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TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - Extrait - Audience du 23 février 2023 - Lecture du 10 mars 2023

  • N° journal 8635
  • Date de publication 24/03/2023
  • Qualité 100%
  • N° de page

Recours en annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 18 juin 2020 du Ministre d’État autorisant la démolition de la « Villa A. » et portant approbation de la demande de permis de construire en vue de la réalisation de l’opération immobilière dénommée « Villa E. » ainsi que de la décision implicite rejetant le recours gracieux de la SOCIETE IMMOBILIERE P. contre cet arrêté.

En la cause de :

La SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE (S.C.I.) P. ;

Ayant élu domicile en l’étude de Maître Régis BERGONZI, Avocat-Défenseur près la Cour d’appel de Monaco, et plaidant par ledit Avocat-Défenseur, substitué par Maître Xavier-Alexandre BOYER, Avocat-Défenseur près la même Cour ;

Contre :

L’État de Monaco, représenté par le Ministre d’État, ayant pour Avocat-Défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation de France ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en assemblée plénière,

…/…

Après en avoir délibéré :

1. Considérant que la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE (S.C.I.) P. demande l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 18 juin 2020 du Ministre d’État autorisant la démolition de la « Villa A. », sise ….., et portant approbation de la demande de permis de construire en vue de la réalisation de l’opération immobilière dénommée « Villa E. » et de la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 3 de l’Ordonnance-loi du 3 novembre 1959, modifiée, concernant l’urbanisme, la construction et la voirie : « Les demandes d’autorisation sont examinées par un comité consultatif se prononçant au vu des lois et règlements, des conditions esthétiques du travail projeté et de l’intérêt général, ainsi que de la représentativité au regard de l’histoire de Monaco. L’appellation, la composition et les missions dudit comité sont déterminées par ordonnance souveraine » ;

3. Considérant qu’en vertu de l’article 3 de l’Ordonnance du 9 septembre 1966 concernant l’urbanisme, la construction et la voirie, la demande d’autorisation de construire doit être accompagnée, en fonction de la nature des travaux projetés, des pièces nécessaires à son instruction dont, en particulier, « un plan complet de tous les niveaux ou du niveau concerné par le projet, coté dans ses trois dimensions à l’échelle 1/100e au moins, précisant : / les surfaces et volumes de chaque pièce principale pour les locaux à usage d’habitation ; / les surfaces de chaque pièce pour les locaux à usage autre que l’habitation » ainsi qu’« un formulaire récapitulatif des données fondamentales du dossier portant la référence « formulaire BATI1 » ou « formulaire BATI2 » ;

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le dossier soumis au Comité consultatif ne comportait pas l’ensemble des pièces requises en application de l’article 3 de l’Ordonnance du 9 septembre 1966 ; que le Comité consultatif a relevé, dans son avis du 20 février 2020, que le dossier n’était pas complet ; qu’il a demandé au pétitionnaire de fournir notamment, avant l’éventuelle délivrance de l’autorisation de construire, « le formulaire BATI 1 projeté (et non le formulaire BATI 2) » ainsi qu’« un tableau récapitulatif des surfaces et des volumes projetés avec la surhauteur » ; que ces derniers documents ont été adressés le 20 février 2020, trop tardivement pour que le Comité consultatif puisse en prendre connaissance ; que le dossier de demande de permis de construire a été complété les 3 mars et 13 mai 2020, postérieurement à l’avis du Comité consultatif du 20 février 2020, par l’envoi de la maquette du projet et de l’acte de garantie à première demande ;

5. Considérant, cependant, que le non-accomplissement d’une formalité prévue par un texte n’est de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée que s’il a pu avoir une influence déterminante sur le sens de cette décision ;

6. Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le Comité consultatif n’aurait pas été en mesure de porter une appréciation sur le projet au vu des pièces versées au dossier de demande de permis de construire ; qu’en particulier, en délivrant un avis favorable, le Comité consultatif a implicitement considéré que les pièces en sa possession lui permettaient d’examiner de manière suffisamment précise les surfaces et volumes projetés ; qu’ainsi, dans les circonstances de l’espèce, l’absence de production de certaines pièces n’a pas été de nature à empêcher l’examen des caractéristiques de la construction projetée et a, par conséquent, été sans influence déterminante sur le sens de l’avis du Comité consultatif et celui de la décision du Ministre d’État ; que le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande de permis de construire doit, en conséquence, être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 141-1 du Code de l’environnement : « L’État, après avis de la Commission technique d’hygiène, de sécurité et de protection de l’environnement, peut subordonner à la réalisation préalable d’une étude des incidences sur l’environnement : / 1°) tout projet, public ou privé, de construction, de démolition, d’aménagements intérieurs ou extérieurs de bâtiments, de terrassements ou de travaux quelconques sur le sol ou dans le sous-sol des terrains et des voies publics ou privés ; / (…) » ; qu’il en résulte que la réalisation préalable d’une étude des incidences sur l’environnement n’est pas une formalité obligatoire pour le demandeur d’une autorisation de construire ; que le moyen tiré du défaut d’étude d’impact préalable n’est, dès lors, pas fondé ;

