller fait référence à Balzac qui évoque avec beaucoup d'esprit cette sévérité dans César Birotteau, le droit monégasque se caractérise selon Monsieur Norbert-Pierre François par cette même filiation. Dans un article relatif aux spécificités du for, cet ancien Directeur des Services Judiciaires, affirmait il y a quelques années :
« Monaco est un État de droit dont les règles de droit privé obéissent à un régime libéral et qui est demeuré profondément fidèle aux principes définis par le Code civil napoléonien notamment liberté individuelle, respect des conventions, autonomie de la volonté, responsabilité personnelle, affirmation du droit de propriété et protection de la famille ».
Vos propos, Monsieur Lucas, mettent en évidence l'intérêt raisonné et raisonnable de réformer notre droit monégasque de la faillite ; cette compagne de nos codes et lois, âgée de 42 ans vous l'avez rappelé, mérite sans doute un léger traitement rajeunissant. Nous y reviendrons ultérieurement mais ce type de réflexion nous conduit, déjà depuis 18 mois, à l'initiative de Monsieur le Directeur des Services Judiciaires, à formuler des propositions de réforme normative au sein de la Commission de Révision des Codes et il était déjà prévu que notre Code de commerce fasse l'objet d'une prochaine étude.
Merci, Monsieur le Conseiller, de nous avoir déjà invités à y réfléchir à travers ce brillant exposé de fiction juridique.

***

Avant même d'évoquer nos projets de réforme, j'ai le plaisir de rappeler toutes les réalisations de l'année écoulée qui révèlent le grand dynamisme dont ont fait preuve les membres de notre Compagnie judiciaire pour contribuer à l'avancée du droit en Principauté.
J'évoquais, ici même il y a un an, une avancée importante touchant l'accès au droit monégasque, avec l'apparition d'un nouveau diplôme universitaire, un Master II qui a été dispensé à l'Université de Nice dès la rentrée 2018.
Ce diplôme existait déjà puisqu'il s'agit du Master II de droit privé fondamental et sciences criminelles dispensé sous la codirection de Monsieur le Vice-Président de la Cour de Révision Jean-François Renucci et de Monsieur le Professeur Yves Strickler, mais il devait intégrer cette année des formations en droit monégasque.
C'est chose faite, puisque des modules fondamentaux de droit monégasque ont en effet été proposés, non pas de façon optionnelle, mais bien dans le cadre d'enseignements obligatoires dans les deux parcours de droit privé et de sciences criminelles.
Nous nous félicitons de cette contribution essentielle à notre droit et je remercie mes collègues de toutes les juridictions de l'ordre administratif et judiciaire mais aussi tous les professionnels de justice, les greffiers et avocats notamment, qui se sont passionnés pour cette initiative et sont allés, avec nous, partager leurs expériences dans le cadre d'un ou plusieurs séminaires.
Ce fut, pour nous tous, une expérience particulièrement enrichissante qui sera bien entendu reconduite cette année.
En second lieu, nous vous informions, ici même le 1er octobre 2018, que le Directeur des Services Judiciaires avait réactivé l'ancienne Commission de Révision des Codes dont les travaux se sont poursuivis au cours des derniers mois et vont prochainement s'étendre à d'autres thématiques.
Cette année, les axes de réforme qui ont été privilégiés concernaient les règles de procédure civile et de procédure pénale.
Le droit monégasque n'est pas un vieil ouvrage obsolète, ni un ensemble d'usages ou de pratiques dépassées... mais il répond simplement à la logique et aux besoins d'un petit État de 2 km2, aux spécificités liées à son Histoire, mais aussi aux enjeux économiques et commerciaux qui se jouent sur son territoire. Pour le comprendre, il faut du temps et ce temps c'est nécessairement celui de la réflexion et de l'humilité...
Nombreux sont les juristes monégasques qui ont eu, sur leur bureau ou même leur table de chevet les explications données par le célèbre Baron De Rolland sur l'essence des textes monégasques, ce fameux « esprit des lois » cher à Montesquieu... et je ne mentirais pas en vous disant que ce même Baron De Rolland, notre doctrine donc, a veillé cette année sur nos travaux en éclairant certaines interrogations sur « le pourquoi » de telle ou telle règle normative.
Il n'est d'ailleurs pas nécessaire d'aller aussi loin dans l'espace temporel et je voudrais encore faire miens les propos pleins de sens de Monsieur Norbert-Pierre François pour qui les lois de ce pays ont toujours tendu à « établir un équilibre harmonieux entre les droits de l'État et ceux des particuliers ».
C'est en respectant cette sage philosophie de nos textes, c'est aussi en refusant d'importer ex abrupto des règles de droit étrangères que nos travaux se sont poursuivis cette année. Nous n'avons voulu proposer de modifier certaines dispositions normatives que dans le but de répondre aux besoins d'une justice moderne et efficace et de nous conformer aux exigences de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme en termes de liberté de la défense et de respect des principes fondamentaux de la procédure.
J'ai eu l'immense plaisir de présider la sous-commission en charge de la procédure civile et je tiens à rendre publiquement hommage à notre excellent rapporteur, Monsieur le Professeur Yves Strickler, membre du Haut Conseil de la Magistrature, éminent spécialiste de la procédure civile en France et à l'international qui a fourni un travail exceptionnel, d'une rare minutie, pour proposer une codification efficace et moderne de nos règles processuelles. J'associe à ces remerciements les membres de notre groupe de travail, Madame Cécile Chatel‑Petit, Premier Président de la Cour de Révision, Monsieur le Bâtonnier Yann Lajoux, Maître Thomas Brezzo, Président de la Commission de Législation du Conseil National et Monsieur Maxime Maillet, Administrateur Principal à la Direction des Services Judiciaires.
En tenant compte des compléments utilement apportés par le Parquet Général à la fin de notre processus d'étude, le projet de révision du Code de procédure civile élaboré par cette sous-commission, transmis au Directeur des Services Judiciaires au mois de mai 2019, comprend désormais 67 articles et nous formons le vœu de le voir rapidement intégrer notre droit positif.
Une seconde sous-commission s'est également vu confier cette année des problématiques diversifiées et souvent délicates en matière de procédure pénale. Le départ de Monsieur le Procureur Général Adjoint qui présidait depuis une année ce groupe de travail a eu pour effet de différer très légèrement la rédaction finale des propositions normatives, mais Monsieur Jérôme Fougeras Lavergnolle, Vice-Président du Tribunal de Première Instance, a repris en fin d'année judiciaire la présidence de cette sous-commission qui se compose également d'éminents magistrats et professeurs : Monsieur le Vice-Président de la Cour de Révision Jean-François Renucci, Monsieur le Conseiller à la Cour de Révision Laurent Le Mesle, Monsieur le Conseiller d'État et professeur spécialiste de droit pénal et procédure pénale Roger Bernardini, ainsi que Madame Alexia Brianti, Substitut du Procureur Général.
