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TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco – extrait - Audience du 28 mai 2021 - Lecture du 11 juin 2021

  • No. Journal 8544
  • Date of publication 25/06/2021
  • Quality 100%
  • Page no.

Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du 24 septembre 2019 du Ministre d'État prononçant à l'encontre de Mme S. G. une sanction disciplinaire d'avertissement et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
En la cause de :
Mme S. G. ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Sarah FILIPPI, Avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit Avocat-défenseur ;

Contre :
L'État de Monaco représenté par le Ministre d'État, ayant pour Avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;


LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en assemblée plénière,


…/…

Après en avoir délibéré :
1\. Considérant que Mme S. G. demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 24 septembre 2019 du Ministre d'État prononçant à son encontre une sanction disciplinaire d'avertissement et de la décision implicite rejetant son recours gracieux ainsi que l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de ces décisions ;
2\. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 43 de la loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l'État : « En cas de faute grave, qu'il s'agisse d'un manquement aux obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun le fonctionnaire intéressé peut, avant la consultation du conseil de discipline, être immédiatement suspendu par décision du ministre d'État. / La décision prononçant la suspension doit, soit préciser que le fonctionnaire conserve, pendant le temps où il est suspendu, le bénéfice de son traitement, soit déterminer la quotité de la retenue qu'il subit, laquelle ne peut être supérieure à la moitié du traitement. / La situation du fonctionnaire suspendu doit être définitivement réglée dans un délai de quatre mois à compter du jour où la décision de suspension a pris effet ; lorsqu'aucune décision n'est intervenue à l'échéance de ces quatre mois, l'intéressé reçoit à nouveau l'intégralité de son traitement, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales. / Si le fonctionnaire n'a subi aucune sanction ou n'a été l'objet que d'un avertissement ou d'un blâme ou si, à l'expiration du délai de quatre mois, l'administration n'a pu statuer sur son cas, l'intéressé a droit au remboursement des retenues opérées sur son traitement. / Toutefois, lorsque le fonctionnaire est l'objet de poursuites pénales, sa situation n'est définitivement réglée qu'après que la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive ».
3\. Considérant que les dispositions de l'article 43 de la loi du 12 juillet 1975 se bornent à prévoir les modalités de rémunération pendant la durée de la procédure disciplinaire de l'agent ayant fait l'objet d'une mesure de suspension ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, il n'impose pas, à peine d'irrégularité de la procédure disciplinaire, qu'une décision soit prise par l'autorité disciplinaire dans le délai de quatre mois suivant la prise d'effet de la suspension de l'agent concerné ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 43 de la loi du 12 juillet 1975 en raison de la durée de la procédure disciplinaire ne peut qu'être écarté ;
4\. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 46 de la loi du 12 juillet 1975 dispose : « La procédure devant le conseil de discipline est contradictoire. / La comparution devant le conseil de discipline est ordonnée par un arrêté ministériel qui nomme les membres appelés à en faire partie et fixe la date de comparution de l'intéressé. / Le fonctionnaire déféré au conseil de discipline est mis en demeure, par lettre recommandée avec avis de réception, de prendre connaissance de son dossier et de toutes les pièces relatives à l'affaire. / Notification concomitante lui est faite, dans la même forme, de l'arrêté ministériel visé au deuxième alinéa ci-dessus ; il lui est accordé un délai de trente jours, à compter du lendemain de cette notification, pour présenter sa défense et désigner, le cas échéant, son défenseur. / Le fonctionnaire a le droit de citer des témoins. Ce droit appartient également à l'administration » ;
5\. Considérant que le droit de prendre connaissance de son dossier et des pièces relatives à l'affaire comporte, pour l'agent concerné, celui d'en prendre copie ; qu'aucune disposition ni aucun principe n'impose, en revanche, que l'Administration supporte le coût des copies réalisées à la demande de cet agent ; que la délivrance à titre onéreux des copies ne doit pas excéder le coût des frais effectivement exposés par l'Administration ; que, par suite, Mme G. n'est pas fondée à soutenir que la procédure disciplinaire est entachée d'une irrégularité au motif qu'elle a dû régler auprès de l'Administration les frais de photocopie de chacune des pages de son dossier ;
