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EXTRAIT - TRIBUNAL SUPREME de la Principauté de Monaco - Audience du 15 novembre 2018 - Lecture du 29 novembre 2018

  • N° journal 8413
  • Date de publication 21/12/2018
  • Qualité 100%
  • N° de page

Recours en annulation de la décision prise par S.E. M. le Ministre d'État le 11 juillet 2017 et des décisions subséquentes avec toutes conséquences de droit.
En la cause de :
La société anonyme monégasque (S.A.M.) CAROLI IMMO, anciennement SOCIÉTÉ MONÉGASQUE D'ÉTUDES ET DE GESTION IMMOBILIÈRES (SAMEGI) GROUPE CAROLI,
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, Avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître François-Henri BRIARD, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;
Contre :
L'État de Monaco représenté par le Ministre d'État, ayant pour Avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France.
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en assemblée plénière,
…/…
Après en avoir délibéré ;
Considérant que le 5 septembre 2014, l'État de Monaco, la Société Monégasque d'Études et des Gestion Immobilières (SAMEGI) Groupe CAROLI, société anonyme monégasque de projet, aujourd'hui dénommée CAROLI IMMO, et M. Franck GODDIO ont conclu un protocole d'accord relatif à la conception, au financement et à la réalisation d'un vaste projet culturel et immobilier comportant la création d'un musée axé sur le monde de l'archéologie sous-marine, provisoirement dénommé « Centre de l'Homme et de la Mer » et principalement destiné à présenter au public la collection d'œuvres et d'objets de M. G., ainsi que la réalisation de logements, commerces et bureaux, de parkings et d'une esplanade publique ; qu'en vertu de l'article 9 du protocole, le Gouvernement princier s'est engagé à présenter au Conseil National, au plus tard le 28 février 2015, un projet de loi de désaffectation du terrain sur lequel le projet devait être réalisé ; que, pour sa part, la société devait notamment proposer des schémas d'aménagement permettant de garantir la mise en place sur le site des équipements nécessaires à l'organisation et à la couverture des Grands Prix organisés par l'Automobile Club de Monaco ; qu'elle a adressé ses propositions le 17 février 2015 ; que si le projet de loi a été déposé le 27 février 2015, le Gouvernement a fait savoir à la société le 29 juillet qu'il entendait retirer ce projet de loi ; que cette décision était motivée par les « vives réserves de la part des autorités compétentes, tant du point de vue de [l'] architecture et [du] dimensionnement [du projet] qu'au regard des contraintes tenant à la disponibilité d'espaces nécessaires à l'organisation d'événements importants, tels, entres autres, le Grand Prix de Formule 1 » ; que de nombreux échanges ont eu lieu ensuite entre l'Administration et la société ; que cette dernière a déposé le 5 juillet 2016 un dossier complémentaire au dossier produit le 3 juillet 2015 et comportant les modifications convenues avec l'administration ; que, par lettre du 13 juin 2017, la société a mis en demeure le Gouvernement princier de présenter au Conseil National le projet de loi de désaffectation prévu par le protocole du 5 septembre 2014 ; que par lettre du 11 juillet 2017, le Ministre d'État a rejeté cette demande ; que le recours gracieux formé par la société contre cette décision a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par le Ministre d'État sur ce recours ; que la société demande au Tribunal Suprême l'annulation, d'une part, pour excès de pouvoir, sur le fondement du 1° du B de l'article 90 de la Constitution et, d'autre part, pour atteinte à ses droits constitutionnels sur le fondement du 2° du A de la même disposition, de la décision du 11 juillet 2017 refusant de redéposer le projet de loi de désaffectation, de la décision rejetant son recours gracieux contre cette décision et de l'ensemble des décisions caractérisant, avec la décision du 11 juillet 2017, le retrait de la signature de l'État du protocole du 5 septembre 2014 ; qu'elle demande également à ce que l'État soit condamné à lui verser une indemnité de 423,065 millions d'euros en raison du préjudice subi résultant de ces décisions ;
Sur la compétence du Tribunal Suprême
Considérant qu'aux termes du A de l'article 90 de la Constitution, le Tribunal Suprême statue souverainement en matière constitutionnelle : « 2°) sur les recours en annulation, en appréciation de validité et en indemnité ayant pour objet une atteinte aux libertés et droits consacrés par le Titre III de la Constitution, et qui ne sont pas visés au paragraphe B du présent article » ;
