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TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - EXTRAIT - Audience du 28 juin 2022 - Lecture du 12 juillet 2022

  • N° journal 8600
  • Date de publication 22/07/2022
  • Qualité 100%
  • N° de page

1°/ Recours en annulation de l’article 8 de la loi n° 1.508 du 2 août 2021 relative à la sauvegarde et à la reconstruction des locaux à usage d’habitation relevant des dispositions de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 relative aux conditions de location de certains locaux à usage d’habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947.

2°/ Recours en annulation des articles 2, 3, 4, 5, 6 et 8 de la loi n° 1.508 du 2 août 2021 relative à la sauvegarde et à la reconstruction des locaux à usage d’habitation relevant des dispositions de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 relative aux conditions de location de certains locaux à usage d’habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947.

En les causes de :

1°/ M. C. M., Mme D. M. et Mme M. M. ;

Ayant élus domicile en l’étude de Maître Patricia REY, Avocat-Défenseur près la Cour d’appel de Monaco, substituée par Maître Arnaud CHEYNUT, Avocat-Défenseur près la même Cour, et plaidant par ledit Avocat-Défenseur, substituée par Maître Clyde BILLAUT, Avocat près la même Cour ;

2°/ L’ASSOCIATION DES PROPRIÉTAIRES DE MONACO, dont le siège est sis Hades Business Center, 33, rue Grimaldi à Monaco, représentée par son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l’étude de Maître Arnaud ZABALDANO, Avocat-Défenseur près la Cour d’appel de Monaco, substitué par Maître Arnaud CHEYNUT, Avocat-Défenseur près la même Cour, et plaidant par la SARL Cabinet BRIARD, Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation ;

Contre :

L’État de Monaco représenté par le Ministre d’État, ayant pour Avocat-Défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation de France ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en assemblée plénière,

…/…

Après en avoir délibéré :

1. Considérant que les hoirs M. demandent, sur le fondement du 2° du A de l’article 90 de la Constitution, l’annulation de l’article 8 de la loi n° 1.508 du 2 août 2021 relative à la sauvegarde et à la reconstruction des locaux à usage d’habitation relevant des dispositions de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 relative aux conditions de location de certains locaux à usage d’habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947 ; que l’ASSOCIATION DES PROPRIÉTAIRES DE MONACO demande, sur le même fondement, l’annulation des articles 2, 3, 4, 5, 6 et 8 de la même loi ; que leurs requêtes étant dirigées contre les dispositions de la même loi, il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par une même décision ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le Ministre d’État

2. Considérant que l’ASSOCIATION DES PROPRIÉTAIRES DE MONACO a produit, à l’appui de sa réplique, ses statuts et la décision de son bureau autorisant son président à initier devant le Tribunal Suprême un recours tendant à l’annulation de la loi du 2 août 2021 ; qu’il ressort de ces pièces que l’association requérante a qualité pour agir ; que par suite, la fin de non-recevoir opposée par le Ministre d’État doit être écartée ;

Sur les conclusions à fin d’annulation de la loi attaquée

3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 24 de la Constitution : « La propriété est inviolable. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique légalement constatée et moyennant une juste indemnité, établie et versée dans les conditions prévues par la loi » ;

4. Considérant que le libre exercice du droit de propriété garanti par l’article 24 de la Constitution doit être concilié avec les règles, principes et exigences de valeur constitutionnelle applicables dans l’État monégasque ; qu’il en est ainsi des exigences résultant des caractères géographiques particuliers du territoire de l’État de Monaco ainsi que du principe accordant une priorité aux Monégasques, consacré par la Constitution ; qu’il est, en outre, loisible au législateur d’apporter à ce droit des limitations justifiées par l’intérêt général à la condition qu’il n’en résulte pas une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi ;

5. Considérant, d’autre part, que le principe d’égalité, garanti par l’article 17 de la Constitution, ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit ;

En ce qui concerne l’article 2 de la loi attaquée

6. Considérant que l’article 3 de la loi du 28 décembre 2000 relative aux conditions de location de certains locaux à usage d’habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947 énumère les catégories de personnes protégées au titre de cette loi, au premier rang desquelles figurent les personnes de nationalité monégasque ; que l’article 2 de la loi attaquée y ajoute le père ou la mère d’un enfant de nationalité monégasque ayant eu pendant au moins dix ans la charge effective de cet enfant et qui justifie d’au moins dix années de résidence en Principauté, les personnes de nationalité étrangère telles que définies en tant qu’Enfants du Pays par la loi du 2 juillet 2021 portant reconnaissance des « Enfants du Pays » et de leur contribution au développement de la Principauté de Monaco et dont l’un de leurs auteurs ou adoptants est également né à Monaco et y résidait au moment de leur naissance ou de leur adoption ainsi que les autres personnes de nationalité étrangère définies en tant qu’Enfants du Pays par la même loi ;

