ANNEE JUDICIAIRE 2011-2012 RENTREE DES TRIBUNAUX Audience solennelle du 3 octobre 2011
COUR D’APPEL DE LA PRINCIPAUTE DE MONACO
ANNEE JUDICIAIRE 2011-2012
RENTREE DES TRIBUNAUX
Audience solennelle du 3 octobre 2011
DISCOURS DE RENTREE
prononcé par
Mme Catherine Mabrut
Vice-Président de la Cour d’Appel
«L’ASPECT INTERNATIONAL DES ACTIVITES JURIDICTIONNELLES A MONACO»
ALLOCUTIONS DE
M. Robert Cordas
Premier Président de la Cour d’Appel
M. Jean-Pierre Dréno
Procureur Général
Le lundi 3 octobre 2011 a été marqué par la traditionnelle audience de rentrée des Cours et Tribunaux.
Cette audience a été précédée par la Messe du Saint-Esprit qui a été concélébrée par Mgr Bernard Barsi et Mgr Giuliano. M. Jacques Boisson, Secrétaire d’Etat, représentait Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain.
A l’issue de la messe du Saint-Esprit, l’audience solennelle débutait sous la présidence de M. Robert Cordas, Premier Président de la Cour d’Appel qui avait à ses côtés, Mme Catherine Mabrut, Vice-Présidente, MM. Gérard Foret-Dodelin, Thierry Perriquet, Jean-François Caminade, Conseillers à la Cour.
M. Jean Apollis, Premier Président de la Cour de Révision était accompagné de MM. Roger Beauvois, Vice-Président, Jean-Pierre Dumas, Charles Badi, Guy Joly et Jean-François Renucci, Conseillers.
Mme Brigitte Grinda-Gambarini, Président du Tribunal de Première Instance, conduisait les magistrats de sa juridiction :
Mme Muriel Dorato-Chicouras, Vice-Président,
M. Marcel tastevin, Vice-Président,
M. Pierre Kuentz, Juge d’instruction,
M. Loïc Malbrancke, Juge d’instruction,
M. Jérôme Fougeras-Lavergnolle, Juge tutélaire,
Mme Stéphanie Vikström, Juge,
M. Florestan Bellinzona, Juge,
M. Sébastien Biancheri, Juge,
M. Cyril Bousseron, Juge
Mme Patricia HOARAU, Juge,
Mme Emmanuelle CASINI BACHELET, Juge,
Mme Sophie FLEURICHAMP, Juge,
M. Morgan RAYMOND, Juge.
Mlle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, était également présente.
M. Jean-Pierre DRÉNO, Procureur Général, représentait le ministère public avec à ses côtés, M. Gérard DUBES, Premier Substitut, M. Jean-Jacques IGNACIO et M. Mickaël BONNET, Substituts, ainsi que Mlle Cyrielle COLLE, magistrat référendaire.
Le plumitif d’audience était tenu par Mme Béatrice BARDY, Greffier en Chef, assistée de Mmes Laura SPARACIA et Liliane ZANCHI, Greffiers en Chef adjoints, entourées des greffiers en exercice.
Me Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET et Me Claire NOTARI occupaient le banc des huissiers.
Me Frank MICHEL, Bâtonnier de l’Ordre des avocats-défenseurs et avocats, était accompagné des membres du barreau.
Assistaient également à cette audience des représentants des notaires, des experts-comptables, des administrateurs judiciaires et syndics.
Après avoir déclaré ouverte l’audience solennelle, M. le Premier Président de la Cour d’Appel s’exprimait en ces termes :
«Voici venu le moment où, comme chaque année à pareille époque, les Juridictions de la Principauté se réunissent en assemblée plénière, en tenue d’apparat et selon un rituel immuable pour marquer le début d’une nouvelle année judiciaire et la reprise de leurs travaux un moment ralentis pendant la période estivale.
Cette audience solennelle a été précédée de la très belle messe du Saint-Esprit que vous avez bien voulu Monseigneur BARSI célébrer à notre intention en compagnie de Monseigneur GIULIANO.
Ces cérémonies revêtent un caractère tout particulier car elles marquent un temps fort de la vie des juridictions et de celle de la Famille Judiciaire toute entière, qui, dans une totale communion d’esprit, s’apprête dans un même élan et avec une ardeur renouvelée, à examiner, analyser et résoudre les litiges et contentieux de toute nature qui opposent celles et ceux qui vivent, résident, travaillent sur le territoire de la Principauté.
La présence des hautes autorités et personnalités qui nous font l’honneur d’y assister et que je remercie très sincèrement souligne mieux encore l’importance de ce moment.
- Monsieur le Secrétaire d’Etat,
S.A.S. le Prince Souverain n’a pu assister cette année, à cette cérémonie, étant retenu par les autres devoirs de Sa charge. Pourrez-vous Lui faire part de notre gratitude et de notre respectueuse reconnaissance pour la confiance et le soutien sans faille qu’Il nous accorde pour l’accomplissement de la mission que nous remplissons en Son Nom ?
- Monsieur le Ministre d’Etat,
Nous sommes très sensibles à votre présence et à l’intérêt que vous manifestez ainsi au bon fonctionnement de l’Institution Judiciaire.
Monseigneur BARSI, archevêque de Monaco,
Monsieur le Président du Conseil National,
Monsieur le Président du Conseil de la Couronne,
Monsieur le Ministre Plénipotentiaire Directeur des Services Judiciaires,
Madame, Messieurs les Conseillers de Gouvernement,
Monsieur l’ambassadeur d’Italie,
Madame le représentant de l’ambassadeur de France,
Excellences,
Monsieur le Maire de Monaco,
Mesdames, Messieurs,
Votre fidélité à ce rendez-vous annuel nous touche beaucoup. C’est pour nous un signe fort et un encouragement que nous apprécions.
Je me réjouis également de la présence des acteurs de la vie administrative, économique, et sociale de la Principauté comme de celle des membres de la compagnie judiciaire : avocats, notaires, huissiers, experts et administrateurs judiciaires.
Je salue les représentants de la Sécurité Publique et notamment son Directeur et les chefs de Division qui l’accompagnent.
Je veux aussi saluer tout particulièrement la présence amicale :
- de Madame le Premier Président et de Monsieur le Procureur Général de la Cour d’Aix en Provence, avec laquelle nous avons tout naturellement des liens étroits,
- de Monsieur le Procureur Général de la Cour d’Appel de Gênes en le remerciant pour les relations cordiales et très chaleureuses nouées entre nos deux juridictions,
- de Madame le Président du Tribunal de Grande Instance de Nice et de Messieurs les chefs de Juridictions du Tribunaux de Grande Instance de Grasse nos voisins et amis.
L’ouverture d’une nouvelle année judiciaire est naturellement l’occasion de tourner notre regard vers celle qui vient de s’achever pour, tout d’abord évoquer les événements qui l’ont marquée :
- l’arrivée, en avril dernier, de notre nouveau Procureur Général M. Jean-Pierre DRÉNO.
Permettez-moi, Monsieur le Procureur Général d’exprimer publiquement la satisfaction qui est la mienne et celle des magistrats qui m’entourent d’œuvrer avec vous pour le bien de la Justice dans ce Pays.
Nous avons eu également le plaisir d’accueillir en avril 2011 Mlle Cyrielle COLLE, nommée magistrat référendaire, qui a été affectée dans un premier temps au Parquet.
Plus récemment nous avons accueilli M. Loïc MALBRANCKE, nommé Juge d’instruction en remplacement de Monsieur Pierre BARON qui nous a quitté à regret pour rejoindre le poste de conseiller à la Cour d’Appel de Montpellier auquel il a été nommé à l’issue de sa période de détachement.
Monsieur BARON nous laisse le souvenir d’un magistrat travailleur et méticuleux, passionné par les fonctions de l’instruction.
Nous lui adressons nos vœux de pleine et entière réussite dans ses nouvelles fonctions.
Nous renouvelons à Mademoiselle Cyrielle COLLE et à Monsieur MALBRANCKE nos souhaits de bienvenue et de succès.
Le Barreau a connu lui aussi l’arrivée de nouveaux venus :
- Maître Charles LECUYER a été nommé avocat stagiaire comme l’avait été Maître Christophe BALLERIO, l’année précédente.
- Maître Hervé CAMPANA, avocat stagiaire, a été nommé avocat.
La Cour leur renouvelle ses vifs compliments.
La compagnie judiciaire a été mise à l’honneur à l’occasion de la Fête Nationale puisque Madame Catherine MABRUT, vice-président de la Cour d’Appel et Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, ont été distinguées dans l’Ordre de Saint-Charles au Grade de Chevalier. Nous leur renouvelons nos sincères félicitations.
Cette rentrée judiciaire nous conduit aussi à examiner l’étendue de l’activité des juridictions et à nous livrer à un certain nombre de réflexions.
Plutôt que d’infliger à l’auditoire l’énumération fastidieuse de chiffres, nous avons imaginé cette année avec Monsieur le Procureur Général d’éditer à votre intention sous un format simplifié une petite plaquette sur laquelle figurent les données essentielles de nos activités.
L’aridité des chiffres masque cependant la réalité, la complexité, la spécificité très particulière des contentieux qui nous sont soumis et celle des normes juridiques que nous devons interpréter et appliquer.
C’est cet aspect souvent méconnu de l’activité juridictionnelle en Principauté de Monaco que Madame le Président MABRUT a choisi d’évoquer à l’occasion de cette audience et je lui cède la parole sans plus tarder».
Mme Catherine MABRUT prononçait alors le discours suivant, intitulé :
Aperçu de l’activité des juridictions monégasques en matière internationale
«L’une des particularités maintes fois soulignée de la Principauté de Monaco est la faiblesse du nombre de ses nationaux par rapport au nombre d’étrangers résidant sur son territoire.
Pour une population recensée en 2008 de 31.109 habitants, elle comptait 6.687 Monégasques soit 21,50 % de la population du pays, les trois nationalités les plus représentées étant les Français, au nombre de 8.735 soit 28,24 % de la population, les Italiens au nombre de 5.778 soit 18,57 % de la population et les Anglais au nombre de 2. 334 soit 7,50 % de la population.
La Principauté par son attrait touristique et économique accueille en outre une population mobile très importante.
Il va de soi que cette particularité a une influence directe sur les pratiques et l’activité des juridictions monégasques, les nationaux n’y occupant qu’une part très inférieure à leur représentation dans le pays.
Quelques chiffres brièvement rappelés donnent une idée de la part que les non nationaux prennent dans notre activité.
Les statistiques les plus récentes de 2008 établies pour la Commission Européenne pour l’Efficacité de la Justice en abrégé CEPEJ, nous enseignent que pour 885 personnes traduites devant les juridictions répressives et 838 condamnations, l’immense majorité était des étrangers principalement Français et Italiens.
Sur 150 arrêts rendus par la Cour d’Appel pour l’année judiciaire 2010-2011, 7 arrêts seulement étaient rendus entre des parties monégasques, certaines étant d’ailleurs des sociétés.
Sur 14 crimes jugés depuis 10 ans, 2 seulement avaient été commis par des Monégasques.
C’est dire que nos juridictions traitent pour l’essentiel de conflits entre étrangers ou d’infractions commises par des étrangers ; ce constat a bien sûr des effets sur notre pratique.
Par ailleurs, par son adhésion au Conseil de l’Europe le 5 octobre 2004, et son adhésion à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ratifiée le 20 novembre 2005, la Principauté de Monaco s’est engagée dans un processus d’évolution de sa législation interne, la conduisant à y introduire de nombreuses modifications qui lui ont fait effacer des archaïsmes, à certains égards combler des lacunes et à progresser vers un droit conforme aux exigences d’une société moderne, égalité homme-femme traduite notamment par la réforme du régime primaire du mariage et du divorce, la motivation des actes administratifs négatifs, l’instauration du régime de la garde à vue inexistant avant 2007 et la liberté d’association.
Cette évolution est toujours en cours puisque, confrontée aux dernières décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme en matière de garde à vue, la Principauté de Monaco comme d’autres pays doit encore mettre à jour sa législation, les praticiens monégasques ayant eu ainsi l’occasion de statuer en pareille matière et d’anticiper, par la pratique, les exigences nouvelles que l’interprétation de cette convention ont rendu applicables à Monaco.
Si l’adhésion aux conventions internationales, dont certaines seront évoquées dans cet exposé, a eu un impact sur notre pratique par l’effet des réformes qu’elles ont induites, d’autres en matière de coopération internationale l’ont également notablement modifiée et même simplifiée.
Il ne s’agit pas ici d’examiner l’effet des conventions entrées dans le droit interne qui sont devenues notre droit positif, mais d’examiner ce que la spécificité de Monaco et la présence de nombreux étrangers sur son territoire induisent dans notre pratique.
Cette préoccupation a toujours animé le législateur ou les juristes de ce pays puisque dès la fin du XIXe siècle le Baron de Rolland, rédacteur des projets des grands codes, dans son commentaire des textes à venir, mettait l’accent sur la particularité de «ce pays où les étrangers affluent plus nombreux d’année en année».
C’est ainsi que seront tour à tour examinés les aspects civils et pénaux de l’activité des juridictions, leurs particularités et les difficultés que les praticiens rencontrent.
Aperçu en matière civile
J’examinerai successivement les particularités du droit monégasque en matière de conflit de lois, la compétence des juridictions monégasques et la valeur des décisions étrangères à Monaco.
Sur les conflits de lois, M. Renaud de Bottini, Professeur émérite à l’université de Nice, introduisait une étude intitulée «regard sur le droit monégasque des conflits» parue à la revue de Droit monégasque par ces phrases : «Une très large majorité d’étrangers vivent ou séjournent à Monaco. Les situations juridiques internationales y sont nécessairement fréquentes ; par le fait, on est conduit à penser que le territoire de la Principauté constitue un terreau favorable à l’éclosion de nombreux conflits de lois. S’il en est ainsi, l’observateur a cependant quelques difficultés à en prendre connaissance. Peut-être est ce parce que l’aspect international du débat juridique est souvent occulté dans la pratique monégasque».
La même observation est encore de rigueur aujourd’hui.
Il faut d’abord observer que Monaco ne dispose pas d’une loi spécifique de droit international privé permettant d’identifier la loi applicable lorsque le litige présente un caractère d’extranéité.
Cette absence de texte fondateur dans un pays où se côtoient 144 nationalités et où les litiges entre étrangers sont particulièrement fréquents préoccupe les juristes monégasques depuis longtemps puisqu’ainsi que le rappelle M. de Bottini, dans la note précitée, la commission de mise à jour des codes, dont le rôle est d’émettre des propositions en vue de moderniser les textes, avait élaboré en 1988 un avant projet relatif aux conflits de lois en matière d’état des personnes et des relations familiales, qui n’a jamais vu le jour.
Le Conseil National réfléchit actuellement à une proposition de loi qui réglerait un grand nombre de problèmes que posent les conflits de lois en droit international privé.
Il convient d’abord d’identifier les quelques textes monégasques et les conventions internationales entrées en vigueur à Monaco qui déterminent la loi applicable à certains conflits de lois.
Le code civil monégasque comporte en son article 3 les règles de conflit suivantes :
«Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire de la Principauté.
Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par les lois de la Principauté.
Les lois concernant l’état et la capacité des personnes régissent les sujets monégasques, même résidant en pays étranger».
L’article 143 du code civil valide le mariage célébré à l’étranger entre Monégasques, entre un Monégasque et un étranger, sous condition de sa publication à Monaco.
L’article 141 alinéa 2 du code civil règle la question du régime matrimonial des époux étrangers ou monégasques lors de la célébration du mariage ; sauf choix pour les étrangers d’un régime légal d’un des pays dont ils ont la nationalité ou déclaration d’un contrat préalable, le lieu du mariage à Monaco désigne le régime légal monégasque de la séparation des biens.
L’article 865 du code civil permet de valider les testaments des Monégasques rédigés à l’étranger, soit dans la forme authentique, soit dans la forme locale.
Enfin l’article 1243 du code civil portant sur les régimes matrimoniaux désigne en son dernier alinéa le régime applicable aux changements de régime matrimonial des étrangers mariés à Monaco ou dont les conventions matrimoniales ou le régime matrimonial sont soumis au droit monégasque.
La loi du lieu de signature du contrat régit la loi applicable, sauf clause du contrat.
L’ensemble des dispositions éparses du code civil portant sur la forme des actes fait application de la règle - le lieu régit l’acte ;
Outre ces dispositions, la Principauté a adhéré à la conférence de droit international privé de la Haye et est signataire de trois conventions qui comportent des règles de conflit :
- la convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, entrée en vigueur par ordonnance du 7 janvier 1993,
- la convention du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, entrée en vigueur à Monaco par ordonnance du 5 octobre 1999,
- la convention du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, entrée en vigueur à Monaco par ordonnance du 2 avril 2004.
Selon l’alinéa 2 de l’article 3 du code civil, le lieu de situation de l’immeuble à Monaco détermine la règle de conflit de loi et désigne la loi monégasque.
Cette application ne se limite pas à la forme des actes, notamment de dispositions par acte authentique, et à l’organisation de la propriété immobilière, mais s’étend à toutes les formes d’acquisition, notamment la matière successorale et détermine ainsi les règles de la dévolution de droits héréditaires, réserve et quotité disponible immobilière et ce quel que soit le lieu d’ouverture de la succession.
En la matière, la jurisprudence détermine ainsi les lois applicables aux règlements des successions ouvertes à Monaco : la loi monégasque s’applique aux immeubles situés à Monaco, la loi personnelle du de cujus s’applique à sa succession mobilière où qu’elle se trouve, les immeubles situés à l’étranger n’entrant pas dans la masse partageable à Monaco.
Cette règle posée, il convient évidemment de rechercher si la loi personnelle du défunt ne renvoie pas pour le règlement de la succession à la loi du domicile du défunt lors du décès ; il faut aussi préciser que nombres d’immeubles à Monaco sont la propriété de sociétés civiles immobilières, dont les parts sont mobilières, ce qui écarte l’application des dispositions de l’article 3 alinéa 2 du code civil.
Quant au testament d’un étranger décédé à Monaco, les juridictions ont le souci de rechercher la volonté du défunt s’il s’est exprimé sur la loi applicable au règlement de la succession.
