GREFFE GÉNÉRAL - EXTRAIT - Tribunal Suprême De la Principauté de Monaco - Audience du 23 juin 2017 - Lecture du 30 juin 2017
Recours en annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté ministériel n° 2016-162 du 9 mars 2016 prononçant la suspension du permis de conduire de M. F. M. pour une durée de deux ans et la décision du 18 juillet 2016 du Ministre d'État rejetant son recours gracieux contre cet arrêté.
En la cause de :
Monsieur F. M., à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant à MONACO.
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, Avocat-Défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur.
Contre :
L'État de Monaco, représenté par S.E. M. le Ministre d'État, ayant pour Avocat-Défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIÉ, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France.
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en Assemblée Plénière
…/…
APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ
Considérant que M. F. M. demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'avis de la Commission technique spéciale rendu sur la suspension de son permis de conduire en raison de faits de blessures involontaires avec la circonstance aggravante de conduite sous l'empire d'un état alcoolique et défaut de maîtrise ; que ses conclusions doivent être regardées comme dirigées contre l'arrêté ministériel n° 2016-162 du 9 mars 2016 prononçant la suspension de son permis de conduire pour une durée de deux ans, ensemble la décision du 18 juillet 2016 du Ministre d'État rejetant son recours gracieux contre cet arrêté ;
Considérant que l'article 2 de la Constitution dispose : « Le principe du gouvernement est la monarchie héréditaire et constitutionnelle. La Principauté est un État de droit attaché au respect des libertés et droits fondamentaux. » ; qu'aux termes de l'article 6 de la Constitution : « La séparation des fonctions administrative, législative et judiciaire est assurée. » ; que l'article 43 de la Constitution dispose : « Le Gouvernement est exercé, sous la haute autorité du Prince, par un Ministre d'État, assisté d'un Conseil de Gouvernement. » ; qu'aux termes de l'article 46 de la Constitution : « Sont dispensées de la délibération en Conseil de Gouvernement et de la présentation par le Ministre d'État, les ordonnances souveraines : / (…) / - concernant les affaires relevant de la Direction des Services Judiciaires ; / (…) » ; qu'il résulte de ces dispositions constitutionnelles, d'une part, que la fonction administrative visée à l'article 6 de la Constitution est assurée exclusivement par le Ministre d'État assisté du Conseil de Gouvernement et, d'autre part, que le Directeur des services judiciaires, le Procureur général et les membres du Parquet ne sont pas placés sous l'autorité du Ministre d'État ;
Considérant que le principe d'impartialité s'impose à toute autorité administrative ;
Considérant qu'en vertu de l'article 123 du Code de la route, le Ministre d'État peut suspendre un permis de conduire pour une durée allant jusqu'à deux ans lorsque son titulaire a fait l'objet d'un procès-verbal constatant qu'il conduisait sous l'empire d'un état alcoolique au sens de l'article 391-13 du Code pénal ; que l'article 128 du même Code prévoit que le Ministre d'État doit obligatoirement consulter une Commission technique spéciale avant de prononcer la suspension du permis de conduire ; que la composition de cette commission administrative est prévue par un arrêté ministériel n° 2000-404 du 15 septembre 2000, qui dispose que son président est un magistrat désigné par le Directeur des services judiciaires ; que par un arrêté n° 2015-5 du 5 février 2015, le Directeur des services judiciaires a désigné un substitut du Procureur général en qualité de magistrat pour assurer la présidence de la Commission ;
Considérant que la Commission technique spéciale ainsi présidée a rendu, le 12 novembre 2015, l'avis requis par l'article 128 du Code de la route à propos de la suspension du permis de M. F. M. ; qu'il n'est pas contesté que le substitut du Procureur général désigné en qualité de magistrat pour présider la Commission avait auparavant requis contre M. F. M. dans le cadre de la procédure pénale portant sur les mêmes faits que ceux examinés par la Commission ; qu'il avait ainsi publiquement pris position sur la matérialité et la gravité de ces faits préalablement à la réunion de la Commission ; qu'il s'ensuit que la Commission n'était pas constituée dans des conditions offrant au requérant des garanties d'impartialité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêté ministériel attaqué a été pris à l'issue d'une procédure entachée d'une irrégularité substantielle ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, cet arrêté et la décision du 18 juillet 2016 du Ministre d'État doivent être annulés ;
Décide :
Article 1er : L'arrêté ministériel n° 2016-162 du 9 mars 2016, ensemble la décision du 18 juillet 2016 du Ministre d'État rejetant le recours gracieux contre cet arrêté sont annulés.
Article 2 : Les dépens sont mis à la charge de l'État.
Article 3 Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
Pour extrait certifié conforme à l'original délivré en exécution de l'article 37 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.
Le Greffier en Chef,
B. BARDY.