7. Considérant que le législateur, faisant usage de la liberté d’appréciation qui lui appartient, a ainsi entendu prendre en compte, dans la détermination des bénéficiaires du régime prévu par la loi du 28 décembre 2000, les liens étroits de ces catégories de personnes avec la Principauté ; que, par suite, l’association requérante n’est pas fondée à soutenir que cette disposition porterait au droit de propriété une atteinte excédant celle qui peut lui être apportée au regard des règles, principes et exigences constitutionnels ci-dessus rappelés ;

En ce qui concerne l’article 3 de la loi attaquée

8. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l’article 14 de la loi du 28 décembre 2000, dans leur rédaction résultant de l’article 3 de la loi attaquée, disposent qu’en cas de travaux de démolition et de reconstruction d’un immeuble, l’État assure le relogement des locataires évincés ; que ces dispositions sont destinées à ne pas faire peser les conséquences financières du relogement sur le locataire évincé ; qu’elles prévoient également que le propriétaire verse à l’État une indemnité pour chaque locataire ayant droit à un relogement dans des conditions déterminées par arrêté ministériel ; qu’en prévoyant une participation du propriétaire aux frais de relogement assumés par l’État, cette disposition ne lui impose pas une obligation portant en elle-même une atteinte excessive au droit de propriété ; qu’il appartiendra au Ministre d’État de fixer le montant de cette indemnité conformément à son objet et de veiller à ce qu’elle ne constitue pas une charge excessive pour les propriétaires concernés ;

9. Considérant, en second lieu, que les mêmes dispositions imposent un délai de préavis de six mois au propriétaire qui souhaite donner congé à son locataire en vue de procéder à la démolition et la reconstruction de son bien ; qu’eu égard à l’exigence de relogement des bénéficiaires de la loi du 28 décembre 2000 et aux délais prévus pour la mise en œuvre de la procédure de relogement, un tel délai ne porte pas une atteinte excessive au droit de propriété ;

En ce qui concerne l’article 4 de la loi attaquée

10. Considérant que l’article 14-1 de la loi du 28 décembre 2000, dans sa rédaction résultant de l’article 4 de la loi attaquée, met à la charge du propriétaire qui souhaite effectuer des travaux ayant pour objet de créer des locaux indépendants des logements existants par surélévation ou addition de construction et rendant impropre à l’habitation le local occupé par le locataire, une obligation de relogement de ce dernier jusqu’à l’achèvement des travaux ;

11. Considérant que, contrairement à ce que soutient l’association requérante, les propriétaires réalisant de tels travaux ne se trouvent pas dans la même situation que ceux qui procèdent à une opération de démolition et de reconstruction de leur bien ; qu’en effet, la relation contractuelle entre le bailleur et le locataire se poursuit dans le premier cas, le locataire retrouvant son logement à l’issue des travaux, alors que cette relation prend fin dans le second cas ; qu’ainsi, la différence de traitement établie par la loi attaquée, en rapport direct avec son objet, ne méconnaît pas le principe d’égalité ;

En ce qui concerne l’article 5 de la loi attaquée

12. Considérant que l’article 15 de la loi du 28 décembre 2000, dans sa rédaction résultant de l’article 5 de la loi attaquée, impose également un délai de préavis de six mois au propriétaire qui souhaite donner congé à son locataire en vue d’effectuer des travaux dont l’exécution rend impropre à l’habitation le local occupé par le locataire ; qu’eu égard à l’exigence de relogement des bénéficiaires de la loi du 28 décembre 2000, le moyen tiré de ce que cette disposition méconnaîtrait le droit de propriété n’est pas fondé ;

En ce qui concerne l’article 6 de la loi attaquée

13. Considérant que le premier alinéa de l’article 18 de la loi du 28 décembre 2000, dans sa rédaction résultant de l’article 6 de la loi attaquée, prévoit que « le loyer est établi par référence aux loyers appliqués dans le même secteur d’habitation pour des locaux de même type relevant du même régime juridique à la date de promulgation de la présente loi, situés dans le même quartier ou un quartier voisin, dans des immeubles considérés comme étant de qualité similaire et présentant des prestations équivalentes » ;