Enfin, la capacité de disposer d’un immeuble est examinée au regard de la loi nationale du contractant et non au regard de la loi du lieu de situation de l’immeuble, à titre d’exemple la capacité du trustee de droit anglo-saxon de vendre un immeuble sis à Monaco dépendant d’une succession, même en présence d’héritier mineur.
Dans sa thèse soutenue le 14 mai 2001, intitulée «le statut personnel en droit international privé monégasque», Maître Géraldine GAZO a étudié la jurisprudence monégasque en matière de statut personnel pour tracer les lignes d’un droit international privé à Monaco.
Par l’application a contrario de l’article 3 alinéa 3 du code civil, la loi nationale des étrangers s’applique en matière d’état des personnes et de capacité.
En matière de mariage, dans le cas d’époux de nationalités différentes la jurisprudence fait application distributive des deux lois en présence, par exemple la validité du consentement est examinée au regard de la loi de l’époux dont le consentement est contesté.
- Les effets du mariage sont réglés par la loi matrimoniale des époux,
- Le régime matrimonial est régi par la loi du domicile commun des époux au moment du mariage,
- la Cour de révision par un arrêt du 13 octobre 1980 a cassé un arrêt de la Cour d’appel qui avait appliqué la loi personnelle des époux à des donations entre époux, estimant que la matière était régie par la loi du lieu de situation des immeubles et a appliqué la loi française aux immeubles situés en France et la loi monégasque aux immeubles situés à Monaco.
La loi du divorce est la loi nationale des époux ; toutefois n’est pas réglée de manière claire la question des mariages mixtes, fréquents devant nos juridictions, la jurisprudence ayant fluctué entre l’application distributive de la loi nationale de chaque époux et l’application de la loi du for monégasque, particulièrement en cas de divergences notables entre les lois applicables.
Certaines décisions ont même fait application de la loi nationale et de la loi du for dans la même procédure, lorsque les époux avaient trouvé un accord.
Une décision récente du tribunal a refusé d’appliquer partiellement la loi monégasque dans le cas où l’un des époux sollicitait l’application de la loi française sur les conséquences du divorce (TPI 23/04/2009). Le tribunal a considéré que la loi française s’appliquait dès lors aux causes du divorce.
Toutefois il n’existe pas assez de décisions pour voir émerger de véritables précédents propres à combler le silence de la loi et l’on perçoit à travers un examen plus approfondi l’embarras des magistrats amenés à statuer dans ces matières.
Il est difficile dans un exposé de cette nature d’approfondir davantage l’examen de la jurisprudence en matière de droit international privé.
Pourquoi toutes ces difficultés à appréhender les principes jurisprudentiels qui pourraient permettre de combler les lacunes textuelles à travers une jurisprudence somme toute peu fournie au regard du nombre d’étrangers résidant sur le territoire ?
Si le contentieux de droit international privé est finalement aussi difficile à cerner et les règles à identifier concernant notamment le statut personnel si difficiles à connaître, c’est sans doute parce que ces règles ne sont pas impératives mais facultatives. En effet la norme de droit international privé ne fait pas autorité à Monaco et le juge n’est pas tenu d’appliquer d’office la loi étrangère.
Un arrêt ancien de la Cour de Révision du 31 mars 1960 avait clairement fait obligation au juge de soulever d’office l’application de la loi nationale revendiquée et cassé un arrêt de la Cour d’appel qui avait fait application de la loi monégasque ; cette décision n’a pas été suivie d’effet puisque toutes les décisions rendues depuis lors ont rappelé le principe que l’application de la loi nationale des parties est la règle, sauf à elles à en demander l’application.
Dès lors, la loi monégasque, faute par les parties de demander l’application de leur loi nationale, s’applique au statut personnel, leur accord pour l’application de la loi monégasque étant tacite.
La seule exception à cette règle résulte d’un arrêt de la Cour d’appel du 21 novembre 2000 en matière d’adoption, qui retient d’office l’application de la loi nationale de l’adopté au recueil de son consentement.
A cette date la Principauté de Monaco venait d’adhérer à la Convention de la Haye sur l’adoption et mis en place au sein de l’Etat, l’autorité de contrôle désignée par la convention, en l’espèce la Direction des Services Judiciaires.
Il appartient enfin aux parties puisqu’elles doivent elles-mêmes demander l’application de leur loi nationale, de fournir les éléments permettant au juge de connaître la loi étrangère applicable. Le juge peut lui-même compléter cette recherche s’il s’estime insuffisamment informé, au vu des documents et décisions de justice étrangères accessibles à tous (arrêt de la cour d’appel du 15 octobre 2002).
Ce rappel permet de constater le recours à l’autonomie de la volonté en droit monégasque, les parties ayant le choix du recours ou non à leur législation d’origine y compris lorsque les droits en cause sont indisponibles. L’effet en est la simplification du travail du juge qui applique la plupart du temps au conflit de droit international privé dans les matières où la loi nationale serait normalement applicable, la législation du for qu’il connaît le mieux.
La question reste posée, compte-tenu de la difficulté de connaître ou d’appliquer les règles de conflits de droit international en droit privé, de savoir si la Principauté doit se doter d’une législation en ce domaine.
Le Conseil National réfléchit à une proposition de loi en cette matière.
Faut-il laisser aux seules parties, dans les domaines où les droits sont indisponibles, la liberté de choisir la loi applicable ?
Faut-il au contraire orienter la réflexion vers un système dans lequel le statut personnel échappe à l’autonomie de la volonté et la loi nationale des parties s’impose au juge ?
Une législation nationale devient alors opportune ; l’office du juge en serait alors modifié puisque c’est sur lui que pèserait l’obligation de rechercher la loi applicable au litige.
Toutefois, cette législation doit éviter l’écueil de la complexité et permettre de résoudre les problèmes particuliers que pose à Monaco la fréquence des conflits complexes entre personnes de nationalité différente.
La question de l’internationalité du litige pose aussi le problème de la compétence des juridictions monégasques.
Si l’article 2 du code de procédure civile édicte une règle générale classique et permet aux juridictions monégasques de connaître de tous les litiges engagés contre un défendeur domicilié dans la Principauté, l’article 3 énumère une liste limitative de litiges dont le juge monégasque connaît par leur nature.
Enfin l’article 4 du même code donne la possibilité à l’étranger domicilié à Monaco de soulever l’incompétence du juge monégasque s’il justifie avoir conservé, en matière d’état des personnes et de capacité, un domicile de droit et de fait dans son pays devant les juges duquel la demande peut être utilement portée.
Trois règles jurisprudentielles sont clairement posées en matière de compétence internationale.
D’abord l’absence de reconnaissance à Monaco de la règle de litispendance internationale, ce qui signifie qu’une juridiction étrangère peut par ses propres règles de compétence être saisie d’un litige ayant les mêmes parties et le même objet que celui soumis à la Principauté, sans que l’action engagée à Monaco soit interrompue, ni que le juge soit tenu de surseoir à statuer dans l’attente de la décision étrangère.
Ensuite la règle de compétence internationale applicable au litige est fixée par la norme interne, même si le droit applicable à l’instance est étranger.
A titre d’exemple, un syndic d’une copropriété française était assigné à Monaco, lieu de son domicile, en raison des fautes qu’il aurait commises dans la gestion d’une copropriété située en France et régie par la loi française de la copropriété, l’article 2 du code de procédure civile donne compétence à Monaco, domicile du défendeur, la loi revendiquée applicable à l’instance, en l’espèce le droit français, en raison du lieu de situation de l’immeuble, n’étant d’aucune influence sur la compétence qui est seulement déterminée par la loi du for (notamment un arrêt de la Cour d’appel du 14 décembre 2010).
Enfin, à supposer le litige engagé entre des parties étrangères non domiciliées à Monaco, le juge ne peut d’office soulever son incompétence territoriale.
La Cour d’appel dans un arrêt du 30 août 2001, en présence d’un litige qu’elle estimait sans rattachement avec aucun des critères de compétence de Monaco avait considéré que le problème ainsi posé relevait en définitive non de la compétence territoriale, mais de la compétence matérielle que la juridiction, en application de l’article 263 du code de procédure civile, pouvait à ce titre soulever d’office son incompétence.
La Cour de révision par un arrêt du 5 mars 2002 a cassé l’arrêt de la Cour d’appel, le problème posé relevant de la compétence territoriale, et a retenu que la Cour d’appel ne pouvait d’office se déclarer incompétente et ce en application des dispositions de l’article 262 du code de procédure civile, les parties pouvant seules décliner la compétence territoriale de la juridiction et ce in limine litis.
Nous retiendrons sur la compétence internationale deux dispositions originales qui suscitent un intérêt et ne sont pas sans soulever quelques difficultés.
Il s’agit d’abord des dispositions de l’article 3 alinéa 9° et 9° bis du code de procédure civile :
- en cas de validité de saisies arrêts formées dans la Principauté et généralement de toutes demandes ayant pour objet des mesures provisoires ou conservatoires les juridictions monégasques sont compétentes.
Toutefois le législateur monégasque par une loi du 29 décembre 2004 a attribué compétence à ces mêmes juridictions pour connaître dans les cas ci-dessus énumérés du fond du litige, sauf clause conventionnelle d’attribution de compétence à une autre juridiction, ce qui conduit les juridictions de Monaco à connaître de litiges totalement étrangers, l’existence d’un litige identique dans le pays territorialement compétent n’étant pas exclue.
Il s’agit ensuite des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile qui, en matière d’état des personnes, permettent à l’étranger domicilié à Monaco, conformément à l’article 262 du code de procédure civile, de décliner la compétence des juridictions monégasques s’il justifie avoir conservé dans son pays un domicile de droit et de fait devant les juges duquel la demande pourrait être utilement portée.
Ce texte a donné lieu à une jurisprudence constante sur la notion de domicile de fait et de droit.
La charge de la preuve du domicile de droit et de fait incombe au demandeur au déclinatoire de compétence et il appartient aussi au juge de vérifier si la demande peut être portée utilement devant la juridiction du pays où le domicile de droit et de fait est fixé.
Il faut ici rappeler qu’à Monaco, seules les décisions mettant fin au litige sont susceptibles d’appel, de sorte que seules les décisions d’incompétence peuvent être immédiatement examinées par la Cour.
Dans le cas où le tribunal retient sa compétence, le litige se poursuit à Monaco et la Cour saisie plus tard ne peut examiner sa compétence qu’avec l’examen du fond du litige.
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L’introduction dans le code de procédure civile du contredit d’incompétence permettrait à la Cour d’Appel de vider la question de la compétence avant tout examen du fond du litige.
Il convient enfin de connaître la valeur des décisions judiciaires étrangères à Monaco.
Le principe est classique. Les décisions concernant l’état des personnes sont immédiatement applicables en droit interne. C’est évidemment lorsqu’une partie invoque l’existence d’une décision étrangère dans un litige déjà engagé que le juge peut être amené à examiner la validité de la décision étrangère.
Il peut être conduit à rechercher si le jugement étranger ne constitue pas une fraude à la loi : une espèce en ce domaine (Cour de Révision du 14 mai 2009) une Monégasque par mariage d’origine ukrainienne avait engagé une procédure de divorce à Monaco, son époux monégasque avait formé une demande reconventionnelle pour voir prononcer le divorce à ses torts. Elle engageait alors en Ukraine une procédure de divorce qu’elle obtenait rapidement sur un fondement équivalent à la rupture de la vie commune justifiant de son désistement d’instance à Monaco dont le Tribunal de première instance était pourtant toujours saisi par la demande du mari. La Cour d’appel retient la fraude à la loi monégasque, le divorce en Ukraine ayant été obtenu pour éviter les conséquences d’un divorce pour faute à Monaco. La Cour de révision rejette le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’Appel.
Le juge doit vérifier si la décision étrangère n’est pas contraire à l’ordre public interne monégasque.
A cet égard plusieurs décisions anciennes permettent de connaître comment les juges monégasques apprécient la validité d’un jugement étranger - par rapport à leur conception de l’ordre public - ainsi le divorce par consentement mutuel avant la modification de la loi monégasque en ce sens, était validé, de même la prestation compensatoire, notions inexistantes à Monaco avant 2007. Sur ce point, l’adhésion de Monaco au Conseil de l’Europe puis à la Convention Européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales a eu pour effet de remanier de nombreuses dispositions du code civil, notamment sur le divorce et la filiation et la question de l’ordre public interne ne se poserait plus aujourd’hui dans les mêmes termes.
Enfin, les décisions qui rendent nécessaire l’exécution contrainte sur le territoire monégasque doivent être soumises au régime de l’exequatur.
Il existe deux régimes d’exequatur :
D’abord le régime d’exequatur sans examen du fond, comparable au régime français, prévu par l’article 473 du code de procédure civile.
Si la réciprocité est admise par la loi du pays où le jugement a été rendu (c’est le cas notamment de la France par la convention Franco-Monégasque du 21 décembre 1948 rendue exécutoire par ordonnance du 2 février 1949), l’examen est alors limité à la régularité formelle, à la compétence de la juridiction locale, à la possibilité pour les parties d’avoir été mises en mesure de se défendre.
Le juge vérifie encore si le jugement est passé en force de chose jugée, s’il est exécutoire, s’il n’est pas contraire à l’ordre public.
Le juge vérifie si le jugement étranger est conforme à l’ordre public international, non pas en considération des règles d’ordre supra étatique, mais des règles du droit monégasque qui régissent la régularité des décisions et lui permettent de déployer ses effets à l’étranger.
L’exequatur est refusée aux décisions rendues en matière de référé.
Sur la notion d’ordre public dans le cas d’examen simplifié, a été considérée comme contraire à l’ordre public, une décision de condamnation à des dommages-intérêts d’un prévenu d’escroquerie, dont l’extradition avait été accordée à la France pour des faits d’abus de confiance, la requalification par les juges répressifs français ayant été faite au mépris de la règle de spécialité de l’extradition (Cour d’Appel du 25 mars 1999).
De même, la décision d’une Cour d’Appel française condamnant l’employeur monégasque d’un Vendeur, Représentant et Placier (en abrégé V.R.P.) exerçant en France, la Cour d’Appel ayant fait application de la loi française du statut de V.R.P. lié à son employeur par un contrat de travail monégasque.
Le deuxième régime prévu à l’article 474 du code de procédure civile est celui de la révision : «À défaut de réciprocité, le tribunal de première instance examinera le jugement en la forme et au fond et pourra le réviser en tout ou en partie».
Le Tribunal, par un jugement du 25 mars 1999, a refusé l’exequatur d’un jugement brésilien d’adoption par un célibataire.
Après avoir analysé l’adoption autorisée par le juge brésilien comme une adoption plénière, le Tribunal de Première Instance la considère comme contraire à l’ordre public monégasque, la loi réservant aux couples mariés depuis plus de 5 ans la possibilité d’adoption.
Le pouvoir de révision n’a pas pour effet de modifier la décision originelle, mais seulement de rejeter l’exequatur. Il a été abandonné dans les pays voisins.
Toutefois les dispositions de l’article 474 du code de procédure civile demeurent applicables à Monaco.
Le pouvoir de révision procède d’une conception plutôt figée de l’effet des décisions étrangères à Monaco, moins compatible aujourd’hui avec les engagements que la Principauté a souscrits et qui l’ont engagée dans un processus de modernisation de sa législation.
Dans le cadre d’une vaste réforme de droit international privé, la question de son maintien ne manquerait pas de se poser au législateur.
L’activité des juridictions monégasques en matière pénale
Monaco, ainsi qu’il a été rappelé en introduction de ce propos, accueille en son sein une population étrangère majoritaire. La Principauté est aussi un lieu de passage important par son attractivité touristique, mais aussi économique (elle représente en effet, un bassin d’emplois important : on estime que chaque jour 30 à 40.000 étrangers viennent y travailler).
Enfin, l’image d’une place financière qui serait peu regardante sur les fonds placés dans ses banques lui colle encore à la peau. En tous cas, cette image reste encore suffisamment ancrée dans la mentalité de certains délinquants pour qu’ils croient pouvoir y déposer le produit d’infractions commises à l’étranger.
Soit que les juges aient à examiner les infractions pour lesquelles ils sont compétents, soit qu’ils exécutent les actes pour le compte d’autorités judiciaires étrangères, il est peu d’affaires pénales à Monaco qui ne nécessitent pas un acte de coopération internationale compte tenu de l’exiguïté du territoire et de l’extranéité des litiges.
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Le code pénal monégasque donne évidemment compétence aux juridictions monégasques pour connaître de toutes les infractions commises à Monaco et celles dont un des éléments constitutifs y aurait été accompli, ainsi d’un recel d’escroquerie commis à l’étranger si l’infraction principale est commise à Monaco, par application de l’article 21 du code de procédure pénale.
Le code pénal donne aussi la faculté aux juridictions monégasques de connaître des crimes et des délits, dans certaines conditions, commis à l’étranger par des Monégasques, de la complicité d’un crime ou d’un délit commis à l’étranger par quiconque, si la complicité est prévue dans les deux pays, et que le fait principal fait l’objet d’une condamnation définitive, d’un crime ou d’un délit commis au préjudice d’un Monégasque, ou si l’auteur est trouvé à Monaco en possession d’objets provenant d’une infraction, sous réserve de la plainte de la partie lésée.
L’adhésion par Monaco à la Convention de New York contre la torture du 10 décembre 1984 a conduit le législateur à introduire la possibilité de poursuivre à Monaco, s’il y est trouvé, l’auteur des actes définis par la Convention ; enfin, par une loi du 26 décembre 2007, le législateur a rendu possible les poursuites à Monaco contre des auteurs de nombreux crimes ou délits commis sur les mineurs, violences physiques ou sexuelles, proxénétisme et infractions en relation avec la pédopornographie par diffusion visuelle commis à l’étranger.
Une particularité jurisprudentielle mérite d’être rappelée ici et résulte de deux arrêts de la Cour de Révision du 9 octobre 1991 et du 27 mars 1992.
Cette jurisprudence, qui a pour effet de poursuivre à Monaco pour recel l’auteur d’un vol commis à l’étranger, est appliquée sans discontinuer depuis lors, à toutes les infractions pour lesquelles le recel est possible.