Considérant qu'aux termes du B du même article, le Tribunal Suprême statue souverainement en matière administrative : « 1° sur les recours en annulation pour excès de pouvoir contre les décisions des diverses autorités administratives et les ordonnances souveraines prises pour l'exécution des lois, ainsi que sur l'octroi des indemnités qui en résultent » ;
Considérant que l'article 21 du Code de procédure civile énonce que « le Tribunal de première instance connaît : / (…) / 2° en premier ressort également, comme juge de droit commun en matière administrative, de toutes les actions autres que celles dont la connaissance est attribuée par la Constitution ou la loi au Tribunal Suprême ou à une autre juridiction ; / (…) » ;
En ce qui concerne la décision alléguée de retrait de la signature de l'État
Considérant, d'une part, qu'il résulte de la combinaison du B de l'article 90 de la Constitution et de l'article 21 du Code de procédure civile que le Tribunal Suprême ne saurait connaître, en matière administrative, des recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre des décisions des autorités administratives relatives à l'exécution d'un contrat, sauf le cas où le recours serait dirigé contre un acte administratif détachable de l'opération contractuelle initiale ;
Considérant que l'article 12 du protocole d'accord précise les contraintes liées aux grands prix automobiles que le contractant de l'État doit prendre en compte dans la réalisation du projet ; qu'il stipule que « la Société de Projet prendra en charge, pendant la réalisation du Projet, les contraintes liées aux Grands Prix automobiles (Formule 1, Historique et/ou Électrique organisés durant la même période), telles que définies en annexe 5 et notamment : / - le renforcement éventuel de l'esplanade publique ; / - l'incidence sur le planning et le phasage de réalisation, y compris la réalisation d'un TV compound temporaire pendant l'exécution des travaux. / La Société de Projet devra, à ses frais exclusifs, prendre toutes dispositions afin que le Projet permette, dans toutes ses phases de réalisation et dans l'exploitation future des bâtiments construits, la mise en place des équipements nécessaires à l'organisation et à la couverture des Grands Prix organisés par l'Automobile Club de Monaco. À cet effet, il appartient à la Société de Projet de proposer à l'État des schémas d'aménagement permettant la mise en œuvre de ces contraintes, dans un délai maximal de six mois à compter de l'entrée en vigueur du présent protocole d'accord et, en tout état de cause, au moins deux mois avant le déroulement du premier Grand Prix de la saison. / Cette obligation de résultat à la charge de la Société de Projet constitue une condition essentielle du consentement de l'État. / L'État fera toute diligence afin d'assister, dans le respect des dispositions législatives ou réglementaires, la Société de Projet pour l'exécution des obligations stipulées au présent article. » ; que l'annexe 5 du protocole, intitulée « Dispositions relatives aux Grands Prix de Monaco », précise notamment que « la surface du TV compound sera de 3.000 m2 minimum. Elle devra être accessible aux poids-lourd et aux semi-remorques depuis l'avenue de la Quarantaine y compris pendant les phases de réalisation du projet. Son positionnement devra permettre de pointer correctement les satellites permettant la retransmission télévisée des épreuves » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la surface de 3000 m2 minimum prévue à l'annexe 5 du protocole a été fixée à l'issue d'une concertation préalable à la signature du protocole et à la demande de l'Automobile Club de Monaco ; que par lettre du 17 février 2015, soit avant le terme du délai de six mois suivant la signature du protocole, la société a proposé des schémas d'aménagement pour la mise en œuvre du TV compound élaborés à partir des données des précédents Grands prix de Monaco et a proposé des solutions destinées à optimiser l'utilisation de l'emprise en s'inspirant notamment des installations des grands prix automobiles dans les autres pays ; que, par lettre du 6 mai 2015, le président de l'Automobile Club de Monaco a indiqué à la société requérante qu'il ressortait de l'examen des plans proposés que « les surfaces disponibles ne permettraient ni de placer tous les dispositifs demandés, ni de manœuvrer ou d'accéder pour des semi-remorques porteurs » ; que le 2 novembre 2015, la société a proposé des solutions destinées à répondre aux exigences formulées par l'Automobile Club de Monaco et a porté la surface réservée au TV compound à 4330 m2 ; que cette surface est similaire ou supérieure à celle des TV compound d'autres grands prix de Formule 1 ; que, malgré de nombreuses réunions de travail organisées en 2015 