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Année Judiciaire 2007-2008 - Rentrée des Cours et Tribunaux Audience Solennelle du lundi 1er octobre 2007

  • N° journal 7832
  • Date de publication 02/11/2007
  • Qualité 97.52%
  • N° de page 2086
Le lundi 1er octobre a été marqué par la traditionnelle audience de rentrée des Cours et Tribunaux.

Cette audience a été précédée par la Messe du Saint-Esprit qui a été concélébrée avec l'ensemble du clergé diocésain par Monseigneur Bernard BARSI, Archevêque de Monaco. Son Excellence M. Jean-Paul PROUST, Ministre d'Etat, représentait Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain.

A l'issue de la Messe du Saint-Esprit, Son Altesse Sérénissime le Prince, escorté du Colonel Luc FRINGANT, Chambellan, étaient accueillis au Palais de Justice par M. Philippe NARMINO, Directeur des Services Judiciaires, Président du Conseil d'Etat.

S.A.S. le Prince Souverain était conduit par le Directeur des Services Judiciaires dans la Chambre du Conseil de la Cour d'Appel où l'ensemble des magistrats en exercice Lui ont été présentés.

S.A.S. le Prince Souverain était ensuite conduit par le Directeur des Services Judiciaires à la salle d'audience de la Cour d'Appel où Il prenait place.

L'audience solennelle débutait sous la présidence de Mme Monique FRANCOIS, Premier Président de la Cour d'Appel qui avait à ses côtés M. René VIALATTE, Premier Président honoraire, M. Dominique ADAM, Vice-Président, Mme Catherine MABRUT, M. Gérard FORET-DODELIN et M. Thierry PERRIQUET, Conseillers.

M. Jean APOLLIS, Premier Président de la Cour de Révision était accompagné de M. Roger BEAUVOIS, Vice-Président, Jean-Pierre DUMAS, José CHEVREAU, François-Xavier LUCAS et Charles BADI, Conseillers.

Mme Brigitte GAMBARINI, Président du Tribunal de Première Instance, conduisait les magistrats de sa juridiction :

Mme Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président,

M. Marcel TASTEVIN, Vice-Président,

M. Gérard LAUNOY, Premier Juge,

M. Bruno NEDELEC, Juge d'instruction,

M. Pierre BARON, Juge d'instruction,

Mme Stéphanie VIKSTRÖM, Juge,

M. Jérôme FOUGERAS-LAVERGNOLLE, Juge tutélaire,

M. Emmanuel ROBIN, Juge,

Mlle Magali GHENASSIA, Juge,

M. Florestan BELLINZONA, Juge,

M. Thierry CABALE, Juge,

Mme Edwige SOILEUX, Juge,

M. Sébastien BIANCHERI, Juge.

Mme Martine CASTOLDI, Premier Juge chargée de la Justice de Paix, était également présente.

Mme Annie BRUNET-FUSTER, Procureur Général, représentait le Ministère Public avec à ses côtés, M. Gérard DUBES, Premier Substitut, Mme Claire DOLLMANN et M. Jérôme HARS, Substituts.

Le plumitif d'audience était tenu par Mme Béatrice BARDY, Greffier en Chef, assistée de Mmes Laura SPARACIA et Liliane ZANCHI, Greffiers en Chef adjoints, entourées des greffiers en exercice.

Me Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET occupait le banc des huissiers.

Me Joëlle PASTOR-BENSA, Bâtonnier, était accompagnée des membres du barreau.

Etait également présent dans l'assistante M. Vincent LAMANDA, Premier Président de la Cour de Cassation de France.

Assistaient également à cette audience des représentants des notaires, des experts-comptables, des administrateurs judiciaires et syndics.


*
* *

Après avoir déclaré ouverte l'audience solennelle, Mme le Premier Président de la Cour d'Appel s'exprimait en ces termes :

" Monseigneur,
Monsieur le Ministre d'Etat,
Monsieur le Directeur des Services Judiciaires,
Excellences, Mesdames, Messieurs,
Chers Collègues,

Comme chaque année, à pareille époque, les magistrats de la Cour d'appel, du Tribunal de première instance et de la Justice de paix sont assemblés afin de répondre aux prescriptions de la loi du 15 juillet 1965, à l'occasion de l'ouverture d'une nouvelle année judiciaire.

Se sont joints à eux, Monsieur Hubert CHARLES Président du Tribunal Suprême, et Monsieur José SAVOYE, membre de cette haute institution, auxquels Nous renouvelons nos très chaleureuses félicitations pour leur nomination, ainsi que les membres de la Cour de révision qui ouvriront leur session demain.

Conscients de leurs devoirs et de la difficulté de leur tâche dans l'exercice du pouvoir judiciaire qu'ils tiennent du Souverain, tous ces magistrats comme aussi l'ensemble de la famille judiciaire sont particulièrement sensibles à l'honneur que vous leur faites, Monseigneur, d'être aujourd'hui à leur côté.

C'est avec l'émotion que Nous partageons tous, que je vous exprime, Monseigneur, la respectueuse gratitude que Nous inspire votre venue solennelle en ce lieu.

La présence de Votre Altesse Sérénissime est ressentie par chacun d'entre Nous, comme un puissant encouragement pour la poursuite de nos tâches respectives au service de la loi.

Elle est aussi ressentie comme un éclatant témoignage de la confiance que Votre Altesse accorde indistinctement à tous ses magistrats, qui, attachés aux valeurs de la Principauté, accomplissent avec droiture, indépendance et impartialité la mission que Votre Altesse leur a confiée.

Et comme en écho à la présence dans nos juridictions de magistrats français, présence voulue par les traités, qui est d'ailleurs source d'enrichissement réciproque,

Nous accueillons avec plaisir à cette audience, M. Vincent LAMANDA, Premier Président de la Cour de cassation. Nous adressons un message d'amitié à M. Jean-Louis NADAL, Procureur général de la Cour de cassation qui, à notre grand regret, n'a pu se libérer pour venir parmi Nous.

Monsieur le Premier Président, Nous sommes touchés par votre présence et Nous y voyons la marque des rapports d'amitié qui unissent deux pays géographiquement voisins et culturellement parents.

Tous les magistrats ici présents ont été abreuvés et formés aux mêmes sources, et la jurisprudence de votre cour, M. le Premier Président, continue d'alimenter nos réflexions. Elle est un enseignement précieux et éclairant pour Nous tous, jeunes et moins jeunes magistrats.

Les juridictions monégasques comptent, et c'est heureux, de plus en plus de jeunes nationaux attirés par la noblesse de notre métier.

Et c'est un de ces jeunes et talentueux juge, Mademoiselle Magali GHENASSIA, qui va prononcer cette année le discours d'usage intitulé " le jeune magistrat ".

Mademoiselle, vous avez la parole ".

Mlle Magali GHENASSIA prononçait alors le discours suivant :

" Qu'il me soit d'abord permis, Monseigneur, d'exprimer solennellement l'honneur que je ressens de prendre la parole devant Son Altesse Sérénissime et les plus hautes autorités de l'Etat ainsi que de la magistrature française et monégasque, pour prononcer le discours d'usage en ce début d'année judiciaire.

Le choix du thème du jeune magistrat, vous l'aurez compris, s'est imposé presque comme une évidence tout d'abord, puisque je suis âgée de 29 ans et exerce les fonctions de magistrat depuis près de 4 années, mais surtout parce qu'il s'agit d'un sujet d'actualité.

En effet, la question de la jeunesse des magistrats a connu une résonance médiatique particulière à la suite de l'affaire d'Outreau et a dernièrement été l'objet de vives discussions, de telle sorte qu'il m'est apparu intéressant d'évoquer les débats et les réformes effectuées dans le pays voisin à cet égard.

Préalablement, j'exposerai le parcours du jeune magistrat monégasque et expliquerai la réalité de l'institution du juge suppléant, ainsi que son histoire en Principauté et en France, puis j'aborderai les conditions de recrutement et de formation des magistrats dans les pays européens voisins.

I) Le jeune magistrat monégasque

Le futur magistrat monégasque est sélectionné sur titres, après avoir obtenu un diplôme d'études juridiques, sanctionnant en réalité au moins quatre années d'études après le baccalauréat. L'appellation de ce diplôme a évolué au fil du temps : licence, maîtrise, ou aujourd'hui master en droit, mais certains collègues sont même titulaires d'un DEA ou ont encore soutenu une thèse.

A cet égard, la loi monégasque n° 783 du 15 juillet 1965, portant organisation judiciaire, qui pose pour la première fois en Principauté, les conditions pour être nommé magistrat, se réfère à celles " jugées équivalentes à celles exigées pour l'exercice de la profession d'avocat ".

Le futur magistrat monégasque doit actuellement effectuer, aux côtés des ses homologues français, sa formation théorique au sein de l'Ecole Nationale de la Magistrature à Bordeaux pendant huit mois, puis sa formation pratique au sein d'une juridiction française pendant une année. Il s'exerce ainsi aux six fonctions juridictionnelles : Tribunal de grande instance (dont l'équivalent pourrait être le Tribunal de première instance, malgré les multiples spécificités monégasques à cet égard), Tribunal d'instance (correspondant aux fonctions de juge d'instance, dont l'équivalent à Monaco est le Juge de Paix sous plusieurs réserves, en particulier la présidence du bureau de jugement du Tribunal du travail), Parquet, Juge d'application des peines, Juge d'instruction, Juge des enfants (l'équivalent en Principauté étant le Juge tutélaire, bien que celui-ci assume de nombreuses tâches supplémentaires).

Je note cependant, que si Mme Ariane PICCO-MARGOSSIAN a suivi sa formation initiale théorique à Bordeaux, M. Philippe NARMINO, Mmes Brigitte GRINDAGAMBARINI, Muriel DORATO-CHICOURAS et Isabelle BERRO-LEFEVRE l'ont effectuée à Paris, à une époque où l'Ecole Nationale de la Magistrature différenciait la formation des futurs magistrats français et étrangers, l'une se déroulant à Bordeaux et l'autre à Paris.

A la suite de la réunification de la formation en Gironde, Mmes Sabine-Anne MINAZOLLI et Stéphanie MOUROU-VIKSTRÖM, MM. Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Florestan BELLINZONA, Sébastien BIANCHERI et moi mêmes avons été " auditeurs de justice " à Bordeaux, tout comme les futurs magistrats français.

Les lieux de stage de l'ensemble de ces magistrats ont été très variés : Paris mais aussi Aix-en-Provence, Nîmes, Carcassonne, Marseille, Nice, Grasse ou encore Avignon. Le succès incontestable des juridictions du sud de la France confirme, s'il en était encore besoin, la nécessité pour les monégasques de ne pas trop s'éloigner des conditions climatiques de notre très chère Principauté, bien qu'il ne faille pas oublier, à cet égard, l'attrait évident pour les contentieux méridionaux.

La loi monégasque n° 783 du 15 juillet 1965 impose que les membres des diverses juridictions soient âgés de 25 ans accomplis, lors de leur nomination par ordonnance souveraine, sur proposition du Directeur des Services Judiciaires.

Ainsi, depuis les années 70, à la suite de leur stage juridictionnel en France ou après leur 25ème anniversaire, les magistrats monégasques ont été nommés juge suppléant au Tribunal de première instance.