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Je rappelais que peu d’infractions poursuivies à Monaco ne nécessitaient pas un acte de procédure à l’étranger, citation, signification ou acte d’enquête et commission rogatoire à l’étranger.
Cette observation tient d’une part à l’exiguïté du territoire mais aussi à l’internationalisation de la délinquance.
À cet égard, la Principauté, qui a adhéré à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale signée le 20 avril 1959, a introduit ses dispositions par Ordonnance Souveraine du 27 juin 2007.
De plus, par ordonnance souveraine du 18 septembre 2008, est entrée en vigueur la Convention bilatérale avec la France du 8 novembre 2005 ; deux Conventions visant l’entraide judiciaire en matière pénale.
Ces Conventions ont en commun de faciliter la transmission des demandes d’entraide soit des enquêtes préliminaires, soit des commissions rogatoires internationales.
Ainsi, les transmissions des commissions rogatoires internationales, d’autorité judiciaire à autorité judiciaire, sont possibles en cas d’urgence, la Principauté ayant fait à cet égard la déclaration selon laquelle ces demandes devaient être communiquées en même temps au Ministère de la Justice de la partie requise, à Monaco, la Direction des Services Judiciaires.
Les demandes d’enquêtes préliminaires, doivent, selon la déclaration consignée dans l’instrument de ratification de la Convention de Strasbourg du 20 avril 1959, transiter par la Direction des Services Judiciaires.
Sont évidemment exclus de ce champ d’application, les actes de significations et de citations à comparaître, lesquels se font par simple transmission sous réserve pour les citations de respecter un délai de trente jours.
La Convention bilatérale avec la France prévoit en outre certains outils modernes, la vidéoconférence pour l’audition de témoin ou expert par l’autorité requérante après autorisation de la partie requise, la transmission spontanée d’informations, les livraisons surveillées en matière de trafic de stupéfiants, les équipes communes d’enquête.
La Convention Européenne d’entraide comme la Convention bilatérale Franco-monégasque prévoient la communication des avis de condamnation.
Ces deux Conventions comportent des restrictions à leur application concernant certaines infractions fiscales ; en fait, toutes les demandes de coopération à ce titre sont satisfaites, à l’exception de quelques demandes concernant l’impôt direct, Monaco ne connaissant pas cette fiscalité. Mais de telles demandes sont exceptionnelles et les refus de coopération rarissimes.
Comment combiner ces dispositions avec celles du droit interne particulièrement celles des articles 203 et 204 du code de procédure pénale lesquels disposent :
Article 203 : «Lorsqu’il est nécessaire de faire procéder à des actes d’information dans un État étranger, le juge d’instruction ou la juridiction saisie adresse à cet effet, par l’intermédiaire du parquet général, une commission rogatoire à l’autorité étrangère compétente».
Article 204 : «Réciproquement, la juridiction compétente ou le juge d’instruction de la Principauté exécute sur les réquisitions du Ministère public les commissions rogatoires qui leur sont régulièrement adressées, relativement aux informations ouvertes dans un État étranger».
Le texte de l’article 204 n’est pas sans comporter quelques maladresses, notamment l’usage de l’adverbe «réciproquement» qui semble n’avoir aucune valeur juridique. Enfin, la formule «information ouverte dans un Etat étranger», paraît viser l’enquête dont un Juge d’Instruction est saisi alors que nombre de pays ne connaissent pas cette institution, de sorte que nombre de transmissions directes en cas d’urgence ou de demande d’entraide émanent des parquets compétents. Enfin un juge d’instruction saisi d’une demande d’entraide directe doit nécessairement avant d’instruire, communiquer au parquet pour recueillir ses réquisitions, en application de l’article 204 précité.
Cela dit la pratique d’exécution ne pose guère de problème ; le parquet saisi de demandes d’auditions de témoins, ou d’actes d’enquêtes préliminaires fait réaliser des actes simples par la police ; dès que la demande présente les caractéristiques d’une demande complexe visant les textes de prévention, particulièrement lorsque les poursuites sont déjà engagées, il saisit le Juge d’Instruction en application de l’article 204 du code de procédure pénale.
Au cours de l’année judiciaire 2010-2011, les juges d’instruction de Monaco ont été saisis de l’exécution de soixante-huit commissions rogatoires internationales, cinquante ont été traitées au cours de la période, s’agissant la plupart du temps d’investigations en matière économique et financière. Cette activité souvent complexe est loin d’être négligeable.
Dans les années 2004-2005 s’est développé un contentieux récurrent concernant la validité des commissions rogatoires internationales exécutées à Monaco. Ce contentieux est en régression après que plusieurs arrêts de la Cour d’appel et de la Cour de Révision aient fixé la jurisprudence conformément d’ailleurs à la jurisprudence de la Cour de Cassation française.
Elle se résume ainsi :
- la validité de la commission rogatoire étrangère dépend des autorités judiciaires étrangères.
- l’examen de la validité des actes de procédure accomplis à Monaco en exécution de la commission rogatoire étrangère est soumis au contrôle de la Chambre du Conseil de la Cour d’Appel en application des articles 209 et 210 du code de procédure pénale, à la condition que la commission rogatoire internationale n’ait pas déjà été retournée à l’autorité mandante. De la même façon, à l’inverse, les juges monégasques n’ont pas qualité pour apprécier la validité des actes procéduraux accomplis à l’étranger par les autorités chargées de les exécuter.
Ainsi que le rappelait Son Excellence Monsieur Philippe NARMINO, Directeur des Services Judiciaires, dans un article récent, la moyenne de durée d’exécution des commissions rogatoires internationales est de quatre mois.
Compte tenu de la rapidité d’exécution des commissions rogatoires par les juges monégasques, il n’est pas rare que les demandes de nullités soient formées après le retour des commissions étrangères à l’Etat requérant.
Si la coopération avec les pays voisins, France et Italie, fonctionne bien, celle-ci est parfois plus compliquée avec les systèmes anglo-saxons, mais les magistrats français rencontrent des difficultés similaires et ce problème n’est pas spécifique à Monaco.
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Par ailleurs, l’internationalisation de la délinquance et la tentation des délinquants étrangers de déposer partie du produit des infractions à Monaco a conduit la Principauté à se doter d’une législation sur le blanchiment des capitaux d’origine illicite.
Le dernier état de la législation est celui qui résulte de la loi du 3 août 2009 qui prévoit et réprime le blanchiment de toutes les infractions punies en droit monégasque d’une peine supérieure à trois ans d’emprisonnement, certaines infractions punies d’une peine inférieure pouvant aussi faire l’objet de telles poursuites.
Cette infraction réunit donc aujourd’hui, au delà des délits ou crimes liés au trafic de stupéfiants, l’ensemble des infractions les plus graves.
La saisie du produit de l’infraction est prévue par les dispositions de l’article 596-1 du code de procédure pénale.
Enfin Monaco a créé en 1994 le SICCFIN, organisme chargé de rechercher les opérations de ce type, sur initiative ou sur dénonciation.
Cet organisme transmet les signalements au parquet.
À l’heure actuelle trente quatre informations sont en cours d’instruction pour blanchiment à Monaco.
Ce chiffre n’est pas négligeable : la difficulté de ces informations tient, comme dans les autres pays bénéficiant d’une législation identique, à la difficulté d’établir les infractions d’origine.
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Enfin, la Convention de New York sur le trafic de stupéfiants et la Convention de Strasbourg relative à la saisie des produits du crime ont été rendues exécutoires à Monaco par ordonnances souveraines du 8 avril 2002 et 23 novembre 2007.,
La loi du 9 août 2002 organise la saisie puis la confiscation à Monaco du produit des crimes commis à l’étranger.
L’extension par la loi du 3 août 2009 du champ d’application de la loi sur le blanchiment rend plus cohérente la saisine de la juridiction désignée pour procéder à ces saisies et confiscations : le Président du Tribunal par ordonnance motivée susceptible d’appel, ordonne la saisie provisoire. Le Tribunal Correctionnel prononce l’exécution de la décision de confiscation étrangère.
Les dispositions de l’article 5 de l’ordonnance souveraine du 9 août 2002 autorisent l’exécution à Monaco de la décision définitive étrangère de confiscation à condition que ces biens soient susceptibles d’être confisqués dans des circonstances analogues selon le droit monégasque ; une disposition analogue en droit français a donné lieu à un arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 13 novembre 2003 portant sur l’exécution en France d’une décision italienne de confiscation préventive devenue définitive, institution que ne connaissent ni le droit français ni le droit monégasque, la confiscation étant toujours dans ces législations la conséquence d’une décision de condamnation.
La Cour de Cassation, rejetant le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’Appel d’Aix en Provence qui avait ordonné l’exécution de la confiscation préventive d’un immeuble situé en France, retient que la Cour d’Appel avait constaté que la loi française prévoyait la confiscation dans ses articles 131-21 et 324-7 du code pénal, et qu’il s’agissait d’un immeuble acquis par le blanchiment de sommes issues d’une organisation criminelle.
Deux décisions de confiscation ont été rendues par le Tribunal Correctionnel de Monaco les 27 octobre 2009 et 28 juin 2011 :
- dans son jugement du 28 juin 2011, le tribunal ordonne la confiscation à la demande des autorités britanniques de sommes d’argent retrouvées à Monaco au motif que les avoirs visés seraient susceptibles d’être confisqués dans des circonstances analogues en droit monégasque, le tribunal ayant préalablement constaté la condamnation pénale de l’auteur à une peine d’emprisonnement le 12 décembre 2008.
- dans son jugement du 27 octobre 2009, le tribunal a ordonné la confiscation de différents biens précisant que les biens confisqués pourraient l’être dans les mêmes circonstances en droit monégasque, en application des articles 12, 218, 219 du code pénal qui prévoit la confiscation du produit des infractions.
S’agissant d’une décision américaine, l’étude du dossier permet de supposer que la confiscation avait été précédée d’une condamnation.
Aucune décision n’a été rendue à propos des confiscations préventives prévues par la législation italienne ci-dessus rappelée.
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Enfin, Monaco s’était dotée le 28 décembre 1999 d’une loi organisant la procédure d’extradition applicable à défaut de conventions bilatérales, et lorsque les Conventions étaient silencieuses sur certains points.
Il faut dire qu’à l’époque, Monaco était signataire de douze Conventions bilatérales, dont certaines très anciennes avaient été conclues par exemple avec l’empire Austro-Hongrois ou la Russie des Tsars.
L’adhésion de Monaco à la Convention Européenne d’extradition du 13 décembre 1957 et de ses deux protocoles additionnels des 15 octobre 1975 et 17 mars 1978 et l’introduction de ces dispositions en droit interne ont considérablement allégé l’examen du contentieux de l’extradition, entraînant l’abrogation tacite de presque toutes les Conventions bilatérales liant Monaco.
Cette application s’étend dès lors aux quarante-quatre pays signataires et fixe donc un régime unique pour ces pays.
L’adhésion de Monaco au 2ème protocole porte sur la transmission directe entre ministères de la Justice, à Monaco à la Direction des Services Judiciaires, en tous cas entre les Etats ayant adhéré à ce protocole.
Elle entraîne pour l’espace européen une simplification de l’examen des extraditions dites passives, l’essentiel des extraditions dont Monaco est saisie portant sur des Européens.
Reste dans le cas de pays avec lesquels Monaco n’est pas lié par une Convention, l’application de la législation interne inspirée des législations modernes en matière d’extradition.
Malgré l’exiguïté du territoire, les extraditions passives sont fréquentes. Monaco a conservé le système des fiches d’hôtel qui sont à l’origine de nombreuses interpellations ; cette année, dix-sept demandes ont été examinées par la Chambre du Conseil de la Cour d’Appel ; deux d’entre elles ont fait l’objet d’un avis défavorable, la première pour prescription et la deuxième pour omission par l’Etat requérant de l’envoi des pièces d’extradition dans le délai prescrit.
Quant aux extraditions actives, beaucoup sont couronnées de succès ; les inculpés, prévenus ou condamnés par la justice monégasque, s’ils ne sont pas toujours extradables par leurs pays, ont fréquemment une activité internationale qui les conduit à se déplacer et beaucoup ont regretté le sentiment d’impunité qu’ils nourrissaient à l’égard d’un pays si petit qu’ils supposaient sans doute trop faible dans ses moyens d’exécution de ses décisions.
Il faut signaler ici que le mandat d’arrêt européen qui facilite le transfert des personnes poursuivies ou condamnées dans l’espace Shengen, n’a pas cet effet dans la Principauté qui n’est pas membre de l’Union Européenne.
L’exiguïté du territoire a évidemment aussi un effet sur l’exécution des peines prononcées par les juridictions monégasques ; lorsque les condamnés ont franchi les frontières de l’Etat, il est impossible d’exécuter les courtes peines.
Cette particularité se mesure aussi dans les sanctions prononcées. Il est illusoire d’aménager les peines de personnes qui ne résident pas sur le territoire puisqu’il n’existe aucun moyen de les contraindre à venir répondre des obligations d’une mesure de mise à l’épreuve, de sorte que les peines prononcées lorsqu’elles n’excèdent pas un certain quantum ont seulement un effet dissuasif.
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En conclusion
Si l’activité judiciaire à caractère international en matière pénale s’est simplifiée par la modernisation du corps des dispositions légales dont la Principauté s’est dotée et par une jurisprudence désormais bien fixée, la matière civile porte encore bien des incertitudes et des difficultés. Elles tiennent à la nature même de la population de la Principauté et à la relative faiblesse de la législation en matière de conflits de loi. Le recours fréquent à la loi du for a au moins le mérite de la simplicité pour les justiciables et les praticiens.
Le baron de Rolland, rédacteur du projet de code de procédure civile écrivait en 1896 «Il est essentiel selon nous de ne pas perdre de vue la situation toute spéciale, unique au monde de ce petit Etat. Sa position géographique, le peu d’étendue de son territoire, ses institutions, son organisation judiciaire, sa population où l’étranger domine sont autant de circonstances dont il faut tenir compte dans la préparation d’une loi de procédure».
Concilier les enjeux internationaux et les spécificités du territoire, c’est cet impératif qui animera le législateur s’il engage la réforme de droit international privé qu’il envisage.
Mesdames et Messieurs, j’espère, par cet exposé, avoir pu vous faire toucher du doigt les particularités de l’exercice judiciaire à Monaco et avoir pu vous faire partager tout l’intérêt que nous y trouvons, nous magistrats ».
(Applaudissements de l’assistance)
M. Robert CORDAS reprenait ensuite la parole :
«Madame le Président et chère collègue je me fais l’interprète de tous ici pour vous adresser les compliments les plus vifs pour la qualité de votre exposé.
L’étude minutieuse et approfondie à laquelle vous vous êtes livrée, a parfaitement mis en évidence la complexité de la tâche qui est quotidiennement celle des magistrats de nos juridictions.
Vous avez su souligner les particularismes de nos contentieux notamment en raison de l’incidence quasi-systématique des règles de droit international en matière civile comme dans le domaine pénal et la complexité extrême qui en résulte nécessairement pour l’analyse des dossiers et la résolution des litiges qui nous sont soumis.
Il est donc légitime de rendre hommage, comme j’ai le plaisir à le faire publiquement aujourd’hui, à l’ensemble des magistrats des Juridictions pour la qualité de leur travail minutieux, fruit de réflexion et de délibérés approfondis.
Je veux aussi remercier l’ensemble des personnels du Greffe pour leur disponibilité, leur dévouement sans faille et leur compétence sans lesquels rien n’aurait pu être aussi bien réalisé.
Ce dévouement et cette disponibilité sont sans cesse mis à l’épreuve par une diversification et un accroissement de leurs tâches.
Par exemple la promulgation de la loi du 18 mai 2011 sur l’assistance judiciaire qui ouvre beaucoup plus largement l’accès au Droit et au Juge pour les justiciables les plus démunis, a donné compétence au Greffe Général pour recueillir et instruire ces demandes ce qui constitue une charge supplémentaire (en raison des 650 demandes déposées chaque année).
Cette loi marque une évolution importante puisqu’elle étend le bénéfice de l’assistance judiciaire à tous les stades de la procédure jusque et y compris devant la Cour de Révision et qu’elle prévoit un recours contre les décisions du Bureau d’Assistance Judiciaire devant la Chambre du Conseil de la Cour d’Appel.
Une autre évolution dans notre pratique procédurale est également à souligner.
L’an dernier à la même époque, je nous invitais à envisager des méthodes plus modernes de traitement des contentieux civils, qui soient conformes à l’exigence européenne du «délai raisonnable» que le Juge doit respecter et faire respecter.
Je me réjouis de constater qu’avec le concours actif du Barreau auquel je veux, Monsieur le Bâtonnier, rendre un hommage tout particulier, des progrès considérables ont été réalisés.
La mise en pratique des conclusions récapitulatives dans les dossiers les plus complexes et les plus longs à mettre en état, a été réalisée sans difficulté et les plaideurs ont bien voulu y adhérer.
De même la technique du calendrier de procédure qui permet dès le premier appel des causes de fixer la date d’audience à laquelle l’affaire sera plaidée (ce qui est un gage donné aux plaideurs en terme de prévisibilité) a été généralisée aux affaires qui, par nature, présentent un caractère sensible ou d’urgence :
• mesures provisoires dans les conflits familiaux,
• accidents du travail.
Mais aussi depuis le début 2011 pour les contentieux du droit du travail, notamment en matière de licenciement, qui sont désormais dévolus en cause d’appel à la Cour.
Ces affaires là font en effet l’objet en première instance d’une mise en état et d’un examen très minutieux et parfois très long. Ce délai ne se justifie pas devant la juridiction du second degré alors qu’il importe pour l’entreprise comme pour le salarié que la question soit tranchée rapidement afin que l’un comme l’autre ne demeurent pas dans une «exquise incertitude».
C’est ainsi que ces affaires là reçoivent fixation dans un délai de 4 à 5 mois après le premier appel des causes.
Là encore l’adhésion et le concours actif du Barreau ont favorisé ce qui constitue indéniablement un progrès.
