TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - EXTRAIT
Audience du 20 novembre 2024
Lecture du 4 décembre 2024
Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du 12 septembre 2023, du AB du AA (AA) notifiant à I.E. une décision d’inaptitude définitive à son métier d’infirmière.
En la cause de :
I.E., née le jma à Nice, demeurant x1 ;
Ayant élu domicile en l’étude de Maître Sarah FILIPPI, Avocat-défenseur près la Cour d’appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, Avocat au barreau de Nice ;
Contre :
Le AA (AA), sis x2 à Monaco, pris en la personne de son Directeur en exercice ;
Ayant élu domicile en l’étude de Maître Alexis MARQUET, Avocat-défenseur près la Cour d’appel de Monaco et plaidant par ledit Avocat-défenseur ;
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en assemblée plénière,
Après en avoir délibéré :
1. Considérant que I.E. demande au Tribunal Suprême, d’une part, l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 12 septembre 2023, par laquelle AB du AA la déclare « inapte définitif à son métier d’infirmière », d’autre part, à la condamnation du AA au paiement d’une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
Sur les conclusions à fin d’annulation
2. Considérant qu’aux termes de l’article 2‑1 de la loi n° 637 du 11 janvier 1958 tendant à créer et à organiser la AA : « Le suivi individuel de l’état de santé dont bénéficie chaque salarié est réalisé par un médecin du travail de l’AA. Ce suivi médical comprend : /[…] 6) un examen médical à la demande du salarié ou, lorsqu’elle est dûment motivée, de l’employeur ; / 7) tout examen médical complémentaire prescrit par le médecin du travail lorsqu’il l’estime nécessaire ; / 8) l’établissement, à l’issue de chaque examen médical, d’une fiche de visite contenant, le cas échéant et sans indication des motifs, la déclaration d’aptitude ou d’inaptitude médicale ; / 9) l’établissement, en cas de déclaration d’inaptitude médicale définitive du salarié, d’un rapport dans lequel le médecin du travail formule ses conclusions et des indications sur l’aptitude médicale du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise ; ce rapport contient également les constatations effectuées lors de l’étude du poste de travail du salarié et des conditions de travail dans l’entreprise prévue au deuxième alinéa de l’article 2‑3, ainsi que les résultats de ladite étude » ;
3. Considérant qu’aux termes de l’article 2‑3 de la même loi : « La fiche de visite mentionnée au chiffre 8 de l’article 2‑1 ne peut contenir aucune information médicale. Elle est établie par le médecin du travail et transmise au salarié et à l’employeur dans les conditions fixées par ordonnance souveraine. / Le médecin du travail ne peut déclarer l’inaptitude médicale définitive d’un salarié à son poste de travail que s’il a réalisé une étude de ce poste et des conditions de travail dans l’entreprise ainsi qu’un examen médical du salarié. / Toutefois, lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles de toute autre personne, le médecin du travail peut déclarer l’inaptitude médicale à l’issue du seul examen médical. / Il y a inaptitude médicale uniquement dans les cas où il est impératif, pour des raisons de santé ou de sécurité, de soustraire le salarié à son poste de travail. / Toute déclaration d’aptitude ou d’inaptitude médicale peut faire l’objet, de la part du salarié ou de l’employeur concerné, d’une contestation devant une commission médicale instituée auprès de l’AA aux fins d’en obtenir la confirmation ou la réformation. Une ordonnance souveraine détermine les conditions d’application du présent alinéa » ;
4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée est fondée sur l’avis du 21 juillet 2023 par lequel la Commission Médicale Supérieure a confirmé « l’avis inaptitude définitive au poste d’infirmière en soins généraux émise par l’AA en date du 21 décembre 2022 » concernant I.E., sans valider « les commentaires émis sur cette même fiche d’aptitude. Compte tenu des éléments médicaux figurant dans le dossier, l’aptitude médicale aux postes proposés lors de la démarche de reclassement devra être évaluée par le médecin du travail » ; que, si le 12 septembre 2017, un autre médecin avait déclaré I.E. « apte avec recommandation d’aménagement de poste », le fait qu’il ait alors indiqué un commentaire identique à celui de l’avis du 21 décembre 2022, par ailleurs annulé par la Commission Médicale Supérieure, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée qui ne vise ni l’avis du 12 septembre 2017, ni celui du 21 décembre 2022 ; que I.E. a pu, conformément aux prescriptions de l’article 2‑3 de la loi du 11 janvier 1958 précitée, contester l’avis du 21 décembre 2022 devant la Commission Médicale Supérieure, laquelle a par ailleurs annulé le commentaire litigieux ; que le AB du AA a pu ainsi valablement se fonder sur l’avis d’inaptitude médicale émis par la Commission Médicale Supérieure du 21 juillet 2023 pour prendre sa décision ;
5. Considérant qu’en déclarant I.E., d’une manière générale, « inapte définitif à son métier d’infirmière », alors que la AA, dont l’avis a été, sur ce point, confirmé par la Commission Médicale Supérieure, s’est bornée à la déclarer simplement « inapte définitif à son poste », le AB du AA a usé d’un terme impropre ; que cette erreur, pour regrettable qu’elle soit, est sans incidence sur la légalité de sa décision, dès lors que la lettre de notification du 12 septembre 2023 indique expressément que « le présent courrier a pour objet de vous notifier la décision entérinant votre inaptitude à exercer vos fonctions d’infirmer en soins généraux » ;
6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que I.E. n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision qu’elle attaque ; qu’il suit de là que ses demandes indemnitaires ne peuvent qu’être rejetées ;
Décide :
Article Premier.
La requête de I.E. est rejetée.
Art. 2.
Les dépens sont mis à la charge de I.E..
Art. 3.
Expédition de la présente décision sera transmise au AA.
Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.
Le Greffier en Chef,
N. Vallauri.