Les thématiques complexes abordées dans cette seconde sous-commission ont également abouti à la rédaction d'un projet de texte, transmis début septembre à la Direction des Services Judiciaires.
D'autres défis attendent la Commission de Révision des Codes, notamment la refonte des voies civiles d'exécution ou, comme nous l'avons précédemment suggéré, la révision de notre Code de commerce. Nous formons le vœu de pouvoir poursuivre nos travaux dans cette voie, tracée par Monsieur le Directeur des Services Judiciaires dont l'initiative mise en œuvre ces derniers mois nous apparaît déjà très prometteuse pour le droit monégasque.
Un autre événement mérite d'être également évoqué ce matin. Suite à la visite au mois de janvier 2019 de représentants du G.R.E.T.A., le groupe d'experts du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, une formation que nous avions appelée de nos vœux a été organisée, le 7 juin 2019, par la Direction des Services Judiciaires sur le thème de la lutte contre la traite des êtres humains au bénéfice de l'ensemble des magistrats et des auxiliaires de justice. Je me permets de citer ici, ce matin même, les propos de Monsieur Robert Gelli, notre prochain Directeur des Services Judiciaires qui déclarait en 2017 que la lutte contre les trafics d'êtres humains est une question cruciale et doit être une priorité d'action publique. Ce séminaire, très instructif, a été présidé par Monsieur le Vice-Président de la Cour de Révision, Jean-François Renucci, et fut conduit par des intervenants de grande qualité, notamment les représentants du service de traite des personnes et trafic de migrants de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime et Madame Julie Collin, Vice Procureur au Parquet de Paris.
Enfin, pour répondre cette année aux recommandations du G.R.E.C.O., un projet de recueil de principes éthiques et déontologiques applicables aux magistrats des Cours et Tribunaux a été élaboré par Monsieur Jean-Pierre Machelon, Professeur agrégé des facultés de droit, Monsieur Jérôme Fougeras Lavergnolle, Vice-Président du Tribunal de Première Instance, Monsieur Olivier Zamphiroff, Premier Substitut du Procureur Général et Madame Carole Delorme-Le Floc'h, Juge au Tribunal de Première Instance.
Ce projet, qui a reçu l'assentiment du Haut Conseil de la Magistrature le 6 juin 2019, concernera tous les magistrats de l'ensemble des juridictions de l'ordre judiciaire, au sens de l'article 2 de la loi n° 1.364 du 16 novembre 2009 portant statut de la magistrature.
La déontologie dépasse désormais largement son rôle de garde-fou individuel et devient une composante intrinsèque des actes professionnels, un critère essentiel de leur légitimité. Il reviendra aux différents chefs de juridiction d'en faire assurer le respect et d'évaluer les magistrats qui dépendent d'eux en fonction de paramètres liés à l'éthique, critères que nous avions, par anticipation, déjà fait figurer sur nos grilles d'évaluations monégasques, tant au Tribunal de Première Instance qu'au Parquet Général et à la Cour d'appel.
Ce nouveau recueil, rappelant que le magistrat n'est pas extérieur à la Société, ni effacé derrière l'Institution, insiste sur l'indépendance des magistrats du siège, garantie par l'article 88 alinéa 2 de la Constitution. Il précise également que le comportement des magistrats est particulièrement observé en raison de la superficie limitée de notre territoire et insiste sur le devoir de réserve et de discrétion qui s'impose à tous.
Le fil conducteur de cette compilation de principes éthiques est essentiel : aucun magistrat ne doit entamer la confiance des justiciables, tant à l'égard de sa personne que de l'Institution judiciaire. Ce code évoque en effet le portrait si juste du magistrat donné lors de la rentrée de l'École Nationale de la Magistrature le 1er février 2019 par Monsieur Bertrand Louvel : « Le magistrat doit avant tout être une conscience, une conscience ordonnée autour d'un système de valeurs qu'on appelle l'éthique de la fonction et qui en forme le socle ».
Dans son introduction, ce recueil déontologique évoque l'aspect « peu foisonnant » du droit écrit et l'importante place laissée à la jurisprudence. Cette remarque favorise la transition avec l'information suivante, puisqu'au-delà de nos apports prétoriens réguliers, cette année encore certains textes normatifs de grande importance ont été votés par le Conseil National.
Notre droit positif s'enrichit, régulièrement, sans excès, mais avec justesse et mesure, pour répondre aux évolutions sociétales et nous savons pouvoir compter sur la Commission de Législation en la personne de son Président, membre du barreau monégasque Maître Thomas Brezzo qui a été sur plusieurs fronts ces derniers mois.
Je ne citerai que les deux textes les plus récents qui ont retenu cet été l'attention des magistrats et qui font actuellement l'objet d'analyses sérieuses pour leur mise en œuvre, la loi n° 1.470 du 17 juin 2019 modifiant les dispositions du Code civil relatives à l'adoption et la loi n° 1.474 du 2 juillet 2019 sur le mandat de protection future et l'exercice de l'activité de mandataire judiciaire à la protection des personnes.
Enfin, eu égard à sa composition et sa mission, je ne peux passer sous silence l'instauration récente de la Commission d'examen des rapports de contrôle, instituée par la loi n° 1.362 dans sa rédaction issue de la loi n° 1.462 du 28 juin 2018 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et de la corruption. La composition et le fonctionnement de cette commission ont été fixés par l'Ordonnance Souveraine n° 2.318, en dernier lieu modifiée le 28 juin 2019 dans un objectif d'efficacité fonctionnelle.
La Commission d'examen des rapports de contrôle est actuellement présidée par un Conseiller d'État de la Principauté, Monsieur Dominique Adam, ancien Haut magistrat, Président de Chambre, Doyen honoraire de la Cour d'appel de Colmar, connu et apprécié en Principauté puisqu'il a été Vice-Président de cette Cour d'appel pendant plusieurs années et qu'il est désormais membre du Haut Conseil de la Magistrature monégasque.
Cette commission est composée d'un autre Conseiller d'État, de deux magistrats du Tribunal de Première Instance et de quatre personnalités qualifiées. Son rôle est de recevoir l'ensemble des rapports de contrôle établis par le Service d'Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers (S.I.C.C.F.I.N.), de les examiner et de proposer au Ministre d'État de prononcer ou non une sanction à l'encontre de la personne physique ou morale assujettie aux obligations de la loi relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption et ce, au vu des manquements éventuellement relevés.