14. Considérant, d’une part, que si la disposition critiquée, se bornant à reprendre la rédaction initiale de la loi du 28 décembre 2000, ne mentionne que les locaux relevant du secteur protégé à la date de la promulgation de cette loi, elle doit être interprétée comme faisant référence à l’ensemble des locaux, énumérés à son article 1er, entrant dans le champ d’application de la loi du 28 décembre 2000 ; que, contrairement à ce que soutient l’association requérante, l’article 6 de la loi attaquée tend à permettre, pour la détermination des loyers des locaux d’habitation régis par la loi du 28 décembre 2000, la comparaison entre les biens neufs entrés dans le champ de  cette loi et les biens construits ou achevés avant le 1er septembre 1947 mais ayant fait l’objet de travaux significatifs de rénovation ou d’amélioration ;

15. Considérant, d’autre part, que l’association requérante n’est pas fondée à soutenir que l’article 6 de la loi attaquée aurait également dû prendre en compte le montant des loyers des locaux d’habitation neufs non soumis à la loi du 28 décembre 2000 ;

16. Considérant que le moyen tiré de ce que l’article 6 de la loi attaquée méconnaîtrait le libre exercice du droit de propriété ne peut, dès lors, qu’être écarté ;

En ce qui concerne l’article 8 de la loi attaquée

17. Considérant que l’article 8 de la loi attaquée insère dans la loi du 28 décembre 2000 un article 39-1 ; que, sans préjudice de l’application des prescriptions législatives applicables en matière d’urbanisme, de construction et de voirie, cette disposition conditionne les autorisations de démolition et de reconstruction des immeubles comprenant un ou plusieurs locaux d’habitation soumis aux dispositions de la loi du 28 décembre 2000 ;

18. Considérant, tout d’abord, que la loi impose que le projet de construction prévoie la construction de locaux d’habitation venant se substituer à ceux qui relèvent de la loi du 28 décembre 2000 et qui seront détruits ; qu’au sein de l’immeuble reconstruit, un étage spécifique doit être affecté aux locaux d’habitation de substitution ; que lorsque la surface intérieure des locaux d’habitation de cet étage spécifique est inférieure à la surface intérieure des locaux d’habitation relevant de la loi du 28 décembre 2000 qui seront détruits, le projet de construction doit prévoir l’affectation d’un second étage spécifique ; que les étages spécifiques sont exclusivement composés de locaux de substitution ; que la loi attaquée détermine elle-même de manière précise la localisation des étages spécifiques au sein de l’immeuble à bâtir ; qu’ainsi, le premier étage spécifique doit être situé à l’étage médian de l’immeuble à bâtir, entre le premier étage de locaux d’habitation et le dernier étage de l’immeuble, l’étage spécifique compris ; qu’en cas de nombre d’étages pair, l’étage spécifique est situé à l’unité supérieure ; que s’il y a lieu, le second étage spécifique est situé directement au-dessus du premier ; qu’en outre, un emplacement de stationnement automobile et une cave doivent être rattachés à chaque local d’habitation de substitution ;

19. Considérant, ensuite, que l’article 8 de la loi attaquée impose la cession à l’État, lors de l’achèvement des travaux, des locaux d’habitation de substitution situés, selon le cas, à l’étage ou aux étages spécifiques ainsi que des locaux accessoires et dépendances qui doivent être rattachés à chaque local d’habitation de substitution ; que les modalités et le prix de cession de l’ensemble de ces locaux et de leurs dépendances sont fixés par l’accord commun du propriétaire et du Ministre d’État ; que la loi précise toutefois que « le prix sera calculé en prenant comme base le coût de construction, dont les éléments sont déterminés par arrêté ministériel » ; que l’accord de cession doit être joint aux demandes d’autorisation de démolir et de construire ; que les frais d’acte sont à la charge exclusive du propriétaire ;

20. Considérant, par ailleurs, que l’article 8 de la loi attaquée permet qu’à la demande du propriétaire et avec l’accord de l’État le projet de construction ne prévoie pas la construction de locaux d’habitation de substitution au sein de l’immeuble reconstruit ; que dans ce cas, le propriétaire doit procéder, au choix de l’État, soit à la dation de locaux existants, construits et achevés après le 1er septembre 1947, non régis par la loi du 28 décembre 2000 et présentant des surfaces et qualités équivalentes aux locaux de substitution qui auraient dû être construits, soit à l’affectation, au sein d’un immeuble objet d’une autre demande d’autorisation de démolir et de construire déposée concomitamment, d’un ou deux étages spécifiques d’une surface égale ou supérieure à celle des locaux de substitution qui auraient dû être construits ; qu’il est renvoyé à un arrêté ministériel le soin de fixer les critères permettant de déterminer l’équivalence des surfaces et qualités des locaux donnés à titre de compensation ; qu’un comité consultatif, dont la loi précise qu’il doit comprendre des représentants du Gouvernement et du Conseil National, est appelé à émettre un avis ; que les modalités de fonctionnement et la composition complète de ce comité sont précisées par arrêté ministériel ;