et 2016, toutes les propositions techniques de la société requérante, telles que la modification de l'emplacement du TV compound, ont été jugées insuffisantes par l'Automobile Club de Monaco ; que la société requérante soutient, sans être contredite, que l'Automobile Club de Monaco a formulé des exigences nouvelles et toujours croissantes allant jusqu'à envisager une surface nécessaire de 9300 m2, soit 11% de plus que l'emprise physique du projet et le triple de la surface minimale nécessaire prévue à l'annexe 5 du protocole ; que, par des lettres du 26 avril 2016, du 22 mars 2017 et du 22 juillet 2017, le Ministre d'État a déclaré, eu égard à l'importance des grands prix automobiles pour la Principauté, s'en remettre à l'appréciation de l'Automobile Club de Monaco et exiger que les schémas d'aménagement proposés par la société soient définitivement agréés par cette association ; que, malgré l'impossibilité de répondre pleinement aux exigences formulées par les instances organisatrices des grands prix automobiles, le Gouvernement princier n'a pas estimé devoir résilier unilatéralement le contrat pour motif d'intérêt général et sous réserve des droits à indemnité de son cocontractant ; qu'ainsi, eu égard aux conditions dans lesquelles les stipulations du contrat sont demeurées durablement privées de tout effet et aux motifs qui ont fondé les décisions successives du Ministre d'État, celles-ci doivent être regardées comme caractérisant un retrait de la signature de l'État ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, dans les circonstances particulières de l'espèce, la décision attaquée est détachable du contrat et peut, dès lors, être contestée devant le Tribunal Suprême ;
Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la décision de retrait de la signature de l'État relève de la compétence du Tribunal Suprême statuant en matière administrative, quels que soient les moyens invoqués ; que le Tribunal Suprême est, dès lors, incompétent pour en connaître en matière constitutionnelle ; que les conclusions présentées par la société requérante sur le fondement du A de l'article 90 de la Constitution et dirigées contre cette décision ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
En ce qui concerne le refus de déposer un projet de loi
Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la Constitution : « Le pouvoir législatif est exercé par le Prince et le Conseil National » ; que son article 66 précise que : « La loi implique l'accord des volontés du Prince et du Conseil National. / L'initiative des lois appartient au Prince. / La délibération et le vote des lois appartiennent au Conseil National. / La sanction des lois appartient au Prince, qui leur confère force obligatoire par la promulgation » ; qu'en vertu des articles 43 et 44 de la Constitution, « le gouvernement est exercé, sous la haute autorité du Prince, par un Ministre d'État », qui « représente le Prince » ; que le deuxième alinéa de son article 33 dispose : « La désaffectation d'un bien du domaine public ne peut être prononcée que par une loi. Elle fait entrer le bien désaffecté dans le domaine privé de l'État ou de la Commune, selon le cas » ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les décisions prises par le Ministre d'État en matière d'initiative de la loi se rattachent à l'exercice du pouvoir législatif ; qu'elles ne peuvent, par suite, être qualifiées de décisions prises par une autorité administrative au sens du B de l'article 90 de la Constitution ; que le Ministre d'État est dès lors fondé à soutenir que le Tribunal Suprême statuant en matière administrative n'est pas compétent pour connaître de son refus de déposer un projet de loi de désaffectation ; que les conclusions présentées par la société requérante sur le fondement du B de l'article 90 de la Constitution et dirigées contre cette décision et la décision rejetant son recours gracieux doivent dès lors être rejetées ;
Considérant, en second lieu, d'une part, que le refus de déposer un projet de loi est une décision unilatérale prise par le Ministre d'État dans l'exercice de la compétence qu'il tient de la Constitution ; qu'ainsi au demeurant que le soutiennent les deux parties, la circonstance que l'article 9 du protocole d'accord du 5 septembre 2014 prévoit que l'État, par l'intermédiaire du Gouvernement princier, s'engage à présenter au Conseil national un projet de loi de désaffectation n'est pas de nature à modifier la nature juridique de cet acte ;