Au 1er septembre 2019, ladite commission était déjà saisie de 87 rapports.
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Ce premier bilan général conclu, il nous faut désormais évoquer l'activité interne des différentes juridictions.
Quand on parle d'activité, la première image est d'ordre numérique.
La densité de nos travaux s'est néanmoins conjuguée cette année à certains questionnements de nombreux magistrats sur la manière dans laquelle s'exerce leur Office en Principauté de Monaco.
S'interroger sur les conditions dans lesquelles on va rendre la Justice paraît légitime et ce type de réflexion révèle au contraire le bon état de marche de la machine judiciaire qui est entre les mains des hommes.
La réponse que l'on peut humblement apporter ce matin ne saurait être polémique et doit se limiter à un simple constat, objectif : les juges passent, qu'il s'agisse de mises en disponibilité, de départs à la retraite, de fins de détachements ou de leur non-renouvellement, mais les dossiers demeurent, avec des justiciables, des victimes, des mis en cause et des avocats dont la mission est d'assurer le respect des droits de la défense, de contribuer à la manifestation de la vérité mais aussi d'obtenir cette contribution de tous les acteurs au procès.
Chacun de nous n'est qu'un infime rouage de la chaîne judiciaire, ce que l'un d'entre nous n'est pas en mesure d'effectuer, un autre magistrat, respectueux de son serment et de sa mission le fera, en conscience et en appliquant la loi... puis, une juridiction du second degré approuvera ou censurera ses décisions et notre plus Haute juridiction de l'ordre judiciaire, la Cour de Révision, veillera à son tour, comme elle le fait quotidiennement, à la conformité au droit des décisions juridictionnelles rendues.
Elle est là notre garantie suprême, elle est et doit demeurer institutionnelle, pour nous permettre de continuer à exercer nos fonctions comme nous l'avons toujours fait, dans le respect de cette indépendance dont le Prince Souverain a rappelé lors de son discours d'avènement être le garant auprès des justiciables, faisant alors état de sa « confiance en la rigueur morale et l'impartialité du corps judiciaire tout entier à l'écart des influences et tentations médiatiques ».
Dans notre Être collectif ne se trouve pas seulement un État de Droit, mais aussi un État de Justice, qui se traduit par le rattachement à une mission d'ordre public impliquant de la rigueur et excluant bien sûr, dans sa mise en œuvre, toute intervention dans les affaires individuelles.
Nous devons garder confiance en ce corps de magistrats auquel nous appartenons et nous libérer de toutes les pressions, même de celles, sans doute les pires, qui peuvent prendre naissance en notre for intérieur dans un contexte pouvant nous fragiliser.
Il est vain de commenter certaines ordonnances, jugements ou arrêts comme cela peut-être parfois le cas, ici ou ailleurs. Il est plus efficient de vérifier si ces décisions sont fondées en fait et en droit. Si elles ne le sont pas, cela arrive, il nous appartient alors de remettre notre ouvrage sur la table et d'en tirer les conséquences, avec la plus grande humilité possible.
Cette hypothèse existe, bien évidemment et j'ai envie de dire heureusement, mais les chiffres nous apprennent qu'elle reste rare. Les mécanismes régulateurs sont en place et révèlent le bon fonctionnement de la justice monégasque et, sans céder à une quelconque forme d'auto satisfaction, la qualité du travail qui y est effectué.
Le taux de confirmation des décisions faisant l'objet d'un appel a toujours été très bon au cours des dernières années. Cette constatation ne s'est pas démentie en 2019 puisque, dans 70% des cas, et toutes juridictions confondues, les décisions du premier degré sont entièrement confirmées, les infirmations totales n'excédant pas un seuil moyen de 17% dans des hypothèses où, la plupart du temps, un débat élargi s'instaure devant la Cour d'appel avec des pièces nouvelles et donc des éléments probants différents.
De son côté, la Cour d'appel qui statue comme juge du second degré sur de multiples types de contentieux n'a fait l'objet de cassations qu'à 5 reprises au cours de l'année judiciaire écoulée, soit en considération du nombre d'arrêts rendus, un taux global de cassation de 1,26%.
Il est à noter, pour affiner ce constat en considération de la matière traitée, que ce taux ne s'élève qu'à 1,83% en ce qui concerne la Chambre du Conseil statuant en appel des décisions des magistrats instructeurs et se trouve même limité à 0,58% en ce qui concerne les arrêts civils. Je précise à titre de comparaison que les cassations ont concerné dans le pays voisin 31% des affaires en matière civile en 2018.
Je m'y livre assez rarement compte tenu des plaquettes qui vous sont distribuées, mais il m'apparaît essentiel de procéder cette année à un rapide survol du travail réalisé par l'ensemble des magistrats du siège, mais aussi et surtout des projets et des pistes d'amélioration en cours.
En justice de paix, je rappelle qu'il n'y a actuellement en Principauté de Monaco qu'un seul Juge de Paix et que sa charge de travail est lourde, on a décompté cette année un nombre de jugements et d'ordonnances en augmentation, l'année judiciaire écoulée ayant également été marquée par un contentieux électoral important.
S'agissant du Tribunal du Travail, nous constatons la gestion toujours dynamique du bureau de conciliation et également du bureau de jugement présidé par ce même magistrat, le Juge de Paix ; cette juridiction sociale qui traite des contentieux sensibles fait actuellement face à un nombre de dossiers en instance qui a encore diminué par rapport à l'année judiciaire précédente puisqu'il s'élève à 285 procédures, ce stock étant toujours impacté par des dossiers en série, 126 procédures au total, soit une légère réduction du nombre d'affaires en cours. Il est à noter que le nombre d'affaires nouvelles enregistrées cette année a été légèrement supérieur à celui de l'année 2018.
Au Tribunal de Première Instance, les chiffres sont sensiblement constants, qu'il s'agisse du nombre d'affaires nouvelles ou de décisions juridictionnelles rendues et l'on observe une légère augmentation du nombre d'affaires terminées, ce qui est un signe positif.
Au-delà de cette appréciation numérique, il m'apparaît essentiel de rendre hommage à l'ensemble des magistrats du Tribunal de Première Instance qui ont été récemment confrontés à une réduction de leurs effectifs et ont permis la continuité du service public tout au long de la période des vacations judiciaires, notamment à la permanence instruction. C'est encore le cas pour Monsieur Morgan Raymond, magistrat instructeur, qui fait actuellement face, avec son greffe, à une masse de travail très importante.
Soyez-en tous remerciés.
Madame le Procureur Général évoquera certainement cette similitude de situation dans quelques instants mais nos hommages et remerciements s'adressent également à Madame Sylvie Petit-Leclair et à l'ensemble des magistrats du Parquet Général, en sous-effectif depuis plusieurs mois.
