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TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - EXTRAIT

  • No. Journal 8735
  • Date of publication 21/02/2025
  • Quality 100%
  • Page no.

 Audience du 20 novembre 2024

 Lecture du 4 décembre 2024

 

1°/ Recours tendant, d’une part, à l’annulation pour excès de pouvoir des articles 2 et 4 de l’Ordonnance Souveraine n° 9.820 du 9 mars 2023 modifiant l’Ordonnance Souveraine n° 1.720 du 4 juillet 2008 relative à la réglementation des taxis, des véhicules de remise, des véhicules de service de ville et des motos à la demande ainsi que de la décision implicite rejetant le recours gracieux formé contre ces articles et, d’autre part, à la condamnation de l’État à indemniser le requérant du préjudice qu’il estime avoir subi en raison de l’illégalité des dispositions qu’il conteste.

2°/ Recours tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de l’Ordonnance Souveraine n° 9.820 du 9 mars 2023 modifiant l’Ordonnance Souveraine n° 1.720 du 4 juillet 2008 relative à la réglementation des taxis, des véhicules de remise, des véhicules de service de ville et des motos à la demande.

En les causes de :

1°/ M.X., né le jma à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant x1 ;

Ayant élu domicile en l’étude de Maître Christophe BALLERIO, Avocat-défenseur près la Cour d’appel de Monaco, et plaidant par ledit Avocat-défenseur ;

2°/ T.A.I., né le jma à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant x2 à Monaco ;

-   J.P.A.J., né le jma à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant x3 à Monaco ;

-   P.K., né le jma à Nice (France), de nationalité française, demeurant x4 à Nice ;

-   R.L., né le jma à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant x5 à Monaco ;

-   F.M., né le jma à Moulins (France), de nationalité française, demeurant x6 à Roquebrune-Cap-Martin ;

-   J.M.A.N., né le jma à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant x7 à Monaco ;

-   F.A.O., né le jma à Nice (France), de nationalité française, demeurant x8 à Saint-Laurent-du-Var ;

-   C.A.P., né le jma à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant x9 à Monaco ;

-   L.AQ., né le jma à Monaco, de nationalité française, demeurant x10 à Roquebrune-Cap-Martin ;

-   P.A.Z., né 13 août 1969 à Nice (France), de nationalité française, demeurant x11 à Nice ;

-   B.H., né le jma à Nice (France), de nationalité française, demeurant x12 à Èze Village ;

-   T.R., né le jma à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant x13 à Monaco ;

-   S.A.E., né le jma à Menton (France), de nationalité française, demeurant x14 à Roquebrune-Cap-Martin ;

-   J.V., né le jma à Nice (France), de nationalité française, demeurant x15 à Colomars ;

-   G.Q., né le jma à Cannes (France), de nationalité française, demeurant x16 à Beaulieu-sur-Mer ;

-   S.Z., né le jma à Nice (France), de nationalité française, demeurant x17 à Monaco ;

-   P.A.A., né le jma à Oran (Algérie), de nationalité française, demeurant x18 à Nice ;

-   S.A.C., né le jma à Strasbourg (France), de nationalité française, demeurant x19 à Cannes ;

-   A.C., né le jma à Saint-Mihiel (France), de nationalité française, demeurant x20 à Beausoleil ;

Ayant tous élu domicile en l’étude de Maître Bernard BENSA, Avocat-défenseur près la Cour d’appel de Monaco, ayant pour Avocat plaidant Maître Jean-Pascal PADOVANI, Avocat au Barreau de Nice et plaidant par ledit Avocat-défenseur ;

Contre :

L’État de Monaco, représenté par le Ministre d’État, ayant pour Avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par Maître Jacques MOLINIÉ, Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation de France ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en assemblée plénière,

Après en avoir délibéré :

1. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre des dispositions de la même Ordonnance Souveraine ; qu’il y a lieu de les joindre pour y statuer par la même décision ;

Sur la légalité externe

En ce qui concerne la compétence de l’auteur de l’acte

2. Considérant que les auteurs de la seconde requête soutiennent que l’Ordonnance Souveraine qu’ils contestent est entachée d’incompétence au regard des articles 25 et 68 de la Constitution dès lors que l’exercice de la liberté du travail ne peut être réglementé que par la loi et que l’Ordonnance Souveraine en cause n’a pas été prise pour l’exécution d’une loi ;

3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article 25 de la Constitution : « La liberté du travail est garantie. Son exercice est réglementé par la loi » ; que, si la liberté du travail consiste notamment à ne pas être astreint à un travail contre sa volonté, les contraintes qui découlent implicitement d’une activité librement choisie ne peuvent être regardées, sous réserve qu’elles ne soient pas excessives, comme portant atteinte à cette liberté ; qu’en l’espèce, les contraintes prescrites par l’Ordonnance Souveraine attaquée, notamment celle portant sur le service minimum, ne sont pas de nature à remettre en cause l’exercice d’une profession librement choisie et ne relèvent donc pas du domaine de la loi ;

