EXTRAIT - TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - Audience du 15 mars 2018 - Lecture du 29 mars 2018
Requête en annulation pour excès de pouvoir de la lettre du 24 mars 2017 de la Direction du Travail invitant les membres fondateurs du Syndicat de la Santé et des Services à la Personne de Monaco à modifier les statuts déposés à la Direction en vue de leur approbation par le Ministre d'État.
En la cause de :
L'UNION DES SYNDICATS DE MONACO
Et :
Madame S.B.B. née B.
Élisant tous deux domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, Avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, Avocat au barreau de Nice ;
Contre :
L'État de Monaco, ayant Maître Christophe SOSSO pour Avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en assemblée plénière,
…/…
Après en avoir délibéré ;
Considérant que l'article 28 de la Constitution dispose : « Toute personne peut défendre les droits et intérêts de sa profession ou de sa fonction par l'action syndicale » ; que l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : « 1\. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. / 2\. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. (…) » ;
Considérant que l'article 7 de l'Ordonnance-loi n° 399 du 6 octobre 1944 autorisant la création de syndicats professionnels dispose : « Les statuts et les règlements des syndicats professionnels devront être soumis à l'approbation du Gouvernement » ; que conformément aux dispositions constitutionnelles et conventionnelles précitées, l'article 7 confie au Gouvernement la seule mission de s'assurer du respect, par les statuts et règlements des syndicats professionnels, des conditions légales régissant leur création et leur fonctionnement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'Ordonnance Souveraine n° 2.942 du 4 décembre 1944 portant règlement de la formation et du fonctionnement des syndicats : « En vue d'obtenir l'approbation des statuts et règlements prévue à l'article 7 de l'Ordonnance-Loi n° 399 du 6 octobre 1944, les fondateurs de tout syndicat devront déposer à la direction des services sociaux trois exemplaires desdits statuts et règlements. Il leur en sera délivré récépissé » ; que l'article 2 de la même ordonnance dispose : « L'approbation est donnée par arrêté ministériel. (…) » ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans le cadre de l'instruction de la demande présentée par un syndicat professionnel, il est toujours loisible à la Direction du Travail de faire part, dans les meilleurs délais, au syndicat, de l'illégalité dont lui paraissent être entachés les statuts déposés et de l'inviter à modifier en conséquence lesdits statuts ; que le syndicat est libre de maintenir sa demande en l'état et de former un recours devant le Tribunal Suprême contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Ministre d'État pendant un délai de quatre mois sur sa demande ou, le cas échéant, contre son refus exprès d'approuver les statuts ; que, si le syndicat décide de modifier ses statuts pour tenir compte de l'invitation de l'administration, cette dernière est réputée être saisie d'une demande portant sur les statuts ainsi modifiés ;
Considérant qu'il résulte des termes mêmes de la lettre attaquée que la Direction du Travail, dans le cadre de l'instruction de la demande, a estimé que l'article 2 des statuts déposés méconnaissait l'article 2 de l'Ordonnance-loi du 6 octobre 1944 précitée et a invité les membres fondateurs du syndicat à modifier en conséquence lesdits statuts ; que cette lettre de la Direction du Travail ne présente pas le caractère d'une décision prise par le Ministre d'État sur le fondement de l'article 7 de l'Ordonnance Souveraine du 4 décembre 1944 ; que, dès lors, l'invitation adressée au syndicat est, par elle-même, dépourvue de caractère contraignant ; qu'il suit de là que la lettre attaquée ne peut être regardée comme une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que la requête de l'UNION DES SYNDICATS DE MONACO et de Madame S.B.B. est, par suite, irrecevable ;
Décide :
Article Premier.
La requête de l'UNION DES SYNDICATS DE MONACO et de Madame S.B.B. est rejetée.
Art. 2.
La charge des dépens est partagée par moitié entre, d'une part, l'État et, d'autre part, l'UNION DES SYNDICATS DE MONACO et Mme S.B.B..
Art. 3.
Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
Pour extrait certifié conforme à l'original délivré en exécution de l'article 37 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.
Le Greffier en Chef,
V. SANGIORGIO.