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Délibération n° 2024‑71 du 20 mars 2024 de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives portant recommandation sur la publication au Journal de Monaco des Ordonnances Souveraines et des Arrêtes Municipaux de mise à la retraite pour invalidité.

  • N° journal 8691
  • Date de publication 19/04/2024
  • Qualité 100%
  • N° de page

Vu la Constitution ;

Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, rendu exécutoire par l’Ordonnance Souveraine n° 13.330 du 12 février 1998 ;

Vu la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe du 4 novembre 1950, rendue exécutoire par l’Ordonnance Souveraine n° 408 du 15 février 2006 ;

Vu la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du Conseil de l’Europe du 28 janvier 1981, ainsi que son Protocole additionnel du 8 novembre 2001 ;

Vu la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993, modifiée, relative à la protection des informations nominatives ;

Vu la loi n° 975 du 12 juillet 1975, modifiée, portant statut des fonctionnaires de l’État ;

Vu la loi n° 1.096 du 7 août 1986, modifiée, portant statut des fonctionnaires de la Commune ;

Vu l’Ordonnance Souveraine n° 6.365 du 17 août 1978, modifiée, fixant les conditions d’application de la loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l’État, modifiée ;

Vu l’Ordonnance Souveraine n° 16.611 du 10 janvier 2005 fixant les conditions d’application de la loi n° 1.096 du 7 août 1986, modifiée, portant statut des fonctionnaires de la Commune ;

Vu l’Ordonnance Souveraine n° 2.230 du 19 juin 2009 fixant les modalités d’application de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993, modifiée, susvisée ;

Vu le Code civil et notamment son article 22 ;

La Commission de Contrôle des Informations Nominatives,

Préambule

La Commission de Contrôle des Informations nominatives (CCIN) a constaté que lorsque des fonctionnaires de l’État ou de la Commune font l’objet d’une mise à la retraite pour invalidité, l’Ordonnance Souveraine ou l’Arrêté Municipal la prononçant mentionne ce motif de mise à la retraite. Ces mesures font l’objet d’une publication au Journal de Monaco. Dès lors, les tiers sont avisés de ce que l’état de santé des personnes concernées impose leur mise à la retraite pour invalidité, ce qui revient à divulguer leurs données de santé et peut nuire au droit au respect de leur vie privée.

La présente recommandation concerne également toutes les entités publiques pour lesquelles des mesures de mise à la retraite pour invalidité font l’objet d’une publication au Journal de Monaco.

I.   La situation actuelle et l’état du droit en la matière

Conformément à l’article 1er de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993, modifiée, les traitements automatisés ou non automatisés d’informations nominatives ne doivent pas porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux consacrés par le titre III de la Constitution.

Les articles 22 de la Constitution et 22 du Code civil garantissent en Principauté le droit au respect de la vie privée et familiale.

La publication au Journal de Monaco au format papier et électronique en ligne d’Ordonnances Souveraines nominatives ou d’Arrêtés Municipaux nominatifs entre dans le champ d’application de la loi n° 1.165, susvisée, dès lors qu’elle constitue un traitement d’informations nominatives.

À cet égard l’article 1er de la loi n° 1.165 relative à la protection des informations nominatives dispose que « Les traitements automatisés ou non automatisés d’informations nominatives ne doivent pas porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux consacrés par le titre III de la Constitution ».

La Commission de Contrôle des Informations Nominatives, Autorité Administrative Indépendante, a pour mission de veiller au respect des dispositions législatives et réglementaires en matière de protection des informations nominatives. À ce titre, elle est notamment chargée, aux termes de l’article 2 de la loi n° 1.165, susvisée, de formuler toutes recommandations entrant dans le cadre des missions qui lui sont conférées par la loi.

À ce jour, les Ordonnances Souveraines et les Arrêtés Municipaux de mise à la retraite pour invalidité indiquent expressément que ce motif est la cause de la mise à la retraite du fonctionnaire de l’État ou de la Commune concerné.

L’indication de ce motif médical interpelle la CCIN.

En effet le traitement de données de santé est par principe prohibé par l’article 12 de la loi n° 1.165, susvisée, lequel dispose que :

« Nul ne peut mettre en œuvre des traitements, automatisés ou non, faisant apparaître, directement ou indirectement, des opinions ou des appartenances politiques, raciales ou ethniques, religieuses, philosophiques ou syndicales, ou encore des données relatives à la santé, y compris les données génétiques, à la vie sexuelle, aux mœurs, aux mesures à caractère social.

