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TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - Extrait - Audience du 24 février 2023 - Lecture du 10 mars 2023

  • N° journal 8635
  • Date de publication 24/03/2023
  • Qualité 100%
  • N° de page

Recours tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 9 novembre 2021 du Conseiller de Gouvernement-Ministre des Finances et de l’Économie rejetant la demande de Mme B. et MM. L. tendant à la rétrocession à leur profit du capital versé par G. M. lors de la souscription de son contrat « habitation-capitalisation » et de la décision du 9 février 2022 du Ministre d’État, rejetant leur recours hiérarchique contre cette décision ainsi qu’à la condamnation de l’État de Monaco à leur verser la somme 201.420,68 euros, montant du capital versé lors de la souscription du contrat « habitation-capitalisation ».

En la cause de :

Mme M. B. ;

M. J-Y. L. ;

M. S. L. ;

Ayant élu domicile en l’étude de Maître Christophe BALLERIO, Avocat-Défenseur près la Cour d’appel de Monaco, et plaidant par ledit Avocat-Défenseur ;

Contre :

L’État de Monaco, représenté par le Ministre d’État, ayant pour Avocat-Défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation de France ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en assemblée plénière,

…/…

Après en avoir délibéré :

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que G. M. a souscrit le 4 mai 2016 un contrat « habitation-capitalisation » et versé à l’État un capital de 201.420,68 euros ; qu’il est décédé le 22 mars 2021 ; que, par courrier du 4 octobre 2021, M. R. M., frère de G. M.,  Mme M. B., sa sœur, ainsi que MM. J-Y. et S. L., ses neveux, ont, en leur qualité d’héritiers, adressé à l’Administration une demande de rétrocession à leur profit du montant du capital versé à l’occasion de la souscription du contrat « habitation-capitalisation » ; que par une décision du 9 novembre 2021, le Conseiller de Gouvernement-Ministre des Finances et de l’Économie a rejeté cette demande ; que par un courrier du 11 janvier 2022, Mme M. B., M. R. M. et MM. J-Y. et S. L. ont formé devant le Ministre d’État un recours hiérarchique contre la décision de refus de leur rétrocéder le montant du capital versé ; que par une décision du 9 février 2022, le Ministre d’État a rejeté ce recours ; que Mme M. B., M. J-Y. L. et M. S. L. demandent au Tribunal Suprême l’annulation pour excès de pouvoir de ces décisions et la condamnation de l’État à leur verser la somme de 201.420,68 euros, montant du capital versé lors de la souscription du contrat « habitation-capitalisation » ;

2. Considérant, d’une part, que l’article 636 du Code civil dispose que « la succession d’une personne décédée sans laisser ni postérité, ni père ou mère, est dévolue aux frères et sœurs, ou descendants de ceux-ci, à l’exclusion des autres ascendants et collatéraux » ; qu’en vertu de l’article 977 du même Code, « on est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayants cause, à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention » ;

3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 19 février 2009 définissant le contrat « habitation-capitalisation » dans le secteur domanial, dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 décembre 2021 portant modification de certaines dispositions de cette loi : « Est qualifiée de contrat « habitation-capitalisation », et soumise aux dispositions de la présente loi, la convention de droit privé qui présente les caractères généraux énoncées ci-après : - l’engagement de l’État de conférer au titulaire du contrat un droit personnel d’habitation d’un appartement mentionné à l’article 2, à titre onéreux, et pour une durée de 75 ans à l’issue de laquelle un nouveau contrat peut être conclu dans les conditions prévues par la présente loi ; - l’indication d’un prix dont les modalités de calcul et le mode de versement sont fixés par la présente loi ; - la faculté pour le titulaire d’opter à tout moment pour la renonciation au bénéfice du contrat, et d’obtenir alors le paiement, dans les conditions prévues par la présente loi, d’un capital correspondant aux sommes par lui investies en exécution du contrat ; - au décès du titulaire, l’attribution du bénéfice du contrat « habitation-capitalisation » à son conjoint de nationalité monégasque, à son partenaire de vie commune de nationalité monégasque et à ses descendants en ligne directe de nationalité monégasque » ;