Ainsi le traitement différencié des procédures, par une mise en état adaptée, a permis de réduire le délai moyen des affaires civiles en le ramenant à 14 mois et à traiter en quelques mois voire en quelques semaines seulement celles qui présentent un caractère d’urgence.
Je me réjouis de constater que cet objectif ait pu être ainsi atteint grâce, je le redis, à la compréhension et au travail des membres du Barreau.
Je forme le vœu que cette démarche novatrice mais nécessaire soit poursuivie cette année.
Monsieur le Procureur Général, sans plus tarder je vous donne maintenant la parole».
M. le Procureur Général s’exprimait alors en ces termes :
«Les changements d’années sont propices aux bilans ou encore l’instant est revenu de regarder le chemin parcouru et celui qu’il nous faudra parcourir durant l’année à venir. Monsieur le Premier Président, Madame et Messieurs de la Cour, tels sont les propos liminaires convenus que vous avez peut-être entendus, en tout cas que j’ai entendus, dans la bouche d’un Procureur ou d’un Procureur général à l’occasion des rentrées judiciaires.
Mais il se trouve que ce matin nous ne sommes ni à la fin ni au début de l’année civile. Nous sommes toujours dans l’année du centenaire de la constitution. Il se trouve aussi qu’en ma qualité de jeune résident je suis dans une relative incapacité, sauf à vouloir jouer les imposteurs de vous livrer un bilan de l’année écoulée. Alors ce que je vous propose Monsieur le Premier Président, c’est de vous confier mes impressions de nouveau magistrat monégasque, mais j’entends rassurer notre auditoire je le ferai brièvement, il est des heures cruelles pour les orateurs et pour les auditeurs. Surtout je n’ai pas oublié ce qu’écrivait Paul Valéry «qui se hâte a compris».
La première de ces impressions est totalement confortée par votre exposé Madame le Président et je souhaite renouveler les propos élogieux qu’il a suscité dans le discours de M. le Premier Président. C’est un exposé exhaustif et d’un intérêt incontestable auquel nous pourrons nous référer régulièrement, la première impression donc, c’est que nos activités dans le domaine de l’entraide judiciaire internationale sont particulièrement soutenues et il ne peut en être autrement lorsque nous savons que la frontière est à quelques centaines de mètres d’ici.
Nous consacrons une grande partie de notre temps à l’examen des nombreux dossiers de demande d’assistance dont nous sommes saisis par diverses autorités judiciaires étrangères ou dont nous saisissons nous-mêmes les autorités judiciaires étrangères qu’il s’agisse d’extraditions ou de l’exécution de commissions rogatoires internationales.
En ce qui concerne les premières nous en avons traité 17 durant ces 12 derniers mois, 11 qui nous ont été demandées et 6 que nous avons sollicitées et notre intervention est loin d’être purement formelle puisqu’en cette matière, les juges d’instruction, puis votre Cour d’appel, Monsieur le Premier Président lorsqu’elle émet son avis, qui est toujours très motivé, nos juges et votre Cour se livrent à un examen approfondi de la procédure au regard notamment des règles de la prescription ou de la double incrimination.
Et il en va de même pour l’exécution des commissions rogatoires internationales au cours de laquelle ces règles sont également examinées.
Au cours de l’année écoulée les deux Cabinets d’instruction ont enregistré et exécuté 83 commissions rogatoires internationales en provenance de l’étranger dont certaines en relation avec ce qu’il est convenu d’appeler «le printemps arabe» et les juges d’instruction ont eux-mêmes délivrés 49 commissions rogatoires internationales aux autorités judiciaires étrangères dans le cadre des 140 procédures d’information dont ils sont actuellement saisis, c’est-à-dire ces procédures qui concernent les affaires monégasques et il me faut relever que 25 % de ces affaires (les affaires intérieures en quelque sorte) concernent des faits de blanchiment (34 dossiers) et il me faut aussi révéler qu’en exécution de ces nombreuses commissions rogatoires internationales qu’elles soient étrangères ou monégasques et en incluant les oppositions du Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers le SICCFIN, notre TRACFIN local, le montant total des fonds gelés depuis le 1er janvier 2007 a atteint les 291 millions d’euros.
290 millions 915 mille 523 euros et 31 centimes très exactement car en temps de crise, il ne faut pas négliger les centimes.
Monsieur le Premier Président, j’en ai fini avec les chiffres car nous nous sommes jurés de ne pas assommer vos invités avec des données arithmétiques, d’où ce fascicule que nous avons mis à leur disposition, mais il me paraissait important de vous livrer ces quelques indications car je pense que les observateurs attentifs de la vie monégasque (et il en existerait m’a-t-on dit) en tout cas ceux de ces observateurs qui, pour se forger une opinion, se sont arrêtés aux conclusions d’un rapport
parlementaire intitulé «Principauté de Monaco et blanchiment : un territoire complaisant sous protection française» ou encore au livre tout aussi polémique d’un ancien juge d’instruction intitulé «Juge à Monaco», ces observateurs vont sans doute devoir sérieusement réviser leurs connaissances.
Chacun sait qu’il est très difficile de se défaire d’une mauvaise réputation mais je crois pouvoir affirmer qu’à la lumière des renseignements que je vous ai confiés, cette mauvaise réputation est depuis plusieurs années déjà totalement usurpée et infondée.
Parce que j’ai estimé qu’il fallait donc laisser nos deux juges d’instruction se consacrer à ces dossiers difficiles de blanchiment ou de délinquance astucieuse et à l’exécution des demandes de leurs collègues étrangers mais surtout parce que ce mode de poursuite me paraît constituer une réponse pénale pertinente à la petite délinquance notamment de voie publique, j’ai souhaité depuis mon arrivée, privilégier le recours aux flagrant-délits.
Nous le savons bien désormais, dans ce domaine la célérité est synonyme d’efficacité, un jugement rendu immédiatement est de nature à rassurer les victimes et à dissuader les auteurs et il permet de juguler ce sentiment d’insécurité et ce sentiment d’impunité malheureusement trop souvent éprouvés dans nos sociétés. Mais une procédure rapide ne signifie pas une procédure expéditive et il ne s’agit pas de méconnaître les droits de la défense et de bafouer le principe du procès équitable consacré par la convention européenne des droits de l’homme.
Aussi, en accord avec les enquêteurs de la Sûreté et leurs responsables et directeur dont je salue la présence ce matin et pour une parfaite conformité de nos pratiques avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, j’ai aussi demandé que soient notifiées aux suspects placés en garde à vue,
outre les droits consacrés par le code de procédure pénale :
• le droit de faire prévenir une personne de son choix
• le droit d’être examiné par un médecin
• le droit de s’entretenir pendant une heure avec un avocat
j’ai demandé que soient notifiés deux autres droits supplémentaires
• le droit de ne faire aucune déclaration
et
• le droit d’être assisté par un avocat pendant toute la durée de la mesure de garde à vue et spécialement pendant les auditions.
Alors je comprends bien, Monsieur le Bâtonnier, qu’avec vos confrères dont la fidélité à cette audience nous réjouit vous souhaiteriez un accès à toutes les pièces du dossier lorsque ce dossier existe.
Mais pour ma part, lors de mon installation, je m’étais engagé à mettre en œuvre les décisions de nos juges strasbourgeois.
Toutes ces décisions mais aussi rien que ces décisions et nul n’ignore celles qui considèrent - je les cite «qu’une conduite efficace des enquêtes pénales… peut impliquer qu’une partie des informations recueillies durant ces investigations doivent être gardées secrètes afin d’empêcher les accusés d’altérer des preuves et de nuire à la bonne administration de la justice», il s’agissait notamment d’une affaire SVIPSTA contre Lettonie. Certains jugeront peut-être mes propos trop malicieux mais j’ai cru comprendre que la malice était une qualité sinon même une vertu qui avait grandement contribué à l’histoire de la Principauté.
A l’occasion du mariage Princier, Monsieur le Premier Président, nous avons reçu une très célèbre présentatrice d’informations télévisées ; elle a confié à quelques journalistes qu’elle n’était jusqu’alors jamais venue en Principauté et qu’elle avait trouvé ici - je reprends ses propres expressions - «un lieu très étonnant où il règne une grande sérénité». C’est cette impression de sérénité et c’est la dernière impression que je vous livre, que j’avais aussi ressentie en mars dernier lors de mes premières visites à Monaco avant de prendre mes fonctions ; or nous le savons tous, l’incontestable condition de cette sérénité, l’incontournable préalable à cette sérénité, la clé de la sérénité, c’est la sécurité.
Aussi :
• Monsieur DUBES, premier substitut, qui est chargé des contentieux économiques et financiers, des extraditions et des commissions rogatoires internationales en liaison avec Messieurs IGNACIO et BONNET,
• Monsieur IGNACIO, substitut chargé des atteintes aux personnes et de l’exécution des peines,
• Monsieur BONNET, substitut chargé des atteintes aux biens et du parquet des mineurs,
et moi-même entendons bien, durant cette nouvelle année judiciaire, avec nos partenaires de la Sûreté, de la Maison d’Arrêt et avec tous les magistrats de nos juridictions, évidemment, nous entendons bien poursuivre cet objectif : assurer la sécurité de nos résidents et de nos visiteurs dans le respect des libertés individuelles.
Je souhaiterais vivement que Monsieur le Secrétaire d’Etat fasse part à S.A.S. le Prince de notre reconnaissance respectueuse pour le soutien qu’il nous manifeste dans l’exercice de nos fonctions et qu’il Lui fasse part également de notre dévouement pour servir la justice du pays.
Monsieur le Premier Président, je voudrais naturellement m’associer à vos propos et remercier toutes les hautes autorités et personnalités qui nous font le très grand honneur de leur présence aujourd’hui.
Monsieur le Premier Président, Madame et Messieurs les Conseillers,
Au nom de son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, j’ai l’honneur de requérir qu’il plaise à la Cour :
• déclarer close l’année judiciaire 2010-2011 et ouverte l’année judiciaire 2011-2012,
• ordonner la reprise des travaux judiciaires,
• me décerner acte de ce qu’il a été satisfait aux prescriptions des articles 51 et 52 de la loi du 15 juillet 1965 portant organisation judiciaire,
• me donner acte de mes réquisitions,
• et dire que du tout il sera dressé procès-verbal sur le registre des actes de la Cour d’appel».
(Applaudissements de l’assistance)
M. le Premier Président reprenait alors la parole.
« La Cour,
Faisant droit aux réquisitions de Monsieur le Procureur général,
- Déclare close l’année judiciaire 2010-2011, et ouverte l’année judiciaire 2011-2012,
- Ordonne la reprise intégrale des travaux de la Cour d’Appel et des Tribunaux,
- Constate qu’il a été satisfait aux prescriptions des articles 51 et 52 de la loi du 15 juillet 1965,
- Ordonne que du tout il sera dressé procès verbal pour être consigné sur le registre des actes importants de la Cour d’Appel.
Avant de lever cette audience, je tiens à nouveau à remercier les hautes autorités et personnalités qui ont bien voulu suivre cette cérémonie et les convie maintenant, à l’invitation de Monsieur le Directeur des Services Judiciaires, à se rendre dans la Salle des Pas Perdus pour la réception qui va suivre.
L’audience solennelle est levée».
*
* *
De nombreuses personnalités avaient tenu à assister à cette audience solennelle, aux premiers rangs desquelles on notait, outre les personnalités déjà citées venues de France et d’Italie :
S.E. M. Michel ROGER, Ministre d’Etat,
S.E. Monseigneur Bernard BARSI, Archevêque de Monaco,
M. Jean-François ROBILLON, Président du Conseil National,
M. Michel-Yves MOUROU, Président du Conseil de la Couronne,
S.E. M. Philippe NARMINO, Directeur des Services Judiciaires, Président du Conseil d’Etat,
M. Jacques BOISSON, Secrétaire d’Etat,
M. Georges LISIMACHIO, Chef de Cabinet de S.A.S. le Prince,
M. Paul MASSERON, Conseiller de Gouvernement pour l’Intérieur,
S.E. M. Marco PICCININI, Conseiller de Gouvernement pour les Finances et l’Economie,
M. Stéphane VALÉRI, Conseiller de Gouvernement pour les Affaires Sociales et la Santé,
Mme Marie-Pierre GRAMAGLIA, Conseiller de Gouvernement pour l’Equipement, l’Environnement et l’Urbanisme,
S.E. M. José BADIA, Conseiller de Gouvernement pour les Relations Extérieures,
Mme Claudine JAFFRE BARON, Premier Conseiller, représentant Mme l’Ambassadeur de France à Monaco,
S.E. M. Antonio MORABITO, Ambassadeur d’Italie à Monaco,
Mme Marjorie CROVETTO-HARROCH, adjointe au maire, représentant M. Georges MARSAN, Maire de Monaco,
Mme Anne-Marie BOISBOUVIER, Conseiller Technique au Cabinet de S.A.S. le Prince,
M. Richard MILANESIO, Conseiller au Cabinet de S.A.S. le Prince,
Mme Emmanuelle NARDO, administrateur, représentant M. Laurent ANSELMI, Délégué aux Affaires Juridiques, Secrétaire Général de la Chancellerie des ordres princiers
M. Hubert CHARLES, Président du Tribunal Suprême,
M. Jean-François LANDWERLIN, Vice-Président du Conseil d’Etat,
M. Jean-Marie HUET, Procureur de la Cour d’Appel d’Aix en Provence,
Mme Catherine HUSSON TROCHAIN, Premier Président de la Cour d’Appel d’Aix en Provence,
M. Luigi CARLI, faisant fonction de Procureur Général de la Cour d’Appel de Gênes,
Mme Dominique KARSENTY, Présidente du Tribunal de Grande Instance de Nice,
M. Jean-Michel CAILLIAU, Procureur près le Tribunal de Grande Instance de Grasse,
M. Philippe RUFFIER, Président du Tribunal de Grande Instance de Grasse,
M. James CHARRIER, Président de la Commission supérieure des comptes,
M. Jacques ORECCHIA, Administrateur Judiciaire, Consul Général honoraire,
M. Jean-François CULLIEYRIER, Vice-Président de la commission de contrôle des activités financières, Consul Général honoraire de la Côte d’Ivoire,
M. André GARINO, Président du Conseil Economique et Social,
M. Didier LINOTTE, Membre Titulaire du Tribunal Suprême,
Me Paul-Louis AUREGLIA, Notaire honoraire, membre titulaire du Haut Conseil de la Magistrature,
M. Pierre JULIEN, Professeur agrégé des Facultés de Droit, membre suppléant du Haut Conseil de la Magistrature,
M. Yves GAUDEMET, Président du Comité Supérieur des Etudes Juridiques,
Mme Corinne LAFOREST DE MINOTY, Chef de l’Inspection Générale de l’Administration,
M. Claude COTTALORDA, Contrôleur Général des Dépenses,
M. Robert COLLE, Secrétaire Général du Ministère d’Etat,
Monseigneur l’Abbé René GIULIANO, Vicaire Général,
M. Jean-Charles SACOTTE, Conseiller d’Etat,
M. Jean-Marie RAINAUD, Conseiller d’Etat,
M. Philippe ORENGO, Conseiller d’Etat, représentant le Président du Tribunal Administratif de Nice,
M. Alain FRANÇOIS, Conseiller d’Etat,
M. Philippe ROSSELIN, Conseiller honoraire à la Cour d’Appel,
M. Robert FRANCESCHI, Conseiller honoraire à la Cour d’Appel,
M. Jacques WOLZOK, Président du Tribunal du Travail, Vice-Président du Conseil Economique et social,
M. Thierry ORSINI, Directeur Général du Département des Finances et de l’Economie,
Mme Valérie VIORA PUYO, Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique,
M. François CHANTRAIT, Directeur du Centre de Presse,
M. André MUHLBERGER, Directeur de la Sûreté Publique,
Mme Isabelle BONNAL, Directeur de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports,
Mme Muriel NATALI-LAURE, Administrateur des Domaines,
M. Antoine DINKEL, Directeur des Services Fiscaux,
M. Serge PIERRYVES, Directeur de l’Expansion Economique,
Mme Marie-Pascale BOISSON, Directeur du S.I.C.C.F.I.N.,
Docteur Anne NEGRE, Directeur de l’Action Sanitaire et Sociale,
M. Jean-Michel MANZONE, Directeur de la Prospective, de l’Urbanisme et de la Mobilité,
Mme Martine PROVENCE, Secrétaire Général de la Direction des Services Judiciaires,
Mme Marina CEYSSAC, Conseiller auprès du Directeur des Services Judiciaires,
M. Régis LECUYER, Conservateur du Palais Princier,
M. Alain MALRIC, Chef du service du Contrôle des Jeux,
M. Michel SOSSO, Président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives,
M. Jean-Yves GAMBARINI, Directeur de la Maison d’Arrêt, faisant fonction,
M. Christian CARPINELLI, Commissaire divisionnaire, Chef de la Division de Police Administrative,
M. Christophe HAGET, Commissaire Principal, Chef de la Division de Police Judiciaire,
M. Richard MARANGONI, Commissaire de Police, Chef de la Division de l’administration et de la formation,
M. Alain VAN DEN CORPUT, Commandant Principal, Chef de la Division de la Police Maritime et aéroportuaire,
M. Antoine MONTECUCCO, Greffier en Chef honoraire,
Mme Magali GINEPRO, greffier faisant fonction de Secrétaire Général du Parquet Général,
M. Jean-Marie DELPECH, Pharmacien-Inspecteur, Chef de la division des produits de Santé,
M. Jean-Paul HAMET, Vice-Président du Tribunal du Travail,
M. Jean-Paul SAMBA, Président de l’Ordre des Experts Comptables,
M. Alain FALLETTI, Chef de Service des Douanes,
Mme Catherine CATANESE, Secrétaire du Tribunal du Travail,
Mme Corinne QUERCI, Assistante Sociale à la Direction des Services Judiciaires,
M. Christian BOISSON, Administrateur Judiciaire et syndic,
Mme Bettina RAGAZZONI, Administrateur Judiciaire et syndic,
M. Jean BILLON, Administrateur Judiciaire,
Mme Claudine BIMA, Administrateur Judiciaire,
Mme Brigitte LUSIGNANI, Administrateur Judiciaire,
M. Michel MONTFORT, Administrateur Judiciaire.
ANNEE JUDICIAIRE 2011-2012
RENTREE DES TRIBUNAUX
Audience solennelle du 3 octobre 2011
DISCOURS DE RENTREE
prononcé par
Mme Catherine Mabrut
Vice-Président de la Cour d’Appel
«L’ASPECT INTERNATIONAL DES ACTIVITES JURIDICTIONNELLES A MONACO»
ALLOCUTIONS DE
M. Robert Cordas
Premier Président de la Cour d’Appel
M. Jean-Pierre Dréno
Procureur Général
Le lundi 3 octobre 2011 a été marqué par la traditionnelle audience de rentrée des Cours et Tribunaux.