21. Considérant, en outre, que l’article 8 de la loi attaquée prévoit l’octroi de plein droit par l’État, en contrepartie de la cession des locaux d’habitation de substitution ou de la dation de locaux d’habitation de compensation, d’une majoration de volume constructible, dans la limite, selon le cas, d’un ou deux étages, par rapport au volume qui était occupé par l’immeuble détruit ou par rapport au volume constructible autorisé par les cotes maximales du niveau supérieur des bâtiments telles qu’inscrites au Règlement d’urbanisme en annexe de l’Ordonnance Souveraine n° 4.482 du 13 septembre 2013 modifiée ; que lorsque la majoration porte sur deux étages, les dispositions de l’article 12.6 des dispositions générales de la même Ordonnance Souveraine ne sont pas applicables ;

22. Considérant, enfin, que l’article 8 de la loi attaquée prévoit que ses dispositions ne sont pas applicables aux demandes d’autorisation de démolir et de construire pour lesquelles la majoration du volume constructible ne peut être octroyée en raison d’une impossibilité technique ou juridique ; qu’il précise, en particulier, que ses dispositions ne s’appliquent pas, d’une part, aux bâtiments soumis aux articles 21 et 23 des dispositions générales du Règlement d’urbanisme et, d’autre part, à ceux situés dans le secteur réservé défini à l’article 12.1 A de l’Ordonnance Souveraine n° 3.647 du 9 septembre 1966, modifiée ;

23. Considérant, d’une part, qu’il résulte des dispositions de la loi du 28 décembre 2000, dans leur rédaction antérieure à la loi attaquée, que la démolition et la reconstruction d’un immeuble a pour effet de mettre fin à l’application du régime prévu par la loi du 28 décembre 2000 aux locaux d’habitation relevant, au sein de l’immeuble, de cette loi ; que, par les dispositions critiquées, le législateur a entendu, en premier lieu, faire obstacle à la disparition progressive des locaux régis par la loi du 28 décembre 2000 par l’effet des promotions immobilières, en deuxième lieu, assurer la transformation et le renouvellement de ces locaux d’habitation pour permettre, à terme, aux personnes protégées de vivre dans des immeubles plus confortables et, en dernier lieu, libérer, à terme, les propriétaires privés des contraintes résultant de l’application de la loi du 28 décembre 2000 par le « repositionnement de l’État en tant qu’acteur principal et stratégique du secteur protégé » ; que les dispositions critiquées doivent ainsi être regardées comme concourant aussi longtemps que nécessaire à ce que les Monégasques et les personnes ayant des liens particuliers avec la Principauté puissent se loger à Monaco et, par suite, au respect des principes et exigences rappelés ci-dessus ;

24. Considérant, d’autre part, qu’il résulte tant des termes de la loi attaquée que de ses travaux préparatoires que celle-ci prévoit la cession à l’État d’un ou deux étages de l’immeuble reconstruit ou d’un autre immeuble à reconstruire ou, à défaut, la dation par le propriétaire concerné de locaux d’habitation présentant des caractéristiques équivalentes ; que si la loi énonce que l’indemnité de cession versée par l’État, laquelle doit tenir compte des surfaces extérieures, est déterminée d’un commun accord entre le propriétaire et l’État, le défaut d’accord de l’État sur le montant de l’indemnité fait obstacle à l’octroi de l’autorisation de démolition et de reconstruction ; qu’en outre, s’il est prévu que l’indemnité est calculée en prenant « comme base » le coût de la construction des locaux, il ressort des travaux préparatoires de la loi que cette disposition doit être interprétée comme plafonnant l’indemnité versée par l’État au coût de la construction tel que précisé par un arrêté ministériel ; qu’ainsi, l’indemnité versée par l’État ne correspond pas à la valeur vénale des biens concernés ; qu’en outre, ainsi qu’il lui était loisible de le faire, la loi attaquée met à la charge des propriétaires les frais de  l’acte de cession ; que le législateur a toutefois prévu, à titre de contrepartie, l’octroi, de plein droit et par dérogation aux règles d’urbanisme applicables, d’une majoration de volume constructible ; que si la loi peut avoir pour effet d’imposer à un propriétaire de céder des locaux d’une surface supérieure à celle des locaux de l’immeuble concerné régis par la loi du 28 décembre 2000, il bénéficie, au titre de la majoration de surface constructible, d’une surface supplémentaire identique à celle cédée ; que, par ailleurs, les étages supérieurs construits au bénéfice de la majoration, d’une superficie égale ou supérieure à celle des locaux d’habitation régis par la loi du 28 décembre 2000, ne sont pas soumis aux dispositions de cette loi ; que leur valeur vénale et leur valeur locative sont supérieures à celles des locaux détruits et des locaux cédés qui sont soumis au régime prévu par la loi du 28 décembre 2000 ; que si l’État peut autoriser, en dehors du cadre défini par la loi attaquée, la réalisation d’une construction dont le volume dépasse l’indice de construction dans des secteurs d’aménagement délimités et réglementés, c’est à la condition que le propriétaire verse à l’État une somme égale à la moitié de la différence entre la valeur de vente et le coût de la construction ; qu’ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le bénéfice à titre gratuit d’une majoration de volume constructible ne constituerait pas une compensation raisonnable de la cession prévue par la loi ;