4. Considérant, en second lieu, que, si, aux termes de l’article 68 de la Constitution : « Le Prince rend les ordonnances nécessaires pour l’exécution des lois (…) », il dispose d’une compétence de principe pour fixer les règles concernant les matières autres que celles qui relèvent du domaine de la loi en application de la Constitution ; qu’aucune disposition de la Constitution ne place dans le domaine de la loi les règles concernant la police administrative ; que, par suite, l’Ordonnance Souveraine contestée, qui a pour objet de modifier la réglementation de la police des taxis, relève du domaine réglementaire et n’a donc pas empiété sur le domaine de la loi ;

5. Considérant, par suite, que le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte doit être écarté ;

En ce qui concerne la procédure contradictoire

6. Considérant que ni les dispositions de l’Ordonnance Souveraine n° 1.720 du 4 juillet 2008 modifiée relative à la réglementation des taxis, des véhicules de remise et des véhicules de service en ville, ni aucune autre règle ne prévoit la consultation obligatoire des représentants de la profession des exploitants de taxis préalablement à la modification, par une Ordonnance Souveraine, des règles qui régissent leur activité ; que, par suite, le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure d’adoption des articles 2 et 4 de l’Ordonnance Souveraine contestée ne peut qu’être écarté ;

En ce qui concerne la motivation du rejet du recours gracieux

7. Considérant que l’article 1er de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs fixe la liste des décisions administratives « à caractère individuel » qui doivent, en principe, être motivées ; que, toutefois, le refus de retirer les articles 2 et 4 de l’Ordonnance Souveraine contestée qui a été opposé à M.X. revêt, en raison du caractère réglementaire de ces dispositions, un caractère réglementaire et non individuel ; qu’ainsi, bien que, par lettre du 9 octobre 2023, il ait demandé, sans les obtenir, que lui fussent communiqués les motifs constituant le fondement de la décision implicite de rejet, M.X. n’est pas fondé à soutenir que cette décision serait illégale en application de l’article 4 de la même loi qui dispose : « Le destinataire d’une décision implicite peut demander la communication des motifs de cette décision dans les conditions fixées au second alinéa de l’article précédent. / L’autorité qui a pris la décision est tenue de les lui communiquer dans le délai d’un mois à peine de nullité de ladite décision » et qui n’est pas applicable aux actes réglementaires ;

Sur la légalité interne

8. Considérant que les requérants ne présentent aucun moyen de légalité interne contre les articles 1er, 3, 5, 6, 8 de l’Ordonnance Souveraine contestée, ainsi que contre son article 4 en tant qu’il réécrit le 7° de l’article 38‑9 de l’Ordonnance Souveraine n° 1.720 du 4 juillet 2008 ; que, par conséquent, leurs conclusions d’annulation sur le fond doivent être regardées comme étant exclusivement dirigées contre les articles 2 et 7 de l’Ordonnance Souveraine contestée, ainsi que contre son article 4 en tant qu’il ajoute un 8° au même article 38‑9 ;

En ce qui concerne l’article 2 ainsi que l’article 4 en tant qu’il ajoute un 8° à l’article 38‑9 de l’Ordonnance Souveraine n° 1.720 du 4 juillet 2008

9. Considérant que les articles 2 et 4 de l’Ordonnance Souveraine n° 9.820 du 9 mars 2023 complètent respectivement les articles 14 et 38‑9 de l’Ordonnance Souveraine n° 1.720 du 4 juillet 2008 par un 8° faisant obligation, d’une part, aux taxis et, d’autre part, aux taxis 100 % électriques à titre saisonnier de « disposer et accepter le règlement via le système de paiement électronique de l’application mobile mise à disposition par l’autorité administrative compétente auprès des usagers » ;

10. Considérant que le principe d’égalité devant la loi, garanti par l’article 17 de la Constitution, ne s’oppose ni à ce que l’autorité investie du pouvoir normatif règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la norme qui l’établit ;

11. Considérant qu’il est loisible au pouvoir réglementaire de réglementer l’activité des exploitants de taxis dans le but d’assurer la commodité des usagers, la sécurité de la circulation sur les voies publiques, la gestion du domaine public ou la préservation de l’environnement ; qu’à cet égard, les exploitants de taxis sont, en règle générale, dans une situation différente de celles des autres commerçants et prestataires de service ;