Cette audience a été précédée par la Messe du Saint-Esprit qui a été concélébrée par Mgr Bernard Barsi et Mgr Giuliano. M. Jacques Boisson, Secrétaire d’Etat, représentait Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain.
A l’issue de la messe du Saint-Esprit, l’audience solennelle débutait sous la présidence de M. Robert Cordas, Premier Président de la Cour d’Appel qui avait à ses côtés, Mme Catherine Mabrut, Vice-Présidente, MM. Gérard Foret-Dodelin, Thierry Perriquet, Jean-François Caminade, Conseillers à la Cour.
M. Jean Apollis, Premier Président de la Cour de Révision était accompagné de MM. Roger Beauvois, Vice-Président, Jean-Pierre Dumas, Charles Badi, Guy Joly et Jean-François Renucci, Conseillers.
Mme Brigitte Grinda-Gambarini, Président du Tribunal de Première Instance, conduisait les magistrats de sa juridiction :
Mme Muriel Dorato-Chicouras, Vice-Président,
M. Marcel tastevin, Vice-Président,
M. Pierre Kuentz, Juge d’instruction,
M. Loïc Malbrancke, Juge d’instruction,
M. Jérôme Fougeras-Lavergnolle, Juge tutélaire,
Mme Stéphanie Vikström, Juge,
M. Florestan Bellinzona, Juge,
M. Sébastien Biancheri, Juge,
M. Cyril Bousseron, Juge
Mme Patricia HOARAU, Juge,
Mme Emmanuelle CASINI BACHELET, Juge,
Mme Sophie FLEURICHAMP, Juge,
M. Morgan RAYMOND, Juge.
Mlle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, était également présente.
M. Jean-Pierre DRÉNO, Procureur Général, représentait le ministère public avec à ses côtés, M. Gérard DUBES, Premier Substitut, M. Jean-Jacques IGNACIO et M. Mickaël BONNET, Substituts, ainsi que Mlle Cyrielle COLLE, magistrat référendaire.
Le plumitif d’audience était tenu par Mme Béatrice BARDY, Greffier en Chef, assistée de Mmes Laura SPARACIA et Liliane ZANCHI, Greffiers en Chef adjoints, entourées des greffiers en exercice.
Me Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET et Me Claire NOTARI occupaient le banc des huissiers.
Me Frank MICHEL, Bâtonnier de l’Ordre des avocats-défenseurs et avocats, était accompagné des membres du barreau.
Assistaient également à cette audience des représentants des notaires, des experts-comptables, des administrateurs judiciaires et syndics.
Après avoir déclaré ouverte l’audience solennelle, M. le Premier Président de la Cour d’Appel s’exprimait en ces termes :
«Voici venu le moment où, comme chaque année à pareille époque, les Juridictions de la Principauté se réunissent en assemblée plénière, en tenue d’apparat et selon un rituel immuable pour marquer le début d’une nouvelle année judiciaire et la reprise de leurs travaux un moment ralentis pendant la période estivale.
Cette audience solennelle a été précédée de la très belle messe du Saint-Esprit que vous avez bien voulu Monseigneur BARSI célébrer à notre intention en compagnie de Monseigneur GIULIANO.
Ces cérémonies revêtent un caractère tout particulier car elles marquent un temps fort de la vie des juridictions et de celle de la Famille Judiciaire toute entière, qui, dans une totale communion d’esprit, s’apprête dans un même élan et avec une ardeur renouvelée, à examiner, analyser et résoudre les litiges et contentieux de toute nature qui opposent celles et ceux qui vivent, résident, travaillent sur le territoire de la Principauté.
La présence des hautes autorités et personnalités qui nous font l’honneur d’y assister et que je remercie très sincèrement souligne mieux encore l’importance de ce moment.
- Monsieur le Secrétaire d’Etat,
S.A.S. le Prince Souverain n’a pu assister cette année, à cette cérémonie, étant retenu par les autres devoirs de Sa charge. Pourrez-vous Lui faire part de notre gratitude et de notre respectueuse reconnaissance pour la confiance et le soutien sans faille qu’Il nous accorde pour l’accomplissement de la mission que nous remplissons en Son Nom ?
- Monsieur le Ministre d’Etat,
Nous sommes très sensibles à votre présence et à l’intérêt que vous manifestez ainsi au bon fonctionnement de l’Institution Judiciaire.
Monseigneur BARSI, archevêque de Monaco,
Monsieur le Président du Conseil National,
Monsieur le Président du Conseil de la Couronne,
Monsieur le Ministre Plénipotentiaire Directeur des Services Judiciaires,
Madame, Messieurs les Conseillers de Gouvernement,
Monsieur l’ambassadeur d’Italie,
Madame le représentant de l’ambassadeur de France,
Excellences,
Monsieur le Maire de Monaco,
Mesdames, Messieurs,
Votre fidélité à ce rendez-vous annuel nous touche beaucoup. C’est pour nous un signe fort et un encouragement que nous apprécions.
Je me réjouis également de la présence des acteurs de la vie administrative, économique, et sociale de la Principauté comme de celle des membres de la compagnie judiciaire : avocats, notaires, huissiers, experts et administrateurs judiciaires.
Je salue les représentants de la Sécurité Publique et notamment son Directeur et les chefs de Division qui l’accompagnent.
Je veux aussi saluer tout particulièrement la présence amicale :
- de Madame le Premier Président et de Monsieur le Procureur Général de la Cour d’Aix en Provence, avec laquelle nous avons tout naturellement des liens étroits,
- de Monsieur le Procureur Général de la Cour d’Appel de Gênes en le remerciant pour les relations cordiales et très chaleureuses nouées entre nos deux juridictions,
- de Madame le Président du Tribunal de Grande Instance de Nice et de Messieurs les chefs de Juridictions du Tribunaux de Grande Instance de Grasse nos voisins et amis.
L’ouverture d’une nouvelle année judiciaire est naturellement l’occasion de tourner notre regard vers celle qui vient de s’achever pour, tout d’abord évoquer les événements qui l’ont marquée :
- l’arrivée, en avril dernier, de notre nouveau Procureur Général M. Jean-Pierre DRÉNO.
Permettez-moi, Monsieur le Procureur Général d’exprimer publiquement la satisfaction qui est la mienne et celle des magistrats qui m’entourent d’œuvrer avec vous pour le bien de la Justice dans ce Pays.
Nous avons eu également le plaisir d’accueillir en avril 2011 Mlle Cyrielle COLLE, nommée magistrat référendaire, qui a été affectée dans un premier temps au Parquet.
Plus récemment nous avons accueilli M. Loïc MALBRANCKE, nommé Juge d’instruction en remplacement de Monsieur Pierre BARON qui nous a quitté à regret pour rejoindre le poste de conseiller à la Cour d’Appel de Montpellier auquel il a été nommé à l’issue de sa période de détachement.
Monsieur BARON nous laisse le souvenir d’un magistrat travailleur et méticuleux, passionné par les fonctions de l’instruction.
Nous lui adressons nos vœux de pleine et entière réussite dans ses nouvelles fonctions.
Nous renouvelons à Mademoiselle Cyrielle COLLE et à Monsieur MALBRANCKE nos souhaits de bienvenue et de succès.
Le Barreau a connu lui aussi l’arrivée de nouveaux venus :
- Maître Charles LECUYER a été nommé avocat stagiaire comme l’avait été Maître Christophe BALLERIO, l’année précédente.
- Maître Hervé CAMPANA, avocat stagiaire, a été nommé avocat.
La Cour leur renouvelle ses vifs compliments.
La compagnie judiciaire a été mise à l’honneur à l’occasion de la Fête Nationale puisque Madame Catherine MABRUT, vice-président de la Cour d’Appel et Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, ont été distinguées dans l’Ordre de Saint-Charles au Grade de Chevalier. Nous leur renouvelons nos sincères félicitations.
Cette rentrée judiciaire nous conduit aussi à examiner l’étendue de l’activité des juridictions et à nous livrer à un certain nombre de réflexions.
Plutôt que d’infliger à l’auditoire l’énumération fastidieuse de chiffres, nous avons imaginé cette année avec Monsieur le Procureur Général d’éditer à votre intention sous un format simplifié une petite plaquette sur laquelle figurent les données essentielles de nos activités.
L’aridité des chiffres masque cependant la réalité, la complexité, la spécificité très particulière des contentieux qui nous sont soumis et celle des normes juridiques que nous devons interpréter et appliquer.
C’est cet aspect souvent méconnu de l’activité juridictionnelle en Principauté de Monaco que Madame le Président MABRUT a choisi d’évoquer à l’occasion de cette audience et je lui cède la parole sans plus tarder».
Mme Catherine MABRUT prononçait alors le discours suivant, intitulé :
Aperçu de l’activité des juridictions monégasques en matière internationale
«L’une des particularités maintes fois soulignée de la Principauté de Monaco est la faiblesse du nombre de ses nationaux par rapport au nombre d’étrangers résidant sur son territoire.
Pour une population recensée en 2008 de 31.109 habitants, elle comptait 6.687 Monégasques soit 21,50 % de la population du pays, les trois nationalités les plus représentées étant les Français, au nombre de 8.735 soit 28,24 % de la population, les Italiens au nombre de 5.778 soit 18,57 % de la population et les Anglais au nombre de 2. 334 soit 7,50 % de la population.
La Principauté par son attrait touristique et économique accueille en outre une population mobile très importante.
Il va de soi que cette particularité a une influence directe sur les pratiques et l’activité des juridictions monégasques, les nationaux n’y occupant qu’une part très inférieure à leur représentation dans le pays.
Quelques chiffres brièvement rappelés donnent une idée de la part que les non nationaux prennent dans notre activité.
Les statistiques les plus récentes de 2008 établies pour la Commission Européenne pour l’Efficacité de la Justice en abrégé CEPEJ, nous enseignent que pour 885 personnes traduites devant les juridictions répressives et 838 condamnations, l’immense majorité était des étrangers principalement Français et Italiens.
Sur 150 arrêts rendus par la Cour d’Appel pour l’année judiciaire 2010-2011, 7 arrêts seulement étaient rendus entre des parties monégasques, certaines étant d’ailleurs des sociétés.
Sur 14 crimes jugés depuis 10 ans, 2 seulement avaient été commis par des Monégasques.
C’est dire que nos juridictions traitent pour l’essentiel de conflits entre étrangers ou d’infractions commises par des étrangers ; ce constat a bien sûr des effets sur notre pratique.
Par ailleurs, par son adhésion au Conseil de l’Europe le 5 octobre 2004, et son adhésion à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ratifiée le 20 novembre 2005, la Principauté de Monaco s’est engagée dans un processus d’évolution de sa législation interne, la conduisant à y introduire de nombreuses modifications qui lui ont fait effacer des archaïsmes, à certains égards combler des lacunes et à progresser vers un droit conforme aux exigences d’une société moderne, égalité homme-femme traduite notamment par la réforme du régime primaire du mariage et du divorce, la motivation des actes administratifs négatifs, l’instauration du régime de la garde à vue inexistant avant 2007 et la liberté d’association.
Cette évolution est toujours en cours puisque, confrontée aux dernières décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme en matière de garde à vue, la Principauté de Monaco comme d’autres pays doit encore mettre à jour sa législation, les praticiens monégasques ayant eu ainsi l’occasion de statuer en pareille matière et d’anticiper, par la pratique, les exigences nouvelles que l’interprétation de cette convention ont rendu applicables à Monaco.
Si l’adhésion aux conventions internationales, dont certaines seront évoquées dans cet exposé, a eu un impact sur notre pratique par l’effet des réformes qu’elles ont induites, d’autres en matière de coopération internationale l’ont également notablement modifiée et même simplifiée.
Il ne s’agit pas ici d’examiner l’effet des conventions entrées dans le droit interne qui sont devenues notre droit positif, mais d’examiner ce que la spécificité de Monaco et la présence de nombreux étrangers sur son territoire induisent dans notre pratique.
Cette préoccupation a toujours animé le législateur ou les juristes de ce pays puisque dès la fin du XIXe siècle le Baron de Rolland, rédacteur des projets des grands codes, dans son commentaire des textes à venir, mettait l’accent sur la particularité de «ce pays où les étrangers affluent plus nombreux d’année en année».
C’est ainsi que seront tour à tour examinés les aspects civils et pénaux de l’activité des juridictions, leurs particularités et les difficultés que les praticiens rencontrent.
Aperçu en matière civile
J’examinerai successivement les particularités du droit monégasque en matière de conflit de lois, la compétence des juridictions monégasques et la valeur des décisions étrangères à Monaco.
Sur les conflits de lois, M. Renaud de Bottini, Professeur émérite à l’université de Nice, introduisait une étude intitulée «regard sur le droit monégasque des conflits» parue à la revue de Droit monégasque par ces phrases : «Une très large majorité d’étrangers vivent ou séjournent à Monaco. Les situations juridiques internationales y sont nécessairement fréquentes ; par le fait, on est conduit à penser que le territoire de la Principauté constitue un terreau favorable à l’éclosion de nombreux conflits de lois. S’il en est ainsi, l’observateur a cependant quelques difficultés à en prendre connaissance. Peut-être est ce parce que l’aspect international du débat juridique est souvent occulté dans la pratique monégasque».
La même observation est encore de rigueur aujourd’hui.
Il faut d’abord observer que Monaco ne dispose pas d’une loi spécifique de droit international privé permettant d’identifier la loi applicable lorsque le litige présente un caractère d’extranéité.
Cette absence de texte fondateur dans un pays où se côtoient 144 nationalités et où les litiges entre étrangers sont particulièrement fréquents préoccupe les juristes monégasques depuis longtemps puisqu’ainsi que le rappelle M. de Bottini, dans la note précitée, la commission de mise à jour des codes, dont le rôle est d’émettre des propositions en vue de moderniser les textes, avait élaboré en 1988 un avant projet relatif aux conflits de lois en matière d’état des personnes et des relations familiales, qui n’a jamais vu le jour.
Le Conseil National réfléchit actuellement à une proposition de loi qui réglerait un grand nombre de problèmes que posent les conflits de lois en droit international privé.
Il convient d’abord d’identifier les quelques textes monégasques et les conventions internationales entrées en vigueur à Monaco qui déterminent la loi applicable à certains conflits de lois.
Le code civil monégasque comporte en son article 3 les règles de conflit suivantes :
«Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire de la Principauté.
Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par les lois de la Principauté.
Les lois concernant l’état et la capacité des personnes régissent les sujets monégasques, même résidant en pays étranger».
L’article 143 du code civil valide le mariage célébré à l’étranger entre Monégasques, entre un Monégasque et un étranger, sous condition de sa publication à Monaco.
L’article 141 alinéa 2 du code civil règle la question du régime matrimonial des époux étrangers ou monégasques lors de la célébration du mariage ; sauf choix pour les étrangers d’un régime légal d’un des pays dont ils ont la nationalité ou déclaration d’un contrat préalable, le lieu du mariage à Monaco désigne le régime légal monégasque de la séparation des biens.
L’article 865 du code civil permet de valider les testaments des Monégasques rédigés à l’étranger, soit dans la forme authentique, soit dans la forme locale.
Enfin l’article 1243 du code civil portant sur les régimes matrimoniaux désigne en son dernier alinéa le régime applicable aux changements de régime matrimonial des étrangers mariés à Monaco ou dont les conventions matrimoniales ou le régime matrimonial sont soumis au droit monégasque.
La loi du lieu de signature du contrat régit la loi applicable, sauf clause du contrat.
L’ensemble des dispositions éparses du code civil portant sur la forme des actes fait application de la règle - le lieu régit l’acte ;
Outre ces dispositions, la Principauté a adhéré à la conférence de droit international privé de la Haye et est signataire de trois conventions qui comportent des règles de conflit :
- la convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, entrée en vigueur par ordonnance du 7 janvier 1993,
- la convention du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, entrée en vigueur à Monaco par ordonnance du 5 octobre 1999,
- la convention du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, entrée en vigueur à Monaco par ordonnance du 2 avril 2004.
Selon l’alinéa 2 de l’article 3 du code civil, le lieu de situation de l’immeuble à Monaco détermine la règle de conflit de loi et désigne la loi monégasque.
Cette application ne se limite pas à la forme des actes, notamment de dispositions par acte authentique, et à l’organisation de la propriété immobilière, mais s’étend à toutes les formes d’acquisition, notamment la matière successorale et détermine ainsi les règles de la dévolution de droits héréditaires, réserve et quotité disponible immobilière et ce quel que soit le lieu d’ouverture de la succession.
En la matière, la jurisprudence détermine ainsi les lois applicables aux règlements des successions ouvertes à Monaco : la loi monégasque s’applique aux immeubles situés à Monaco, la loi personnelle du de cujus s’applique à sa succession mobilière où qu’elle se trouve, les immeubles situés à l’étranger n’entrant pas dans la masse partageable à Monaco.
Cette règle posée, il convient évidemment de rechercher si la loi personnelle du défunt ne renvoie pas pour le règlement de la succession à la loi du domicile du défunt lors du décès ; il faut aussi préciser que nombres d’immeubles à Monaco sont la propriété de sociétés civiles immobilières, dont les parts sont mobilières, ce qui écarte l’application des dispositions de l’article 3 alinéa 2 du code civil.
Quant au testament d’un étranger décédé à Monaco, les juridictions ont le souci de rechercher la volonté du défunt s’il s’est exprimé sur la loi applicable au règlement de la succession.