Considérant, d'autre part, que le Prince, agissant dans la plénitude de Sa souveraineté, a assigné à toutes les autorités nationales une limite inspirée de Son désir de garantir à Ses sujets, ainsi qu'aux résidents de la Principauté, le libre exercice de leurs droits fondamentaux ; que pour ce faire, Il a confié au Tribunal Suprême le soin de statuer sur les recours ayant pour objet une atteinte aux droits et libertés consacrés par le Titre III de la Constitution ; que les termes généraux de l'article précité donnent compétence au Tribunal Suprême pour examiner les recours dirigés contre les actes se rattachant à l'exercice du pouvoir législatif dès lors que de tels actes sont, par eux-mêmes, de nature à mettre en cause l'exercice d'une liberté ou d'un droit garanti par le Titre III de la Constitution ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la portée de la décision de retrait de la signature de l'État, le refus du Gouvernement de déposer un projet de loi de désaffectation n'était pas, par lui-même, susceptible d'affecter les droits constitutionnels de la société requérante et ne constitue pas, par suite, un acte dont il appartient au Tribunal Suprême statuant en matière constitutionnelle de connaître ; que les conclusions présentées par la société requérante sur le fondement du A de l'article 90 de la Constitution et dirigées contre cette décision et la décision rejetant son recours gracieux doivent dès lors être rejetées ;
Sur le fond
Considérant que l'article 2 de la Constitution dispose : « Le principe du gouvernement est la monarchie héréditaire et constitutionnelle. La Principauté est un État de droit attaché au respect des libertés et droits fondamentaux. » ; que dans l'accomplissement de la mission qui lui a été confiée par le Prince en vertu de l'article 90 de la Constitution, il appartient au Tribunal Suprême de garantir un exercice effectif des libertés et droits consacrés par le Titre III de la Constitution et d'en préciser la portée ; que le principe de sécurité juridique est inhérent à l'affirmation constitutionnelle de la Principauté de Monaco en tant qu'État de droit ; que le respect de ce principe par toutes les autorités publiques participe à la garantie des droits fondamentaux consacrés par le Titre III de la Constitution ;
Considérant que le principe de sécurité juridique implique qu'il ne soit pas porté une atteinte excessive aux situations contractuelles en cours ; qu'il protège la confiance légitiment placée dans la non mutabilité de certains actes juridiques de l'État ; que ce principe ne fait toutefois pas obstacle au droit de l'administration de résilier unilatéralement un contrat administratif pour un motif d'intérêt général et sous réserve de l'indemnisation de son cocontractant ;
Considérant qu'aux termes l'article 24 de la Constitution : « La propriété est inviolable. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique légalement constatée et moyennant une juste indemnité, établie et versée dans les conditions prévues par la loi » ; que la privation d'un bien ou d'une espérance légitime de jouir de ce bien qui n'est pas fondée sur un motif d'intérêt général ou qui n'est pas assortie d'une indemnisation raisonnable caractérise une atteinte au droit de propriété garanti par l'article 24 de la Constitution ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, alors même que la réalisation du projet était conditionnée par le vote par le Conseil National d'une loi de désaffectation, la société pouvait se prévaloir d'une espérance légitime de bénéficier des contreparties économiques résultant de l'exécution du protocole du 5 septembre 2014 ; que si le retrait de la signature de l'État peut être regardé comme inspiré par des considérations d'intérêt général tenant au maintien de l'organisation en Principauté de courses automobiles de renommée internationale, cette décision unilatérale, en anéantissant rétroactivement les effets produits par le contrat pendant plusieurs années et en excluant toute indemnisation de la société contractante, a porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété et au principe de sécurité juridique garantis par la Constitution ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'indemnisation
Considérant, d'une part, qu'en application de l'article 90 de la Constitution, il appartient au Tribunal Suprême d'annuler une décision dont il a constaté l'illégalité ; qu'il en résulte, en principe, que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; qu'il revient toutefois au Tribunal Suprême de prendre en considération les effets d'une telle annulation tant pour la sauvegarde de l'intérêt général que pour l'effectivité des droits des justiciables et, le cas échéant, d'en limiter les effets qui apparaîtraient manifestement excessifs ;