Ils étaient alors âgés de 25, 26, 28 ou 31 ans, ce qui permet de considérer que la jeunesse a été privilégiée dans le recrutement de ces magistrats, et ce en adéquation avec la loi d'organisation judiciaire précitée.

Je signalerai que M. Robert BELLANDO DE CASTRO, qui a terminé sa carrière en tant que Vice-Président de la Cour d'appel, a été nommé juge suppléant en 1945, alors qu'il était âgé de 23 ans, aucune condition minimum d'âge n'étant prévue à cette époque.

Par ailleurs, les plus hautes fonctions sont actuellement occupées par M. Philippe NARMINO, Directeur des Services Judiciaires, Mme Monique FRANCOIS, Premier Président de la Cour d'appel et Mme Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Président du Tribunal de première instance, lesquels ont exercé très jeunes leurs premières fonctions, soit à 25 et 28 ans.

Je précise également que MONTAIGNE avait 21 ans lorsqu'il a été nommé conseiller à la Cour des Aides de Périgueux, MONTESQUIEU 24 ans lorsqu'il est devenu conseiller auprès du Parlement de Bordeaux, et TOCQUEVILLE 22 ans lorsqu'il a été nommé juge auditeur à Versailles.

Bien que ces dernières considérations s'inscrivent dans une autre époque ou une autre organisation judiciaire et que ces personnalités n'aient pas réalisé une carrière complète de magistrat, je citerai la très juste réplique du Cid de Corneille " aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années ".

Au cours des dernières décennies, la période de suppléance, bien que parfois décrite comme un peu frustrante, a été un nécessaire passage pour l'adaptation du jeune magistrat monégasque. En effet, celui-ci a effectué l'intégralité de son cursus à l'étranger et doit être formé au fonctionnement des institutions judiciaires et aux spécificités juridiques de son pays.

Cette suppléance a ainsi été d'une durée variable : soit d'un an, soit de plus au moins 2 ans, ou encore de 4 et 6 ans.

C'est à la suite de leur nomination comme juge suppléant que les magistrats monégasques actuellement en poste ont prêté le serment suivant prévu par la loi du 15 juillet 1965 : " Je jure fidélité au Prince et obéissance aux lois de la Principauté. Je jure aussi de bien et loyalement remplir mes fonctions, d'observer les devoirs qu'elles m'imposent, de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne magistrat ".

Et si le juge suppléant n'est pas inamovible, puisqu'il est un magistrat et non un juge au sens de l'article 3 de la loi de 1965, il est néanmoins soumis aux mêmes obligations que ses collègues.

En vertu de l'article 5 de cette même loi, les fonctions de magistrat et donc de juge suppléant " ne sont pas compatibles avec l'exercice de toute autre fonction publique ou d'une activité privée lucrative, exception faite de la production ou de l'exécution des oeuvres scientifiques, littéraires ou artistiques, ainsi que des activités pédagogiques ".

Le juge suppléant est un membre à part entière du Tribunal de première instance. Il participe, en tant qu'assesseur, aux audiences correctionnelles et même criminelles.

Il rapporte les affaires civiles, commerciales et administratives, qui lui sont confiées par le Président.

Pendant sa suppléance, le magistrat monégasque a très souvent été Juge chargé des accidents du travail. J'ai moi-même eu un grand plaisir à assumer cette fonction éminemment humaine fondée sur la recherche de la conciliation entre les victimes d'accidents du travail et les assureurs.

Conformément à l'article 22 de la loi de 1965, le juge suppléant peut être amené à compléter la Cour, lorsqu'elle ne peut pas se constituer avec ses propres membres.

Il peut également être suppléant du juge de paix en vertu de l'article 13. Enfin, l'article 29 prévoit que le Procureur Général peut être suppléé et, en cas de nécessité, assisté par un juge suppléant, désigné pour une période déterminée par décision du Premier Président.

C'est ainsi que dans un souci de formation, de découverte de la diversité des fonctions juridictionnelles, ou encore afin d'assurer la continuité du service public de la justice, les juges suppléants monégasques ont pu assister le Procureur Général, suppléer le juge de paix, ou encore compléter la Cour d'appel.

Bien que le projet de loi portant statut de la magistrature déposé au Conseil National fera, a priori, bientôt disparaître le juge suppléant au profit du magistrat référendaire, il est instructif d'évoquer, dans ses dernières heures, son histoire à travers les différents textes qui ont jalonné l'évolution de l'organisation judiciaire de la Principauté.

II) Histoire du juge suppléant en Principauté

a) Lorsque la Principauté comprenait encore les communes de Roquebrune et de Menton, l'ordonnance du 22 mars 1815 d'Honoré Grimaldi, qui constitue le premier texte de l'organisation judiciaire moderne, prévoit que le Tribunal Supérieur à Monaco, est composé d'un Président, de deux juges, de deux " suppléants ", d'un Avocat Général, d'un substitut ainsi que d'un greffier, et que le Tribunal de première instance à Menton est composé d'un Président, de deux juges, de deux "suppléants", d'un substitut de l'Avocat Général et d'un greffier.

Les " suppléants " apposent et lèvent les scellés, reçoivent les conseils de famille, et remplacent un juge, si ce dernier est empêché par maladie, absence ou autre cause, s'il se déporte ou s'il est récusé. De même, si l'Avocat Général ne peut siéger, il sera remplacé par l'un des substituts et à leur défaut par l'un des " suppléants ".

Le Tribunal Supérieur, qui statue en matière de " crime emportant peine afflictive ou infamante ", est composé d'un président, de deux juges, de deux " suppléants " ainsi que de trois habitants notables de la Principauté tirés au sort. On pourrait y voir une inspiration à la participation de nos jours, de trois jurés au Tribunal criminel.

Autre disposition particulière qui peut sembler étrange au regard de la conception actuelle de la justice : les fonctions de " suppléants " ont les mêmes incompatibilités que celles des juges, sauf les fonctions de notaire ou de défenseur qu'ils peuvent cumuler.

b) L'ordonnance du 18 janvier 1828 d'Honoré V prévoit que l'organisation de la justice se compose de trois degrés de juridiction : les consuls, le Tribunal Supérieur et la Révision.

Les effectifs du Tribunal Supérieur sont alors augmentés mais le nombre de deux " suppléants " demeure.

Le Tribunal Supérieur jugeant " au grand criminel " comprend les cinq juges, les deux " suppléants " et un consul. Les trois habitants notables de la Principauté disparaissent...

Les délibérations et assemblées de famille ne relèvent plus de la compétence des " suppléants ". Il est, par ailleurs, précisé que les juges, qui auraient concouru au jugement de première instance, s'abstiendront et devront être remplacés par des suppléants.

c) L'ordonnance du 1er décembre 1856 de Charles III, qui supprime les attributions dévolues aux consuls, mentionne pour la première fois, l'appellation de juge suppléant, lequel en cas d'absence ou d'empêchement, est remplacé pour l'apposition des scellés par l'Adjoint Juge de Paix.

d) Alors que les négociations sont en cours et aboutiront, en 1861, à la cession à la France des droits sur Menton et Roquebrune, le Prince régnant Charles III réorganise l'administration de la Principauté réduite à la seule commune de Monaco.

Ainsi, l'ordonnance du 10 juin 1859 prévoit que la justice, qui émane du Prince, est rendue souverainement en son nom par le Tribunal Supérieur, le Juge de Paix conservant une compétence dans les matières dont la connaissance lui est attribuée.

Le juge suppléant a encore principalement vocation à remplacer un juge si ce dernier est absent, empêché, se déporte ou est récusé, notamment en matière criminelle, dès lors qu'il disparaît, en tant que tel, de la composition de jugement.

Les juges suppléants continuent à pouvoir cumuler les fonctions d'avocat, défenseur ou notaire.

Pour la première fois, il est prévu qu'avant leur entrée en fonction, le Président et juges du Tribunal Supérieur ainsi que les juges suppléants devront prêter serment " de fidélité au Prince, d'observer et de faire observer les lois de la Principauté

La notion de discipline fait également son apparition, le Tribunal Supérieur ayant " le droit de censure et de discipline " sur les tous les juges et juges suppléants du Tribunal Supérieur ainsi que sur le Juge de Paix. La sanction, la plus grave, de suspension provisoire doit cependant être approuvée par le Prince.

e) A partir de l'ordonnance souveraine du 18 mai 1909 donnée à Paris par Albert 1er, la justice est rendue au nom du Prince par un Juge de Paix, un Tribunal de première instance, une Cour d'appel et un Tribunal criminel.

L'appellation de Tribunal Supérieur laisse la place à celle de Tribunal de première instance, lequel est composé de cinq membres : un Président, un vice-président et trois juges titulaires, ou deux juges titulaires et un juge suppléant.

Les fonctions de juge suppléant ont désormais les mêmes incompatibilités que celles des juges.

La formule moderne suivante " lorsque par suite d'absence, d'empêchement ou autres causes, le tribunal ne peut se constituer avec les juges titulaires et le juge suppléant " est introduite par l'article 13 de cette ordonnance.

L'article 5 indique expressément que les juges suppléants sont toujours amovibles.

Le juge suppléant peut être suppléant du Juge de Paix. Il peut également compléter la Cour mais il n'est plus amené à remplacer les substituts du Procureur Général.

Ce bref rappel historique, qui explique le statut actuel du juge suppléant, ne permet pas cependant de déterminer précisément l'époque à laquelle cette institution est devenue le moyen de former les jeunes magistrats en Principauté.

Et si l'on peut aujourd'hui penser que le juge suppléant est une spécificité monégasque, il a en réalité existé dans le pays voisin pendant près de deux siècles.

III) Histoire du juge suppléant en France

En effet, en France, le système des juges suppléants, qui remonte au premier Empire, est modernisé par la loi du 30 août 1883 qui en fait un apprentissage. Le juge suppléant débute en justice de paix, puis se forme à toutes les fonctions du siège et du parquet. Jusqu'à sa nomination à un poste fixe, il n'est pas rémunéré, bien qu'en 1910, un petit traitement lui soit octroyé.

Si la loi du 20 avril 1810 posait pour seules exigences, pour devenir magistrat, d'être licencié en droit et d'avoir été avocat stagiaire pendant deux ans, l'idée d'un examen d'entrée est cependant évoquée pour la première fois par un Professeur de la Faculté de droit de Poitiers, FOUCART, dans un article paru en 1835.

Le principe d'un concours d'accès à la magistrature est envisagé dès le début de la IIIème République. Il devient effectif en 1876 grâce au Ministre de la Justice DUFAURE mais cessera à partir de 1879. En 1895, un nouvel essai infructueux est tenté par le Ministre TRARIEUX.

Le décret " Sarrien " signé le 18 août 1906 institue un concours d'entrée et limite le pouvoir du Garde des Sceaux, bien que ce dernier puisse nommer comme juge suppléant, lorsque le nombre de reçus est insuffisant, toute personne remplissant les conditions exigées par la loi du 20 avril 1810. Les candidats reçus sont classés par ordre de mérite et celui qui obtient le premier rang est directement nommé à un poste de juge ou de substitut sans avoir à être juge suppléant. Préalablement à l'inscription au concours, il est exigé un stage au parquet ou chez un avoué, en plus d'un stage au barreau.

Le décret du 18 février 1908 supprime le concours au profit d'un examen professionnel qui ne comporte que des épreuves de pratique judiciaire. Les candidats admis sont classés par ordre alphabétique. L'examen obtenu, la formation va être complété par la période de suppléance. Dans un souci de contrôle de l'entrée dans la magistrature, sont introduites, en 1941, une épreuve de culture générale et, en 1951, une deuxième épreuve juridique.