Les dispositions du premier alinéa ne s’appliquent pas dans les cas suivants :

•    lorsque la personne concernée a librement donné son consentement écrit et exprès, notamment dans le cadre de la loi n° 1.265 du 23 décembre 2002 relative à la protection des personnes dans la recherche biomédicale, sauf dans le cas où la loi prévoit que l’interdiction visée au premier alinéa ne peut être levée par le consentement de la personne concernée. Cette dernière peut, à tout moment, revenir sur son consentement et solliciter du responsable ou de l’utilisateur du traitement la destruction ou l’effacement des informations la concernant ;

•    lorsqu’un motif d’intérêt public le justifie, aux traitements visés à l’article 7 dont la mise en œuvre est décidée par les autorités ou organes compétents après avis motivé de la commission de contrôle des informations nominatives ;

•    lorsque le traitement concerne les membres d’une institution ecclésiale ou d’un groupement à caractère politique, religieux, philosophique, humanitaire ou syndical, dans le cadre de l’objet statutaire ou social de l’institution ou du groupement et pour les besoins de son fonctionnement, à condition que le traitement se rapporte aux seuls membres de cet organisme ou aux personnes entretenant avec lui des contacts réguliers liés à sa finalité et que les informations ne soient pas communiquées à des tiers sans le consentement des personnes concernées ;

•    lorsque le traitement est nécessaire aux fins de la médecine préventive, des diagnostics médicaux, de l’administration de soins, de médications ou de la gestion des services de santé et de prévoyance sociale, ou dans l’intérêt de la recherche et que le traitement de ces données est effectué par un praticien de la santé soumis au secret professionnel ou par une autre personne également soumise à une obligation de secret ;

•    lorsque le traitement porte sur des informations manifestement rendues publiques par la personne concernée ;

•    lorsque le traitement est nécessaire à la constatation, à l’exercice ou la défense d’un droit en justice ou répond à une obligation légale. ».

Si la publication des Ordonnances Souveraines et des Arrêtés Municipaux de mise à la retraite pourrait se justifier comme étant un moyen permettant l’information du public de la cessation des fonctions d’un fonctionnaire, la mention du motif médical qui en constitue le fondement n’apparaît pas justifiée.

En effet, si ces actes peuvent faire grief au fonctionnaire concerné, et par conséquent être contestés par la personne qui en est l’objet, la mise à la retraite pour invalidité d’un fonctionnaire intervient à l’issue d’un processus d’examen de nature médicale que l’Ordonnance Souveraine ou l’Arrêté Municipal se borne à constater.

Le fondement d’un recours ne serait par conséquent pas l’acte publié en lui-même, mais la décision de prononcer la mise à la retraite pour cause d’invalidité, décision qui peut être notifiée à la personne concernée par tout moyen autre que la publication d’une Ordonnance Souveraine ou d’un Arrêté Municipal mentionnant la cause de la mise à la retraite.

La Commission souligne que rendre public le motif médical de la mise à la retraite constitue une ingérence dans le droit à la vie privée du fonctionnaire concerné en ce que cette publication divulgue son état de santé ou, à tout le moins, le degré de gravité de cet état de santé. En ce sens, la mise à la retraite pour invalidité n’intervient que lorsqu’aucune autre possibilité n’est envisageable pour maintenir le fonctionnaire en activité, ainsi que le prévoient les articles 54 bis de la loi n° 975, précitée, et 50‑1 de la loi n° 1.096, susvisée, dont les derniers alinéas sont identiques et disposent que : « Lorsqu’il ne peut être proposé aucune mesure de reclassement au fonctionnaire ou si le fonctionnaire refuse le reclassement proposé, l’intéressé est admis à la retraite pour invalidité. ». Ces articles ne prescrivant pas que la décision de mise à la retraite en précise le motif lors de sa publication.

Cette question revêt une acuité particulière du fait de la diffusion au format numérique du Journal de Monaco, qui a pour conséquence que ces publications demeurent accessibles sans limitation de durée, à toute personne faisant une recherche Internet à partir du nom des fonctionnaires concernés.

L’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe, à laquelle Monaco est Partie, confère à toute personne le droit au respect de sa vie privée.

En droit interne, le respect du droit à la vie privée est garanti par les articles 22 de la Constitution et l’article 22 du Code civil.

