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TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - Extrait - Audience du 22 septembre 2022 - Lecture du 7 octobre 2022

  • N° journal 8614
  • Date de publication 28/10/2022
  • Qualité 100%
  • N° de page

Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du 23 février 2021 de la Direction du Travail abrogeant le permis de travail de M. T..

En la cause de :

M. B. T. ;

Ayant élu domicile en l’étude de M. le Bâtonnier Thomas GIACCARDI, Avocat-Défenseur près la Cour d’appel de Monaco et plaidant par Maître Thomas BREZZO, Avocat près la même Cour ;

Contre :

L’État de Monaco, représenté par le Ministre d’État, ayant pour Avocat-Défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation de France.

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en assemblée plénière,

…/…

Après en avoir délibéré :

1. Considérant que M. B. T. demande l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 23 février 2021 par laquelle la Direction du Travail a décidé le « retrait » du permis de travail qui lui avait octroyé le 15 juin 1989 pour exercer en qualité de « garçon de courses Bureau » pour le compte de l’Orchestre philarmonique de Monte-Carlo ;

2. Considérant, tout d’abord, qu’aux termes des premier et deuxième alinéas de l’article 1er de la loi du 17 juillet 1957 tendant à réglementer les conditions d’embauchage et de licenciement en Principauté : « Aucun étranger ne peut occuper un emploi privé à Monaco s’il n’est titulaire d’un permis de travail. Il ne pourra occuper d’emploi dans une profession autre que celle mentionnée par ce permis. La demande de permis de travail mentionne, le cas échéant, l’exercice d’une activité de télétravail et les lieux où elle est exercée. / Cette obligation est indépendante de la forme et de la durée du contrat de travail ainsi que du montant et de la nature de la rémunération » ; que l’article 2 de la même loi précise que « La délivrance du permis de travail prévu à l’article premier ne peut intervenir qu’après avis du Directeur de la Sûreté Publique et avis du Directeur de l’Office de la médecine du travail. / Ces avis sont respectivement transmis au Directeur du Travail par le Directeur de la Sûreté Publique et par le Directeur de l’Office de la médecine du travail » ;

3. Considérant, ensuite, qu’aux termes de l’article 2 de l’Ordonnance Souveraine du 18 février 2005 modifiée, portant création d’une Direction du Travail : « Cette Direction est chargée : / (…) / - de l’application de la législation et de la réglementation du travail ; / (…) / - de la délivrance des autorisations d’embauchage et des permis de travail ; / (…) / - du contrôle du respect de la législation sur les conditions d’embauchage et de licenciement ; / (…) » ;

4. Considérant, enfin, que l’article 3 de la loi du 13 juillet 2016 portant diverses mesures relatives à la préservation de la sécurité nationale dispose : « Le Directeur de la Sûreté Publique procède, sur instructions du Ministre d’État ou du Conseiller de Gouvernement-Ministre de l’Intérieur, préalablement aux actes ou décisions administratives d’autorités compétentes dont la liste est fixée par arrêté ministériel, à des enquêtes aux fins de vérifier que des personnes physiques ou morales concernées par ces actes ou décisions, présentent des garanties appropriées et que leurs agissements ne sont pas incompatibles avec ceux-ci. Le Directeur de la Sûreté Publique procède également à des enquêtes aux fins de vérifier la situation personnelle, familiale et financière des personnes physiques désireuses de s’établir sur le territoire de la Principauté ou de renouveler leur titre de séjour conformément aux dispositions réglementaires applicables » ; que l’arrêté ministériel n° 2016-622 du 17 octobre 2016 portant application de l’article 3 de la loi n° 1.430 du 13 juillet 2016 portant diverses mesures relatives à la préservation de la sécurité nationale, range « la délivrance et le renouvellement des permis de travail et autorisations d’embauchage » au nombre des décisions qui doivent être précédées d’une enquête ;

5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée est fondée sur les résultats d’une enquête réalisée par la Direction de la Sûreté Publique en application des dispositions citées ci-dessus ; que cette enquête a révélé des faits d’importation et revente de stupéfiants pour lesquels M. T. a été condamné, par un jugement du 5 janvier 2021 du Tribunal correctionnel, à une peine d’un an d’emprisonnement ; que la Direction du Travail a estimé que, dès lors, il ne présentait plus les « garanties de moralité appropriées » pour poursuivre son activité professionnelle sur le territoire monégasque ;

6. Considérant qu’il appartient au juge de l’excès de pouvoir de donner aux décisions qui lui sont déférées leur exacte qualification ; que, si la décision attaquée évoque de manière impropre l’annulation et le retrait du permis de travail de M. T., il ressort des écritures du Ministre d’État que la Direction du Travail a, en réalité, entendu abroger la décision du 15 juin 1989 accordant le permis de travail ;

7. Considérant, en premier lieu, que la Direction du Travail qui a, en vertu de l’article 2 de l’Ordonnance Souveraine du 18 février 2005, compétence pour délivrer les permis de travail, est également compétente pour modifier, retirer ou abroger ces autorisations administratives ; que, par suite, M. T. n’est pas fondé à soutenir que la Direction du Travail n’avait pas compétence pour prendre la décision attaquée ; que, pour les mêmes motifs, les moyens tirés de ce que la décision attaquée serait dépourvue de base légale et entachée d’une erreur de droit dans l’application des dispositions définissant les prérogatives de la Direction du Travail ne peuvent qu’être écartés ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que le Directeur adjoint du Travail, eu égard à ses fonctions, doit être regardé comme ayant compétence pour signer une décision d’abrogation d’un permis de travail ; que, par suite, le moyen tiré de l’incompétence du signataire de la décision attaquée n’est pas fondé ;

9. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, le principe de sécurité juridique ne fait pas obstacle, alors même que le permis de travail aurait été délivré depuis de nombreuses années, à la décision légale d’abroger cette autorisation administrative ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée comporte l’énoncé des considérations de fait qui en constituent le fondement ; que le moyen tiré de ce que cette décision ne serait pas suffisamment motivée, en méconnaissance des exigences de la loi du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs, n’est, dès lors, pas fondé ;

11. Considérant, en cinquième lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, l’abrogation de son permis de travail n’emporte pas interdiction générale d’exercer toute activité salariée en Principauté et n’a pas de caractère automatique ; qu’en tout état de cause, une telle décision ne constitue pas une sanction mais une mesure de police administrative ; que, par suite, M. T. ne peut utilement soutenir qu’il aurait été sanctionné deux fois pour les mêmes faits et que l’abrogation de son permis de travail méconnaîtrait les principes de nécessité et de proportionnalité des peines ;

12. Considérant, en dernier lieu, que, eu égard aux caractéristiques de l’emploi de garçon de courses pour le compte de l’Orchestre philarmonique de Monte‑Carlo et à la nature des faits pour lesquels M. T. a été condamné pénalement par la justice monégasque en 2021, la Direction du Travail a pu estimer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que le requérant ne présentait pas, à la date à laquelle elle a pris sa décision, les garanties appropriées à l’occupation d’un tel emploi ;

13. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. T. n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision qu’il attaque ;

Décide :

Article Premier.

La requête de M. T. est rejetée.

Art. 2.

Les dépens sont mis à la charge de M. T..

Art. 3.

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.

Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.

Le Greffier en Chef,

V. Sangiorgio.

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