Le juge suppléant disparaît avec l'ordonnance du 22 décembre 1958, qui crée le Centre national d'études judiciaires, lequel devient en 1970 l'Ecole Nationale de la Magistrature.

A cet égard, Anne BOIGEOL explique, dans son rapport intitulé " Histoire d'une revendication : l'Ecole de la magistrature 1945-1958 ", que l'idée d'école est née après la seconde guerre mondiale, dans un contexte de revendications relatives " au statut des magistrats, à leurs traitements et à leurs carrières... qui traduisent un malaise profond au sein de la profession ".

En effet, la magistrature, qui est traditionnellement issue de la classe bourgeoise et riche de la société, perçoit une rémunération dérisoire pour l'exercice de ses fonctions. Son recrutement va cependant se diversifier, tout au long de la IIIème République, pour s'étendre à des milieux sociaux moins bien dotés financièrement. Or, au lendemain de la guerre, " un ensemble de réformes transforment le corps social, laissant la magistrature sur la touche ", notamment par rapport à d'autres corps de l'Etat de niveau analogue.

C'est en raison de cette situation de dévalorisation, que " la promotion d'un nouveau type de formation, producteur de capital, et donc plus particulièrement l'idée d'école de la magistrature, nécessite que soient vivement critiquées les modalités traditionnelles de formation ". Ainsi, les reproches relatifs à la suppléance portent essentiellement sur la situation matérielle des juges suppléants, qui bénéficient d'un traitement peu important pendant une période " estimée démesurément longue ".

Selon Anne BOIGEOL, l'idée d'une école ne s'est pas imposée facilement. D'une part, elle " bouleverse le système de transmission du savoir initial (...), qui se caractérisait par un apprentissage essentiellement pratique " et d'autre part, elle " aura été l'enjeu de luttes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la magistrature ", la définition des critères, qui fondent la compétence des magistrats, étant " loin de ne constituer qu'un simple problème technique qui emporterait l'adhésion du fait de sa rationalité ".

L'école française de la magistrature voit cependant le jour en 1958, la suppléance laisse alors la place à la formation au sein des juridictions et de cette institution, à laquelle on accède principalement par la voie du concours.

IV) Recrutement et formation actuels des magistrats français

A l'heure actuelle, le recrutement des magistrats français se fait toujours par concours mais également sur titres.

a) Le recrutement par concours, incluant notamment des critères d'âge maximum, constitue la voie majoritaire d'accès à la magistrature en France.

Le premier concours dit " concours étudiant " est ouvert aux personnes titulaires d'un diplôme national ou équivalent, sanctionnant une formation au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat, ou d'un diplôme délivré par un institut d'études politiques, ou encore aux anciens élèves d'une école normale supérieure. Il est réservé aux candidats âgés de 27 ans au plus au 1er janvier de l'année du concours.

Le deuxième concours est ouvert aux fonctionnaires ou agents de l'Etat, d'une collectivité territoriale, d'un de leurs établissements publics ou de la fonction publique hospitalière, justifiant de quatre années de services publics, et qui sont âges au plus de 46 ans et 5 mois au 1er janvier de l'année du concours.

Le troisième concours, enfin, est réservé aux personnes justifiant de huit années d'une ou plusieurs activités professionnelles dans le domaine privé, d'un ou de plusieurs mandats de membre d'une assemblée élue d'une collectivité territoriale, ou de fonctions juridictionnelles à titre non professionnel. Les candidats doivent être âgés de 40 ans au plus au 1er janvier de l'année du concours.

Les statistiques qui m'ont été communiquées par l'Ecole Nationale de la Magistrature démontrent que depuis 1994 :

- l'âge moyen des promotions de magistrats en formation, appelés " auditeurs de justice ", a varié entre 23 et 26 ans et demi,

- les étudiants recrutés sur la base du premier concours représentent de 68 à 92 % des promotions,

- les plus jeunes auditeurs de justice sont âgés de 20 à 23 ans, suivant les promotions.

La jeunesse des futurs juges et parquetiers français n'est donc pas un mythe. Pour autant, la magistrature française s'avère d'une grande qualité, notamment en
raison de l'excellente formation dispensée par des collègues expérimentés, aussi bien au sein de l'Ecole Nationale de la Magistrature qu'en juridiction.

En effet, les auditeurs de justice français, recrutés sur la base des trois concours, effectuent, d'abord, un stage de découverte des juridictions et un stage extérieur, puis leur scolarité théorique à Bordeaux pendant huit mois, et enfin leur stage juridictionnel d'une année ainsi qu'un stage avocat.

Après avoir passé leur concours de sortie et choisi leur premier poste, ils réalisent un perfectionnement fonctionnel à Bordeaux, puis leur stage de pré-affectation en juridiction dans les fonctions qu'ils seront amenés à occuper.

A cet apprentissage approfondi du métier de magistrat, s'ajoute la découverte des vignobles bordelais et de communes charmantes, comme Saint-Emilion, mais bien évidemment " avec modération ".

Plus sérieusement, la formation de ces auditeurs de justice est actuellement de 31 mois mais se distingue de celle suivie par les magistrats recrutés sur titres.

b) S'il reste accessoire, le recrutement sur titres, qui a vocation à privilégier l'expérience professionnelle, tend aujourd'hui à se développer. Il peut s'agir :

- d'une part, du recrutement direct en qualité d'auditeurs de justice, qui concerne les personnes, âgées de 27 à 40 ans, justifiant de quatre années d'activité dans le domaine juridique, économique ou social, les qualifiant pour l'exercice des fonctions judiciaires, ainsi que les docteurs en droit et les allocataires d'enseignement et de recherche en droit sous certaines conditions.

A la seule différence des futurs magistrats recrutés par concours, ces auditeurs de justice n'effectuent pas le stage découverte et extérieur précédemment évoqués.

Certains d'entre eux, qui ont débuté leur scolarité à l'Ecole Nationale de la Magistrature à Bordeaux, au même moment que les auditeurs de justice de nationalité monégasque, ont entretenu des liens particuliers avec quelques uns d'entre Nous et ont souvent été d'un grand soutien lors de notre arrivée au sein de la promotion.

- d'autre part, de l'intégration directe dans le corps judiciaire, qui concerne notamment, les personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée égale à quatre années d'études après le baccalauréat, et justifiant de l'exercice d'une profession les qualifiant particulièrement pour les fonctions judiciaires (pour l'accès au second grade : 7 années d'expérience, pour le premier groupe, premier grade : 17 années, pour le second groupe, premier grade : 19 années).

Jusqu'à la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007, ces magistrats pouvaient être soumis à l'accomplissement d'un stage probatoire ou d'une période de formation préalable à leur installation. Désormais, ce texte impose, pour l'intégration au second grade et au premier groupe du premier grade, une formation probatoire comportant un stage en juridiction, sauf cas exceptionnel.

L'évocation de ces modes de recrutement permet de se rendre compte qu'en France, tout comme en Principauté, le jeune magistrat est le plus souvent celui qui exerce ses premières fonctions à un jeune âge. Mais il est uniquement, dans d'autres pays européens, celui qui débute sa carrière après plusieurs années d'expérience professionnelle.

V) Recrutement et formation des magistrats en Europe

En effet, dans les pays anglo-saxons et nordiques, la nomination des juges constitue l'aboutissement d'un parcours de formation effectué sur le terrain. Les magistrats ne sont donc pas de jeunes étudiants, fraîchement sortis des universités, mais des praticiens du droit ayant déjà une certaine expérience.

En Angleterre, les juges professionnels sont nommés parmi les " solicitors " et les " barristers ", qui apparaissent les mieux qualifiés, et qui peuvent justifier d'un certain nombre d'années d'exercice de la profession.

En Irlande, les juges sont choisis au sein des professions juridiques en fonction d'une ancienneté de 10 à 12 ans.

Dans les pays scandinaves, les candidats sont retenus en fonction de leur préalable " extensive practice in the court " et de leurs qualifications professionnelles.

Il leur est normalement demandé d'accomplir une " période d'affectation temporaire à l'essai " auprès d'une juridiction.

En Finlande, une première sélection relève des Présidents des Tribunaux de première instance, alors qu'une deuxième sélection est mise en place par la séance plénière de la Cour d'appel.

En Norvège, un conseil pour la nomination des juges, composé de représentants de l'association des juges, de celle des avocats et du Ministère de la justice, doit donner un avis non contraignant sur les qualifications professionnelles des candidats, qui justifient d'une expérience d'au moins 10 années. Il en est de même en Suède.

D'autres systèmes restent similaires à celui de la France puisqu'ils prévoient une procédure de concours pour les diplômés en droit, sous réserve ou non de conditions d'âge, afin d'accéder à une Ecole nationale, laquelle assure une formation théorique et pratique aux futurs magistrats, pendant 18 mois en Grèce, 24 mois en Espagne et 32 mois au Portugal.

L'exemple de la Grèce doit être rapproché de la pratique monégasque, dès lors qu'une période d'essai de deux ans est prévue pour les nouveaux juges de paix et les juges suppléants salariés, qui ne jouissent pas de l'inamovibilité. A la fin de cette période, en cas d'évaluation positive par un conseil judiciaire, le juge de paix stagiaire ou juge suppléant salarié est nommé juge à vie et en cas d'évaluation négative, il devra prolonger sa période d'essai pour un an.

L'Espagne laisse, quant à elle, une part importante à l'expérience professionnelle, puisqu'il existe un " troisième tour " correspondant aux tiers des places annoncées, lequel permet à des juristes justifiant d'une activité de six ans au moins dans une profession juridique, d'accéder au poste de " juge ". Un " quatrième tour " concerne même l'accès à la catégorie hiérarchiquement supérieure de " magistrat ", puisqu'un quart des places de " magistrats " est réservé à des professionnels du droit qui ont au moins dix années d'expérience. Ils doivent, cependant, réussir un concours avant d'effectuer un stage de formation de deux années auprès de l'Ecole judiciaire.

Certains Etats européens ne disposent pas d'une école spécifique, mais diversifient le recrutement de leurs magistrats.

Ainsi, en Italie, la préparation professionnelle des magistrats, d'une durée de 18 mois, est actuellement confiée au Conseil Supérieur de la Magistrature. Les étudiants ne sont admis à s'inscrire au concours pour l'accès à la magistrature, qu'après avoir obtenu une maîtrise en droit puis le diplôme d'une des écoles dites "de spécialisation".

Conformément à la loi du 13 février 2001, des concours spéciaux sont réservés aux avocats âgés de moins de 45 ans, ayant exercé, pendant cinq ans au moins, une activité en tant qu'avocat ou juge honoraire. Mais les postes offerts ne pourront excéder 10 % du nombre total des effectifs de la magistrature. La formation prévue est alors d'une année.

En Belgique, le concours d'admission, qui concerne les licenciés en droit ayant accompli une année au moins de stage d'avocat, donne accès à un stage judiciaire d'une durée de trois années, lequel peut être raccourci à 18 mois pour les futurs magistrats du parquet. Le stagiaire n'a pas la qualité de magistrat mais à la suite de la réussite de son stage, il a droit à une nomination. Une prolongation de six mois à un an est cependant possible en fonction des postes disponibles. Il existe, par ailleurs, un examen d'aptitude professionnelle permettant un recrutement direct de juristes expérimentés (pour devenir juge : 10 années ininterrompues de barreau ou 12 années combinées de barreau, d'enseignement du droit à l'université, ou d'exercice des fonctions de notaire ou de fonctions juridiques ; et pour devenir magistrat du Ministère Public : les périodes sont ramenées à 5 ans).