Enfin, la capacité de disposer d’un immeuble est examinée au regard de la loi nationale du contractant et non au regard de la loi du lieu de situation de l’immeuble, à titre d’exemple la capacité du trustee de droit anglo-saxon de vendre un immeuble sis à Monaco dépendant d’une succession, même en présence d’héritier mineur.
Dans sa thèse soutenue le 14 mai 2001, intitulée «le statut personnel en droit international privé monégasque», Maître Géraldine GAZO a étudié la jurisprudence monégasque en matière de statut personnel pour tracer les lignes d’un droit international privé à Monaco.
Par l’application a contrario de l’article 3 alinéa 3 du code civil, la loi nationale des étrangers s’applique en matière d’état des personnes et de capacité.
En matière de mariage, dans le cas d’époux de nationalités différentes la jurisprudence fait application distributive des deux lois en présence, par exemple la validité du consentement est examinée au regard de la loi de l’époux dont le consentement est contesté.
- Les effets du mariage sont réglés par la loi matrimoniale des époux,
- Le régime matrimonial est régi par la loi du domicile commun des époux au moment du mariage,
- la Cour de révision par un arrêt du 13 octobre 1980 a cassé un arrêt de la Cour d’appel qui avait appliqué la loi personnelle des époux à des donations entre époux, estimant que la matière était régie par la loi du lieu de situation des immeubles et a appliqué la loi française aux immeubles situés en France et la loi monégasque aux immeubles situés à Monaco.
La loi du divorce est la loi nationale des époux ; toutefois n’est pas réglée de manière claire la question des mariages mixtes, fréquents devant nos juridictions, la jurisprudence ayant fluctué entre l’application distributive de la loi nationale de chaque époux et l’application de la loi du for monégasque, particulièrement en cas de divergences notables entre les lois applicables.
Certaines décisions ont même fait application de la loi nationale et de la loi du for dans la même procédure, lorsque les époux avaient trouvé un accord.
Une décision récente du tribunal a refusé d’appliquer partiellement la loi monégasque dans le cas où l’un des époux sollicitait l’application de la loi française sur les conséquences du divorce (TPI 23/04/2009). Le tribunal a considéré que la loi française s’appliquait dès lors aux causes du divorce.
Toutefois il n’existe pas assez de décisions pour voir émerger de véritables précédents propres à combler le silence de la loi et l’on perçoit à travers un examen plus approfondi l’embarras des magistrats amenés à statuer dans ces matières.
Il est difficile dans un exposé de cette nature d’approfondir davantage l’examen de la jurisprudence en matière de droit international privé.
Pourquoi toutes ces difficultés à appréhender les principes jurisprudentiels qui pourraient permettre de combler les lacunes textuelles à travers une jurisprudence somme toute peu fournie au regard du nombre d’étrangers résidant sur le territoire ?
Si le contentieux de droit international privé est finalement aussi difficile à cerner et les règles à identifier concernant notamment le statut personnel si difficiles à connaître, c’est sans doute parce que ces règles ne sont pas impératives mais facultatives. En effet la norme de droit international privé ne fait pas autorité à Monaco et le juge n’est pas tenu d’appliquer d’office la loi étrangère.
Un arrêt ancien de la Cour de Révision du 31 mars 1960 avait clairement fait obligation au juge de soulever d’office l’application de la loi nationale revendiquée et cassé un arrêt de la Cour d’appel qui avait fait application de la loi monégasque ; cette décision n’a pas été suivie d’effet puisque toutes les décisions rendues depuis lors ont rappelé le principe que l’application de la loi nationale des parties est la règle, sauf à elles à en demander l’application.
Dès lors, la loi monégasque, faute par les parties de demander l’application de leur loi nationale, s’applique au statut personnel, leur accord pour l’application de la loi monégasque étant tacite.
La seule exception à cette règle résulte d’un arrêt de la Cour d’appel du 21 novembre 2000 en matière d’adoption, qui retient d’office l’application de la loi nationale de l’adopté au recueil de son consentement.
A cette date la Principauté de Monaco venait d’adhérer à la Convention de la Haye sur l’adoption et mis en place au sein de l’Etat, l’autorité de contrôle désignée par la convention, en l’espèce la Direction des Services Judiciaires.
Il appartient enfin aux parties puisqu’elles doivent elles-mêmes demander l’application de leur loi nationale, de fournir les éléments permettant au juge de connaître la loi étrangère applicable. Le juge peut lui-même compléter cette recherche s’il s’estime insuffisamment informé, au vu des documents et décisions de justice étrangères accessibles à tous (arrêt de la cour d’appel du 15 octobre 2002).
Ce rappel permet de constater le recours à l’autonomie de la volonté en droit monégasque, les parties ayant le choix du recours ou non à leur législation d’origine y compris lorsque les droits en cause sont indisponibles. L’effet en est la simplification du travail du juge qui applique la plupart du temps au conflit de droit international privé dans les matières où la loi nationale serait normalement applicable, la législation du for qu’il connaît le mieux.
La question reste posée, compte-tenu de la difficulté de connaître ou d’appliquer les règles de conflits de droit international en droit privé, de savoir si la Principauté doit se doter d’une législation en ce domaine.
Le Conseil National réfléchit à une proposition de loi en cette matière.
Faut-il laisser aux seules parties, dans les domaines où les droits sont indisponibles, la liberté de choisir la loi applicable ?
Faut-il au contraire orienter la réflexion vers un système dans lequel le statut personnel échappe à l’autonomie de la volonté et la loi nationale des parties s’impose au juge ?
Une législation nationale devient alors opportune ; l’office du juge en serait alors modifié puisque c’est sur lui que pèserait l’obligation de rechercher la loi applicable au litige.
Toutefois, cette législation doit éviter l’écueil de la complexité et permettre de résoudre les problèmes particuliers que pose à Monaco la fréquence des conflits complexes entre personnes de nationalité différente.
La question de l’internationalité du litige pose aussi le problème de la compétence des juridictions monégasques.
Si l’article 2 du code de procédure civile édicte une règle générale classique et permet aux juridictions monégasques de connaître de tous les litiges engagés contre un défendeur domicilié dans la Principauté, l’article 3 énumère une liste limitative de litiges dont le juge monégasque connaît par leur nature.
Enfin l’article 4 du même code donne la possibilité à l’étranger domicilié à Monaco de soulever l’incompétence du juge monégasque s’il justifie avoir conservé, en matière d’état des personnes et de capacité, un domicile de droit et de fait dans son pays devant les juges duquel la demande peut être utilement portée.
Trois règles jurisprudentielles sont clairement posées en matière de compétence internationale.
D’abord l’absence de reconnaissance à Monaco de la règle de litispendance internationale, ce qui signifie qu’une juridiction étrangère peut par ses propres règles de compétence être saisie d’un litige ayant les mêmes parties et le même objet que celui soumis à la Principauté, sans que l’action engagée à Monaco soit interrompue, ni que le juge soit tenu de surseoir à statuer dans l’attente de la décision étrangère.
Ensuite la règle de compétence internationale applicable au litige est fixée par la norme interne, même si le droit applicable à l’instance est étranger.
A titre d’exemple, un syndic d’une copropriété française était assigné à Monaco, lieu de son domicile, en raison des fautes qu’il aurait commises dans la gestion d’une copropriété située en France et régie par la loi française de la copropriété, l’article 2 du code de procédure civile donne compétence à Monaco, domicile du défendeur, la loi revendiquée applicable à l’instance, en l’espèce le droit français, en raison du lieu de situation de l’immeuble, n’étant d’aucune influence sur la compétence qui est seulement déterminée par la loi du for (notamment un arrêt de la Cour d’appel du 14 décembre 2010).
Enfin, à supposer le litige engagé entre des parties étrangères non domiciliées à Monaco, le juge ne peut d’office soulever son incompétence territoriale.
La Cour d’appel dans un arrêt du 30 août 2001, en présence d’un litige qu’elle estimait sans rattachement avec aucun des critères de compétence de Monaco avait considéré que le problème ainsi posé relevait en définitive non de la compétence territoriale, mais de la compétence matérielle que la juridiction, en application de l’article 263 du code de procédure civile, pouvait à ce titre soulever d’office son incompétence.
La Cour de révision par un arrêt du 5 mars 2002 a cassé l’arrêt de la Cour d’appel, le problème posé relevant de la compétence territoriale, et a retenu que la Cour d’appel ne pouvait d’office se déclarer incompétente et ce en application des dispositions de l’article 262 du code de procédure civile, les parties pouvant seules décliner la compétence territoriale de la juridiction et ce in limine litis.
Nous retiendrons sur la compétence internationale deux dispositions originales qui suscitent un intérêt et ne sont pas sans soulever quelques difficultés.
Il s’agit d’abord des dispositions de l’article 3 alinéa 9° et 9° bis du code de procédure civile :
- en cas de validité de saisies arrêts formées dans la Principauté et généralement de toutes demandes ayant pour objet des mesures provisoires ou conservatoires les juridictions monégasques sont compétentes.
Toutefois le législateur monégasque par une loi du 29 décembre 2004 a attribué compétence à ces mêmes juridictions pour connaître dans les cas ci-dessus énumérés du fond du litige, sauf clause conventionnelle d’attribution de compétence à une autre juridiction, ce qui conduit les juridictions de Monaco à connaître de litiges totalement étrangers, l’existence d’un litige identique dans le pays territorialement compétent n’étant pas exclue.
Il s’agit ensuite des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile qui, en matière d’état des personnes, permettent à l’étranger domicilié à Monaco, conformément à l’article 262 du code de procédure civile, de décliner la compétence des juridictions monégasques s’il justifie avoir conservé dans son pays un domicile de droit et de fait devant les juges duquel la demande pourrait être utilement portée.
Ce texte a donné lieu à une jurisprudence constante sur la notion de domicile de fait et de droit.
La charge de la preuve du domicile de droit et de fait incombe au demandeur au déclinatoire de compétence et il appartient aussi au juge de vérifier si la demande peut être portée utilement devant la juridiction du pays où le domicile de droit et de fait est fixé.
Il faut ici rappeler qu’à Monaco, seules les décisions mettant fin au litige sont susceptibles d’appel, de sorte que seules les décisions d’incompétence peuvent être immédiatement examinées par la Cour.
Dans le cas où le tribunal retient sa compétence, le litige se poursuit à Monaco et la Cour saisie plus tard ne peut examiner sa compétence qu’avec l’examen du fond du litige.
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L’introduction dans le code de procédure civile du contredit d’incompétence permettrait à la Cour d’Appel de vider la question de la compétence avant tout examen du fond du litige.
Il convient enfin de connaître la valeur des décisions judiciaires étrangères à Monaco.
Le principe est classique. Les décisions concernant l’état des personnes sont immédiatement applicables en droit interne. C’est évidemment lorsqu’une partie invoque l’existence d’une décision étrangère dans un litige déjà engagé que le juge peut être amené à examiner la validité de la décision étrangère.
Il peut être conduit à rechercher si le jugement étranger ne constitue pas une fraude à la loi : une espèce en ce domaine (Cour de Révision du 14 mai 2009) une Monégasque par mariage d’origine ukrainienne avait engagé une procédure de divorce à Monaco, son époux monégasque avait formé une demande reconventionnelle pour voir prononcer le divorce à ses torts. Elle engageait alors en Ukraine une procédure de divorce qu’elle obtenait rapidement sur un fondement équivalent à la rupture de la vie commune justifiant de son désistement d’instance à Monaco dont le Tribunal de première instance était pourtant toujours saisi par la demande du mari. La Cour d’appel retient la fraude à la loi monégasque, le divorce en Ukraine ayant été obtenu pour éviter les conséquences d’un divorce pour faute à Monaco. La Cour de révision rejette le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’Appel.
Le juge doit vérifier si la décision étrangère n’est pas contraire à l’ordre public interne monégasque.
A cet égard plusieurs décisions anciennes permettent de connaître comment les juges monégasques apprécient la validité d’un jugement étranger - par rapport à leur conception de l’ordre public - ainsi le divorce par consentement mutuel avant la modification de la loi monégasque en ce sens, était validé, de même la prestation compensatoire, notions inexistantes à Monaco avant 2007. Sur ce point, l’adhésion de Monaco au Conseil de l’Europe puis à la Convention Européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales a eu pour effet de remanier de nombreuses dispositions du code civil, notamment sur le divorce et la filiation et la question de l’ordre public interne ne se poserait plus aujourd’hui dans les mêmes termes.
Enfin, les décisions qui rendent nécessaire l’exécution contrainte sur le territoire monégasque doivent être soumises au régime de l’exequatur.
Il existe deux régimes d’exequatur :
D’abord le régime d’exequatur sans examen du fond, comparable au régime français, prévu par l’article 473 du code de procédure civile.
Si la réciprocité est admise par la loi du pays où le jugement a été rendu (c’est le cas notamment de la France par la convention Franco-Monégasque du 21 décembre 1948 rendue exécutoire par ordonnance du 2 février 1949), l’examen est alors limité à la régularité formelle, à la compétence de la juridiction locale, à la possibilité pour les parties d’avoir été mises en mesure de se défendre.
Le juge vérifie encore si le jugement est passé en force de chose jugée, s’il est exécutoire, s’il n’est pas contraire à l’ordre public.
Le juge vérifie si le jugement étranger est conforme à l’ordre public international, non pas en considération des règles d’ordre supra étatique, mais des règles du droit monégasque qui régissent la régularité des décisions et lui permettent de déployer ses effets à l’étranger.
L’exequatur est refusée aux décisions rendues en matière de référé.
Sur la notion d’ordre public dans le cas d’examen simplifié, a été considérée comme contraire à l’ordre public, une décision de condamnation à des dommages-intérêts d’un prévenu d’escroquerie, dont l’extradition avait été accordée à la France pour des faits d’abus de confiance, la requalification par les juges répressifs français ayant été faite au mépris de la règle de spécialité de l’extradition (Cour d’Appel du 25 mars 1999).
De même, la décision d’une Cour d’Appel française condamnant l’employeur monégasque d’un Vendeur, Représentant et Placier (en abrégé V.R.P.) exerçant en France, la Cour d’Appel ayant fait application de la loi française du statut de V.R.P. lié à son employeur par un contrat de travail monégasque.
Le deuxième régime prévu à l’article 474 du code de procédure civile est celui de la révision : «À défaut de réciprocité, le tribunal de première instance examinera le jugement en la forme et au fond et pourra le réviser en tout ou en partie».
Le Tribunal, par un jugement du 25 mars 1999, a refusé l’exequatur d’un jugement brésilien d’adoption par un célibataire.
Après avoir analysé l’adoption autorisée par le juge brésilien comme une adoption plénière, le Tribunal de Première Instance la considère comme contraire à l’ordre public monégasque, la loi réservant aux couples mariés depuis plus de 5 ans la possibilité d’adoption.
Le pouvoir de révision n’a pas pour effet de modifier la décision originelle, mais seulement de rejeter l’exequatur. Il a été abandonné dans les pays voisins.
Toutefois les dispositions de l’article 474 du code de procédure civile demeurent applicables à Monaco.
Le pouvoir de révision procède d’une conception plutôt figée de l’effet des décisions étrangères à Monaco, moins compatible aujourd’hui avec les engagements que la Principauté a souscrits et qui l’ont engagée dans un processus de modernisation de sa législation.
Dans le cadre d’une vaste réforme de droit international privé, la question de son maintien ne manquerait pas de se poser au législateur.
L’activité des juridictions monégasques en matière pénale
Monaco, ainsi qu’il a été rappelé en introduction de ce propos, accueille en son sein une population étrangère majoritaire. La Principauté est aussi un lieu de passage important par son attractivité touristique, mais aussi économique (elle représente en effet, un bassin d’emplois important : on estime que chaque jour 30 à 40.000 étrangers viennent y travailler).
Enfin, l’image d’une place financière qui serait peu regardante sur les fonds placés dans ses banques lui colle encore à la peau. En tous cas, cette image reste encore suffisamment ancrée dans la mentalité de certains délinquants pour qu’ils croient pouvoir y déposer le produit d’infractions commises à l’étranger.
Soit que les juges aient à examiner les infractions pour lesquelles ils sont compétents, soit qu’ils exécutent les actes pour le compte d’autorités judiciaires étrangères, il est peu d’affaires pénales à Monaco qui ne nécessitent pas un acte de coopération internationale compte tenu de l’exiguïté du territoire et de l’extranéité des litiges.
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Le code pénal monégasque donne évidemment compétence aux juridictions monégasques pour connaître de toutes les infractions commises à Monaco et celles dont un des éléments constitutifs y aurait été accompli, ainsi d’un recel d’escroquerie commis à l’étranger si l’infraction principale est commise à Monaco, par application de l’article 21 du code de procédure pénale.
Le code pénal donne aussi la faculté aux juridictions monégasques de connaître des crimes et des délits, dans certaines conditions, commis à l’étranger par des Monégasques, de la complicité d’un crime ou d’un délit commis à l’étranger par quiconque, si la complicité est prévue dans les deux pays, et que le fait principal fait l’objet d’une condamnation définitive, d’un crime ou d’un délit commis au préjudice d’un Monégasque, ou si l’auteur est trouvé à Monaco en possession d’objets provenant d’une infraction, sous réserve de la plainte de la partie lésée.
L’adhésion par Monaco à la Convention de New York contre la torture du 10 décembre 1984 a conduit le législateur à introduire la possibilité de poursuivre à Monaco, s’il y est trouvé, l’auteur des actes définis par la Convention ; enfin, par une loi du 26 décembre 2007, le législateur a rendu possible les poursuites à Monaco contre des auteurs de nombreux crimes ou délits commis sur les mineurs, violences physiques ou sexuelles, proxénétisme et infractions en relation avec la pédopornographie par diffusion visuelle commis à l’étranger.
Une particularité jurisprudentielle mérite d’être rappelée ici et résulte de deux arrêts de la Cour de Révision du 9 octobre 1991 et du 27 mars 1992.
Cette jurisprudence, qui a pour effet de poursuivre à Monaco pour recel l’auteur d’un vol commis à l’étranger, est appliquée sans discontinuer depuis lors, à toutes les infractions pour lesquelles le recel est possible.
