Ordonnance Souveraine n° 8.700 du 17 juin 2021 relative à l'agrément des mandataires judiciaires à la protection des personnes et à l'aide de l'État en faveur des personnes protégées.
ALBERT II
PAR LA GRÂCE DE DIEU
PRINCE SOUVERAIN DE MONACO
Vu la Constitution ;
Vu le Code civil ;
Vu la loi n° 1.474 du 2 juillet 2019 relative à la sauvegarde de justice, au mandat de protection future et à l'exercice de mandataire judiciaire à la protection des personnes ;
Vu la loi n° 1.378 du 18 mai 2011 relative à l'assistance judiciaire et à l'indemnisation des avocats, modifiée ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 11.986 du 2 juillet 1996 portant création de la Direction de l'Expansion Économique, modifiée ;
Vu Notre Ordonnance n° 3.387 du 3 août 2011 précisant les modalités d'admission au bénéfice de l'assistance judiciaire ;
Vu la délibération du Conseil de Gouvernement en date du 16 juin 2021 qui Nous a été communiquée par Notre Ministre d'État ;
Avons Ordonné et Ordonnons :
CHAPITRE I
AGRÉMENT POUR L'EXERCICE DE L'ACTIVITÉ DE MANDATAIRE JUDICIAIRE À LA PROTECTION DES PERSONNES
Section 1 : Conditions de délivrance de l'agrément
Article Premier.
Les personnes qui sollicitent l'agrément pour exercer l'activité de mandataire judiciaire à la protection des personnes, conformément à l'article 19 de la loi n° 1.474 du 2 juillet 2019, susvisée, doivent :
1°) être âgées de 25 ans au moins ;
2°) disposer d'une qualification professionnelle suffisante.
La qualification professionnelle suffisante prévue au chiffre 2°) résulte de la possession du certificat national de compétence de mandataire judiciaire à la protection des majeurs délivré par les autorités françaises, ou d'une formation considérée comme équivalente par le Secrétaire d'État à la Justice-Directeur des Services Judiciaires.
Sont dispensés de la possession de ce certificat national de compétence, les personnes ayant exercé, au moins deux années, les fonctions qui leur ont été confiées par décision des autorités judiciaires monégasques de tuteur, de curateur, d'administrateur ou de mandataire.
Peuvent être dispensés de la possession du certificat national de compétence, les personnes justifiant d'un diplôme sanctionnant au moins cinq années d'études supérieures dans le domaine juridique ou économique, ou d'une expérience professionnelle d'au moins cinq années en Principauté dans des fonctions relevant du domaine juridique, économique ou social, après avis du Secrétaire d'État à la Justice-Directeur des Services Judiciaires.
3°) jouir de leurs droits civils et politiques et offrir toutes les garanties de bonne moralité ;
4°) faire la preuve d'une connaissance suffisante de la langue française.
Art. 2.
Conformément à l'article 19 de la loi n° 1.474 du 2 juillet 2019, susvisée, toute demande d'agrément à l'exercice de l'activité de mandataire judiciaire à la protection des personnes est adressée à la Direction de l'Expansion Économique, accompagnée de l'ensemble des pièces justificatives déterminées par arrêté ministériel permettant de vérifier que le demandeur remplit les conditions fixées par l'article premier.
Dans le cadre de l'instruction du dossier, l'avis du Secrétaire d'État à la Justice-Directeur des Services Judiciaires est sollicité quant à la délivrance de l'agrément au demandeur.
L'agrément à l'exercice de l'activité de mandataire judiciaire à la protection des personnes est délivré par le Ministre d'État. Il emporte inscription de la personne agréée sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des personnes conservée par le Greffe Général ainsi que sur le registre approprié tenu par la Direction de l'Expansion Économique.
Art. 3.
Toute personne physique qui procède à la demande d'agrément mentionnée à l'article 2, doit justifier d'une attestation de souscription à un contrat d'assurance couvrant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle à raison de l'activité exercée, en application de l'article 21 de la loi n° 1.474 du 2 juillet 2019, susvisée.
Cette attestation doit être communiquée à la Direction de l'Expansion Économique, dès réception de la lettre d'accord de principe de la délivrance de l'agrément.
Le contrat visé au premier alinéa doit être souscrit auprès d'une compagnie d'assurances, dûment agréée et représentée en Principauté.
Art. 4.
Le titulaire de l'agrément doit pouvoir justifier, à tout moment, sur demande de la Direction de l'Expansion Économique, de l'existence d'un contrat d'assurance de responsabilité civile couvrant les dommages causés par la personne protégée, dont la charge lui a été confiée, en application de l'article 21 de la loi n° 1.474 du 2 juillet 2019, susvisée.
Art. 5.
Dans le délai d'un mois à compter de son inscription sur la liste prévue à l'article 2, le titulaire de l'agrément prête serment devant la Cour d'appel.