L’article 1er de la loi n° 1.165, susvisée, énonce le principe en vertu duquel « Les traitements automatisés ou non automatisés d’informations nominatives ne doivent pas porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux consacrés par le titre III de la Constitution. »

Aussi le traitement d’informations nominatives que constitue la publication d’une Ordonnance Souveraine ou d’un Arrêté Municipal se doit de respecter la vie privée des fonctionnaires qui y sont nominativement mentionnés.

En l’absence de jurisprudence monégasque en la matière la Commission relève que la décision du Conseil d’État français (CE 10/06/2021 n° 431875) permet utilement de mettre en perspective le nécessaire respect de la vie privée des personnes concernées, et plus particulièrement des données relatives à leur santé, et l’information des tiers susceptibles d’introduire un recours. Au cas d’espèce il a été jugé qu’il doit être mis fin à la mise en ligne d’informations révélant, même indirectement par le biais des visas, des données de santé d’un fonctionnaire, dès lors que le délai de recours des tiers est expiré. Ceci conforte la Commission dans sa préoccupation que des données de santé ne soient divulguées qu’aux personnes auxquelles les décisions concernées sont susceptibles de faire grief.

II. L’application au cas d’espèce

Le fait d’indiquer dans l’Ordonnance Souveraine ou l’Arrêté Municipal que la mise à la retraite intervient pour invalidité constitue un traitement d’informations nominatives faisant apparaître des données relatives à la santé de la personne concernée, par principe prohibé.

Il induit également une atteinte au droit à la vie privée entendue tant au sens du droit monégasque que du droit européen des droits de l’Homme en ce qu’il révèle l’une des informations les plus intimes et les plus sensibles d’une personne à savoir son état de santé et par suite son incapacité médicale à occuper un emploi.

La diffusion de ce type d’informations, outre l’atteinte personnelle et morale, peut engendrer des conséquences pratiques objectives non négligeables pour la personne concernée, dans sa vie quotidienne.

La CCIN considère que l’indication de ce motif dans un acte rendu public et soumis à une large diffusion ne peut être justifiée par aucun motif valable de nature supérieure à l’intérêt pour les personnes objets de la mesure à voir respecter leur droit à la vie privée.

Elle relève en effet que les tiers n’ont aucun intérêt objectif à connaître le motif de la mise à la retraite dès lors qu’il résulte d’un constat médical faisant grief uniquement à la personne concernée. Seul le fait que le fonctionnaire cesse ses fonctions peut revêtir un intérêt pour les tiers, le motif de cette cessation étant sans incidence pour eux.

Ainsi, aucune des dérogations prévues à l’article 12 de la loi n° 1.165, susvisée, n’a vocation à s’appliquer, le motif d’intérêt public ne justifiant pas la publication de données de santé, pas plus que les articles 54 bis de la loi n° 975 et 50‑1 de la loi n° 1.096, susvisées, n’imposent de le faire.

En outre, le fait que la décision de mise à la retraite pour invalidité peut être contestée par la personne concernée n’est pas plus de nature à justifier l’indication du motif d’ordre médical dans l’Ordonnance Souveraine ou l’Arrêté Municipal y afférent. La décision de mise à la retraite pour invalidité intervient en effet à l’issue d’un processus contradictoire basé sur l’état de santé du fonctionnaire et peut lui être notifiée par tout moyen, autre qu’une publication, ayant date certaine et pouvant faire l’objet d’un recours de sa part.

Aussi, compte tenu des différents intérêts en balance, et au nécessaire respect dû à la vie privée des fonctionnaires concernés, la Commission estime que les Ordonnances Souveraines et les Arrêtés Municipaux portant mise à la retraite pour invalidité ne devraient plus à l’avenir comporter le motif de la mise à la retraite de la personne concernée mais se limiter à mentionner que le fonctionnaire est admis à faire valoir ses droits à la retraite.

Après en avoir délibéré, la Commission :

Rappelle que les traitements d’informations nominatives ne doivent pas porter atteinte au droit au respect de la vie privée des personnes concernées.

Considère en conséquence que les Ordonnances Souveraines et les Arrêtés Municipaux portant mise à la retraite pour invalidité ne devraient plus mentionner le motif de cette mise à la retraite.

Précise que la présente recommandation concerne également toutes les entités publiques pour lesquelles des mesures de mise à la retraite pour invalidité font l’objet d’une publication au Journal de Monaco.

Le Président de la Commission de Contrôle

des Informations Nominatives.

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