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Je rappelais que peu d’infractions poursuivies à Monaco ne nécessitaient pas un acte de procédure à l’étranger, citation, signification ou acte d’enquête et commission rogatoire à l’étranger.
Cette observation tient d’une part à l’exiguïté du territoire mais aussi à l’internationalisation de la délinquance.
À cet égard, la Principauté, qui a adhéré à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale signée le 20 avril 1959, a introduit ses dispositions par Ordonnance Souveraine du 27 juin 2007.
De plus, par ordonnance souveraine du 18 septembre 2008, est entrée en vigueur la Convention bilatérale avec la France du 8 novembre 2005 ; deux Conventions visant l’entraide judiciaire en matière pénale.
Ces Conventions ont en commun de faciliter la transmission des demandes d’entraide soit des enquêtes préliminaires, soit des commissions rogatoires internationales.
Ainsi, les transmissions des commissions rogatoires internationales, d’autorité judiciaire à autorité judiciaire, sont possibles en cas d’urgence, la Principauté ayant fait à cet égard la déclaration selon laquelle ces demandes devaient être communiquées en même temps au Ministère de la Justice de la partie requise, à Monaco, la Direction des Services Judiciaires.
Les demandes d’enquêtes préliminaires, doivent, selon la déclaration consignée dans l’instrument de ratification de la Convention de Strasbourg du 20 avril 1959, transiter par la Direction des Services Judiciaires.
Sont évidemment exclus de ce champ d’application, les actes de significations et de citations à comparaître, lesquels se font par simple transmission sous réserve pour les citations de respecter un délai de trente jours.
La Convention bilatérale avec la France prévoit en outre certains outils modernes, la vidéoconférence pour l’audition de témoin ou expert par l’autorité requérante après autorisation de la partie requise, la transmission spontanée d’informations, les livraisons surveillées en matière de trafic de stupéfiants, les équipes communes d’enquête.
La Convention Européenne d’entraide comme la Convention bilatérale Franco-monégasque prévoient la communication des avis de condamnation.
Ces deux Conventions comportent des restrictions à leur application concernant certaines infractions fiscales ; en fait, toutes les demandes de coopération à ce titre sont satisfaites, à l’exception de quelques demandes concernant l’impôt direct, Monaco ne connaissant pas cette fiscalité. Mais de telles demandes sont exceptionnelles et les refus de coopération rarissimes.
Comment combiner ces dispositions avec celles du droit interne particulièrement celles des articles 203 et 204 du code de procédure pénale lesquels disposent :
Article 203 : «Lorsqu’il est nécessaire de faire procéder à des actes d’information dans un État étranger, le juge d’instruction ou la juridiction saisie adresse à cet effet, par l’intermédiaire du parquet général, une commission rogatoire à l’autorité étrangère compétente».
Article 204 : «Réciproquement, la juridiction compétente ou le juge d’instruction de la Principauté exécute sur les réquisitions du Ministère public les commissions rogatoires qui leur sont régulièrement adressées, relativement aux informations ouvertes dans un État étranger».
Le texte de l’article 204 n’est pas sans comporter quelques maladresses, notamment l’usage de l’adverbe «réciproquement» qui semble n’avoir aucune valeur juridique. Enfin, la formule «information ouverte dans un Etat étranger», paraît viser l’enquête dont un Juge d’Instruction est saisi alors que nombre de pays ne connaissent pas cette institution, de sorte que nombre de transmissions directes en cas d’urgence ou de demande d’entraide émanent des parquets compétents. Enfin un juge d’instruction saisi d’une demande d’entraide directe doit nécessairement avant d’instruire, communiquer au parquet pour recueillir ses réquisitions, en application de l’article 204 précité.
Cela dit la pratique d’exécution ne pose guère de problème ; le parquet saisi de demandes d’auditions de témoins, ou d’actes d’enquêtes préliminaires fait réaliser des actes simples par la police ; dès que la demande présente les caractéristiques d’une demande complexe visant les textes de prévention, particulièrement lorsque les poursuites sont déjà engagées, il saisit le Juge d’Instruction en application de l’article 204 du code de procédure pénale.
Au cours de l’année judiciaire 2010-2011, les juges d’instruction de Monaco ont été saisis de l’exécution de soixante-huit commissions rogatoires internationales, cinquante ont été traitées au cours de la période, s’agissant la plupart du temps d’investigations en matière économique et financière. Cette activité souvent complexe est loin d’être négligeable.
Dans les années 2004-2005 s’est développé un contentieux récurrent concernant la validité des commissions rogatoires internationales exécutées à Monaco. Ce contentieux est en régression après que plusieurs arrêts de la Cour d’appel et de la Cour de Révision aient fixé la jurisprudence conformément d’ailleurs à la jurisprudence de la Cour de Cassation française.
Elle se résume ainsi :
- la validité de la commission rogatoire étrangère dépend des autorités judiciaires étrangères.
- l’examen de la validité des actes de procédure accomplis à Monaco en exécution de la commission rogatoire étrangère est soumis au contrôle de la Chambre du Conseil de la Cour d’Appel en application des articles 209 et 210 du code de procédure pénale, à la condition que la commission rogatoire internationale n’ait pas déjà été retournée à l’autorité mandante. De la même façon, à l’inverse, les juges monégasques n’ont pas qualité pour apprécier la validité des actes procéduraux accomplis à l’étranger par les autorités chargées de les exécuter.
Ainsi que le rappelait Son Excellence Monsieur Philippe NARMINO, Directeur des Services Judiciaires, dans un article récent, la moyenne de durée d’exécution des commissions rogatoires internationales est de quatre mois.
Compte tenu de la rapidité d’exécution des commissions rogatoires par les juges monégasques, il n’est pas rare que les demandes de nullités soient formées après le retour des commissions étrangères à l’Etat requérant.
Si la coopération avec les pays voisins, France et Italie, fonctionne bien, celle-ci est parfois plus compliquée avec les systèmes anglo-saxons, mais les magistrats français rencontrent des difficultés similaires et ce problème n’est pas spécifique à Monaco.
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Par ailleurs, l’internationalisation de la délinquance et la tentation des délinquants étrangers de déposer partie du produit des infractions à Monaco a conduit la Principauté à se doter d’une législation sur le blanchiment des capitaux d’origine illicite.
Le dernier état de la législation est celui qui résulte de la loi du 3 août 2009 qui prévoit et réprime le blanchiment de toutes les infractions punies en droit monégasque d’une peine supérieure à trois ans d’emprisonnement, certaines infractions punies d’une peine inférieure pouvant aussi faire l’objet de telles poursuites.
Cette infraction réunit donc aujourd’hui, au delà des délits ou crimes liés au trafic de stupéfiants, l’ensemble des infractions les plus graves.
La saisie du produit de l’infraction est prévue par les dispositions de l’article 596-1 du code de procédure pénale.
Enfin Monaco a créé en 1994 le SICCFIN, organisme chargé de rechercher les opérations de ce type, sur initiative ou sur dénonciation.
Cet organisme transmet les signalements au parquet.
À l’heure actuelle trente quatre informations sont en cours d’instruction pour blanchiment à Monaco.
Ce chiffre n’est pas négligeable : la difficulté de ces informations tient, comme dans les autres pays bénéficiant d’une législation identique, à la difficulté d’établir les infractions d’origine.
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Enfin, la Convention de New York sur le trafic de stupéfiants et la Convention de Strasbourg relative à la saisie des produits du crime ont été rendues exécutoires à Monaco par ordonnances souveraines du 8 avril 2002 et 23 novembre 2007.,
La loi du 9 août 2002 organise la saisie puis la confiscation à Monaco du produit des crimes commis à l’étranger.
L’extension par la loi du 3 août 2009 du champ d’application de la loi sur le blanchiment rend plus cohérente la saisine de la juridiction désignée pour procéder à ces saisies et confiscations : le Président du Tribunal par ordonnance motivée susceptible d’appel, ordonne la saisie provisoire. Le Tribunal Correctionnel prononce l’exécution de la décision de confiscation étrangère.
Les dispositions de l’article 5 de l’ordonnance souveraine du 9 août 2002 autorisent l’exécution à Monaco de la décision définitive étrangère de confiscation à condition que ces biens soient susceptibles d’être confisqués dans des circonstances analogues selon le droit monégasque ; une disposition analogue en droit français a donné lieu à un arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 13 novembre 2003 portant sur l’exécution en France d’une décision italienne de confiscation préventive devenue définitive, institution que ne connaissent ni le droit français ni le droit monégasque, la confiscation étant toujours dans ces législations la conséquence d’une décision de condamnation.
La Cour de Cassation, rejetant le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’Appel d’Aix en Provence qui avait ordonné l’exécution de la confiscation préventive d’un immeuble situé en France, retient que la Cour d’Appel avait constaté que la loi française prévoyait la confiscation dans ses articles 131-21 et 324-7 du code pénal, et qu’il s’agissait d’un immeuble acquis par le blanchiment de sommes issues d’une organisation criminelle.
Deux décisions de confiscation ont été rendues par le Tribunal Correctionnel de Monaco les 27 octobre 2009 et 28 juin 2011 :
- dans son jugement du 28 juin 2011, le tribunal ordonne la confiscation à la demande des autorités britanniques de sommes d’argent retrouvées à Monaco au motif que les avoirs visés seraient susceptibles d’être confisqués dans des circonstances analogues en droit monégasque, le tribunal ayant préalablement constaté la condamnation pénale de l’auteur à une peine d’emprisonnement le 12 décembre 2008.
- dans son jugement du 27 octobre 2009, le tribunal a ordonné la confiscation de différents biens précisant que les biens confisqués pourraient l’être dans les mêmes circonstances en droit monégasque, en application des articles 12, 218, 219 du code pénal qui prévoit la confiscation du produit des infractions.
S’agissant d’une décision américaine, l’étude du dossier permet de supposer que la confiscation avait été précédée d’une condamnation.
Aucune décision n’a été rendue à propos des confiscations préventives prévues par la législation italienne ci-dessus rappelée.
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Enfin, Monaco s’était dotée le 28 décembre 1999 d’une loi organisant la procédure d’extradition applicable à défaut de conventions bilatérales, et lorsque les Conventions étaient silencieuses sur certains points.
Il faut dire qu’à l’époque, Monaco était signataire de douze Conventions bilatérales, dont certaines très anciennes avaient été conclues par exemple avec l’empire Austro-Hongrois ou la Russie des Tsars.
L’adhésion de Monaco à la Convention Européenne d’extradition du 13 décembre 1957 et de ses deux protocoles additionnels des 15 octobre 1975 et 17 mars 1978 et l’introduction de ces dispositions en droit interne ont considérablement allégé l’examen du contentieux de l’extradition, entraînant l’abrogation tacite de presque toutes les Conventions bilatérales liant Monaco.
Cette application s’étend dès lors aux quarante-quatre pays signataires et fixe donc un régime unique pour ces pays.
L’adhésion de Monaco au 2ème protocole porte sur la transmission directe entre ministères de la Justice, à Monaco à la Direction des Services Judiciaires, en tous cas entre les Etats ayant adhéré à ce protocole.
Elle entraîne pour l’espace européen une simplification de l’examen des extraditions dites passives, l’essentiel des extraditions dont Monaco est saisie portant sur des Européens.
Reste dans le cas de pays avec lesquels Monaco n’est pas lié par une Convention, l’application de la législation interne inspirée des législations modernes en matière d’extradition.
Malgré l’exiguïté du territoire, les extraditions passives sont fréquentes. Monaco a conservé le système des fiches d’hôtel qui sont à l’origine de nombreuses interpellations ; cette année, dix-sept demandes ont été examinées par la Chambre du Conseil de la Cour d’Appel ; deux d’entre elles ont fait l’objet d’un avis défavorable, la première pour prescription et la deuxième pour omission par l’Etat requérant de l’envoi des pièces d’extradition dans le délai prescrit.
Quant aux extraditions actives, beaucoup sont couronnées de succès ; les inculpés, prévenus ou condamnés par la justice monégasque, s’ils ne sont pas toujours extradables par leurs pays, ont fréquemment une activité internationale qui les conduit à se déplacer et beaucoup ont regretté le sentiment d’impunité qu’ils nourrissaient à l’égard d’un pays si petit qu’ils supposaient sans doute trop faible dans ses moyens d’exécution de ses décisions.
Il faut signaler ici que le mandat d’arrêt européen qui facilite le transfert des personnes poursuivies ou condamnées dans l’espace Shengen, n’a pas cet effet dans la Principauté qui n’est pas membre de l’Union Européenne.
L’exiguïté du territoire a évidemment aussi un effet sur l’exécution des peines prononcées par les juridictions monégasques ; lorsque les condamnés ont franchi les frontières de l’Etat, il est impossible d’exécuter les courtes peines.
Cette particularité se mesure aussi dans les sanctions prononcées. Il est illusoire d’aménager les peines de personnes qui ne résident pas sur le territoire puisqu’il n’existe aucun moyen de les contraindre à venir répondre des obligations d’une mesure de mise à l’épreuve, de sorte que les peines prononcées lorsqu’elles n’excèdent pas un certain quantum ont seulement un effet dissuasif.
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En conclusion
Si l’activité judiciaire à caractère international en matière pénale s’est simplifiée par la modernisation du corps des dispositions légales dont la Principauté s’est dotée et par une jurisprudence désormais bien fixée, la matière civile porte encore bien des incertitudes et des difficultés. Elles tiennent à la nature même de la population de la Principauté et à la relative faiblesse de la législation en matière de conflits de loi. Le recours fréquent à la loi du for a au moins le mérite de la simplicité pour les justiciables et les praticiens.
Le baron de Rolland, rédacteur du projet de code de procédure civile écrivait en 1896 «Il est essentiel selon nous de ne pas perdre de vue la situation toute spéciale, unique au monde de ce petit Etat. Sa position géographique, le peu d’étendue de son territoire, ses institutions, son organisation judiciaire, sa population où l’étranger domine sont autant de circonstances dont il faut tenir compte dans la préparation d’une loi de procédure».
Concilier les enjeux internationaux et les spécificités du territoire, c’est cet impératif qui animera le législateur s’il engage la réforme de droit international privé qu’il envisage.
Mesdames et Messieurs, j’espère, par cet exposé, avoir pu vous faire toucher du doigt les particularités de l’exercice judiciaire à Monaco et avoir pu vous faire partager tout l’intérêt que nous y trouvons, nous magistrats ».
(Applaudissements de l’assistance)
M. Robert CORDAS reprenait ensuite la parole :
«Madame le Président et chère collègue je me fais l’interprète de tous ici pour vous adresser les compliments les plus vifs pour la qualité de votre exposé.
L’étude minutieuse et approfondie à laquelle vous vous êtes livrée, a parfaitement mis en évidence la complexité de la tâche qui est quotidiennement celle des magistrats de nos juridictions.
Vous avez su souligner les particularismes de nos contentieux notamment en raison de l’incidence quasi-systématique des règles de droit international en matière civile comme dans le domaine pénal et la complexité extrême qui en résulte nécessairement pour l’analyse des dossiers et la résolution des litiges qui nous sont soumis.
Il est donc légitime de rendre hommage, comme j’ai le plaisir à le faire publiquement aujourd’hui, à l’ensemble des magistrats des Juridictions pour la qualité de leur travail minutieux, fruit de réflexion et de délibérés approfondis.
Je veux aussi remercier l’ensemble des personnels du Greffe pour leur disponibilité, leur dévouement sans faille et leur compétence sans lesquels rien n’aurait pu être aussi bien réalisé.
Ce dévouement et cette disponibilité sont sans cesse mis à l’épreuve par une diversification et un accroissement de leurs tâches.
Par exemple la promulgation de la loi du 18 mai 2011 sur l’assistance judiciaire qui ouvre beaucoup plus largement l’accès au Droit et au Juge pour les justiciables les plus démunis, a donné compétence au Greffe Général pour recueillir et instruire ces demandes ce qui constitue une charge supplémentaire (en raison des 650 demandes déposées chaque année).
Cette loi marque une évolution importante puisqu’elle étend le bénéfice de l’assistance judiciaire à tous les stades de la procédure jusque et y compris devant la Cour de Révision et qu’elle prévoit un recours contre les décisions du Bureau d’Assistance Judiciaire devant la Chambre du Conseil de la Cour d’Appel.
Une autre évolution dans notre pratique procédurale est également à souligner.
L’an dernier à la même époque, je nous invitais à envisager des méthodes plus modernes de traitement des contentieux civils, qui soient conformes à l’exigence européenne du «délai raisonnable» que le Juge doit respecter et faire respecter.
Je me réjouis de constater qu’avec le concours actif du Barreau auquel je veux, Monsieur le Bâtonnier, rendre un hommage tout particulier, des progrès considérables ont été réalisés.
La mise en pratique des conclusions récapitulatives dans les dossiers les plus complexes et les plus longs à mettre en état, a été réalisée sans difficulté et les plaideurs ont bien voulu y adhérer.
De même la technique du calendrier de procédure qui permet dès le premier appel des causes de fixer la date d’audience à laquelle l’affaire sera plaidée (ce qui est un gage donné aux plaideurs en terme de prévisibilité) a été généralisée aux affaires qui, par nature, présentent un caractère sensible ou d’urgence :
• mesures provisoires dans les conflits familiaux,
• accidents du travail.
Mais aussi depuis le début 2011 pour les contentieux du droit du travail, notamment en matière de licenciement, qui sont désormais dévolus en cause d’appel à la Cour.
Ces affaires là font en effet l’objet en première instance d’une mise en état et d’un examen très minutieux et parfois très long. Ce délai ne se justifie pas devant la juridiction du second degré alors qu’il importe pour l’entreprise comme pour le salarié que la question soit tranchée rapidement afin que l’un comme l’autre ne demeurent pas dans une «exquise incertitude».
C’est ainsi que ces affaires là reçoivent fixation dans un délai de 4 à 5 mois après le premier appel des causes.
Là encore l’adhésion et le concours actif du Barreau ont favorisé ce qui constitue indéniablement un progrès.
Ainsi le traitement différencié des procédures, par une mise en état adaptée, a permis de réduire le délai moyen des affaires civiles en le ramenant à 14 mois et à traiter en quelques mois voire en quelques semaines seulement celles qui présentent un caractère d’urgence.