J'entends par ailleurs évoquer ce matin deux projets répondant à des enjeux essentiels menés par Madame Françoise Barbier-Chassaing, Président du Tribunal de Première Instance.
À l'initiative et sous l'impulsion de sa présidente, les magistrats du Tribunal de Première Instance, en charge du pôle famille, ont repris en collaboration avec le barreau monégasque un projet qui nous avait tenu en haleine durant une année, mais n'avait pu aboutir en 2013-2014, concernant la médiation.
Diverses réunions ont déjà eu lieu, notamment avec le Service de la Médiation Familiale de la Direction de l'Action Sanitaire et Sociale et un groupe de travail a été constitué dans l'objectif d'élaborer un protocole. Je m'en réjouis pleinement car un tel instrument devrait nous permettre de favoriser, dans de nombreux cas, une solution acceptée et comprise tout en pacifiant le conflit familial, souvent vif. La médiation caractérise en effet un outil essentiel de paix sociale.
Madame le Président du Tribunal de Première Instance a, par ailleurs, dans un souci de modernisme et d'amélioration de l'administration de sa juridiction, initié cette année certaines réformes touchant la mise en état des affaires civiles dans l'objectif de préparer la future dématérialisation des procédures.
Un rapport statistique détaillé a été communiqué au Conseil de l'Ordre des Avocats de la Principauté le 28 juin dernier, expliquant cette nouvelle stratégie d'organisation et répondant à certaines questions.
Nous remercions de leur présence aujourd'hui Monsieur le Délégué Interministériel et les hauts représentants des administrations concernées, avec lesquels notre Direction aura certainement des échanges constructifs dans les mois à venir sur les questions liées à la transition numérique. Nous sommes persuadés que l'expérience de tous les sachants nous sera non seulement utile, mais indispensable.
Il est essentiel de procéder progressivement dans le consensus et avec les moyens techniques nécessaires.
Pour reprendre une terminologie d'actualité, la « Smart City » de demain peut fort bien entraîner dans son sillage une « Smart Justice », c'est-à-dire une Institution adaptée aux mutations socio-économiques de son époque, à l'efficience de sa propre intervention et plus généralement à une modernité raisonnable et réfléchie.
Le but n'est pas de créer aujourd'hui une navette justice autonome, ayant pour seul pilote l'intelligence artificielle. L'essentiel n'est pas, non plus, d'aller loin, ni d'aller vite... L'homme grandit simplement quand il avance.
Notre Souverain le Prince Albert II a Lui-même magnifiquement tracé cette voie en affirmant, également dans Son discours d'avènement, que « la continuité ne veut pas dire l'immobilisme ».
Nous avons donc convenu de relever ce défi cette année et je tiens à remercier Madame Barbier-Chassaing d'avoir accepté de superviser un tel projet au Tribunal de Première Instance, Tribunal référent auprès du réseau C.E.P.E.J. et qui deviendra notre « juridiction pilote » dans cette voie de la dématérialisation.
Nous formons le vœu de pouvoir vous présenter un bilan d'étape l'année prochaine et je sais déjà que nous pourrons compter sur le soutien actif de la Direction des Services Judiciaires concernant ces thématiques.
Revenons au sens premier du terme « numérique », c'est‑à‑dire à nos chiffres.
Toujours au sein du Tribunal de Première Instance, le Tribunal Correctionnel a rendu cette année 466 décisions en matière pénale, outre 41 jugements sur intérêts civils et 13 décisions concernant des mineurs, soit un total de 520 jugements, chiffre arrêté au 26 septembre 2019\. Des dossiers techniquement et juridiquement complexes ont été traités cette année par cette juridiction.
J'évoquais précédemment la charge de travail des cabinets d'instruction. Pour la période de l'année judiciaire écoulée, ce sont plus de 89 nouvelles informations qui ont été enregistrées dont 1/3 sur constitutions de parties civiles, soit 33 procédures de plus que l'année précédente. On dénombrait, au 27 septembre dernier, 194 affaires en cours d'instruction, en ce compris les dossiers d'information concernant les mineurs suivis par le magistrat tutélaire.
Au 30 septembre 2019, 52 commissions rogatoires internationales avaient été délivrées et 30 avaient été reçues par les magistrats instructeurs. Par ailleurs, le nombre de commissions rogatoires, ou délégations confiées à la Direction de la Sûreté Publique cette année s'élevait à cette même date, tous les cabinets confondus, à 204, dont 161 sont encore en cours d'exécution, les investigations étant multiples et complexes.
Il est également essentiel d'évoquer le contrôle des mesures de sûreté et en particulier de la détention provisoire ordonnées par les Juges d'instruction. Ce contrôle est assuré par la Chambre du Conseil de la Cour d'appel qui a été destinataire cette année d'une vingtaine d'appels de décisions de mise en détention ou de rejet de mise en liberté. De façon globale, nous avons constaté que l'usage de ces restrictions à la liberté d'aller et de venir est réalisé de façon parfaitement maîtrisée et proportionnelle en considération de faits graves ou complexes nécessitant des investigations multiples ou encore à l'encontre de personnes ne présentant aucune garantie de représentation à Monaco.
Nous avons déjà fait référence au travail de la Cour d'appel en considération des cassations intervenues. Au-delà de ce taux, il doit également être noté que d'un point de vue quantitatif, la Cour a rendu cette année 397 arrêts, tous types de contentieux confondus, soit 89 décisions de plus que l'année précédente.
Le Tribunal Criminel s'est quant à lui prononcé à deux reprises en 2018-2019, tandis que trois procédures criminelles doivent être prochainement audiencées et seront jugées dans les mois à venir, après les arrêts de mise en accusation.
J'ai enfin le privilège et l'honneur de pouvoir brièvement évoquer l'activité de notre Cour de Révision.
Monsieur Bertrand Louvel se faisait l'écho il y a quelques mois des propos de Bonaparte disant voir dans le Tribunal de Cassation, une institution qui assure la stabilité de l'État.
Nous pouvons reprendre à notre compte cette affirmation au sujet de la place de notre Cour de Révision dans notre environnement juridique.
Cette reconnaissance est essentielle car la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire joue non seulement un rôle de contrôle rigoureux quant à la légalité de nos décisions, mais également d'éclairage et d'orientation. Appliquer la loi, lui donner sa pleine signification en évitant de substituer ses opinions à la norme de droit, voilà quel est l'office éminemment respectable de la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire monégasque.