La spécificité allemande porte principalement sur l'existence d'une période probatoire relativement longue à la suite de la nomination en tant que magistrat.

Tout d'abord, il convient de préciser qu'en Allemagne, toutes les personnes, qui souhaitent exercer une profession juridique, se soumettent à un cycle de formation commune : universitaire et pratique. Elles passent un premier examen d'Etat après cinq années d'études au moins dans une faculté de droit.

Le jeune juriste, qui a obtenu ce premier examen, devient Referendar ou Refendarin (pour les femmes) pendant une période de deux ans environ, au cours de laquelle il effectue un certain nombre de stages obligatoires (juridiction civile, pénale, bureau du parquet, administration publique et cabinet d'avocat) et suit des cours théoriques, tout en percevant un salaire de son Land.

A la fin de cette période, les étudiants doivent passer un deuxième examen d'Etat, avec des possibilités de spécialisation réduites. Les candidats les mieux classés pourront être nommés juges ou procureurs et demeureront à l'essai pendant une période de trois à cinq ans, à l'issue de laquelle ils deviendront magistrat à vie ou bien seront déchargés de leurs fonctions en cas d'inaptitude à l'exercice de la profession.

En Autriche, la formation initiale se fait en amont de l'accès à la magistrature. En effet, les personnes justifiant d'un diplôme en droit, qui ont accompli un service préparatoire de neuf mois auprès de trois différents types de juridictions, passent un examen de droit civil et pénal. Les meilleurs candidats effectuent une formation de trois ans auprès de plusieurs cours, d'un bureau du procureur, d'un cabinet d'avocat ainsi que d'une prison. Après cette période, ils peuvent se présenter à l'examen pour devenir juges.

La description de ces différents systèmes ne permet pas de déterminer la solution idéale pour le recrutement et la formation des magistrats, et si l'exemple français a souvent été une référence, il a dernièrement été très critiqué à la suite de l'affaire d'Outreau.

VI) L'affaire d'Outreau

Ce procès criminel particulièrement médiatisé a notamment soulevé la question de la " jeunesse des magistrats à l'issue de leur scolarité " et de " l'emploi de jeunes magistrats instructeurs en début de carrière ".

Le nom du juge BURGAUD, qui a principalement instruit ce dossier, est devenu malheureusement trop familier. Ce jeune magistrat a pu être aperçu sur vos écrans de télévision ou dans la presse, notamment à travers son audition par la Commission d'enquête parlementaire, chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite d'Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement.

Aux termes de son rapport enregistré à la Présidence de l'Assemblée Nationale le 6 juin 2006, cette Commission s'est interrogée sur l'opportunité d'exiger un âge minimum pour entrer dans la magistrature ou exercer les fonctions de l'instruction. Elle a cependant estimé qu'il n'était pas nécessaire de modifier les règles actuelles en matière d'âge pour l'accès à l'Ecole Nationale de la Magistrature. A cet égard, l'ancien Premier Président de la Cour de Cassation française, Guy CANIVET, actuellement membre du Conseil Constitutionnel, dont les paroles se sont toujours avérées d'une très grande pertinence, avait indiqué : " À première vue, un juge ancien a plus d'expérience qu'un nouveau juge ! Mais on peut aussi être ancien et médiocre, être ancien et inexpérimenté ou inadapté aux fonctions d'instruction.En revanche, certains juges d'instruction, bien formés, parfaitement équilibrés et ayant une saine conception de la fonction, sont remarquables. "

Après avoir évoqué l'exemple allemand, la Commission a relevé que l'objectif de période probatoire pourrait être atteint par la collégialité, laquelle constitue le point central de ses propositions de réforme.

Le rapport mentionne également que Guy CANIVET "a souhaité qu'à la sortie de l'Ecole, les auditeurs optant pour le siège, soient systématiquement nommés d'abord dans des fonctions collégiales dans les cours d'appel : " Ils y apprendraient, tout à la fois, la pratique de la décision collégiale, l'appartenance à une institution organisée et collective et l'analyse critique des décisions de première instance. Pour ces jeunes magistrats, il n'y aurait pas de meilleure formation et les magistrats des cours d'appel bénéficieraient, sans aucun doute, de l'apport dynamique de ces jeunes collègues, de leur fraîcheur d'esprit et de leur science récente. Dans une collégialité, il faut le savoir, les rapports intergénérationnels sont indispensables. L'apport des conseillers référendaires à la Cour de cassation en est d'ailleurs une démonstration permanente".

Cette dernière réflexion n'est pas, sans rappeler, la réalité judiciaire monégasque. En effet, toutes les décisions du Tribunal de Première Instance sont prises de manière collégiale, de telle sorte que le juge suppléant, qui intègre cette juridiction, s'inscrit systématiquement dans une collégialité et peut même être amené à compléter la Cour d'appel.

De plus, le délibéré élargi, qui associe tous les magistrats du Tribunal de Première Instance et constitue un moment privilégié pour évoquer les questions juridiques qui intéressent la juridiction, permet d'une part, au juge suppléant d'appréhender dans sa globalité le contentieux de droit commun monégasque, en profitant de l'expérience de ses pairs, et d'autre part, aux collègues plus anciens de bénéficier du regard différent et neuf du jeune magistrat.

La collégialité est indéniablement une garantie pour les justiciables, et LA ROCHE FLAVIN soulignait à cet égard, dans son ouvrage intitulé " Essais sur l'idée du parfait magistrat ", que " c'est une notion commune à tous les hommes que plusieurs yeux voient mieux qu'un, qu'une affaire examinée par un grand nombre de personnes éclairées l'est toujours beaucoup mieux que par un nombre plus petit ".

Pour revenir aux suites de l'affaire d'Outreau, des réformes ont été publiées au Journal Officiel français du 6 mars 2007, au travers de la loi organique n° 2007- 287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats, ainsi que de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale.

La loi relative à la procédure pénale prévoit :

- à l'issue d'un délai de trois ans à compter la date de sa publication, la désignation, pour chaque information, d'une formation collégiale de trois juges d'instruction, dont un magistrat du premier grade exerçant les fonctions de juge coordonnateur, laquelle prendra les décisions les plus graves (mise en examen, octroi du statut de témoin assisté à une personne mise en examen, placement sous contrôle judiciaire, saisine du juge des libertés et de la détention, mise en liberté d'office, avis de fin d'information, ordonnances de règlement et de non-lieu), les autres actes d'instruction pouvant être délégués à l'un des juges composant le collège,

- sous réserve d'un décret, la création, dans certains tribunaux de grande instance, d'un pôle de l'instruction au sein duquel les juges d'instruction sont regroupés et sont seuls compétents pour connaître des informations en matière de crime ou donnant lieu à une cosaisine.

L'expérience française Nous en dira donc plus.

La loi relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats mentionne quant à elle :

- la possibilité pour le jury d'assortir la déclaration d'aptitude de chaque auditeur de justice " de réserves sur les fonctions pouvant être exercées par cet auditeur ", qui seront versées au dossier du magistrat,

- pour les auditeurs de justice nommés à compter du 1er janvier 2008, l'obligation d'effectuer un stage, au cours de leur scolarité, d'une durée minimale de six mois auprès d'un barreau ou comme collaborateur d'un avocat inscrit au barreau,

- enfin, une nouvelle sanction disciplinaire, soit l'interdiction d'être nommé ou désigné dans des fonctions de juge unique pendant une durée maximum de cinq ans.

Pour conclure, je dirai qu'indépendamment de la question de la jeunesse, les qualités nécessaires à l'exercice des fonctions de magistrat sont l'humanité, la tolérance, la pondération, la modestie, la capacité à ne pas se laisser guider par ses préjugés et à se remettre perpétuellement en question, ainsi que le sens du juste et du service public.

A cet égard, dans sa communication " La formation du bon Juge " prononcée devant l'Académie des Sciences Morales et Politiques le 26 juin 2006, Michel DOBKINE, ancien Directeur de l'Ecole Nationale de la Magistrature, relevait " On m'a demandé si l'humanisme, l'humilité, le doute, l'écart avec soi-même... s'enseignaient ". Je vous laisse donc méditer sur cette question.

Un avocat a pu dire : " certains détails échappent aux hommes les plus intelligents et les plus expérimentés... à plus forte raison au Tribunal ".

Mais si la justice des hommes rendue par des hommes a nécessairement ses failles, je suis intimement convaincue, que les magistrats, jeunes comme plus anciens, doivent surtout chercher à servir l'oeuvre de justice et à assurer un certain équilibre dans les rapports humains.

J'en ai ainsi terminé et je tiens à remercier Monsieur le Directeur des Services Judiciaires et les membres de sa Direction pour l'aide qu'ils ont bien voulue m'apporter, Madame Monique FRANCOIS, Premier Président de la Cour d'appel, pour la confiance qu'elle a bien voulue m'accorder, ma très chère Brigitte GRINDAGAMBARINI, Président du Tribunal de Première Instance, pour son amitié et son soutien indéfectible, Monsieur Régis LECUYER, Conservateur des Archives au Palais Princier, pour les excellentes recherches qu'il a réalisées, ma famille si précieuse, mes amis et plus particulièrement Delphine BOURGOUIN, Juge des enfants à Melun. Je n'oublie bien évidemment pas internet, dont je reconnais, dès à présent, le rôle important mais non exclusif dans la préparation de ce discours.

Enfin, c'est avec émotion que je souhaite rendre hommage à des personnalités qui Nous ont quittés trop tôt, MM. Maurice BORLOZ, Norbert FRANCOIS et Denis RAVERA, qui, j'en suis certaine, auraient été ravis de me voir à la place qui est la mienne aujourd'hui ".

Ouvrages de référence :
Archives du Palais Princier
Thèse de doctorat " L'organisation judiciaire de la Principauté de Monaco : Evolution - Etat Actuel " - Roger-Félix MEDECIN - Faculté de Droit de Paris- Imprimée en 1938
" Histoire de la justice " - Marcel ROUSSELET - Puf 1976
" Histoire de la justice en France " - Jean-Pierre ROYER Puf Droit 2001
" Histoire des milles ans de la justice française " - Bernard SUR Litec 2003
" Histoire d'une revendication : l'Ecole de la magistrature 1945-1958 " - Anne BOIGEOL - Cahiers du CRIV 1989
" Recrutement et formation des magistrats en Europe : Etude comparative " - Giacomo OBERTO - Editions du Conseil de l'Europe 2003


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Mme le Premier Président prenait à nouveau la parole.

" Chère et jeune collègue, je vous remercie pour cet exposé très actuel et je vous félicite pour la qualité de vos propos.

Les fleurs sont les promesses de fruits et le débat sur la jeunesse des professionnels n'est pas réservé aux seuls magistrats, il affecte tout autant le maçon que le chirurgien, l'avocat ou le juge.

En faisant le tour des différents systèmes de formation et d'exercice des premières fonctions judiciaires, vous n'avez pas manqué de souligner que ces systèmes n'ont qu'un seul but, celui de servir au mieux ceux qui Nous confient leur destin, leur honneur ou leur fortune.