25. Considérant, toutefois, en premier lieu, que si l’emplacement de stationnement automobile et la cave qui doivent être rattachés à chaque local d’habitation de substitution font l’objet d’une cession à l’État à titre onéreux, la loi attaquée ne prévoit pas de compensation en volume pour ces locaux et dépendances ; que, par suite, l’obligation légale d’affecter ces locaux et dépendances aux locaux d’habitation cédés à l’État est susceptible, eu égard aux caractéristiques de l’immeuble, de remettre en cause la disponibilité, pour le ou les propriétaires de l’immeuble, d’une partie de ces locaux et dépendances ;

26. Considérant, en deuxième lieu, qu’en conditionnant la démolition et la reconstruction des immeubles comprenant des locaux d’habitation régis par la loi du 28 décembre 2000 au respect de ses dispositions, l’article 8 de la loi attaquée a pour effet, dans le cas d’une copropriété, de restreindre l’exercice du droit de propriété non seulement des propriétaires de locaux d’habitation relevant de la loi du 28 décembre 2000 mais également des propriétaires de locaux d’habitation qui ne sont pas régis par cette loi ; qu’en outre, les dispositions critiquées ne garantissent pas que la localisation des étages spécifiques et la majoration de volume constructible n’aient pas d’incidence négative sur la situation et la valeur vénale des appartements des propriétaires de locaux d’habitation ne relevant pas de la loi du 28 décembre 2000 ;  

27. Considérant, en troisième lieu, que l’article 8 de la loi attaquée conditionne le droit de démolir et de reconstruire son bien, composante du droit de propriété, à l’obligation, pour les propriétaires concernés, d’entrer en copropriété avec l’État pour une durée indéterminée ;

28. Considérant, en dernier lieu, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les objectifs poursuivis par le législateur n’auraient pu être satisfaits par des dispositions portant une atteinte moindre au libre exercice du droit de propriété ;

29. Considérant qu’il résulte de ce qui précède et eu égard à l’ensemble des restrictions déjà apportées par le législateur au droit de propriété des propriétaires de locaux d’habitation soumis à la loi du 28 décembre 2000 que l’article 8 de la loi attaquée porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété ;

30. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l’annulation des seules dispositions de l’article 8 de la loi qu’ils attaquent ; que les dispositions de l’article 1er et du dernier alinéa de l’article 10 de la loi attaquée sont indissociables de celles de son article 8 ; qu’elles doivent, par voie de conséquence, être annulées ; qu’il en va de même, au deuxième alinéa de l’article 14 de la loi du 28 décembre 2000, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la loi attaquée, des mots « sous réserve des dispositions du second alinéa de l’article premier » ;

Décide :

Article Premier.

Les requêtes nos 2022-01 et 2022-02 sont jointes.

Art. 2.

Les articles 1er et 8, l’article 3 en tant seulement qu’il comporte les mots « sous réserve des dispositions du second alinéa de l’article premier » et le dernier alinéa de l’article 10 de la loi n° 1.508 du 2 août 2021 sont annulés.

Art. 3.

Sous les réserves d’interprétation énoncées aux considérants nos 9 et 15, le surplus des conclusions de la requête de l’Association des propriétaires de Monaco est rejeté.

Art. 4.

Les dépens sont mis à charge de l’État.

Art. 5.

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.

Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.

Le Greffier en Chef,

V. Sangiorgio.

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