Monsieur Pierre Dray, Premier Président de la Cour de Cassation, utilisait il y a quelques années cette image, en qualifiant la Cour de Cassation de « sentinelle de la loi », chargée de la conservation de la règle de droit, mais aussi d'une mission d'adaptation et même de création normative.
Cette mission est actuellement d'autant plus importante qu'au-delà du nombre toujours à peu près constant des pourvois interjetés, les affaires soumises à notre juridiction suprême apparaissent de plus en plus complexes.
Je tiens à souligner le remarquable taux d'évacuation des affaires soumises à notre Cour de Révision qui ne s'élève qu'à 5,6% pour les affaires examinées en hors session pénale et 7,46% pour les affaires examinées en hors session civile.
De nombreux mouvements ont enfin touché le greffe général cette année et nous avons pu compter sur le soutien et l'efficacité de Monsieur le Secrétaire Général pour pourvoir dans les meilleurs délais à ces vacances de postes. Le travail des greffes a, quant à lui été une fois de plus, très soutenu, et même délicat selon les pôles d'activité et je prie Madame le Greffier en Chef et ses deux adjoints de féliciter l'ensemble de ses personnels qui ont fait face avec courage et dignité à cette charge de travail souvent très lourde. Je remercie également la Direction du greffe en la personne de son Greffier en Chef pour son dynamisme et sa grande efficacité mais aussi pour le soutien bienveillant qui est toujours apporté à l'ensemble des greffiers et secrétaires qui travaillent sous son autorité.
Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats, Mesdames et Messieurs les Avocats-Défenseurs et Avocats, nos échanges ont été fréquents et particulièrement constructifs cette année encore, tant dans le cadre de nos travaux au sein de la Commission de Révision des Codes qu'à l'occasion de multiples réunions inhérentes à l'organisation de nos juridictions et de l'instruction des affaires civiles.
Tous les changements nécessitent des adaptations, voire même un nécessaire travail de deuil par rapport à nos vieilles pratiques, et nous avons provisoirement assoupli certaines méthodes, dès lors qu'il vous était apparu que les modifications entreprises n'avaient pas été de nature à améliorer, à court terme, la gestion des procédures d'appel.
Je vous confirme néanmoins que nous poursuivrons, doucement mais certainement, notre progression générale vers la dématérialisation en nous inspirant des enseignements que nous pourrons prochainement tirer de l'expérience conduite au sein du Tribunal de Première Instance.
Je me réjouis Monsieur le Bâtonnier du climat de respect et de confiance mutuelle qui préside toujours à nos échanges.

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En conclusion, l'année judiciaire 2018-2019 a, une fois de plus, été dense et sensible car certaines stigmatisations médiatiques ont été et sont encore douloureuses pour ceux qui se contentent de faire leur métier de magistrat, en conscience.
L'acte de juger n'est pas simple. Ce qui se joue derrière les vitraux de nos salles d'audience ne se limite pas à un arbitrage des différends. Il s'agit de l'exercice, au nom du Prince Souverain, d'un pouvoir régalien qui expose bien entendu tous ceux qui rendent la justice. Ce pouvoir a pour corollaire la responsabilité qui pèse sur chacun de nous.
Il nous incombe de fuir toute forme de certitudes arrogantes et de faire en sorte que toute volonté de croire demeure toujours, pour nous, une raison de douter.
L'Histoire nous a suffisamment appris que toute Civilisation méprisant ses juges et sa Justice va inéluctablement à sa perte et nous devons, chacun dans notre rôle, tout mettre en œuvre, quotidiennement et humblement, pour ne pas être les témoins passifs de la dégradation de l'image du juge et continuer à remplir notre devoir auprès de tous ceux qui, en confiance, s'adressent à nous... La seule source de notre légitimité consiste précisément à nous rapprocher le plus possible de ce juge décrit par Monsieur Bertrand Louvel : « cette conscience ordonnée autour d'un système de valeurs ».
Madame le Procureur Général, vous avez la parole. ».

*****

Madame Sylvie Petit-Leclair, Procureur Général, parole lui est donnée pour ses réquisitions :
« Monseigneur,
Votre charge est lourde ; Vous avez, en dépit de lourdes obligations, souhaité assister à notre traditionnelle audience de rentrée. Votre présence, ce matin, au palais de Justice, constitue une marque de reconnaissance et d'encouragement à l'endroit de tous ceux (magistrats, fonctionnaires, avocats, notaires, huissiers, administrateurs), qui participent à la mission de la Justice en Votre nom, pour le bien commun selon les exigences propres à la garantie des principes d'un État de droit.
Mesdames et messieurs les hautes autorités administratives, judiciaires, militaires et religieuses, monégasques ou étrangères, en vos rangs, grades et qualités.
Vous comprendrez que je ne vous cite pas individuellement, l'audience étant déjà fort longue. Je m'associerai toutefois aux propos de bienvenue et aux remerciements de Madame le Premier Président ; je vous suis particulièrement reconnaissante d'avoir répondu positivement à l'invitation qui vous a été adressée et d'avoir accepté d'oublier les contraintes qui sont les vôtres, pour participer à cette audience.
J'ajouterai que les magistrats du parquet général de Monaco tiennent tout particulièrement à la qualité des relations avec les juridictions des pays voisins, la coopération devant demeurer exemplaire, eu égard aux liens que la géographie mais également l'histoire ou les conventions ont tissés et renforcés au fil du temps.
Nous voici rassemblés dans cette salle d'audience afin de sacrifier au rituel de la rentrée judiciaire, que le jargon judiciaire nomme mercuriale ; il s'agit du discours prononcé par les chefs de juridiction ou les chefs de cour à l'occasion de la clôture d'une session judiciaire et de l'ouverture d'une nouvelle année judiciaire.
L'origine de la mercuriale est probablement multiple ; il existait plusieurs types de discours qui ont fini par se confondre. Le plus ancien est le discours de remontrance, dont on cite comme premier exemple celui du Cardinal de Beauvais en novembre 1369\. L'objet de ces remontrances consistait à développer la mission de la Justice et les devoirs du corps judiciaire. Plus tard, et peut-être simultanément, les mercuriales ont été conçues comme un instrument disciplinaire, visant à censurer les fautes personnelles et professionnelles des magistrats jusqu'à ce que les deux types de discours se recouvrent.
L'audience solennelle de rentrée est aujourd'hui l'occasion « d'exposer le bilan de l'activité de l'année écoulée » mais également de tracer des perspectives pour l'année à venir. Ce postulat se vérifie d'autant plus en ce qui me concerne puisque ce 1er octobre 2019 constitue le premier anniversaire de mon installation à ce poste.
Permettez-moi, d'abord, de rappeler quelques principes qui, bien qu'anciens, bien que cités par les plus hautes juridictions nationales et par les juridictions internationales ou encore par les organes chargés du statut et de la discipline des magistrats, me paraissent essentiels à un État de droit.