Pour ce faire, il convient, en effet, d'être riche en science juridique et d'aptitude à manier celle-ci, toutes choses qui s'acquièrent au fil du temps au sein des juridictions et de la collégialité qui demeure, ainsi que vous l'avez rappelé, un creuset irremplaçable dans lequel le juge apprend à se méfier de lui-même dans la confrontation d'avis parfois divergents du sien.

A tout âge, il convient aussi comme vous le dites, d'agir avec modestie et j'ajoute car c'est mon expérience qui me le dicte, d'agir avec bon sens ; que serait, en effet, une décision qui, dans l'interprétation d'une règle de droit, donnerait une solution absurde au problème humain qui Nous est posé ?

La jeunesse professionnelle porte en elle une immense potentialité qui, pour celui qui n'est pas plein de certitude, débouche avec le temps, sur la pondération et le sens de l'équité.

Pour atteindre cet idéal, que de travail personnel et de dévouement !

J'ajouterai enfin que la confiance que Nous fait le Prince Souverain de rendre la justice en son nom Nous impose, quel que soit notre âge, d'êtres parfaits en toutes circonstances.

Il m'appartient, à présent, de retracer brièvement l'activité civile des juridictions. Mme le Procureur général évoquera dans un instant l'activité pénale.

Au cours de l'année judiciaire écoulée, cette activité civile s'est traduite devant la Justice de paix par une baisse, qui s'accentue chaque année, du nombre d'affaires nouvelles, ce qui s'explique avant tout par le faible taux de compétence du juge de paix qui n'a pas varié depuis vingt ans.

Le Tribunal du travail, que préside également le Juge de paix, dans sa formation de jugement a rendu 71 décisions dans des affaires dont plusieurs étaient d'une grande complexité. La nette progression du nombre de conciliations constatée l'an passé ne s'est pas confirmée cette année, ce que l'on peut regretter car la phase de conciliation devant le tribunal du travail répond à la vocation première de cette juridiction.

Le Tribunal de première instance a rendu 3475 décisions toutes matière confondues, ce qui correspond à une activité importante compte tenu d'une part, de la vacance de deux postes de juge qui a été récemment comblée avec bonheur par la nomination de M. Thierry CABALE, qui était jusqu'alors juge au tribunal d'instance de Toulouse, et par la nomination de Mme Hedwige SOILEUX, qui occupait auparavant les fonctions de vice-président placé auprès du premier président de la cour d'appel de Douai, compte tenu aussi d'autre part, de l'indisponibilité pour le tribunal de M. Sébastien BIANCHERI, juge suppléant, désormais juge qui a prêté main-forte avec tout son jeune talent au Parquet général pour pallier une insuffisance temporaire d'effectifs.

La Cour d'appel, qui a rendu 144 arrêts, s'est elle aussi renforcée avec l'arrivée de deux nouveaux magistrats détachés de France : M. Gérard FORET-DODELIN qui est venu en quelque sorte en voisin depuis Grasse où il présidait la 1ère chambre civile du tribunal de grande instance, et M. Thierry PERRIQUET, juge d'instruction à Toulouse, qui, tout récemment nommé à Monaco, devient le cinquième membre d'une cour d'appel désormais agrandie par la création de ce nouveau cinquième poste voulu par le Prince Souverain afin de répondre aussi bien à l'accroissement général du contentieux que connaît cette juridiction qu'aux impératifs
européens en matière de jugement.

Je réitère à tous ces magistrats nouvellement nommés nos félicitations chaleureuses et les voeux que Nous formons pour l'heureuse réussite de leur carrière à Monaco.

La Cour de Révision a rendu 42 arrêts dont 5 de cassation.

Le Tribunal Suprême a rendu 21 décisions sous la présidence de M. Roland DRAGO à qui le Prince Souverain vient de conférer l'honorariat. C'est en juriste éminent que
M. DRAGO a présidé pendant 9 ans cette haute juridiction.

Je dois enfin souligner que l'ensemble de notre activité est soutenue par le greffe et les fonctionnaires de justice dont je tiens à redire ici le parfait dévouement.

Mme le Procureur Général, vous avez la parole pour vos réquisitions ".

Mme le Procureur Général prenait alors la parole :

" Monseigneur,
Monsieur le Ministre d'Etat,
Monsieur le Directeur des Services Judiciaires,
Excellences,
Monsieur le Premier Président de la Cour de Cassation,
Messieurs les Chefs de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, présents ou représentés,
Messieurs les Chefs des juridictions de Nice et de Grasse, présents ou représentés,
Mesdames, Messieurs,
Chers collègues,

Il m'appartient désormais de décrire l'activité pénale du Parquet Général mais aussi des juridictions pénales, activité qui résulte directement de l'état de la délinquance.

Si les procédures transmises au Parquet Général sont globalement en nombre stable par rapport à l'année judiciaire précédente, des commentaires s'imposent quant aux tendances que révèlent les chiffres de la délinquance.

Ainsi :


Les atteintes aux biens

Elles représentent 45 % de la masse pénale soit 5 % de plus que l'année dernière.

Si les vols, et parmi eux les vols aggravés, sont en diminution de 20 % environ, les tentatives de vols, elles, ont augmenté de 90 %.

Deux vols avec violence et avec arme ont impressionné la société locale tout comme le vol perpétré à l'occasion d'une manifestation sportive.

Ces vols, comme l'année précédente, sont le fait d'individus rompus à la commission de ces infractions et déterminés.

Aussi je redis, à cette audience, comme je l'ai fait l'année dernière à la même époque, que les commerçants potentiellement victimes doivent impérativement se doter de moyens de prévention à l'encontre de tels actes.

Pour combattre ces infractions et réprimer leurs auteurs dont la rapidité d'action est l'apanage, il faut en appeler non seulement à la diligence et la perspicacité policière acquises, mais encore à la vigilance de tous y compris des habitants de ce pays, sujets comme résidents, tant il est vrai que la sécurité est l'affaire de tous et non pas seulement de la police et de la justice.

Parmi les délits d'astuce, les infractions d'escroquerie et de tentative d'escroquerie sont en augmentation tandis que l'infraction d'abus de confiance est stable en nombre de procédures.

Je dois mettre l'accent sur les infractions de faux et d'usage de faux en augmentation importante, infractions commises souvent par des étrangers soit de passage, soit en voie d'installation sur le territoire de la Principauté.

Quant aux procédures de blanchiment, elles connaissent une augmentation de 33 %.

Si la rédaction de la prévention telle qu'elle résulte de la loi en date du 9 novembre 2006 Nous facilite la tâche, il n'en demeure pas moins vrai que l'infraction principale le plus souvent commise à l'étranger, doit être constituée. L'on peut imaginer les difficultés rencontrées pour en faire la démonstration.

Aussi, en dépit d'une politique déterminée pour réprimer telle infraction, force est de constater que le Parquet Général se voit contraint souvent de procéder à un classement sans suite à défaut justement d'avoir pu caractériser l'infraction principale, il reste néanmoins que les faits de blanchiment font l'objet d'une enquête policière systématiquement et le plus souvent d'informations judiciaires dans la perspective de poursuites judiciaires, le but étant pour le Parquet Général d'obtenir des investigations suffisamment précises pour envisager des poursuites par-devant le Tribunal Correctionnel et faire en sorte que ces poursuites aboutissent effectivement à des sanctions infligées par ce tribunal.


Les atteintes aux personnes

Elles représentent 11 % de la masse pénale soit 6 % de plus que l'année judiciaire 2005-2006.

Les infractions qu'elles caractérisent suscitent de ma part plus de réflexion parce qu'elles sont un indice sur l'évolution du comportement des individus au sein d'une communauté de vie.

Je n'indiquerai pas de pourcentages qui seraient inutilement impressionnants alors que rapportés au nombre de procédures, leur évolution dans le sens de la hausse doit être relativisée.

Je veux parler principalement des coups et blessures volontaires et des menaces.

Ces délits sont le fait de jeunes gens, résidents ou non, dans ce cas le plus souvent de passage, elles surviennent la plupart du temps à la sortie d'établissements de nuit, l'alcool absorbé facilitant le passage à l'acte agressif.

Je pourrais les considérer comme inhérentes à un tempérament latin volontiers emporté suivant les circonstances, comme faisant partie d'un certain particularisme méridional, voire d'une certaine culture... Il reste que l'atteinte à l'intégrité physique est intolérable, et donc systématiquement poursuivie comme l'est tout autant l'atteinte à la dignité d'autrui.

A ce sujet, je citerai l'augmentation exponentielle des procédures de diffamation et/ou d'injures publiques dressées à l'encontre de personnes dénommées, qui choisissent pour frapper fort de publier des écrits sur Internet, ou de personnes anonymes, lesquelles se livrent au procédé détestable de la lettre tout aussi anonyme ou apocryphe.

Autant de procédés archaïques, indignes d'une société moderne qui ont fait l'objet de poursuites ou qui feront l'objet de poursuites et ont été ou seront judiciairement réprimées à la mesure de l'offense.

Je ne saurais clore cet aspect de mon intervention sans rappeler que, grâce aux diligences de l'association Action Innocence, de la perspicacité et de la compétence de ses membres, le Parquet Général s'est emparé de faits caractérisant l'organisation ou la facilitation de l'exploitation sexuelle de mineurs de 18 ans en diffusant sur Internet des supports informatiques contenant des fichiers d'images à caractère pédo-pornographique, infraction prévue par l'article 265 du Code Pénal.

Ces faits ont fait l'objet de l'ouverture de 4 informations judiciaires s'ajoutant à 2 informations judiciaires ouvertes lors de l'année précédente et justifiant l'inculpation d'un certain nombre de personnes qui comparaîtront dans quelques mois par-devant le Tribunal Correctionnel.

Au sujet des poursuites judiciaires de ces infractions, j'ai décidé, dès lors que l'enquête menée par la police judiciaire apparaîtrait suffisamment complète et précise sur les éléments caractérisant l'infraction et sur les auteurs de cette infraction, de citer ceux-ci directement par-devant le Tribunal Correctionnel afin que soit apportée rapidement et avec rigueur la réponse judiciaire qui s'impose dans le cadre d'une action majeure, celle tendant à la protection des enfants et des adolescents.


Les atteintes à la paix publique

Elles sont caractérisées notamment par les outrages à agents de la Force Publique.

Je fais le constat que ces infractions ont plus que doublé depuis l'année dernière.

Elles sont le fait d'individus à l'évidence agressifs mais aussi souvent de jeunes gens qui, s'emparant d'une filiation réputée, ou d'amitié privilégiée, se croient permis de traiter avec une particulière désinvolture les agents chargés de la sécurité du territoire.

La politique du Parquet Général en la matière est d'une rigueur sans faille. La loi passe, le plus souvent d'ailleurs dans le cadre de la procédure de flagrant délit, c'est à dire par le déferrement de la personne concernée devant le magistrat du Parquet Général afin que sa comparution devant le tribunal correctionnel soit assurée dans les plus brefs délais.

Le sujet de la délinquance ne serait pas épuisé si je n'évoquais pas les infractions à la sécurité routière.

Hélas, dans ce domaine, le nombre des infractions ne faiblit pas, il est encore cette année en hausse de l'ordre de 19 %, ce sont pour l'essentiel les conduites sous l'empire d'un état alcoolique et les blessures involontaires qui leur sont souvent consécutives.

