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Colloque International "Bioéthique et Droits de l'Enfant" au Centre de Rencontres Internationales sous la présidence de Son Altesse Royale la Princesse de Hanovre (28-30 avril 2000)

  • N° journal 7445
  • Date de publication 02/06/2000
  • Qualité 100%
  • N° de page 767
L'AMADE, Association mondiale des Amis de l'Enfance et l'UNESCO ont organisé, conjointement, en Principauté de Monaco, un colloque international sur le thème "Bioéthique et Droits de l'Enfant".

Deux cents participants, chercheurs, juristes, diplomates, médecins, pédagogues, sociologues, journalistes, sont venus en Principauté, conférant à ce colloque ouvert au public, une interdisciplinarité inédite et ont engagé un large débat, en procédant à l'état des lieux en matière de nouvelles technologies engendrées par les considérables évolutions scientifiques de notre époque. Ces applications provoquent des débats éthiques fondamentaux.

Son Altesse Royale la Princesse de Hanovre a ouvert ce colloque et prononcé une allocution en ces termes :

"En ouvrant les travaux de ce colloque, je voudrais vous dire, Madame la Présidente de la Conférence générale de l'UNESCO, combien je suis heureuse que votre organisation ait bien voulu s'associer à l'AMADE pour sa réalisation.

"Je remercie aussi toutes les personnalités qui ont répondu à notre invitation en donnant un peu de leur temps pour continuer à assurer la veille de l'humanité.

"A cet égard, nous devons saluer l'oeuvre déjà accomplie par l'UNESCO avec l'adoption, en 1997 de la Déclaration universelle sur le génome humain et les Droits de l'Homme. Elle interdit tout usage de la génétique pour justifier des pratiques socialement discriminatoires ou racistes. Elle condamne au nom de la dignité humaine le clonage humain reproductif. Mais ça n'est évidemment là qu'un début.

"Peu avant de nous quitter, S.A.S. la Princesse Grace, Ma Mère, avait demandé à l'AMADE. qu'elle a créée pour contribuer notamment à développer la protection juridique de l'enfant, de concentrer son action sur la protection de la vie prénatale.

"Sans doute, les techniques nouvelles d'insémination artificielle, les premières expérimentations sur les foetus, dont le professeur Bernard disait alors qu'elles étaient "nécessairement immorales et moralement nécessaires", suscitaient déjà de vifs débats entre les tenants de la morale, de l'utilitarisme et du scientisme.

"Cette question, qui semblait encore relever largement du domaine de la science fiction, est devenue une réalité de plus en plus prégnante, pressante et même oppressante.

"Il ne se passe plus guère de mois que nous n'apprenions de nouvelles expériences, de nouvelles découvertes, qui suscitent l'espérance d'une meilleure santé pour tous.

"Mais, ce nouveau siècle pourrait bien être un siècle de rupture dans l'histoire de l'homme. Les contradictions se multiplient et, sans être hégélienne, on peut penser qu'elles peuvent être signes de vie ou de mort, que l'homme peut se sauver comme il peut se perdre s'il ne sait pas assumer sa liberté de choix et la responsabilité qui lui donne son sens.

"Pour reprendre les trois règles bien connues qui régissent le temps, le lieu et l'action, comment, d'abord, ne pas être frappé par les distorsions qui s'aggravent dans les rythmes du temps, le temps technologique qui s'accélère, le temps diplomatique et celui de la morale, ou si l'on préfère celui de la bioéthique, toujours aussi lents.

"Comment oublier les tensions dans l'espace entre un monde réputé devenir sans frontières où s'affirme la nécessité de patrimoines communs de l'humanité, hier le fond des mers, aujourd'hui le génome humain (sans d'ailleurs empêcher une concurrence sauvage pour l'obtention de brevets), et le maintien de frontières suffisantes pour protéger l'accueil de laboratoires ouverts à toutes les aventures ?

"Quant à l'action, son objectif, sa méthode, nous avons entendu donner à cette réflexion un objectif très précis, comme le propose le projet de déclaration qui vous a été soumis. Nous avons, en effet, l'ambition d'affirmer des principes face aux progrès accomplis en biologie et en médecine dans le but de renforcer la protection des droits de l'enfant pour nourrir la réflexion sur les textes conventionnels.