Section 2 : Retrait et suspension de l'agrément
Art. 6.
L'agrément visé à l'article 19 de la loi n° 1.474 du 2 juillet 2019, susvisée, peut être retiré ou suspendu, dans les cas énoncés ci-après :
- si le titulaire de l'agrément cesse de remplir les conditions nécessaires à sa délivrance ;
- si l'une des conditions exigées à l'article 21 de la loi n° 1.474 du 2 juillet 2019, susvisée, cesse d'être remplie ;
- si, dans l'exercice de son activité, le titulaire de l'agrément a méconnu les prescriptions légales ou réglementaires qui lui sont applicables.
Art. 7.
Les décisions de retrait ou de suspension de l'agrément sont prises par le Ministre d'État, après avis du Secrétaire d'État à la Justice-Directeur des Services Judiciaires ou à la demande de celui-ci, et après que le titulaire de l'agrément ait été entendu en ses explications ou dûment appelé à les fournir.
Ces décisions peuvent être précédées d'une mise en demeure de se conformer aux lois et règlements dans un délai déterminé. Le Secrétaire d'État à la Justice- Directeur des Services Judiciaires en est informé.
Art. 8.
Nonobstant les dispositions de l'article 7, le Ministre d'État peut, dans les cas où l'urgence le justifie, suspendre l'agrément, pour une durée maximale d'une année, après que l'intéressé ait été entendu en ses explications ou dûment appelé à les fournir. Le Secrétaire d'État à la Justice-Directeur des Services Judiciaires en est informé.
Art. 9.
Le retrait ou la suspension de l'agrément au mandataire judiciaire à la protection des personnes ne donne droit à aucune indemnité pour ce dernier.
CHAPITRE II
CONDITIONS DE PRISE EN CHARGE PAR L'ÉTAT DE LA RÉMUNÉRATION DES MANDATAIRES JUDICIAIRES À LA PROTECTION DES PERSONNES
Section 1 : Conditions d'attribution de l'aide de l'État
Art. 10.
Conformément à l'article 23 de la loi n° 1.474 du 2 juillet 2019, susvisée, la personne qui fait l'objet d'une mesure de protection dont le montant du revenu annuel est inférieur au plafond de l'assistance judiciaire tel que mentionnée à l'article 2 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011, modifiée, susvisée, peut prétendre à la prise en charge, totale ou partielle, par l'État, de la rémunération du mandataire judiciaire à la protection des personnes telle que fixée par le juge ou le tribunal.
Les revenus de référence entrant dans le calcul du revenu mentionné à l'alinéa précédent sont ceux qui sont prévus au titre de l'assistance judiciaire.
Art. 11.
À l'appréciation du bureau mentionné à l'article 12, les revenus de référence peuvent faire l'objet de corrections en fonction des charges particulières ou de famille incombant à la personne faisant l'objet d'une mesure de protection, sur la base des pièces produites à l'appui de la demande.
Ces revenus peuvent également faire l'objet de corrections en fonction du patrimoine de la personne protégée.
Pour chaque demande, il appartient au bureau d'apprécier, en fonction de la situation de la personne protégée, si celle-ci bénéficie d'une prise en charge, totale ou partielle, par l'État, de la rémunération du mandataire judiciaire à la protection des personnes.
Pour chaque type de demande, le bureau établit la liste des pièces justificatives demandées.
Aux fins d'instruction de la demande, le bureau a la faculté de solliciter toutes pièces supplémentaires qu'il estime utiles auprès du mandataire judiciaire à la protection des personnes.
Section 2 : Composition et fonctionnement du bureau
Art. 12.
Les demandes de prise en charge dans le cadre de l'article 23 de la loi n° 1.474 du 2 juillet 2019, susvisée, sont adressées au bureau d'aide à la rémunération des mandataires judiciaires.
Ce bureau est présidé par un magistrat du siège, en activité ou honoraire, désigné par le Premier Président de la Cour d'appel au début de chaque année judiciaire. Il comprend :
- le Directeur de l'Action et de l'Aide Sociales ou la personne qu'il désigne à cet effet ;
- le Contrôleur Général des Dépenses, ou son représentant.
Le secrétariat du bureau est assuré par le Greffe Général.
Art. 13.
Le bureau visé à l'article 12 se réunit autant de fois que l'intérêt l'exige, sur la convocation de son président.
Le bureau peut se réunir sans que tous ses membres ne soient physiquement présents, le cas échéant, le bureau peut avoir recours à la conférence téléphonique ou audiovisuelle.
Il rassemble les informations qu'il juge utiles pour vérifier les déclarations faites par le mandataire judiciaire à la protection des personnes quant à la situation pécuniaire de la personne faisant objet d'une mesure de protection.
Toute demande de prise en charge de la rémunération du mandataire judiciaire à la protection des personnes, non accompagnée des pièces justificatives demandées par le bureau, est rejetée.