Le constat est le même que précédemment, ces infractions sont la plupart du temps, commises par des jeunes gens ou des jeunes filles, s'adonnant aux libations festives du samedi soir sans aucune conscience du péril qu'il y a à conduire dans ces circonstances.

L'action du Parquet Général en la matière, comme précédemment, est d'une extrême sévérité, j'en veux pour preuve le nombre de comparutions par-devant le tribunal correctionnel dans le cadre de la procédure de flagrant délit. C'est, il faut bien le dire le lot commun de tous les week-ends de permanence des magistrats du Parquet.

Quelle action du Parquet Général pour poursuivre les crimes et délits conformément à la loi ?

Nonobstant un effectif restreint en début d'année judiciaire, l'activité du service a toujours été soutenue.

" Labor omnia vincit improbus " un travail opiniâtre vient à bout de tout. Le poète VIRGILE avait raison.

L'embellie au plan des moyens humains est apparue au mois de janvier 2007, l'effectif a été complété grâce à l'arrivée de M. Gérard DUBES, Premier Substitut, à la présence de M. Sébastien BIANCHERI ayant fait fonction de Substitut dans l'attente de l'arrivée récente de M. Jérôme HARS Substitut, sans oublier le pilier économique et financier, Mme Claire DOLLMANN, Substitut.

C'est donc dans les meilleures conditions que le Parquet Général a pu poursuivre sa tâche.

Aussi, son activité s'est trouvée accrue par rapport à l'année judiciaire 2005-2006.

Ainsi :

Considérant que l'acte de poursuite le plus usité est la citation devant le Tribunal Correctionnel, les poursuites initiées de la sorte ont augmenté de 23 %.

En conséquence, le Parquet Général étant le seul apporteur d'affaires du Tribunal Correctionnel, à quelques rares exceptions près, celui-ci a jugé plus dans les mêmes proportions.

L'audiencement des procédures est désormais porté à 6 mois tant les audiences sont chargées.

Les magistrats du Parquet Général ont aussi procédé à plus de déferrements par devant eux dans le cadre de la procédure de flagrant délit.

Comme ils ont aussi procédé à plus de déferrements (à concurrence de + 26 %) dans le cadre de la procédure de comparution sur notification laquelle a pour effet de signifier au mis en cause la gravité de ses actes délictueux mais aussi de juger celui-ci de façon contradictoire afin d'éviter des jugements par défaut encore beaucoup trop nombreux.

Ces mêmes magistrats du Parquet Général ont été contraints de requérir l'ouverture de plus d'informations judiciaires soit + 45 % ce qui est considérable et signifie la gravité des faits portés à leur connaissance et la complexité des enquêtes nécessaires à la manifestation de la vérité justifiant le recours aux Juges d'Instruction ou au Juge Tutélaire en ce qui concerne les mineurs.

Je dois ajouter que les magistrats du Parquet Général ont mis un point d'honneur à régler les dossiers d'instruction qui leur étaient communiqués dans les plus brefs délais, souvent des dossiers financiers complexes à l'origine d'audiences supplémentaires (4 audiences supplémentaires) et des dossiers criminels déjà appelés à l'audience du Tribunal Criminel (2 procédures déjà jugées) et d'autres à venir incessamment devant cette même juridiction.

L'activité juridictionnelle du Parquet Général, c'est aussi sa présence à l'audience de toutes les juridictions pénales y compris celles saisies sur recours des justiciables, recours de plus en plus nombreux.

C'est ainsi, à Monaco comme ailleurs, la société se judiciarise et force est de constater que le justiciable a désormais tendance très nette à exercer toutes les voies de recours, même à mauvais escient ! ...

Ainsi, la Chambre du Conseil de la Cour d'Appel a rendu 97 décisions soit 40 % de plus que l'année dernière, la Cour d'Appel statuant en matière correctionnelle a rendu 68 arrêts soit 48 % de plus que l'année dernière, la Cour de Révision statuant en matière pénale a rendu 36 décisions pénales sur 77 décisions.

J'ajoute et c'est là l'une des tâches spécifiques du Procureur Général que je prends ma part au fonctionnement du Tribunal Suprême, juridiction qui statue en matière administrative et constitutionnelle en prenant systématiquement des conclusions orales comme le prévoit la loi.

L'année dernière, le Tribunal Suprême avait été saisi de 11 recours et rendu 19 décisions.

Cette année, le Tribunal Suprême a été saisi de 23 recours et rendu 21 décisions.

Je profite de ma prise de parole à cette audience pour dire tout le plaisir que j'ai eu à travailler aux côtés de ce Tribunal, anciennement composé, présidé par M. Roland DRAGO, auquel je rends hommage pour avoir servi cette haute juridiction, avec tant d'autorité, de rigueur et d'indépendance pendant plus de 30 années.

Je suis sûre que je trouverai autant d'enrichissement personnel et professionnel à exercer mes fonctions devant le Tribunal Suprême, nouvellement composé, sous la présidence de M. Hubert CHARLES.

Enfin, je ne décrirais pas exactement l'activité du Parquet Général, si j'omettais de citer l'exécution des commissions rogatoires internationales et les extraditions toujours plus nombreuses signifiant l'effectivité et l'efficacité de l'entraide internationale à laquelle Monaco participe activement et rapidement comme la presse s'en est fait l'écho encore récemment, signifiant ainsi nécessairement un accroissement des tâches du Parquet Général et de la Cour d'Appel s'agissant d'un secteur de compétence juridictionnel encadré par la loi.

Dans ces conditions, se posera inévitablement la question de l'augmentation des moyens humains au Parquet Général d'autant plus que les lois nouvelles dont la loi sur les sociétés commerciales en date du 8 janvier 2007 comme la loi sur les activités financières en date du 7 septembre 2007 sollicitent davantage l'intervention du Parquet Général chargé en tant que tel de veiller au respect de l'ordre public économique.

Cette activité pénale menée sur le mode volontariste et dynamique n'aurait jamais pu être déployée sans le dévouement de tous les magistrats, je veux parler de mes collègues du siège, toutes juridictions confondues, des personnels de greffe, pour ce qui concerne mon service du personnel constituant le secrétariat du Parquet Général sous la houlette de Madame le Secrétaire Général. Je leur suis infiniment reconnaissante de leur collaboration compétente et dévouée.

Cette même activité n'aurait pas été efficace sans l'action des services de la Sûreté Publique en relation directe et permanente avec le Parquet Général, directeur des enquêtes judiciaires.

Je sais gré à ces services de comprendre les instructions rigoureuses exprimées par les magistrats du Parquet soucieux de l'aboutissement efficace de leur action afin de tendre vers l'impératif de sécurité, exigence première de l'Etat de Monaco.

Je manquerais à mon devoir si je n'associais pas au fonctionnement des juridictions :

- les avocats, eux aussi, pour leur part maîtres d'oeuvre dans notre système judiciaire ;

- Les huissiers ;

- Les notaires ;

- Le personnel de la Maison d'Arrêt dont à sa tête son Directeur justement distingué cette année, particulièrement à la tâche puisque les effectifs, détenus à titre préventif et condamnés, n'ont jamais été aussi nombreux. Je ne me réjouis pas de cette situation, qui peut se satisfaire de la privation de la liberté d'autrui ? Cette situation est le signe de la vigueur des décisions de justice rapportée à la gravité des faits et la personnalité des hommes (au sens générique évidemment).

Puisque je parlais de distinction à l'instant, j'ai le plaisir et l'honneur de rappeler que :

- M. Norbert FRANCOIS, Vice-Président du Conseil d'Etat, dont Nous rappelons la mémoire aujourd'hui avec une grande émotion, a été élevé à la dignité de Grand Officier de l'Ordre de Saint Charles par ordonnance souveraine du 17 novembre 2006 ;

- M. Yves JOUHAUD, Premier Président honoraire de la Cour de Révision, a été élevé à la même distinction par la même ordonnance souveraine,

- M. Dominique ADAM, Vice-Président de la Cour d'Appel, a été nommé Chevalier dans l'Ordre de Saint Charles, par ordonnance souveraine en date du 17 novembre 2006.

Monseigneur,

Votre présence à cette audience solennelle de rentrée judiciaire est le signe fort de tout l'intérêt que Vous portez à l'institution judiciaire.

M'associant aux propos de Mme le Premier Président de cette cour, je Vous en remercie vivement.

Bien mieux, à la modeste place qui est la mienne, celle d'un acteur judiciaire, je voudrais Vous rendre hommage.

Je ne saurais rappeler ici devant cette assemblée avertie les dispositions de la Constitution, loi fondamentale de l'Etat. Je soulignerai seulement que :

- le pouvoir judiciaire Vous appartient, Monseigneur, et que Vous en déléguez le plein exercice aux magistrats que vous nommez ;
- l'indépendance des juges est garantie.

Ces principes, Vous les avez rappelés vigoureusement, publiquement.

La sincérité commande que je dise le réconfort que vous avez apporté à toute la communauté judiciaire dont la fonction n'est ni plaisante, ni complaisante, sa seule référence étant la loi.

Madame le Premier Président
Madame, Monsieur de la Cour
Au nom de Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain,

J'ai l'honneur de requérir qu'il plaise à la Cour :

- me donner acte de ce qu'il a été satisfait aux prescriptions des articles 51 et 52 de la loi du 25 juillet 1965 portant organisation judiciaire ;
- déclarer close, l'année judiciaire 2006-2007 et ouverte l'année judiciaire 2007-2008 ;
- ordonner la reprise des travaux judiciaires ;
- me donner acte de mes réquisitions et dire que du tout il sera dressé procès-verbal sur le registre des actes importants de la Cour d'appel ".

Mme le Premier Président reprenait alors la parole.

" Je vous remercie Mme le Procureur général ;

La tradition Nous conduit, lors de l'audience de rentrée, à honorer le souvenir des membres défunts de notre famille judiciaire.

Ce devoir de mémoire, je le confie, cette année, à Monsieur le Premier Président Jean APOLLIS ".

M. APOLLIS, Premier Président de la Cour de révision, s'exprimait en ces termes :

" Monseigneur, Mesdames et Messieurs,

Avant d'évoquer la mémoire de M. le Président Norbert FRANCOIS, qu'il me soit permis de me tourner vers son épouse et lui dire : Madame le Premier Président, si en vous quittant au début de cette année pour ces lointains rivages où seules règnent les âmes, M. Norbert FRANCOIS vous a laissé veuve, sachez combien ceux qui sont rassemblés en ces lieux sont restés orphelins.

C'est donc à ce titre et en ami que je m'adresse en premier lieu à vous. Je sais que pendant les moments qui vont suivre une infinie tristesse va submerger votre coeur, infinie tristesse que vous avez retenue jusqu'ici pour mener à bien les devoirs de votre charge.

Pour me faire pardonner et panser tant soit peu cette nouvelle blessure, je ne puis que vous assurer de l'admiration de tous ceux qui, malgré votre peine, vous ont vu et vous voient à présent effectuer avec courage et compétence des tâches parfois très difficiles.

Vous êtes, comme votre mari avant vous à ce siège, digne des hautes fonctions dont vous a investi Son Altesse Sérénissime.