"A cet égard, si la Convention sur les droits de l'enfant a bien été un progrès, elle n'en reste pas moins un édifice inachevé. Pour s'en convaincre, il n'est que de relire la définition qu'elle donne en son article premier : " un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans" Elle laisse entier le mystère des origines. Alors que nous continuons à nous poser la question mystérieuse d'où nous allons après notre mort, on ne se pose jamais la question d'où nous venions avant notre naissance et encore plus avant notre conception.

"Or, jusqu'à présent, on a tenté de résoudre les nouveaux problèmes posés par la biomédecine à l'enfant, dès le début de sa vie, parce qu'il est au centre de ces découvertes et de ces expérimentations, alors même qu'il est le plus souvent totalement sans défense.

"J'ai été frappée par cette remarque du généticien Axel Kahn, écrivant dans le Courrier de l'UNESCO : "Un enfant est une personne à part entière, irréductible dans son essence à la volonté des parents. Etre parents, n'est-ce pas aimer l'enfant que l'on a tel qu'il est plutôt que d'exiger l'avoir tel qu'on le veut. En ce sens, l'enfant est en danger".

"Comment alors ne pas penser à ces quelques milliers d'embryons congelés, dont on ne connaît même pas le nombre exact, vilainement dits "surnuméraires", dont la vie est suspendue dans le temps avant d'être éventuellement livrés aux expérimentateurs pour qu'ils aient au moins servi à quelque chose ?

"Ce qui me semble totalement incompatible avec le respect dû à la personne humaine, c'est cette tendance, de plus en plus clairement affirmée en pratique, à la réification de l'homme, en tout ou en partie, le prêt d'utérus ou, demain, le clonage à des fins de prélèvements d'organes.

"Dans un pays voisin, un tribunal vient de relaxer une mère porteuse au motif qu'elle avait accepté de le faire "par amour" pour une couple stérile. Est-ce bien là une manifestation de cette civilisation de l'amour que, en 1980, lors d'une visite à l'UNESCO., le Saint-Père nous invitait à construire ?

"Il me semble alors que sur le plan de la méthode, nos travaux devraient être conduits en ayant toujours à l'esprit le principe de précaution.

"De plus en plus souvent affirmé en matière de protection de l'environnement, notamment au titre de la solidarité avec les générations futures, il doit tout naturellement trouver sa place lorsqu'il s'agit de l'identité de l'humanité, du droit de l'humanité à sa survie en tant que tel.

"La précaution ne doit pas plus exclure le réalisme que les valeurs de l'esprit. Il ne peut être envisagé de tout interdire ou de tout permettre. Encore que dans cette conciliation nécessaire entre des intérêts et des valeurs qui peuvent être contradictoires, certains principes et certains intérêts qu'ils protègent soient forcément supérieurs à d'autres. Je pense en particulier à ce principe posé par la Convention du Conseil de l'Europe sur "les droits de l'homme et la biomédecine", signée à Oviedo en 1997, "L'intérêt et le bien-être de l'être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science". Encore faut-il, au cours de nos travaux, réfléchir à ses implications concrètes.

"Certes, le principe de précaution reste pour les juristes avant tout une obligation de moyen et non de résultat car le risque zéro n'existe pas.

"Au bord de cette Mer, nous savons que la pluie est promesse de la moisson mais qu'après chaque orage, le paysan doit souvent aller chercher sa terre au bas de la colline pour la remonter vers le sommet

"Forts de cette sagesse antique, nous ne pouvons pas penser qu'un jour, dans quelques décennies, nos enfants ou d'autres experts se réunissent dans cette salle et se disent "Comment avons-nous pu en arriver là ? Sans doute, ils ne savaient pas !".


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Après trois jours de débats d'une grande intensité, les participants ont pu aboutir à la rédaction de la Déclaration de Monaco lue par quatre adolescents au cours de la séance de clôture présidée par S.A.S. le Prince Héréditaire Albert qui, après cette lecture s'est exprimé en ces termes :

Monsieur le Ministre d'Etat,

Mesdames et Messieurs,


"Au bord de cette Méditerranée dont Paul Valéry disait qu'elle avait été "une véritable machine à fabriquer de la civilisation", je dois vous dire que la Principauté s'honore toujours d'accueillir des rencontres de cette qualité.