6\. Considérant, en troisième lieu, que l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien‑fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (…) » ; qu'il en résulte que confier à l'Administration la poursuite et la répression disciplinaire des fautes commises par un fonctionnaire n'est pas contraire à cette convention pourvu que l'intéressé puisse saisir de toute décision prise ainsi à son encontre un tribunal offrant les garanties de son article 6 § 1, c'est-à-dire habilité à exercer un plein contrôle sur ladite décision ;
7\. Considérant, d'une part, que la sanction prise à l'encontre de Mme G. n'a pas été décidée par un tribunal, au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mais à l'issue d'une procédure purement administrative qui ignore la distinction entre fonction de poursuite et fonction de répression ; que cette procédure n'est pas contraire à l'article 6 § 1 précité dès lors que Mme G. a saisi le Tribunal Suprême auquel il appartient de contrôler la matérialité des faits reprochés, leur qualification disciplinaire ainsi que la proportionnalité entre, d'une part, la gravité des fautes retenues et, d'autre part, la gravité de la sanction prononcée et, en cas d'illégalité de cette sanction, d'en réparer les conséquences dommageables ;
8\. Considérant, d'autre part, que la seule circonstance, invoquée par Mme G., que l'Administration dispose de moyens financiers supérieurs aux siens n'était nullement de nature à faire obstacle à l'exercice de ses droits dans le cadre de la procédure disciplinaire conduite à son égard ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette procédure disciplinaire s'est déroulée dans le respect des dispositions de l'article 46 de la loi du 12 juillet 1975 ainsi que des exigences du caractère contradictoire de la procédure et des droits de la défense ;
9\. Considérant qu'il en résulte que Mme G. n'est pas fondée à soutenir que la sanction qui lui a été infligée a été prononcée au terme d'une procédure irrégulière ;
10\. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 12 juillet 1975 : « Les sanctions disciplinaires sont : / 1° l'avertissement ; / 2° le blâme ; / 3° l'abaissement de classe ou d'échelon ; / 4° la rétrogradation ; / 5° l'exclusion temporaire de fonction pour une durée de trois mois à un an ; / 6° la mise à la retraite d'office ; / 7° la révocation. / Une exclusion temporaire de fonction pour une durée de trois mois au plus peut, en outre, être prononcée à titre de sanction principale ou complémentaire » ;
11\. Considérant qu'ainsi qu'il a été exposé au point 6 et conformément à l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient au Tribunal Suprême d'exercer un plein contrôle sur les sanctions disciplinaires infligées aux fonctionnaires de l'État ;
12\. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport du 21 février 2019 de Mme le Directeur de l'Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports, d'une part, que Mme G. s'est exprimée à plusieurs reprises de manière inappropriée dans le cadre de ses relations professionnelles et, d'autre part, qu'elle n'a pas répondu à des demandes émanant de sa hiérarchie qui étaient sans lien direct avec les faits dont elle estimait être victime de la part de son supérieur hiérarchique et pour lesquelles elle n'a aucunement justifié d'une impossibilité d'y apporter une réponse ; que de tels comportements constituent des manquements de Mme G. à son obligation de servir ; qu'eu égard à ses responsabilités de proviseur adjoint, de tels manquements sont de nature à justifier l'avertissement dont Mme G. a fait l'objet, sanction du niveau le plus faible de celles susceptibles d'être infligées à un fonctionnaire ;
13\. Considérant, en dernier lieu, que la durée de la suspension d'un fonctionnaire prononcée à titre conservatoire à l'occasion d'une procédure disciplinaire est sans incidence sur l'appréciation de la proportionnalité de la sanction disciplinaire qui lui est infligée ; que par suite, Mme G. ne peut utilement soutenir que la sanction qui lui a été infligée est « inversement disproportionnée » à la durée de la mesure de suspension de ses fonctions dont elle n'a, au demeurant, jamais demandé l'abrogation ;
14\. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme G. n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions qu'elle attaque ; qu'il suit de là que sa demande indemnitaire ne peut qu'être rejetée ;

Décide :


Article Premier.


La requête de Mme S. G. est rejetée.


Art. 2.


Les dépens sont mis à la charge de Mme G..


Art. 3.


Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
Pour extrait certifié conforme à l'original délivré en exécution de l'article 37 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.

Le Greffier en Chef,
V. SANGIORGIO.

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Version 2018.11.07.14