M. Norbert FRANCOIS était né en 1925, dans un petit village du département de l'Ariège que je ne vais pas vous décrire mais qui se trouve dans une charmante vallée pyrénéenne où j'ai été accueilli, en voisin, il y a peu de temps par son fils, M. Alain FRANCOIS, pour parcourir un havre de paix où en famille et ensemble avec vous Madame, il a connu beaucoup de bonheur.

Fils de fonctionnaire c'est donc loin de son pays natal qu'il fit ses études secondaires à Angoulême et, à Poitiers, ses études de droit.

Je suis convaincu que la solide formation juridique qui lui fut donnée sous la direction du doyen SAVATIER, lui a permis, en 1948, de réussir d'emblée l'examen professionnel d'entrée dans la magistrature lequel, pour la petite histoire, exigeait que l'on eut effectué au préalable deux années de stage dans un parquet et au barreau.

Il serait fastidieux d'égrainer toutes les fonctions exercées au sein des différentes juridictions par M. Norbert FRANCOIS depuis sa première nomination en 1949 en qualité de juge suppléant du ressort de la cour d'appel de Nîmes et son détachement à Monaco en 1956 ; il est bien suffisant de dire que ses qualités humaines et professionnelles furent si remarquables et si remarquées qu'il fut intégré dans la magistrature monégasque et que, par la grâce de S.A.S. le Prince Rainier III, il franchit au fil du temps tous les grades de la hiérarchie judiciaire jusqu'à celles de Premier Président de la cour d'appel et qu'il fut nommé Directeur des Services Judiciaires et Président du Conseil d'Etat.

Fallait-il, pour que ce brillant cursus fût complet, qu'il vint, à un moment ou à un autre à la Cour de révision où mes prédécesseurs eussent alors eu un collaborateur des plus précieux et sans aucun doute à l'avenir un successeur éminent ? Je ne le crois pas, dans la mesure où il avait à ce moment de sa vie, une vision des plus complètes de l'organisation judiciaire et du droit monégasque.

C'est fort de cette expérience que, dans son discours d'installation à la tête de la cour d'appel en 1979, il exposait à l'intention de ses collègues du moment et pour les générations à venir sa conception de la mission du juge en ces termes :

" Le juge est avant tout d'abord le serviteur de la loi... Et rien ne serait plus détestable, plus impardonnable pour un juge que de tenter, à des fins ou pour des convictions politiques, confessionnelles ou partisanes de faire de la loi une application discriminatoire...

Le juge est également au service de l'Etat ; chargé d'une mission de service public, tâche à laquelle il doit non seulement tout son temps et toute son intelligence, mais également toute la passion que l'on peut apporter à l'exercice d'un métier que l'on aime..

Le juge est enfin au service du justiciable. Il doit non seulement une justice sereine et impartiale mais aussi des décisions claires, précises, efficaces... Et propres à donner une solution mettant un terme définitif au contentieux qu'il doit trancher... ".

Mais le Premier Président FRANCOIS ne se faisait toutefois aucune illusion sur les hommes, et il terminait en effet son propos de la manière suivante : " Le juge doit être conscient qu'il ne peut espérer être populaire et, sans qu'il y ait eu lieu pour lui d'être mélancolique ni amer, doit continuer son oeuvre, trouvant dans la paix de sa conscience, le calme et la sérénité indispensable à l'accomplissement de sa mission ".

Si j'avais à compléter ce message je dirais que lorsque dans la solitude de nos cabinets Nous Nous interrogeons sur la solution juridique à donner au problème humain qui Nous a été posé, Nous devons Nous souvenir que Nous rendons nos décisions au nom du Prince et que si celui-ci est garant de notre indépendance il est aussi comptable de cette justice qu'il Nous a déléguée pour le bien de ses sujets.

C'est en forme de photographie de lui-même et de l'idéal qui l'animait dans ses fonctions que M. le Président Norbert FRANCOIS Nous a délivré ce message et c'est donc dans la paix de sa conscience qu'en 1983 il fut saisi par la retraite.

Alfred DE VIGNY disait lorsqu'il fut reçu à l'Académie : " Il y a dans la vie de chaque homme une époque où il est bon qu'il s'arrête, comme au milieu de son chemin, et considère, dans un moment de repos et de préparation à des entreprises nouvelles, s'il a laissé derrière lui sur sa route une pierre qui soit digne de rester debout et de marquer son passage ; de quel point il est parti, quels voyageurs l'avaient précédé, desquels il fut accompagné, desquels il sera suivi ".

Ce moment d'arrêt était ainsi venu pour Norbert FRANCOIS, il put alors se consacrer plus qu'il n'avait pu le faire jusque là, à sa famille et faire partager à celle-ci, tant ici que dans sa campagne natale, la chaleur de sa présence et de ses sentiment

Homme de devoir, il répondit présent lorsqu'il lui fut demandé plus tard de reprendre du service et qu'il fut nommé en 1997 Conseiller d'Etat.

Un grand malheur venait cependant de le frapper et de vous frapper Mme le Premier Président, et c'est avec un courage qu'il vous fit partager, qu'avec tout autant de passion que par le passé, il mit ses connaissances juridiques et son expérience au service de son Prince, de l'Etat et du Droit.

J'ai compté qu'en plus de ses activités au Conseil d'Etat où il en devint le Vice-Président, il avait siégé activement dans 14 commissions et créé cette belle Revue de droit monégasque.

M. le Président DRAGO a bien voulu me livrer, à notre intention à tous, son témoignage sur cette période de la vie de notre cher défunt " ...Lorsque après sa nomination au Conseil d'Etat il entreprit la création de la Revue de droit monégasque, il me demanda d'écrire un article sur le Tribunal Suprême dans le numéro 1. Je le fis avec une très grande reconnaissance. Dans ce numéro, il publiait un article intitulé " DE QUELQUES REMARQUES SUR LA SPECIFICITE DU DROIT MONEGASQUE ". Ce n'est qu'un article parmi d'autres études publiées à Monaco, en France et d'autres pays étrangers. Je pense notamment à son " INTRODUCTION AU DROIT MONEGASQUE " publiée en Allemagne en 1998. Et je pense aussi à sa participation active au Conseil d'Etat à propos de toutes les réformes législatives ou internationales intervenues à cette époque.

Sa compétence était reconnue dans le monde juridique car il savait, certes montrer ses qualités d'homme de science, mais aussi prouver la valeur et la modernité de son droit national.

Nous lui devons beaucoup et Nous saurons garder son souvenir avec émotion et fidélité ".

M. le Professeur RENUCCI a bien voulu à son tour Nous donner ce témoignage : " J'ai pu apprécier les immenses qualités de Norbert, tant humaines que scientifiques.

C'était un excellent juriste dont l'avis était particulièrement précieux et recherché, c'était un homme d'une carrure exceptionnelle qui était profondément attaché à la Principauté et qui faisait partager cet attachement. Sa connaissance des réalités monégasque, alliée à une parfaite maîtrise des outils juridiques, en faisait un conseiller très précieux et écouté. Lors de nos différents travaux, sa rigueur, son souci constant d'apporter des solutions pertinentes et élégantes, justes et équilibrées, forçaient l'admiration.

Et puis très vite Nous sommes devenus de vrais amis. Nous Nous retrouvions avec un étal plaisir, soit au palais de justice, soit au stade Louis II, car Nous avions cette passion commune pour le football ".

Tout est dit et je suis sûr que tous les témoignages que l'on recueillerait de la part de ceux qui l'ont connu ou qui ont oeuvré à ses côtés coïncideraient dans leur unanimité.

Pour être entré en amitié avec lui au sein de la Commission de révision des codes et au cours des repas que Nous partagions lors de mes venues pour les sessions de la Cour de révision ce qui, personnellement, m'avait frappé le plus c'était sa disponibilité, la profondeur de ses réflexions, la justesse de ses jugements, sa modestie et son humour.

Au physique, je dirais que le visage de ce bel homme aux yeux bleu et aux cheveux d'un blanc d'écume de mer était d'une extrême douceur. Son parler au léger accent de notre midi à l'image de son visage.

Sa modestie était telle que ne l'ai jamais entendu évoquer les hautes fonctions qu'il avait exercées et celles qu'il exerçait encore. En revanche, son plus grand honneur fut d'avoir été secrétaire de la Commission de révision des codes lorsqu'il était un tout jeune magistrat ! C'est tout dire !

Mais ne Nous y trompons pas, travailleur infatigable, M. le Président FRANCOIS allait toujours jusqu'au bout de sa tâche et ne désarmait pas lorsqu'il était assuré dans ses convictions.

Il avait en outre le secret de dire légèrement les choses profondes et Nous Nous en amusâmes tant que si Nous ne sommes pas restés côte à côte au sein des commissions pour ne pas en être des élèves turbulents, Nous en profitâmes pleinement en dehors.

Oui ! Cher ami qui Nous regardez d'un air amusé, oui ! Vous aviez de l'esprit ! Cette étincelle d'intelligence, cette grâce du bon sens, arme de précision que vous n'utilisiez qu'à bon escient en prenant bien soin de ne blesser personne.

Enfin à mon sens vous aviez d'emblée épousé Monaco et Monaco vous avait épousé parce que ce n'est qu'ici que votre élégance naturelle, alliée à une noblesse d'esprit et de sentiment, pouvait s'épanouir sans réserve.

Monégasque de coeur jusqu'à votre dernier souffle, Monaco et ses souverains vous ont rendu cet amour même si parfois l'amour est exigeant.

Oui vous avez été admirable et vos proches m'ont avoué leur admiration pour tout ce que vous leur avez apporté et ce, avec naturel et sans ostentation.

Monseigneur, en dévoilant dans quelques instants une plaque au nom de M. le Président Norbert FRANCOIS, vous honorez un serviteur fidèle et respectueux de votre Principauté et vous donnez une mémoire et un modèle à votre corps judiciaire.

Votre geste fera qu'ensuite rien ne sera plus pareil et que la bouche gardera dorénavant le silence pour écouter parler le coeur ".

Mme le Premier Président reprenait alors la parole.

" Je vous remercie Monsieur le Premier Président, cher ami, pour ce très bel hommage rendu à un être aux qualités humaines et professionnelles rares.

Son souvenir, j'en suis assurée, demeurera vif et il le restera aussi longtemps que vivra ce Palais de Justice dont l'une des salles, la chambre du conseil de la Cour d'appel qui abrite aussi les délibérations du Conseil d'Etat et les travaux de la Commission de mise à jour des codes, portera dans quelques instants, avec l'approbation bienveillante du Prince Souverain, et à l'issue d'une courte cérémonie restreinte en nombre de participants en raison de l'exiguïté des lieux, le nom de salle Norbert-Pierre FRANCOIS.

Cette mémoire qui m'est chère m'amène, Monseigneur, à vous remercier respectueusement d'avoir bien voulu qu'elle soit perpétuée.

La Cour,

Faisant droit aux réquisitions de Mme le Procureur général,

- déclare close l'année judiciaire 2006-2007, et ouverte l'année judiciaire 2007-2008,
- ordonne la reprise intégrale des travaux de la Cour d'appel et des Tribunaux, partiellement suspendus durant les vacations,
- donne acte à Mme le Procureur Général de ce qu'il a été satisfait à ses prescriptions,
- ordonne que du tout il sera dressé procès verbal sur le registre des actes de la Cour d'appel.

Avant de lever l'audience, qu'il me soit permis de renouveler à Votre Altesse Sérénissime l'expression de notre vive reconnaissance pour avoir honoré de Sa présence l'institution judiciaire et ceux qui s'efforcent de la servir.