L'État de droit peut se définir comme un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit ; la Justice est donc l'une des composantes centrales de l'État de droit. Dans ce modèle, chaque règle tire sa validité de sa conformité aux règles supérieures ; un tel système suppose, outre une hiérarchie des normes juridiques, la séparation des pouvoirs, la garantie des droits fondamentaux, l'égalité des sujets de droit devant les normes juridiques et l'existence de juridictions indépendantes.
La Justice doit assurer la paix civile ; par son action, elle veille également au respect de l'ensemble des règles obligatoires permettant la vie en société et l'organisation de la nation. Sans ces règles édictées dans l'intérêt général, les sociétés humaines ne sauraient survivre. La Justice doit, à l'aune du rôle qui lui est dévolu, faire adhérer la population au système, dans le cadre d'un pacte social, dans lequel chacun accepte de renoncer à l'exercice de sa force et de sa liberté individuelle sur autrui, à condition que tous en fassent autant.
Pour autant, les médias, les réseaux sociaux, vos voisins, vos amis en sont le révélateur : les citoyens se défient souvent de leur système judiciaire, qu'ils rendent coupable de tous les maux, qu'ils estiment inefficace, qu'ils jugent à la fois laxiste et trop sévère et qui devrait être, selon eux, réformé. Trois préoccupations principales ressortent de leurs doléances : « l'indépendance des juges, les délais excessifs des procédures et l'imprévisibilité des décisions ».
Et ce désamour n'est pas récent ; Ésope, dans la fable « Le laboureur et l'arbre » disait déjà « les hommes ont moins d'amour et de respect pour la justice que d'acharnement au gain ».
L'institution judiciaire, dotée de pouvoirs très étendus, ne peut d'ailleurs éluder la question de sa responsabilité ; elle doit, en effet, rendre compte de son action. Je citerai, à cet égard, deux exemples : la responsabilité de l'État peut être mise en cause devant les tribunaux, en cas de détention provisoire non suivie de condamnation ou de dysfonctionnement du service de la justice.
Lorsque l'existence ou la reconnaissance d'un droit sont en cause, le citoyen doit disposer d'un recours effectif devant un juge indépendant et impartial. D'où pour les juges un pouvoir mais aussi un devoir, ceux de trancher le litige porté devant eux en appliquant la règle de droit. En affirmant cette règle par sa jurisprudence et en interprétant, chaque fois qu'il le faut, les normes applicables, le juge participe nécessairement à la création du droit. La spécificité de son rôle est là.
Les interventions du magistrat aux différentes étapes de sa mission constituent un droit fondamental, qui passe par le respect du droit au juge et par celui du droit à un procès équitable. Désormais, le droit à un procès équitable se présente comme un standard universel, pièce maîtresse de la Convention européenne des droits de l'homme et bien entendu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. L'exigence du procès équitable passe par l'existence de garanties suffisantes de l'impartialité du tribunal, soit dans le cadre d'une démarche subjective, en essayant de déterminer la conviction personnelle et profonde du juge, soit dans celui d'une démarche objective en recherchant l'existence de garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime, ce qu'il est habituel d'appeler l'« impartialité personnelle » et l'« impartialité fonctionnelle ».
L'impartialité personnelle signifie absence de parti pris et de préjugé, neutralité par rapport à une situation, par rapport à une personne ou une catégorie de personnes ; qu'il soit magistrat du parquet ou du siège, le comportement du magistrat, ses instructions, ses écrits, ses prises de parole ne sauraient être animés par une volonté manifeste de nuire ou d'humilier ou par un manque de considération ou au contraire une volonté de valoriser, de favoriser ou de refuser de sanctionner des manquements à des obligations ou une violation de la loi.
La notion d'impartialité fonctionnelle est beaucoup plus difficile à définir et à mettre en œuvre : si certaines situations sont parfaitement claires (par exemple, un juge d'instruction ne pourrait faire partie de la juridiction de jugements, qui va évoquer un dossier, qu'il a instruit), d'autres exigent plus de temps et d'intérêt. Il ne suffit pas, en effet, d'invoquer un motif objectif d'impartialité ; il faut également en démontrer la pertinence.
Si les recettes pour réduire les délais sont connues, la recherche de solutions pour rendre la justice moins imprévisible a commencé ; pour l'avenir, on peut noter certaines initiatives déjà engagées en matière d'intelligence artificielle. La transition vers une justice numérique est en route en France même si pour l'heure le phénomène de la Justice prédictive est encore naissant. Si le mythe du remplacement des juges par l'intelligence artificielle ne paraît pas vraiment crédible, il sera indispensable de franchir certains obstacles, de lever des craintes afin que les outils soient utiles et répondent, en même temps, à un impératif éthique.
Revenons au bilan de l'année écoulée. Je ne vous imposerai pas la lecture de chiffres, que vous pourrez trouver dans le fascicule déposé sur votre chaise. Je ne mettrai donc en évidence que quelques points qui me paraissent essentiels.
Le nombre d'affaires pénales enregistrées au cours de l'année, qui vient de s'écouler, a baissé par rapport à l'année précédente. J'y vois le signe d'un excellent travail de la police ; de plus, la qualité des procédures s'est encore améliorée, grâce aux efforts conjugués des policiers, des magistrats et également des avocats, dont j'ai toujours considéré que l'intervention permettait d'améliorer la performance des uns et des autres.
Je tiens à remercier Monsieur le Bâtonnier pour la qualité et la cordialité de nos échanges et l'ensemble des avocats et avocats-défenseurs monégasques, dont les conclusions, jointes à leurs requêtes, sont denses, riches et bien articulées autour des textes nationaux et des dispositions de la convention européenne des droits de l'homme.
Le nouveau directeur du S.I.C.C.F.I.N. (Service d'Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers), le Directeur de la Sûreté Publique et le Parquet ont, par ailleurs, l'ambition de favoriser un travail en commun, qui devrait nous amener à poursuivre, avec plus d'efficacité, la lutte contre les infractions financières. Nos objectifs sont identiques et je sais pouvoir compter sur leur engagement, afin que la Principauté de Monaco conserve une place honorable à l'occasion des évaluations organisées par les institutions européennes.
L'arrivée d'un troisième Juge d'instruction sera un élément supplémentaire du dispositif destiné à privilégier et à accélérer la répression d'infractions graves, situation, dont ne peut que se réjouir le Parquet.