4. Considérant que l’article 26 de la même loi, dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 décembre 2021, dispose que « le décès du titulaire du contrat « habitation-capitalisation » transfère le bénéfice de celui-ci au conjoint de nationalité monégasque, au partenaire d’un contrat de vie commune de nationalité monégasque ainsi qu’aux descendants en ligne directe de nationalité monégasque dudit titulaire, en qualité de bénéficiaires désignés, dès la notification du décès au Ministre d’État » ; que l’article 27 de la même loi précise que « le bénéfice du contrat « habitation-capitalisation » au profit d’un bénéficiaire désigné échappe aux règles de droit commun applicables à la succession du titulaire décédé. / Le bénéficiaire désigné est réputé avoir eu droit au bénéfice du contrat dès sa conclusion. / Lorsque le bénéficiaire désigné a également la qualité d’héritier du titulaire décédé, il conserve le droit au bénéfice du contrat « habitation-capitalisation » même en cas de renonciation de sa part à la succession. / Les sommes dues au bénéficiaire désigné (…) en exécution du contrat « habitation-capitalisation » échappent aux poursuites des créanciers du titulaire décédé » ; qu’aux termes de l’article 32 de la même loi : « Le contrat « habitation-capitalisation » est résilié de plein-droit par l’État : / 1°) en cas d’absence de bénéficiaire désigné au décès du titulaire du contrat ; /(…) » ; que l’article 33 de la même loi, dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 décembre 2021, dispose : « En l’absence de bénéficiaire désigné au décès du titulaire du contrat, le Ministre d’État prononce la résiliation du contrat. /(…) / En l’absence de bénéficiaire désigné (…), le capital exigible reste acquis à l’État » ; qu’en vertu de son article 45, les dispositions de la loi du 19 février 2009 sont d’ordre public ;

5. Considérant que la loi du 10 décembre 2021 a inséré dans la loi du 19 février 2009 un article 30-1 ainsi rédigé : « Le titulaire peut désigner lors de la souscription du contrat « habitation-capitalisation » jusqu’à trois personnes physiques de son choix qui pourront prétendre au versement du capital exigible à concurrence du pourcentage qu’il aura déterminé, en cas de décès de ce titulaire, en l’absence de bénéficiaire désigné (…). / À défaut de désignation lors de la souscription du contrat « habitation-capitalisation », le titulaire peut, à tout moment, désigner ces personnes et préciser le pourcentage de répartition entre elles du capital exigible au moyen d’un formulaire disponible auprès de l’Administration des Domaines, qui doit lui être retourné dûment rempli et accompagné des pièces justificatives requises, laquelle en accuse réception. / (…) / Cette ou ces personnes peuvent prétendre au pourcentage déterminé par le titulaire du capital résultant des sommes antérieurement versées en exécution du contrat « habitation-capitalisation » et calculé dans les conditions prévues à l’article 23. / (…) » ; qu’elle a modifié l’article 33 de la même loi pour prévoir, d’une part, qu’au décès du titulaire du contrat, en l’absence de bénéficiaire désigné, l’État verse à la ou aux personnes désignées par le titulaire en application de l’article 30-1, la part du capital leur revenant et d’autre part, qu’en l’absence de personnes ainsi désignées ou en cas de refus par le bénéficiaire désigné ou par ces personnes de leur part du capital, « le capital exigible, ou son solde, est versé à la succession du titulaire décédé, selon les modalités prévues par ordonnance souveraine. Lorsque la succession est vacante, ce capital reste acquis à l’État » ; que l’article 17 de la loi du 10 décembre 2021 précise que les dispositions de la loi « s’appliquent aux contrats « habitation-capitalisation » en cours à la date de leur entrée en vigueur » ;

6. Considérant qu’il résulte de l’ensemble des dispositions de la loi du 19 février 2009, dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 décembre 2021, que le conjoint de nationalité monégasque, le partenaire d’un contrat de vie commune de nationalité monégasque et les descendants en ligne directe de nationalité monégasque du titulaire du contrat « habitation-capitalisation » ont seuls la qualité de bénéficiaires désignés du contrat au décès de son titulaire ; qu’en l’absence de bénéficiaire désigné au décès du titulaire du contrat, le capital exigible reste acquis à l’État ; que ces dispositions dérogent à l’article 636 du Code civil ;