Je me réjouis de constater que cet objectif ait pu être ainsi atteint grâce, je le redis, à la compréhension et au travail des membres du Barreau.
Je forme le vœu que cette démarche novatrice mais nécessaire soit poursuivie cette année.
Monsieur le Procureur Général, sans plus tarder je vous donne maintenant la parole».
M. le Procureur Général s’exprimait alors en ces termes :
«Les changements d’années sont propices aux bilans ou encore l’instant est revenu de regarder le chemin parcouru et celui qu’il nous faudra parcourir durant l’année à venir. Monsieur le Premier Président, Madame et Messieurs de la Cour, tels sont les propos liminaires convenus que vous avez peut-être entendus, en tout cas que j’ai entendus, dans la bouche d’un Procureur ou d’un Procureur général à l’occasion des rentrées judiciaires.
Mais il se trouve que ce matin nous ne sommes ni à la fin ni au début de l’année civile. Nous sommes toujours dans l’année du centenaire de la constitution. Il se trouve aussi qu’en ma qualité de jeune résident je suis dans une relative incapacité, sauf à vouloir jouer les imposteurs de vous livrer un bilan de l’année écoulée. Alors ce que je vous propose Monsieur le Premier Président, c’est de vous confier mes impressions de nouveau magistrat monégasque, mais j’entends rassurer notre auditoire je le ferai brièvement, il est des heures cruelles pour les orateurs et pour les auditeurs. Surtout je n’ai pas oublié ce qu’écrivait Paul Valéry «qui se hâte a compris».
La première de ces impressions est totalement confortée par votre exposé Madame le Président et je souhaite renouveler les propos élogieux qu’il a suscité dans le discours de M. le Premier Président. C’est un exposé exhaustif et d’un intérêt incontestable auquel nous pourrons nous référer régulièrement, la première impression donc, c’est que nos activités dans le domaine de l’entraide judiciaire internationale sont particulièrement soutenues et il ne peut en être autrement lorsque nous savons que la frontière est à quelques centaines de mètres d’ici.
Nous consacrons une grande partie de notre temps à l’examen des nombreux dossiers de demande d’assistance dont nous sommes saisis par diverses autorités judiciaires étrangères ou dont nous saisissons nous-mêmes les autorités judiciaires étrangères qu’il s’agisse d’extraditions ou de l’exécution de commissions rogatoires internationales.
En ce qui concerne les premières nous en avons traité 17 durant ces 12 derniers mois, 11 qui nous ont été demandées et 6 que nous avons sollicitées et notre intervention est loin d’être purement formelle puisqu’en cette matière, les juges d’instruction, puis votre Cour d’appel, Monsieur le Premier Président lorsqu’elle émet son avis, qui est toujours très motivé, nos juges et votre Cour se livrent à un examen approfondi de la procédure au regard notamment des règles de la prescription ou de la double incrimination.
Et il en va de même pour l’exécution des commissions rogatoires internationales au cours de laquelle ces règles sont également examinées.
Au cours de l’année écoulée les deux Cabinets d’instruction ont enregistré et exécuté 83 commissions rogatoires internationales en provenance de l’étranger dont certaines en relation avec ce qu’il est convenu d’appeler «le printemps arabe» et les juges d’instruction ont eux-mêmes délivrés 49 commissions rogatoires internationales aux autorités judiciaires étrangères dans le cadre des 140 procédures d’information dont ils sont actuellement saisis, c’est-à-dire ces procédures qui concernent les affaires monégasques et il me faut relever que 25 % de ces affaires (les affaires intérieures en quelque sorte) concernent des faits de blanchiment (34 dossiers) et il me faut aussi révéler qu’en exécution de ces nombreuses commissions rogatoires internationales qu’elles soient étrangères ou monégasques et en incluant les oppositions du Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers le SICCFIN, notre TRACFIN local, le montant total des fonds gelés depuis le 1er janvier 2007 a atteint les 291 millions d’euros.
290 millions 915 mille 523 euros et 31 centimes très exactement car en temps de crise, il ne faut pas négliger les centimes.
Monsieur le Premier Président, j’en ai fini avec les chiffres car nous nous sommes jurés de ne pas assommer vos invités avec des données arithmétiques, d’où ce fascicule que nous avons mis à leur disposition, mais il me paraissait important de vous livrer ces quelques indications car je pense que les observateurs attentifs de la vie monégasque (et il en existerait m’a-t-on dit) en tout cas ceux de ces observateurs qui, pour se forger une opinion, se sont arrêtés aux conclusions d’un rapport
parlementaire intitulé «Principauté de Monaco et blanchiment : un territoire complaisant sous protection française» ou encore au livre tout aussi polémique d’un ancien juge d’instruction intitulé «Juge à Monaco», ces observateurs vont sans doute devoir sérieusement réviser leurs connaissances.
Chacun sait qu’il est très difficile de se défaire d’une mauvaise réputation mais je crois pouvoir affirmer qu’à la lumière des renseignements que je vous ai confiés, cette mauvaise réputation est depuis plusieurs années déjà totalement usurpée et infondée.
Parce que j’ai estimé qu’il fallait donc laisser nos deux juges d’instruction se consacrer à ces dossiers difficiles de blanchiment ou de délinquance astucieuse et à l’exécution des demandes de leurs collègues étrangers mais surtout parce que ce mode de poursuite me paraît constituer une réponse pénale pertinente à la petite délinquance notamment de voie publique, j’ai souhaité depuis mon arrivée, privilégier le recours aux flagrant-délits.
Nous le savons bien désormais, dans ce domaine la célérité est synonyme d’efficacité, un jugement rendu immédiatement est de nature à rassurer les victimes et à dissuader les auteurs et il permet de juguler ce sentiment d’insécurité et ce sentiment d’impunité malheureusement trop souvent éprouvés dans nos sociétés. Mais une procédure rapide ne signifie pas une procédure expéditive et il ne s’agit pas de méconnaître les droits de la défense et de bafouer le principe du procès équitable consacré par la convention européenne des droits de l’homme.
Aussi, en accord avec les enquêteurs de la Sûreté et leurs responsables et directeur dont je salue la présence ce matin et pour une parfaite conformité de nos pratiques avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, j’ai aussi demandé que soient notifiées aux suspects placés en garde à vue,
outre les droits consacrés par le code de procédure pénale :
• le droit de faire prévenir une personne de son choix
• le droit d’être examiné par un médecin
• le droit de s’entretenir pendant une heure avec un avocat
j’ai demandé que soient notifiés deux autres droits supplémentaires
• le droit de ne faire aucune déclaration
et
• le droit d’être assisté par un avocat pendant toute la durée de la mesure de garde à vue et spécialement pendant les auditions.
Alors je comprends bien, Monsieur le Bâtonnier, qu’avec vos confrères dont la fidélité à cette audience nous réjouit vous souhaiteriez un accès à toutes les pièces du dossier lorsque ce dossier existe.
Mais pour ma part, lors de mon installation, je m’étais engagé à mettre en œuvre les décisions de nos juges strasbourgeois.
Toutes ces décisions mais aussi rien que ces décisions et nul n’ignore celles qui considèrent - je les cite «qu’une conduite efficace des enquêtes pénales… peut impliquer qu’une partie des informations recueillies durant ces investigations doivent être gardées secrètes afin d’empêcher les accusés d’altérer des preuves et de nuire à la bonne administration de la justice», il s’agissait notamment d’une affaire SVIPSTA contre Lettonie. Certains jugeront peut-être mes propos trop malicieux mais j’ai cru comprendre que la malice était une qualité sinon même une vertu qui avait grandement contribué à l’histoire de la Principauté.
A l’occasion du mariage Princier, Monsieur le Premier Président, nous avons reçu une très célèbre présentatrice d’informations télévisées ; elle a confié à quelques journalistes qu’elle n’était jusqu’alors jamais venue en Principauté et qu’elle avait trouvé ici - je reprends ses propres expressions - «un lieu très étonnant où il règne une grande sérénité». C’est cette impression de sérénité et c’est la dernière impression que je vous livre, que j’avais aussi ressentie en mars dernier lors de mes premières visites à Monaco avant de prendre mes fonctions ; or nous le savons tous, l’incontestable condition de cette sérénité, l’incontournable préalable à cette sérénité, la clé de la sérénité, c’est la sécurité.
Aussi :
• Monsieur DUBES, premier substitut, qui est chargé des contentieux économiques et financiers, des extraditions et des commissions rogatoires internationales en liaison avec Messieurs IGNACIO et BONNET,
• Monsieur IGNACIO, substitut chargé des atteintes aux personnes et de l’exécution des peines,
• Monsieur BONNET, substitut chargé des atteintes aux biens et du parquet des mineurs,
et moi-même entendons bien, durant cette nouvelle année judiciaire, avec nos partenaires de la Sûreté, de la Maison d’Arrêt et avec tous les magistrats de nos juridictions, évidemment, nous entendons bien poursuivre cet objectif : assurer la sécurité de nos résidents et de nos visiteurs dans le respect des libertés individuelles.
Je souhaiterais vivement que Monsieur le Secrétaire d’Etat fasse part à S.A.S. le Prince de notre reconnaissance respectueuse pour le soutien qu’il nous manifeste dans l’exercice de nos fonctions et qu’il Lui fasse part également de notre dévouement pour servir la justice du pays.
Monsieur le Premier Président, je voudrais naturellement m’associer à vos propos et remercier toutes les hautes autorités et personnalités qui nous font le très grand honneur de leur présence aujourd’hui.
Monsieur le Premier Président, Madame et Messieurs les Conseillers,
Au nom de son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, j’ai l’honneur de requérir qu’il plaise à la Cour :
• déclarer close l’année judiciaire 2010-2011 et ouverte l’année judiciaire 2011-2012,
• ordonner la reprise des travaux judiciaires,
• me décerner acte de ce qu’il a été satisfait aux prescriptions des articles 51 et 52 de la loi du 15 juillet 1965 portant organisation judiciaire,
• me donner acte de mes réquisitions,
• et dire que du tout il sera dressé procès-verbal sur le registre des actes de la Cour d’appel».
(Applaudissements de l’assistance)
M. le Premier Président reprenait alors la parole.
« La Cour,
Faisant droit aux réquisitions de Monsieur le Procureur général,
- Déclare close l’année judiciaire 2010-2011, et ouverte l’année judiciaire 2011-2012,
- Ordonne la reprise intégrale des travaux de la Cour d’Appel et des Tribunaux,
- Constate qu’il a été satisfait aux prescriptions des articles 51 et 52 de la loi du 15 juillet 1965,
- Ordonne que du tout il sera dressé procès verbal pour être consigné sur le registre des actes importants de la Cour d’Appel.
Avant de lever cette audience, je tiens à nouveau à remercier les hautes autorités et personnalités qui ont bien voulu suivre cette cérémonie et les convie maintenant, à l’invitation de Monsieur le Directeur des Services Judiciaires, à se rendre dans la Salle des Pas Perdus pour la réception qui va suivre.
L’audience solennelle est levée».
*
* *
De nombreuses personnalités avaient tenu à assister à cette audience solennelle, aux premiers rangs desquelles on notait, outre les personnalités déjà citées venues de France et d’Italie :
S.E. M. Michel ROGER, Ministre d’Etat,
S.E. Monseigneur Bernard BARSI, Archevêque de Monaco,
M. Jean-François ROBILLON, Président du Conseil National,
M. Michel-Yves MOUROU, Président du Conseil de la Couronne,
S.E. M. Philippe NARMINO, Directeur des Services Judiciaires, Président du Conseil d’Etat,
M. Jacques BOISSON, Secrétaire d’Etat,
M. Georges LISIMACHIO, Chef de Cabinet de S.A.S. le Prince,
M. Paul MASSERON, Conseiller de Gouvernement pour l’Intérieur,
S.E. M. Marco PICCININI, Conseiller de Gouvernement pour les Finances et l’Economie,
M. Stéphane VALÉRI, Conseiller de Gouvernement pour les Affaires Sociales et la Santé,
Mme Marie-Pierre GRAMAGLIA, Conseiller de Gouvernement pour l’Equipement, l’Environnement et l’Urbanisme,
S.E. M. José BADIA, Conseiller de Gouvernement pour les Relations Extérieures,
Mme Claudine JAFFRE BARON, Premier Conseiller, représentant Mme l’Ambassadeur de France à Monaco,
S.E. M. Antonio MORABITO, Ambassadeur d’Italie à Monaco,
Mme Marjorie CROVETTO-HARROCH, adjointe au maire, représentant M. Georges MARSAN, Maire de Monaco,
Mme Anne-Marie BOISBOUVIER, Conseiller Technique au Cabinet de S.A.S. le Prince,
M. Richard MILANESIO, Conseiller au Cabinet de S.A.S. le Prince,
Mme Emmanuelle NARDO, administrateur, représentant M. Laurent ANSELMI, Délégué aux Affaires Juridiques, Secrétaire Général de la Chancellerie des ordres princiers
M. Hubert CHARLES, Président du Tribunal Suprême,
M. Jean-François LANDWERLIN, Vice-Président du Conseil d’Etat,
M. Jean-Marie HUET, Procureur de la Cour d’Appel d’Aix en Provence,
Mme Catherine HUSSON TROCHAIN, Premier Président de la Cour d’Appel d’Aix en Provence,
M. Luigi CARLI, faisant fonction de Procureur Général de la Cour d’Appel de Gênes,
Mme Dominique KARSENTY, Présidente du Tribunal de Grande Instance de Nice,
M. Jean-Michel CAILLIAU, Procureur près le Tribunal de Grande Instance de Grasse,
M. Philippe RUFFIER, Président du Tribunal de Grande Instance de Grasse,
M. James CHARRIER, Président de la Commission supérieure des comptes,
M. Jacques ORECCHIA, Administrateur Judiciaire, Consul Général honoraire,
M. Jean-François CULLIEYRIER, Vice-Président de la commission de contrôle des activités financières, Consul Général honoraire de la Côte d’Ivoire,
M. André GARINO, Président du Conseil Economique et Social,
M. Didier LINOTTE, Membre Titulaire du Tribunal Suprême,
Me Paul-Louis AUREGLIA, Notaire honoraire, membre titulaire du Haut Conseil de la Magistrature,
M. Pierre JULIEN, Professeur agrégé des Facultés de Droit, membre suppléant du Haut Conseil de la Magistrature,
M. Yves GAUDEMET, Président du Comité Supérieur des Etudes Juridiques,
Mme Corinne LAFOREST DE MINOTY, Chef de l’Inspection Générale de l’Administration,
M. Claude COTTALORDA, Contrôleur Général des Dépenses,
M. Robert COLLE, Secrétaire Général du Ministère d’Etat,
Monseigneur l’Abbé René GIULIANO, Vicaire Général,
M. Jean-Charles SACOTTE, Conseiller d’Etat,
M. Jean-Marie RAINAUD, Conseiller d’Etat,
M. Philippe ORENGO, Conseiller d’Etat, représentant le Président du Tribunal Administratif de Nice,
M. Alain FRANÇOIS, Conseiller d’Etat,
M. Philippe ROSSELIN, Conseiller honoraire à la Cour d’Appel,
M. Robert FRANCESCHI, Conseiller honoraire à la Cour d’Appel,
M. Jacques WOLZOK, Président du Tribunal du Travail, Vice-Président du Conseil Economique et social,
M. Thierry ORSINI, Directeur Général du Département des Finances et de l’Economie,
Mme Valérie VIORA PUYO, Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique,
M. François CHANTRAIT, Directeur du Centre de Presse,
M. André MUHLBERGER, Directeur de la Sûreté Publique,
Mme Isabelle BONNAL, Directeur de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports,
Mme Muriel NATALI-LAURE, Administrateur des Domaines,
M. Antoine DINKEL, Directeur des Services Fiscaux,
M. Serge PIERRYVES, Directeur de l’Expansion Economique,
Mme Marie-Pascale BOISSON, Directeur du S.I.C.C.F.I.N.,
Docteur Anne NEGRE, Directeur de l’Action Sanitaire et Sociale,
M. Jean-Michel MANZONE, Directeur de la Prospective, de l’Urbanisme et de la Mobilité,
Mme Martine PROVENCE, Secrétaire Général de la Direction des Services Judiciaires,
Mme Marina CEYSSAC, Conseiller auprès du Directeur des Services Judiciaires,
M. Régis LECUYER, Conservateur du Palais Princier,
M. Alain MALRIC, Chef du service du Contrôle des Jeux,
M. Michel SOSSO, Président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives,
M. Jean-Yves GAMBARINI, Directeur de la Maison d’Arrêt, faisant fonction,
M. Christian CARPINELLI, Commissaire divisionnaire, Chef de la Division de Police Administrative,
M. Christophe HAGET, Commissaire Principal, Chef de la Division de Police Judiciaire,
M. Richard MARANGONI, Commissaire de Police, Chef de la Division de l’administration et de la formation,
M. Alain VAN DEN CORPUT, Commandant Principal, Chef de la Division de la Police Maritime et aéroportuaire,
M. Antoine MONTECUCCO, Greffier en Chef honoraire,
Mme Magali GINEPRO, greffier faisant fonction de Secrétaire Général du Parquet Général,
M. Jean-Marie DELPECH, Pharmacien-Inspecteur, Chef de la division des produits de Santé,
M. Jean-Paul HAMET, Vice-Président du Tribunal du Travail,
M. Jean-Paul SAMBA, Président de l’Ordre des Experts Comptables,
M. Alain FALLETTI, Chef de Service des Douanes,
Mme Catherine CATANESE, Secrétaire du Tribunal du Travail,
Mme Corinne QUERCI, Assistante Sociale à la Direction des Services Judiciaires,
M. Christian BOISSON, Administrateur Judiciaire et syndic,
Mme Bettina RAGAZZONI, Administrateur Judiciaire et syndic,
M. Jean BILLON, Administrateur Judiciaire,
Mme Claudine BIMA, Administrateur Judiciaire,
Mme Brigitte LUSIGNANI, Administrateur Judiciaire,
M. Michel MONTFORT, Administrateur Judiciaire.