Considérant qu'en l'espèce, l'annulation de la décision de retrait de la signature de l'État devrait, en principe, avoir pour effet de replacer les parties dans la relation contractuelle, d'une part, pour la période passée allant du jour de la signature du protocole d'accord, le 5 septembre 2014, à la notification de la décision du Tribunal Suprême et, d'autre part, pour l'avenir ; qu'il importe, pour le Tribunal Suprême, d'apprécier les effets qu'une telle annulation serait concrètement susceptible de produire sur les intérêts publics et privés en présence ; que doit plus particulièrement être prise en compte toute  circonstance postérieure à la décision attaquée qui serait de nature à faire définitivement obstacle à l'exécution du protocole d'accord du 5 septembre 2014 par l'une ou les deux parties au contrat ; que, dès lors, il y a lieu, pour le Tribunal Suprême, par mesure d'instruction, d'appeler les parties à présenter, avant le 1er septembre 2019, leurs observations sur les effets de l'annulation susceptible d'être prononcée par le Tribunal Suprême ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de la méconnaissance, par la décision de retrait de la signature de l'État, des droits de la société requérante que celle-ci est recevable à demander une indemnité en réparation du préjudice allégué ; que l'article 15 du protocole du 5 septembre 2014 n'est pas applicable à la détermination de cette indemnité ; que celle-ci ne saurait excéder la réparation des préjudices directs et certains subis par la société ;
Considérant qu'aux termes de l'article 32 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 précitée, celui-ci « peut, avant de statuer au fond, ordonner toutes les mesures d'instruction qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité » ; que l'article 35 de la même ordonnance précise que « lorsque le recours en annulation prévu au paragraphe B, chiffre 1, de l'article 90 de la Constitution comporte une demande en indemnité, le Tribunal Suprême, s'il prononce l'annulation statue, dans la même décision sur le sort de ladite demande, sous réserve de la possibilité d'ordonner toutes les mesures d'instruction utiles prévues à l'article 32 » ;
Considérant que, sans préjudice de l'appréciation devant être portée par le Tribunal Suprême sur le lien de causalité entre l'illégalité qu'il a constatée et les différents chefs de préjudice, celui-ci n'est pas en mesure, compte tenu des productions respectives des parties, d'évaluer avec précision la réalité et le montant des différents préjudices allégués par la société requérante ;
Considérant que la mission consistant à déterminer la réalité et le montant des différents préjudices allégués ne porte pas sur des questions de droit mais sur des questions de fait ; qu'elle est de celles qui peuvent être confiées à un expert et présente un caractère utile ; que, dès lors, il y a lieu, sur le fondement de l'article 32 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, d'ordonner, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, une expertise destinée à apprécier contradictoirement la réalité et le montant des différents préjudices allégués par la société requérante et à fournir au Tribunal tous les éléments disponibles permettant l'évaluation de ces préjudices ; qu'il appartiendra aux parties, dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision, soit de s'accorder sur le choix d'un ou plusieurs experts, le cas échéant assistés de sapiteurs, soit de choisir chacune un expert, les deux experts choisis en désignant un troisième pour présider le collège d'experts ; que le rapport d'expertise devra être déposé au Greffe Général avant le 1er septembre 2019 ;
Décide :

Article Premier.

Les conclusions dirigées contre la décision de refus de déposer un projet de loi de désaffectation et les conclusions fondées sur le A de l'article 90 de la Constitution et dirigées contre la décision de retrait de la signature de l'État sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Art. 2.

La décision de retrait de la signature de l'État est illégale.

Art .3.

Les parties sont invitées à présenter, avant le 1er septembre 2019, leurs observations sur les effets de l'annulation susceptible d'être prononcée par le Tribunal Suprême.

Art. 4.

Il est ordonné une expertise, dans les conditions définies dans les motifs de la présente décision, tendant à l'évaluation de la réalité et du montant des différents préjudices allégués par la S.A.M. CAROLI IMMO.

Art. 5.

Les dépens sont réservés.

Art. 6.

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
Pour extrait certifié conforme à l'original délivré en exécution de l'article 37 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.

Le Greffier en Chef,
V. SANGIORGIO.

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