La majeure partie des 148 demandes d'entraide, que nous avons reçues, contre 112 l'année précédente, concerne des infractions économiques et financières. Après quelques mois d'incertitude, le Parquet est désormais en mesure, avec l'assistance des Juges d'instruction, lorsque les mesures sollicitées le requièrent, de faire exécuter ces demandes, par la D.S.P., dans des conditions d'excellence et de rapidité qui permettent à Monaco de répondre aux exigences de la coopération judiciaire.
Enfin, le Ministère public a, comme nous l'avions annoncé l'année dernière, mis l'accent sur les enquêtes sur les abus de faiblesse, ce en relation avec le Tribunal de première instance, en charge de la mise en œuvre des mesures de protection de personnes, souvent âgées, dont il est établi ou dont il est à craindre qu'elles ont été victimes d'individus plus intéressés par leurs comptes en banque que par leur personnalité.
Grâce à l'arrivée espérée d'un quatrième collègue, qui rétablira l'effectif du Parquet général à 100%, je pourrai enfin mettre en œuvre certains projets que j'avais inscrits dans la lettre de mission que je m'étais fixée : le casier judiciaire, la signature d'une Convention avec le Centre Hospitalier de Monaco et la police ou encore la maîtrise des frais de justice.
Je tiens à remercier publiquement les trois magistrats du parquet pour les efforts consentis au cours de ces derniers mois. Je n'oublierai pas de citer Madame Magali Ginepro, Secrétaire général du Parquet, qui a su animer un secrétariat, dont une grande partie du personnel a été renouvelé et remplacé par des personnes de bonne volonté mais sans expérience, qu'il faut donc former.
Je souhaite avant de terminer ce discours me tourner vers Monsieur le Directeur des Services judiciaires, avec lequel j'ai eu plaisir à travailler durant une année. Monsieur le Directeur, je vous remercie de votre accueil lors de nos premiers échanges, de la grande confiance et de la liberté d'action, que vous m'avez accordées dans le respect des principes institutionnels édictés par le Code de procédure pénale. Vous avez fait souffler un vent de modernité sur la Justice monégasque en remettant à l'ordre du jour les travaux de révision du Code de procédure civile et du Code de procédure pénale. Vous êtes en effet conscient de la nécessité de voter des lois plus modernes et conformes aux exigences actuelles tenant notamment à l'exercice des droits de la défense, à l'effet d'enrichir un arsenal juridique insuffisamment sophistiqué. Vous avez également souhaité que soit finalisé le guide des obligations déontologiques s'imposant aux magistrats ; votre départ ne vous permettra malheureusement pas d'organiser le séminaire consacré au fonctionnement de la chaîne pénale, que vous aviez appelé de vos vœux.
Je vous souhaite de rencontrer dans vos nouvelles fonctions - prestigieuses - de belles personnes et de participer à de grands moments de la vie de la Principauté de Monaco, dans ses rapports avec les pays du monde et avec l'Union européenne.
Un magistrat français est nommé Directeur des Services Judiciaires. Je me permets de vous le présenter rapidement : Monsieur Robert Gelli a exercé tout au long de sa carrière, des fonctions au Parquet et au Parquet général. Il a en outre effectué un passage en cabinet ministériel, en qualité de Conseiller justice et en administration centrale, comme Directeur des affaires criminelle et des grâces. C'est à cette époque que nous avons commencé à travailler ensemble, le Procureur général de Caen étant l'un de ses interlocuteurs ; nous nous sommes ensuite souvent rencontrés dans le cadre des réunions et séminaires de la conférence des Procureurs généraux, lorsqu'il a été nommé, lui aussi, Procureur général.
Robert Gelli n'est donc pas un inconnu pour moi.
Avant de terminer, je paraphraserai Madame Chantal Arens, qui, lors de son installation récente comme Première Présidente de la Cour de cassation française a cité Albert Camus qui, dans « L'homme révolté », a écrit : « la vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent » avant d'inviter son auditoire à « être généreux, ensemble et maintenant ».
Ces propos conclusifs constitueront mes vœux à partager durant la nouvelle année judiciaire.
Madame le Premier Président,
Madame le Vice-Président ; Mesdames et Monsieur les Conseillers,
Au nom de Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, j'ai l'honneur de requérir qu'il plaise à la Cour :
- déclarer close l'année judiciaire 2018-2019 et ouverte l'année judiciaire 2019-2020,
- ordonner la reprise intégrale des travaux judiciaires,
- constater qu'il a été satisfait aux prescriptions des articles 46 et 47 de la loi du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
- me décerner acte de mes réquisitions,
- et dire que du tout il sera dressé procès-verbal sur le registre des actes de la Cour d'Appel. ».

*****

Madame Brigitte Grinda-Gambarini, Premier Président de la Cour d'Appel, répondait :
« La Cour, faisant droit aux réquisitions de Madame le Procureur Général,
Déclare close l'année judiciaire 2018-2019 et ouverte l'année judiciaire 2019-2020,
Ordonne la reprise intégrale des travaux de la Cour d'appel et des Tribunaux,
Constate qu'il a été satisfait aux prescriptions des articles 46 et 47 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Dit que du tout il sera dressé procès-verbal pour être consigné sur le registre des actes importants de la Cour d'appel.
Avant de lever cette audience, je tiens à remercier Votre Altesse Sérénissime ainsi que toutes les Hautes Autorités et personnalités qui ont bien voulu assister à cette cérémonie et les convie, à l'invitation de Monsieur le Directeur des Services Judiciaires, à se rendre dans la salle des pas perdus de la Cour d'appel pour la réception qui va suivre.