Art. 14.
La décision du bureau visé à l'article 12 est prise à la majorité des voix.
Elle est notifiée par le président, dans les quinze jours, au mandataire judiciaire à la protection des personnes, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et au Greffier en chef.
En cas de rejet, la décision du bureau doit être motivée.
Section 3 : Saisines du bureau
Art. 15.
Le juge peut saisir le bureau visé à l'article 12 pour savoir si la personne protégée ou susceptible de bénéficier d'une mesure de protection, pourrait bénéficier de l'aide de l'État à la rémunération du mandataire judiciaire à la protection des personnes.
Il appartient au mandataire judiciaire à la protection des personnes désigné par le juge ou le tribunal, de transmettre au bureau les pièces justificatives permettant d'attester des revenus de la personne protégée.
Art. 16.
Sans préjudice des dispositions de l'article précédent, la demande de prise en charge par l'État, peut également être adressée au bureau visé à l'article 12 par le mandataire judiciaire à la protection des personnes désigné par le juge ou le tribunal.
La demande doit :
- préciser les noms, prénoms, date et lieu de naissance de la personne faisant l'objet de la mesure de protection ;
- préciser la nationalité, la profession et le domicile de la personne faisant l'objet de la mesure de protection ;
- préciser la situation de famille et le nombre de ses enfants, à charge ou non, si elle en a, de la personne faisant l'objet de la mesure de protection ;
- préciser la nature de la mesure de protection ;
- être accompagnée de la décision prononçant la mesure de protection et désignant le mandataire judiciaire à la protection des personnes.
Le mandataire judiciaire à la protection des personnes doit transmettre au bureau les pièces justificatives permettant d'attester des revenus de la personne protégée.
Art. 17.
Durant la durée de la mesure de protection, le mandataire judiciaire à la protection des personnes désigné, dépose annuellement auprès du bureau visé à l'article 12, une demande simplifiée de prise en charge de sa rémunération par l'État.
La demande est accompagnée d'un compte de gestion ainsi que des documents permettant d'attester que la situation pécuniaire de la personne protégée justifie que la rémunération du mandataire judiciaire à la protection des personnes continue d'être prise, totalement ou partiellement, en charge par l'État.
Section 4 : Modalités de versement de la rémunération des mandataires judiciaires à la protection des personnes
Art. 18.
Afin de percevoir sa rémunération, le mandataire judiciaire à la protection des personnes donne copie à la Direction des Services Judiciaires, qui transmet pour règlement à la Trésorerie Générale des Finances, les pièces suivantes :
- la décision du tribunal ou du juge lui attribuant une provision ou l'ordonnance de taxe définitive ;
- la décision du bureau lui accordant la prise en charge, totale ou partielle, de sa rémunération par l'État.
Section 5 : Retrait de l'aide de l'État
Art. 19.
Le bénéfice de la prise en charge de la rémunération peut être retiré à tout moment, s'il survient à la personne protégée des revenus tels que s'ils avaient existé au jour de la demande, celle-ci n'aurait pas été accordée.
La décision de retrait de la prise en charge est prononcée par le bureau visé à l'article 12, saisi à la demande de tout intéressé ou d'office.
Cette décision, qui doit être motivée, ne peut être prise sans que le mandataire judiciaire à la protection des personnes ait été au préalable entendu en ses explications ou dûment appelé à les fournir.
Dans un délai de quinze jours, la décision du bureau est notifiée au mandataire judiciaire à la protection des personnes et qui est tenu d'en informer la personne protégée.
La décision du bureau a pour effet d'obliger, le cas échéant, la personne protégée à rembourser à l'État, toutes les dépenses prises en charge par ce dernier.
Une copie de la décision est adressée au service en charge de son recouvrement.
Section 6 : Voies et délai de recours contre les décisions du bureau
Art. 20.
Les décisions prises par le bureau visé à l'article 12, peuvent faire l'objet d'un recours dans les quinze jours de la date de réception de leur notification.
Ce recours est porté devant la Cour d'appel, statuant en chambre du conseil.
L'arrêt de la Cour, rendu en dernier ressort, ne peut faire l'objet d'aucun recours.
CHAPITRE III
DISPOSITIONS FINALES
Art. 21.
Des arrêtés ministériels déterminent, en tant que de besoin, les conditions d'application de la présente ordonnance.
Art. 22.
Les dispositions du chapitre II de la présente ordonnance entrent en vigueur à compter du 4 octobre 2021.
Art. 23.
Notre Secrétaire d'État, Notre Secrétaire d'État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires et Notre Ministre d'État sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution de la présente ordonnance.
Donné en Notre Palais à Monaco, le dix-sept juin deux mille vingt-et-un.
ALBERT.
Par le Prince,
Le Secrétaire d'État :
J. BOISSON.