"Je voudrais d'abord remercier l'UNESCO. d'avoir accepté d'organiser ce colloque avec l'AMADE ; je me félicite d'ailleurs de l'excellence d'une coopération régulière avec cette organisation prestigieuse.

"Je tiens ensuite à vous remercier, vous tous qui êtes venus de tous les bouts du monde faire vivre en Principauté cette "transnationale des hommes et des femmes de bonne volonté", remercier plus particulièrement nos rapporteurs qui ont construit pièce après pièce ce colloque et les présidents de séance qui ont su notamment assurer le bon déroulement des débats.

"Une fois encore, l'AMADE aura rempli sa fonction d'"éclaireur de pointe" au service d'une de ses missions essentielles : contribuer au développement de la protection juridique de l'enfant, et depuis plus de vingt ans, elle a sans cesse cherché à assurer la protection minimale de la vie de l'enfant avant sa naissance, alors qu'il est totalement sans défense.

"En 1980, elle a échoué dans sa tentative de faire inscrire quelques dispositions protectrices de la vie prénatale dans la convention des droits de l'enfant, alors en voie d'élaboration : les organisations non gouvernementales, qui participaient à la conférence étaient elles-mêmes trop divisées pour faire pression sur des Etats réticents à s'engager sur cette voie qu'ils savaient pleine d'embûches.

"Vingt ans après, force est d'ailleurs de constater encore que les ONG, dans leur fonction d'alerte au service de l'humanité, souvent si promptes à dénoncer les atteintes à la vie, pratiquant sans réserve l'ingérence dans les domaines jusqu'ici réservés à la compétence des Etats, sont peu nombreuses, peu présentes et souvent silencieuses devant une question qui ordonne pourtant toutes les autres : ce n'est plus simplement la dignité de l'homme qui est aujourd'hui menacée, c'est son identité même et s'il perd cette identité qui le distingue des autres espèces, du même coup disparaît aussi le respect que l'on doit à son éminente dignité mais dans ce combat pour le droit de l'humanité à son identité, l'AMADE est sans doute une ONG qui occupe une position favorable. L'AMADE a en effet le privilège d'être proche d'un Etat toujours attentif à ses propositions.

"C'est un diplomate monégasque qui, en 1988, a fait approuver par la conférence générale de l'UNESCO la résolution "droit de l'homme et progrès scientifiques et techniques" à partir de laquelle la bioéthique allait devenir une des préoccupations majeures de l'Organisation.

"Demain, il appartiendra sans doute à un autre diplomate de la Principauté de présenter devant la conférence générale la Déclaration de Monaco qui vient d'être adoptée.

"Ceux qui sont peu informés des réalités internationales penseront qu'il s'agit d'une pratique purement rituelle : il est de bon goût de voter une déclaration avant de rentrer chez soi en s'empressant de l'oublier.

"La réalité est bien différente.

"Un déclaration formule des principes, enregistre des solutions d'équilibre entre des intérêts parfois contradictoires, elle est très souvent, comme le montre l'expérience des Nations Unies, une étape nécessaire, un instrument préparatoire à l'élaboration d'une convention qui donnera à ces dispositions une force juridique contraignante.

"Elle peut encore permettre de marteler les consciences, celles des opinions publiques comme celles des Etats qui, aujourd'hui, sont de plus en plus nombreux à prétendre a en avoir une pour ne plus apparaître comme des monstres froids.

"J'ajouterai que cette Déclaration de Monaco présente la particularité de pouvoir être en quelque sorte un pont entre les travaux de l'UNESCO et ceux du Conseil de l'Europe.

"Nul ne peut en effet contester l'importance des travaux de cette Organisation, européenne par ses Etats membres mais universelle par les valeurs qu'elle proclame. Elle est la première à avoir élaboré une convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, signée le 4 avril 1997 à Oviedo à laquelle, d'ailleurs, la Principauté se prépare à adhérer. La Déclaration de Monaco s'appuie sur les principes qui y sont affirmés, tout en s'efforçant d'aller plus loin dans leur application.