L'audience solennelle est levée. »
De nombreuses personnalités avaient tenu à assister à cette audience solennelle, aux premiers rangs desquelles on notait, outre les personnalités déjà citées venues de France :
S.E. M. Serge Telle, Ministre d'État,
S.E. Monseigneur Bernard Barsi, Archevêque de Monaco,
M. Stéphane Valeri, Président du Conseil National,
M. Michel Boeri, Président du Conseil de la Couronne,
M. Jacques Boisson, Secrétaire d'État,
M. Georges Lisimachio, Chef de Cabinet de S.A.S. le Prince,
M. le Lieutenant-colonel Jean-Luc Carcenac, Chambellan par intérim de S.A.S. le Prince,
M. Patrice Cellario, Conseiller de Gouvernement-Ministre de l'Intérieur,
M. Jean Castellini, Conseiller de Gouvernement-Ministre des Finances et de l'Économie, représenté par M. Thierry Orsini, Directeur Général du Département des Finances et de l'Économie,
M. Gilles Tonelli, Conseiller de Gouvernement-Ministre des Relations Extérieures et de la Coopération, représenté par Mme Isabelle Rosabrunetto, Directeur Général du Département des Relations Extérieures et de la Coopération,
Mme Marie-Pierre Gramaglia, Conseiller de Gouvernement-Ministre de l'Équipement, de l'Environnement et de l'Urbanisme,
M. Laurent Stefanini-Parry, Ambassadeur de France à Monaco,
S.E. M. Cristiano Gallo, Ambassadeur d'Italie à Monaco,
M. Georges Marsan, Maire de Monaco, représenté par M. André J. Campana, Adjoint au Maire,
M. Michel-Yves Mourou, Conseiller Privé de S.A.S. le Prince,
M. Didier Linotte, Président du Tribunal Suprême,
M. Jean-François Landwerlin, Vice-Président du Conseil d'État,
Msg l'Abbé Guillaume Paris, Vicaire Général,
M. Alain Sangiorgio, Secrétaire Général honoraire de la Direction des Services Judiciaires, Membre du Conseil de la Couronne,
M. André Garino, Membre du Conseil de la Couronne,
M. Claude Cellario, Membre du Conseil de la Couronne,
M. Guy Magnan, Président de la C.C.I.N., Membre du Conseil de la Couronne,
Mme Caroline Rougaignon-Vernin, Président du Conseil Économique et Social,
M. Philippe Orengo, Conseiller d'État, Membre titulaire du Haut Conseil de la Magistrature,
M. Didier Ribes, Vice-Président du Tribunal Suprême,
Mme Béatrice Bardy, Greffier en Chef honoraire, Membre suppléant du Haut Conseil de la Magistrature,
M. Yves Strickler, Membre Titulaire du Haut Conseil de la Magistrature,
M. Étienne Franzi, Président de l'Association Monégasque des Activités Financières,
M. Jean-François Cullieyrier, Vice-Président de la Commission de Contrôle des Activités Financières,
Mme Muriel Natali-Laure, Contrôleur Général des Dépenses,
Mme Anne Eastwood, Haut-Commissaire à la protection des Droits, des Libertés et à la Médiation,
M. Alain François, Conseiller d'État,
M. Antoine Dinkel, Conseiller d'État, Directeur des Services Fiscaux,
M. Arnaud Hamon, Conseiller d'État, Directeur des Affaires Juridiques,
M. Jean-Marc Rainaud, Conseiller d'État,
M. Christophe Prat, Directeur Général du Département de l'Intérieur,
Mme Valérie Viora-Puyo, Directeur Général du Département des Affaires Sociales et de la Santé,
M. Frédéric Genta, Délégué Interministériel chargé de la Transition Numérique,
M. le Commandant Gilles Convertini, Chef de Corps des Carabiniers de S.A.S. le Prince, Directeur du Protocole et des Services d'Honneur des Carabiniers du Prince,
M. le Lieutenant-colonel Norbert Fassiaux, Chef de Corps de la Compagnie des Sapeurs-Pompiers,
M. Stéphan Bruno, Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique,
Mme Geneviève Berti, Directeur de la Communication,
M. Dominique Riban, Directeur de l'Agence Monégasque de Sécurité Numérique,
M. Richard Marangoni, Commissaire divisionnaire, Directeur de la Sûreté Publique,
Mme Isabelle Bonnal, Directeur de l'Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports,
M. Rémy Rolland, Administrateur des Domaines,
Mme Sophie Vatrican, Directeur du Budget et du Trésor,
Mme Pascale Pallanca, Directeur du Travail,
M. Raphaël Simian, Adjoint au Chef de service des affaires contentieuses,
M. Patrick Sommer, Secrétaire Général de la Direction des Services Judiciaires,
Mme Martine Provence, Secrétaire Général honoraire de la Direction des Services Judiciaires,
M. Thomas Fouilleron, Directeur des Archives et de la Bibliothèque du Palais,
M. Michel Hunault, Directeur du S.I.C.C.F.I.N.,
M. Christophe Pierre, Directeur du Développement des Usages Numériques,
M. Rémy Le Juste, Commissaire Principal, Chef de la Division de Police Administrative,
M. Régis Bastide, Commissaire Principal, Chef de la Division de l'Administration et de la Formation,
M. Stéphane Giorgetti, Commandant Principal, Chef de Division par intérim de la Police Judiciaire,
Mme Isabelle Castelli, Commandant Principal, Chef de Division par intérim de la Police Maritime et Aéroportuaire,
M. Jean-Yves Gambarini, Directeur de la Maison d'Arrêt,
M. Olivier Richaud, Directeur-adjoint de la Maison d'Arrêt,
Mme Benoîte de Sevelinges, Directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace,
M. Jean-Laurent Ravera, Adjoint au Directeur des Affaires Juridiques,
Mme Aline Brousse, Magistrat détaché auprès de S.E. M. le Ministre d'État,
M. Karim Tabchiche, Président du Tribunal du Travail,
Mme Magali Ginepro, Secrétaire Général du Parquet Général,
M. Michel Gramaglia, Vice-Président du Tribunal du Travail,
M. Stéphane Garino, Président de l'Ordre des Experts-Comptables,
Me Magali Crovetto-Aquilina, Notaire,
Me Thierry Troin, Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Nice,
Me Roland Rodriguez, Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Grasse,
Mme Muriel Deya, Chef du Bureau des Douanes,
Mme Claire Notari, Huissier de justice,
Mme Patricia Grimaud-Palmero, Huissier de justice,
Mme Corinne Querci, Assistante Sociale à la Direction des Services Judiciaires,
Mme Sandrine Ferrer Jaussein, Secrétaire en Chef du Tribunal du Travail,
M. Christian Boisson, Administrateur judiciaire et syndic,
M. Jean-Paul Samba, Administrateur judiciaire et syndic,
Mme Bettina Ragazzoni, Administrateur judiciaire et syndic,
M. Jean Billon, Administrateur,
M. Jérôme Morel, Administrateur,
M. Jacques Orecchia, Administrateur judiciaire,
Mme Brigitte Lusignani Aliprendi, Administrateur judiciaire,
M. Michel Monfort-Peglion, Administrateur judiciaire,
M. Paul Rouanet, Administrateur judiciaire,
Mme Déborah Lorenzi-Martarello, Administrateur judiciaire,
M. Christian Vallar,
Mme Laurence Even, Secrétaire de l'Ordre des Avocats de la Principauté de Monaco,
Mme Séverine Petit,
M. Jean-Marie Fiorucci,
M. Frédéric Cauderlier, Conseiller Spécial en communication auprès du Ministre d'État,
M. Georges Gambarini, Chef de Section à la Direction du Développement des Usages Numériques,
M. Marc Senechal,
Mme Valérie Campora,
M. Jean-Pierre Artieri,
Mme Addeline Le Mesle,
Mme Martine Le Roy.

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