12. Considérant toutefois qu’il ressort des écritures du Ministre d’État que l’obligation pour les taxis de « disposer et accepter le règlement via le système de paiement électronique de l’application mobile mise à disposition par l’autorité administrative compétente auprès des usagers » a notamment pour objet « d’accroître l’attractivité de Monaco » et de contribuer « au développement international de la Principauté » ; qu’au regard de tels objectifs, les exploitants de taxis ne sont pas placés dans une situation différente de celle des autres commerçants ou prestataires de service, lesquels sont libres d’adhérer ou non à un service de paiement électronique local à l’instar de celui envisagé par l’Ordonnance Souveraine et, le cas échéant, de choisir le prestataire privé fournissant ce service de paiement ; qu’aucun motif d’intérêt général ne justifie cette différence de traitement ; que, par suite, l’article 2 de cette Ordonnance Souveraine ainsi que son article 4 en tant qu’il ajoute un 8° à l’article 38‑9 de l’Ordonnance Souveraine n° 1.720 du 4 juillet 2008 méconnaissent le principe d’égalité et doivent, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens, être annulés ; qu’il en est de même de la décision implicite résultant du silence gardé sur la demande de M.X. en tant que celui‑ci demandait le retrait de ces dispositions ;

En ce qui concerne l’article 7

13. Considérant que l’article 7 contesté a pour objet d’aménager le service minimum assuré par les taxis 100 % électriques en donnant à l’article 38‑18 de l’Ordonnance Souveraine n° 1.720 du 4 juillet 2008 la rédaction suivante : « Les conducteurs de taxi des véhicules 100 % électriques à titre saisonnier assurent un service minimum selon les modalités fixées par arrêté ministériel. / Lorsque ce service est défaillant ou insuffisant pour satisfaire les besoins de la population, le Ministre d’État peut, dans des conditions fixées par arrêté ministériel, prendre toutes mesures utiles afin de remédier à cette défaillance ou cette insuffisance. / Le Directeur de l’Expansion Économique, le cas échéant, en coopération avec la Direction de la Sûreté Publique, veille au respect de ces mesures. À cette fin, peut être requise l’assistance de l’organisme chargé d’assurer, au plan technique, l’exécution du service de centralisation téléphonique des demandes de courses et leur distribution visé au chiffre 4 de l’article 38‑9 » ;

14. Considérant, en premier lieu, que les auteurs de la seconde requête soutiennent que l’article 7 n’indique pas le nombre minimal de taxis 100 % électriques assujettis à un service minimum, qu’il crée un service minimum sans préciser sa durée ni le sens et la portée des termes « mesures utiles », exposant ainsi les exploitants de taxis à des mesures non définies préalablement et donc arbitraires et, enfin, qu’il ne définit pas les sanctions applicables ;

15. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 48 de la Constitution : « Sauf dispositions législatives contraires, la répartition des matières entre les Ordonnances Souveraines et les arrêtés ministériels est opérée par Ordonnance Souveraine » ; que l’article 7 contesté, qui ne crée pas le service minimum assuré par les taxis 100 % électriques mais se borne à l’aménager, renvoie à un arrêté ministériel le soin de fixer ses modalités d’application ainsi que les conditions dans lesquelles le Ministre d’État peut prendre toutes mesures utiles afin de remédier à sa défaillance ou à son insuffisance ; qu’il n’est donc pas contraire à l’article 48 de la Constitution ni non plus au principe dit de « clarté de la loi » invoqué par les requérants ; que, d’autre part, les sanctions prévues par le titre III de l’Ordonnance Souveraine n° 1.720 du 4 juillet 2008 en cas de méconnaissance des dispositions de cette Ordonnance Souveraine ou des arrêtés ministériels pris pour son application, ne sont pas modifiées et demeurent donc en vigueur ;

16. Considérant, en second lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article 19 de la Constitution : « La liberté et la sûreté individuelle sont garanties. Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, devant les juges qu’elle désigne et dans la forme qu’elle prescrit » ; que l’article 7 contesté, qui concerne une profession réglementée et qui a pour objet d’offrir aux usagers une disponibilité de transport individuel optimale, ne porte pas atteinte au principe de liberté ni a fortiori au principe de sûreté individuelle ;

17. Considérant qu’il s’ensuit que les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’article 7 de l’Ordonnance Souveraine n° 9.820 du 9 mars 2023 ;

Sur les conclusions indemnitaires

18. Considérant que le préjudice moral dont M.X. demande réparation n’est pas fondé en ce qu’il repose sur l’absence de procédure consultative ; que, pour le surplus, il n’est pas établi ; que, par suite, ses conclusions à fin d’indemnisation doivent être rejetées ;

Décide :

Article Premier.

Les requêtes nos 2024‑01 et 2024‑02 sont jointes.

Art. 2.

L’article 2 de l’Ordonnance Souveraine n° 9.820 du 9 mars 2023 ainsi que son article 4 en tant qu’il ajoute un 8° à l’article 38‑9 de l’Ordonnance Souveraine n° 1.720 du 4 juillet 2008 sont annulés. Il en est de même de la décision implicite résultant du silence gardé sur la demande de M.X. en tant que celui‑ci demandait le retrait de ces dispositions.

Art. 3.

Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Art. 4.

Les dépens sont mis à la charge de l’État.

Art. 5.

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.

Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.

Le Greffier en Chef,

N. Vallauri.

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