8. Considérant, en troisième lieu, que l’article 17, relatif au « Statut des bâtiments existants », de l’annexe 1 du règlement d’urbanisme issu de l’Ordonnance Souveraine n° 4.482 du 13 septembre 2013 modifiée, portant délimitation et règlement d’urbanisme du secteur des quartiers ordonnancés, impose, en cas d’extension des sous-sols existants ou de création de sous-sols, de joindre à la demande d’autorisation de construire une étude précise des incidences de l’extension sur les aménagements de surface ; que cette disposition n’est toutefois applicable qu’aux seuls « bâtiments existants » au sens du règlement d’urbanisme ; que l’article 17.1 de l’annexe I de ce règlement précise, à cet égard, que « le plan de masse repère les éventuels éléments de bâti auxquels le règlement confère le statut de bâtiment existant » ;

9. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la « Villa A. » ne figure pas en tant que bâtiment existant sur le plan de masse du quartier de M.C. zone 1 (l. S./C.) n° PU-C2-MCO-Z1-D du 14 octobre 2013 ; que le demandeur de l’autorisation de construire n’était dès lors pas tenu de produire une étude précise des incidences de l’extension sur les aménagements de surface ; que la S.C.I. P. ne saurait ainsi utilement soutenir que les décisions attaquées seraient illégales en raison du défaut de production d’une étude technique relative à l’aménagement du sous-sol ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes de l’article 6 de l’annexe 1 du même règlement d’urbanisme : « (…) / 6.3 - Dans le cas où une partie des niveaux de sous-sol est implantée au-dessous d’une voie et/ou d’une emprise publique existante ou à créer, un volume libre de toute construction, d’une hauteur de 1,50 mètres, doit être conservé entre le niveau supérieur de la dalle de couverture de cette partie des sous-sols, protection d’étanchéité comprise, et le niveau fini de la voie et/ou de l’emprise publique. / 6.4 - Cette hauteur peut être ramenée à 1 mètre après avis de la Direction de l’Aménagement Urbain » ; qu’il résulte de ces dispositions que l’avis de la Direction de l’Aménagement Urbain n’est requis que dans le cas où une partie des niveaux de sous-sol est implantée au‑dessous d’une voie et/ou d’une emprise publique existante ou à créer ;

11. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’aucun niveau de sous-sol n’est construit sous la voie publique ou sous une emprise publique ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de production de l’avis de la Direction de l’Aménagement Urbain concernant la hauteur du niveau de sous-sol ne peut qu’être écarté ;

12. Considérant, en cinquième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que la « Villa E. » est destinée à devenir un hôtel particulier en propriété individuelle et n’a donc pas vocation à accueillir du public ; que, dès lors, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que l’autorité administrative en charge de l’instruction de la demande d’autorisation de construire n’aurait pas été en mesure de se prononcer sur celle-ci en raison de l’indétermination de la nature et de l’affectation réelle de l’opération projetée ;

13. Considérant, en sixième lieu, qu’aux termes de l’article 12 de l’annexe 1 du même règlement d’urbanisme : « 12.1 - L’altimétrie du niveau supérieur d’un bâtiment ou d’une surélévation prise en compte dans le règlement d’urbanisme applicable au secteur des quartiers ordonnancés représente, selon la nature des toitures, la cote : / - de l’égout du toit, dans le cas d’une toiture en pente ; / - du niveau fini de la terrasse de couverture dans les autres cas. / (…) / 12.3 - Cette cote est à comparer, selon la prescription réglementaire illustrée par le plan de masse, à : /- une cote maximale du niveau supérieur des bâtiments ; / - une cote minimale du niveau supérieur des bâtiments ; / - une cote obligatoire du niveau supérieur des bâtiments ; / - la combinaison d’une cote maximale et d’une cote minimale du niveau supérieur des bâtiments. / 12.4 - Toutes ces cotes sont exprimées en mètres par rapport au niveau général de la Principauté de Monaco (NGM). / (…) » ; que l’article 35 de la même annexe prévoit qu’une tolérance de cinquante centimètres peut être admise sur les cotes maximales, minimales et obligatoires du niveau supérieur des bâtiments et qu’une tolérance supplémentaire peut être admise après avis du Comité consultatif pour la Construction ;

14. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les cotes figurant sur le plan de masse sont de +109,75 pour la cote indicative de l’acrotère ou de l’égout du toit et de +115,60 pour la cote maximale du niveau supérieur des bâtiments ; qu’il ressort de l’avis du Comité consultatif, qu’une tolérance permet d’autoriser une hauteur de +116,70 NGM ; que le tableau récapitulatif des surfaces du projet avec la surhauteur indique que la hauteur à l’égout de la terrasse est de +117,90 NGM et la hauteur à l’égout de la toiture de + 120,82 NGM ; que l’article 3 de l’arrêté attaqué prévoit que « la hauteur maximale de la construction comportant la surhauteur devra se limiter à la cote +116,70 NGM au lieu de la cote de +117,90 NGM » ; qu’ainsi, il ne méconnaît pas une hauteur maximale tolérée ; que, dès lors, le moyen tiré du non‑respect des prescriptions générales d’urbanisme relatives à la hauteur du bâtiment n’est pas fondé ;

15. Considérant, en septième lieu, qu’aux termes de l’article 26 de l’annexe 1 du même règlement d’urbanisme : « Dans les jardins à créer, (…) 70 % de la surface doivent être constitués de plantations composées de pelouses, parterres, arbustes et arbres. (…) » ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que ces dispositions aient été méconnues ; qu’en particulier, l’arrêté attaqué prévoit que « le projet devra comporter, au niveau du rez-de-jardin, une surface plus importante d’espaces verts au détriment du plancher vitré » ; que, dès lors, le moyen tiré du non-respect des prescriptions générales d’urbanisme relatives aux jardins doit être écarté ;

16. Considérant, en huitième lieu, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions attaquées méconnaissent les règles applicables relatives aux matériaux utilisés, aux édicules d’accès en toiture-terrasse et aux garde-corps ; que, dès lors, le moyen tiré du non-respect des prescriptions générales d’urbanisme relatives à l’aspect extérieur des bâtiments n’est pas fondé ;

17. Considérant, en neuvième lieu, qu’aux termes de l’article 3 de l’annexe n° 9 du même règlement d’urbanisme : « (…) 3.6.2 - Les murs de soutènement et socles existants en amont de la rue Bellevue, au droit des nos 9, 11, 13 et 15 de ladite rue, doivent faire l’objet d’un soin particulier dans le cadre de travaux de mise en œuvre des opérations ou de modifications : Le principe des socles avec soutènement en pierre ne doit pas être remis en cause, ce qui implique une reconstruction à l’identique en cas de démolition. (…) » ; que ces dispositions n’interdisent pas la destruction suivie de la reconstruction des murs de soutènement ;

18. Considérant que la décision attaquée prévoit la reconstruction à l’identique des murs de soutènement ; que, dès lors, le moyen tiré du non-respect des prescriptions spéciales lors des travaux de démolition et de reconstruction doit être écarté ;

19. Considérant, en dixième lieu, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la notice descriptive de l’opération projetée soit en contradiction avec les plans versés à l’appui de la demande de permis de construire ; que, dès lors, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que les décisions attaquées seraient illégales en raison d’une incohérence entre cette notice descriptive et ces plans ;

20. Considérant, en dernier lieu, qu’aux termes du III de l’article 9 de l’Ordonnance du 9 septembre 1966, modifiée, concernant l’urbanisme, la construction et la voirie : « L’autorisation de construire et/ou de démolir est toujours accordée sous réserve des droits des tiers et aux risques et périls de tous les intéressés » ; qu’ainsi le moyen tiré du préjudice résultant des conditions d’occupation du bien ainsi que de la dévaluation économique engendrée par l’opération immobilière projetée n’est pas au nombre de ceux qui peuvent être utilement invoqués devant le juge de l’excès de pouvoir à l’encontre d’un permis de construire ; qu’il s’ensuit que le moyen tiré du caractère disproportionné du projet en ce qu’il serait de nature à affecter les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance des propriétaires de la Villa C. est inopérant ;

21. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la S.C.I. P. n’est pas fondée à demander l’annulation des décisions qu’elle attaque ;

Décide :

Article Premier.

La requête de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE P. est rejetée.

Art. 2.

Les dépens sont mis à la charge de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE P.

Art. 3.

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.

Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.

Le Greffier en Chef,

V. Sangiorgio.

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