7. Considérant, en premier lieu, que la liberté du législateur de modifier les règles de transmission du capital versé en exécution d’un contrat « habitation-capitalisation » implique que les personnes auxquelles ont été appliquées les dispositions de la loi du 19 février 2009 dans leur rédaction antérieure à leur modification par la loi du 10 décembre 2021 ne se trouvent pas dans la même situation que celles auxquelles s’appliquent les nouvelles dispositions ; que le moyen tiré de ce que les dispositions de la loi du 19 février 2009 dans leur rédaction antérieure à la loi du 10 décembre 2021 méconnaîtraient le principe d’égalité ne peut, en conséquence, qu’être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu’il est loisible à toute personne, dans l’exercice de son droit de propriété garanti par l’article 17 de la Constitution, de décider, dans les conditions et limites prévues par la loi, que des éléments de son patrimoine seront transmis, à son décès, à d’autres personnes que celles qui sont ses héritiers en application des dispositions du Code civil ; qu’une personne célibataire et sans enfant de nationalité monégasque ayant souscrit en toute connaissance de cause un contrat « habitation-capitalisation » selon les modalités prévues par la loi du 19 février 2009, dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 décembre 2021, doit être regardée comme ayant fait usage de cette faculté ; que, par suite, les requérants ne sauraient utilement soutenir que les dispositions de la loi du 19 février 2009 portent atteinte aux droits des héritiers du titulaire d’un contrat « habitation-capitalisation » garantis par l’article 17 de la Constitution ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que G. M. était célibataire et sans descendant en ligne directe ; que le contrat « habitation-capitalisation » qu’il a souscrit n’avait donc pas de bénéficiaire désigné au sens des dispositions de la loi du 19 février 2009 dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 décembre 2021 ; qu’en outre, G. M. n’a pas fait usage de la faculté, dont dispose tout titulaire d’un contrat « habitation-capitalisation » en vertu de l’article 1er de la même loi, d’opter à tout moment pour la renonciation au bénéfice du contrat ; qu’à son décès, survenu le 22 mars 2021, et en l’absence de bénéficiaire désigné, le contrat « habitation-capitalisation » qu’il a souscrit a été résilié de plein droit et le capital qu’il a versé est resté acquis à l’État en application des dispositions de la loi du 19 février 2009 dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 décembre 2021 ; que si le Ministre d’État s’est prononcé sur le recours hiérarchique des requérants postérieurement à l’entrée en vigueur des dispositions de la loi du 10 décembre 2021, celles-ci n’étaient pas applicables au contrat « habitation-capitalisation » souscrit par G. M. et résilié en raison de son décès en mars 2021 ; qu’ainsi, en rejetant la demande des requérants, les auteurs des décisions attaquées ont fait une exacte application des dispositions de la loi du 19 février 2009 ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu’il résulte de ce qui a été dit au point 6 que les requérants ne peuvent utilement soutenir que les décisions attaquées auraient méconnu l’article 636 du Code civil ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu’il résulte de ce qui a été dit au point 8 qu’en souscrivant un contrat « habitation-capitalisation » régi par les dispositions de la loi du 19 février 2009 dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 décembre 2021, G. M. ne peut être regardé comme ayant stipulé pour soi et pour ses héritiers ; que les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que les décisions qu’ils attaquent méconnaîtraient l’article 977 du Code civil ;

12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme B., M. J-Y. L. et M. S. L. ne sont pas fondés à demander l’annulation des décisions qu’ils attaquent ; qu’il suit de là que leur demande indemnitaire ne peut qu’être rejetée ;

Décide :

Article Premier.

La requête de Mme B. et MM. L. est rejetée.

Art. 2.

Les dépens sont mis à la charge de Mme B. et MM. L.

Art. 3.

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.

Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.

Le Greffier en Chef,

V. Sangiorgio.

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