"Enfin je ne voudrais pas clôturer ce colloque sans avoir une pensée pour la Princesse Grace, ma Mère, fondatrice de l'AMADE qui a déclaré un jour :

"Je crois profondément que nous ne serons pas jugés uniquement sur nos merveilleuses découvertes et sur les immenses progrès que notre époque a su réaliser, mais l'histoire juge aussi chaque civilisation sur ce qu'elle a pu accomplir en faveur des plus petits, des êtres sans défense".


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DECLARATION DE MONACO :
REFLEXIONS SUR LA BIOETHIQUE
ET LES DROITS DE L'ENFANT


Le Colloque international sur la bioéthique et les droits de l'enfant, organisé par l'Association Mondiale des Amis de l'Enfance (AMADE) et l'UNESCO, s'est tenu, à Monaco, du 28 au 30 avril 2000. Il présente ci-après une certain nombre de considérations relatives aux progrès accomplis en biologie et en médecine dans le but de renforcer et de mettre en oeuvre la protection des droits de l'enfant.

Il a constaté que l'enfance est une réalité complexe évolutive et qu'elle mérite maintenant une réunion spécifique. L'enfant est un être fragile, mais son autonomie ne doit pas pour autant être méconnue. En conséquence, ses droits - notamment sa survie, son développement et sa participation - et les protections qui lui sont nécessaires figurent utilement dans nombre de textes nationaux et internationaux protecteurs des droits de l'homme auquels s'ajoutent des dispositions particulières le concernant, notamment la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant. Ces observations reçoivent toute leur dimension dès lors qu'on prend conscience, au regard des premiers âges de la vie, des progrès accomplis en biologie et en médecine, ainsi que des évolutions culturelles.

I - Les origines de l'enfant. Tout enfant est un être singulier et nouveau.

- Le respect de la dignité de l'embryon constitué in vitro aux fins de procréation en cas d'infertilité du couple ou pour éviter la transmission d'une affection d'une gravité spéciale, et ensuite du foetus, doit être assuré.

- L'utilisation des données de la génétique et de la médecine foetale doit respecter le principe de non-discrimination et ne doit pas viser à réduire ou à éliminer la diversité humaine ou les aléas inhérents à la vie.

- La vie de l'enfant en tant que telle ne saurait être considérée comme un préjudice, quel que soit le degré d'un handicap.

II - Les liens de l'enfant.

- Les mesures prises pour assurer la protection de l'enfant doivent être adaptées à son degré d'autonomie.

- En fonction de l'intérêt de l'enfant, les parents ou les personnes détenant l'autorité parentale décident du degré d'information à délivrer à l'enfant sur ses origines si sa naissance résulte d'une assistance médicale à la procréation.

- L'entretien et l'éducation au sein d'une famille, dont les membres ont des responsabilités vis-à-vis de l'enfant, constituent pour lui la meilleure situation, qu'il convient de rechercher dans tous les cas.

- L'enfant doit être associé aux décisions qui le concernent, tant sur le plan de sa santé que sur celui de son éducation, de plus en plus et de mieux en mieux, au fur et à mesure de l'affirmation de son autonomie. Il appartient à ses parents de se conformer l'un et l'autre à cette exigence.

- L'intérêt supérieur de l'enfant doit l'emporter, en principe, sur celui de l'adulte lorsqu'ils sont divergents.

III - Le corps de l'enfant.

- S'agissant des soins qu'appelle la santé de l'enfant, ils impliquent que son information, son consentement et, le cas échéant, le refus de ce consentement soient envisagés selon le degré de son autonomie.

- Une telle exigence doit être accrue à propos soit des essais, soit des prélèvements pratiqués sur l'enfant dont l'objectif, ne peut être qu'un intérêt majeur de santé qui ne saurait être atteint d'une autre façon. En aucun cas le seul intérêt de la société ne saurait prévaloir sur celui de l'enfant.

- La protection de l'enfant doit être renforcée lorsqu'il est affecté d'un handicap. Les progrès de la science et ses applications, notamment en matière de prévention et de traitements, doivent profiter aux enfants handicapés sans jamais devenir sources d'exclusion ou de marginalisation.

- La société doit, en particulier, encourager la recherche dans le domaine des maladies rares et la mise au point de thérapies efficaces.

Le Colloque a la conviction que ces considérations seront de nature à renforcer le respect de la dignité et la protection des droits de l'enfant.
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