Je prie Votre Altesse Sérénissime et les membres de la Famille Souveraine d'accepter l'hommage de notre profond respect et de notre entier et fidèle dévouement.

Je remercie également les hautes autorités et personnalités qui se sont jointes à Nous aujourd'hui, en marquant ainsi l'intérêt qu'elles portent à nos travaux judiciaires.

Je les convie maintenant à se rendre dans la salle des pas perdus de la Cour, à l'invitation de M. le Directeur des Services judiciaires.

L'audience solennelle est levée ".

M. Philippe NARMINO accompagnait ensuite S.A.S. le Prince vers la Chambre du Conseil de la Cour d'Appel afin d'assister, en présence des membres de la famille de M. FRANCOIS, de personnalités et d'amis, à la cérémonie de dévoilement de la plaque posée à la mémoire de M. FRANCOIS.

M. Philippe NARMINO prononçait l'hommage suivant :

" Nous voici réunis dans cette salle qui sera nommée dans quelques instants salle Norbert-Pierre FRANCOIS.

Norbert FRANCOIS est sans nul doute le magistrat qui a réellement marqué de son empreinte ce Palais de Justice et celui qui l'a le plus fréquenté.

Il a en effet contribué à l'oeuvre de justice et au fonctionnement des institutions judiciaires pendant près de 50 ans. Son apport a été fondamental.

Il est donc naturel et juste, non seulement d'honorer sa mémoire, mais encore de refuser l'oubli. Ainsi, les magistrats, avocats et greffiers d'aujourd'hui, ceux de demain et d'après demain seront-ils peut être guidés par l'exemple de Norbert FRANCOIS si, comme l'a écrit M. Vincent LAMANDA dans une de ses allocutions, " les morts conduisent les vivants par l'exemple de leurs vertus ".

Parmi ces vertus, je citerai les valeurs d'humanité et d'humilité dont Norbert FRANCOIS n'a jamais cessé de se départir.

- humanité : Norbert FRANCOIS rappelait sans cesse que la justice s'adresse à des êtres de chair et de sang. Le juge, selon lui, ne peut se satisfaire de son seul travail intellectuel et doit toujours prendre en compte la dimension humaine du dossier qu'il a à traiter.

- humilité : parvenu au plus haut niveau de la hiérarchie judiciaire, Norbert FRANCOIS n'avait pas cessé de douter. Toujours prêt à confronter ses points de vue, à apprendre, si nécessaire à se laisser convaincre, il n'était pas pétri de certitudes, bien au contraire.

Chacun de Nous conserve en mémoire tel ou tel épisode de sa vie, tel ou tel échange, telle ou telle rencontre dans lesquels ces valeurs se sont manifestées.

A titre personnel, devant sa famille, je veux dire qu'il a été pour moi un exemple : sans peut-être le vouloir, il m'a conduit vers la magistrature, à devenir magistrat, à trouver ma voie sur le plan professionnel. A ses côtés, je n'ai jamais cessé de m'enrichir : au Tribunal de première instance, au Conseil d'Etat ou encore dans les diverses commissions qui Nous réunissaient.

Je lui exprime une dernière fois toute ma reconnaissance.

Monseigneur, je vous invite maintenant à dévoiler la plaque qui rappellera à chacun la personnalité de Norbert-Pierre FRANCOIS au service de la Justice de la Principauté".

S.A.S. le Prince dévoilait alors les inscriptions suivantes, gravées de noir sur la plaque de bronze :


Norbert-Pierre FRANCOIS
Grand Officier de l'Ordre de Saint-Charles 1925-2007
Président du Tribunal de Première Instance
Premier Président de la Cour d'Appel
Directeur des Services Judiciaires
Vice-Président du Conseil d'Etat

"Le magistrat se doit aux justiciables à qui il doit rendre la justice
avec modestie et la claire conscience qu'il ne réalise qu'une oeuvre humaine, aux nombreuses imperfections.
Son oeuvre ne peut être que celle d'un artisan auquel le chef-d'oeuvre est à jamais interdit ".

(discours d'installation 26 juin 1979)


*
* *


A l'issue de cette cérémonie, Son Altesse Sérénissime le Prince accompagné par M. Philippe NARMINO, Directeur des Services Judiciaires, Se rendait dans la Salle des
Pas Perdus de la Cour d'Appel pour participer à la réception offerte à l'assistance.

De nombreuses personnalités avaient tenu à assister à cette audience solennelle, aux premiers rangs desquelles on notait :

S.E. Monseigneur BARSI, Archevêque de Monaco,
M. Stéphane VALERI, Président du Conseil National,
M. Charles BALLERIO, Président du Conseil de la Couronne,
M. René NOVELLA, Secrétaire d'Etat,
M. Georges LISIMACHIO, Chef de Cabinet de S.A.S. le Prince,
M. le Colonel Luc FRINGANT, Chambellan de S.A.S le Prince,
M. Franck BIANCHERI, Ministre Plénipotentiaire chargé de mission auprès du Ministre d'Etat,
S.E. M. Georges GRINDA, Ministre Plénipotentiaire chargé auprès du Ministre d'Etat, des questions européennes,
M. Paul MASSERON, Conseiller de Gouvernement pour l'Intérieur,
M. Gilles TONELLI, Conseiller de Gouvernement pour les Finances et l'Economie,
M. Jean-Jacques CAMPANA, Conseiller de Gouvernement pour les Affaires Sociales et la Santé,
S.E. M. Jean PASTORELLI, Conseiller de Gouvernement pour les Relations Extérieures,
M. Vincent LAMANDA, Premier Président de la Cour de Cassation,
S.E. M. André DUPUY, Nonce Apostolique,
M. Eric DANON, Ambassadeur de France,
M. Mario POLVERINI, Ambassadeur d'Italie,
M. le Vice-Amiral Alexandros MARATOS, Président du Bureau Hydrographique,
M. Hubert CHARLES, Président du Tribunal Suprême,
M. Laurent ANSELMI, Conseiller au Cabinet de S.A.S. le Prince,
M. Joël BOUZOU, Conseiller au Cabinet de S.A.S le Prince,
Mme Christiane STAHL, Conseiller au Cabinet de S.A.S. le Prince,
M. James CHARRIER, Président de la Commission Supérieure des Comptes,
M. Bernard MARQUET, Vice-Président du Conseil National,
M. Jean-François LANDWERLIN, Vice-Président du Conseil d'Etat,
Me Henry REY, Conseiller National,
M. le Colonel Yannick BERSIHAND, Commandant supérieur de la Force Publique,
M. André GARINO, Président du Conseil Economique,
M. Jean-Pierre ATTHENONT, Premier Président de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, représenté par M. Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président de Chambre,
M. Gabriel BESTARD, Procureur Général près la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence,
M. José SAVOYE, Membre du Tribunal Suprême,
M. Jean-Marc LE GARS, Président du Tribunal Administratif de Nice,
M. Eric DE MONTGOLFIER, Procureur de la République de Nice,
M. Jacques LAMEYRE, Président du Tribunal de Grande Instance de Grasse représenté par M. GORINI, Premier Vice-Président,
M. Marc DESERT, Procureur de la République de Grasse,
Mlle Catherine LE LAY, Vice-Président du Tribunal de Grande Instance de Nice,
Me Henri CHARLES, Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Nice,
M. Jean-Noël VERAN, Contrôleur Général des Dépenses,
M. Robert COLLE, Secrétaire Général du Ministère d'Etat,
M. Jean-Marie RAINAUD, Conseiller d'Etat,
M. Jean-Charles SACOTTE, Conseiller d'Etat,
M. Philippe ROSSELLIN, Conseiller Honoraire à la Cour d'Appel,
M. Robert FRANCESCHI, Conseiller Honoraire à la Cour d'Appel,
Mme Marie-Noëlle ALBERTINI, Conseiller auprès du Ministère d'Etat en charge des recours et de la médiation,
M. Jean-François RENUCCI, Conseiller aux Droits de l'Homme et aux Libertés fondamentales,
Mme Sophie THEVENOUX, Directeur général du Département des Finances,
M. Richard MILANESIO, Directeur Général du Département de l'Equipement, de l'Environnement et de l'Urbanisme,
M. Claude COTTALORDA, Directeur Général du Département des Relations Extérieures,
Mme Martine PROVENCE, Secrétaire Général de la Direction des Services Judiciaires,
Mme Yvette LAMBIN-BERTI, Commissaire général chargé de la Direction de l'Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports,
M. André MUHLBERGER, Directeur de la Sûreté Publique,
Mme Muriel NATALI-LAURE, Administrateur des Domaines,
Mme Isabelle ROSABRUNETTO, Directeur du Budget et du Trésor,
Mme Ariane PICCO-MARGOSSIAN, Directeur du S.I.C.C.F.I.N., représentée par Mme Danielle MEZZANA-GHENASSIA,
M. Antoine DINKEL, Directeur des Services Fiscaux,
Mme Mireille PETTITI, Directeur des Affaires Juridiques,
Mme Catherine ORECCHIA-MATHYSSENS, Directeur du Service de l'Expansion Economique,
M. Franck TASCHINI, Directeur de la Fonction Publique et des Ressources Humaines,
M. Alain MALRIC, Chef du Service de Contrôle des jeux,
M. François CHANTRAIT, Directeur du Centre de Presse,
Docteur Anne NEGRE, Directeur de l'Action Sanitaire et Sociale,
Mme Maud COLLE-GAMERDINGER, Directeur de l'Environnement de l'Urbanisme et de la Construction,
M. Régis LECUYER, Conservateur du Palais Princier,
M. Claude TRIANON, Commissaire, Chef de la Division de police urbaine,
M. Christian CARPINELLI, Commissaire, Chef de la Division de police administrative,
M. Christophe HAGET, Commissaire Principal, Chef de la Division de police judiciaire,
M. Philippe LEBLANC, Chef de la Division de police maritime et aéroportuaire,
M. Christian ZABALDANO, Directeur de la Maison d'Arrêt,
M. Raymond XHROUET, Proviseur du Lycée Albert 1er
M. Robert GHENASSIA, Proviseur du Lycée Technique de Monte-Carlo,
Mme Marie-Hélène GAMBA, Principal du Collège Charles III,
M. Jean-Paul HAMET, Président du Tribunal du Travail,
M. Antoine MONTECUCCO, Greffier en Chef honoraire,
Mme Bernadette ZABALDANO, Secrétaire général du Parquet,
Mme Christiane KHAÏDA, Inspecteur des pharmacies,
M. Jacques WOLZOK, Vice-Président du Tribunal du Travail,
Me Paul-Louis AUREGLIA, Notaire,
Me Magali CROVETTO-AQUILINA, Notaire,
M. Maurice FANGIER, Receveur Principal des Douanes,
M. Marcel CUQ, Directeur adjoint de la Maison d'Arrêt,
M. Pierre JULIEN, Professeur à la Faculté de Droit et de Sciences Economiques,
M. Jacques ORECCHIA, Administrateur judiciaire,
M. Jean-Paul SAMBA, Administrateur judiciaire et syndic,
M. Christian BOISSON, Administrateur judiciaire et syndic,
Mme Bettina DOTTA, Administrateur judiciaire et syndic,
Mme Catherine CATANESE, Secrétaire du Tribunal du Travail,
Mme Corinne QUERCI, Assistante sociale à la Direction des Services Judiciaires.

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