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Cour d'Appel de la Principauté de Monaco - Année Judiciaire 2022-2023 - Rentrée des Cours et Tribunaux.

  • N° journal 8619
  • Date de publication 02/12/2022
  • Qualité 100%
  • N° de page

Audience solennelle du 3 octobre 2022

 

ALLOCUTIONS DE

Madame Françoise Carracha

Conseiller à la Cour d’Appel

Faisant fonction de Premier Président

Monsieur Julien Pronier

Procureur Général par intérim

 

DISCOURS DE RENTRÉE

prononcé par

Monsieur Laurent Le Mesle

 Vice-président de la Cour de Révision

Premier Avocat Général à la Cour de Cassation

 

« Enjeux et Perspectives de la Procédure Pénale »

 

Comme il est de tradition, lundi 3 octobre a été marqué par la rentrée des Cours et Tribunaux, à laquelle Mme Yvette Lambin-Berti, Secrétaire d’État, représentait Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain.

La cérémonie débutait par une messe du Saint-Esprit, concélébrée cette année par Mgr René Giuliano, délégué épiscopal représentant l’Archevêque de Monaco, et le Chanoine Daniel Deltreuil, curé de la Cathédrale, à laquelle étaient invités les autorités de la Principauté, les membres du Tribunal Suprême, les membres du Haut Conseil de la Magistrature et les fonctionnaires de la Direction des Services Judicaires, du Parquet Général et du Greffe Général.

C’est en corps, précédés d’un huissier et sous la bonne garde d’une escorte de Carabiniers en armes, que les magistrats accompagnés des greffiers et des membres du barreau s’étaient rendus en la Cathédrale.

De retour au Palais de Justice, l’assistance avait pris place dans la salle d’audience de la Cour d’Appel, l’audience solennelle débutait sous la présidence de Mme Françoise Carracha, Conseiller à la Cour d’Appel faisant fonction de Premier Président, qui avait à ses côtés, Mmes Claire Ghera, Magali Ghenassia, Sandrine Lefebvre, Marie-Hélène Cabannes et M. Sébastien Biancheri, Conseillers.

Mme Cécile Chatel-Petit, Premier Président de la Cour de Révision, était accompagnée de M. Laurent Le Mesle, Vice-président, M. Jean-Pierre Gridel, M. Serge Petit et Mme Martine Valdes-Boulouque, Conseillers de la Haute Juridiction.

Mme Françoise Barbier-Chassaing, Président du Tribunal de Première Instance, était entourée des magistrats de sa juridiction, M. Jérôme Fougeras Lavergnolle, Mme Évelyne Husson, M. Olivier Schweitzer et M. Morgan Raymond, Vice-présidents, Mme Geneviève Vallar, M. Ludovic Leclerc et Mme Léa Parienti, Premiers juges, Mme Virginie Hoflack, M. Adrian Candau, M. Franck Vouaux, et Mme Alexia Brianti, Juges.

Mme Cyrielle Colle, Juge de Paix, était également présente.

M. Julien Pronier, Procureur Général par intérim, représentait le Ministère public avec à ses côtés, Mme Valérie Sagne, Premier Substitut, Mme Emmanuelle Carniello, Substitut et Mme Cathy Raynier, Secrétaire Général du Parquet.

Le plumitif d’audience était tenu par Mme Virginie Sangiorgio, Greffier en Chef, assistée de Mme Marine Pisani, Greffier en Chef adjoint.

Me Patricia Grimaud-Palmero occupait le banc des huissiers de justice.

Mmes Sandra Millien-Pistono, Laurie Pantanella, Marina Milliand, Sylvie Da Silva Alves, Bénédicte Seren-Pasteau, Amandine Renou, M. Julien Sposito et Mme Chloé Benvenuti, Greffiers, ainsi que Mmes Nathalie Madadkhah-Salmassi et Marine Cosso, Greffiers stagiaires, avaient pris place dans la salle.

Me Thomas Giaccardi, Bâtonnier de l’Ordre des Avocats-Défenseurs et Avocats était entouré des membres du Barreau.

*

*    *

Mme Françoise Carracha, Conseiller à la Cour d’Appel faisant fonction de Premier Président, ouvrait l’audience en ces termes :

« L’audience solennelle est ouverte.

En ce début du mois d’octobre, les juridictions de l’ordre judiciaire sont réunies pour clore solennellement une année judiciaire et annoncer la reprise de leurs travaux.

Madame le Secrétaire d’État, Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain est aujourd’hui retenu par les Hautes obligations de Sa charge. Pouvez-vous Lui faire part de notre respectueuse déférence et de notre profonde gratitude pour la confiance totale dont Il honore l’institution judiciaire.

Nous nous réjouissons d’accueillir ce matin les plus hautes autorités et personnalités de la Principauté de Monaco,

Monsieur le Ministre d’État,

Madame le Vice-Président du Conseil National,

Monsieur le Président du Conseil de la Couronne,

Madame le Secrétaire d’État à la justice - Directeur des Services Judiciaires et Président du Conseil d’État,

Monsieur le Chef de Cabinet de S.A.S le Prince Souverain,

Mesdames, Messieurs les Conseillers de Gouvernement - Ministres,

Monsieur l’Ambassadeur de France,

Monsieur l’Ambassadeur d’Italie,

Madame le Premier Adjoint au Maire,

Monsieur le Secrétaire Général du Gouvernement,

Monseigneur Giuliano représentant l’Archevêque de Monaco,

Monsieur le Commandant Supérieur de la Force Publique,

Monsieur le Vice-Président du Tribunal Suprême,

Madame, Monsieur les membres du Haut conseil de la magistrature,

Madame le Haut-Commissaire à la Protection des Droits, des Libertés et à la Médiation,

Monsieur le Délégué Interministériel à l’attractivité et à la Transition Numérique,

Monsieur le Contrôleur Général de la Sûreté Publique et ses adjoints,

Madame le Commissaire Général chargé de la Direction de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports,

Monsieur le Chef de Corps de la Compagnie des Carabiniers du Prince,

Monsieur le Secrétaire Général de la Direction des Services Judiciaires et son adjoint,

Monsieur le Directeur du SICCFIN,

Messieurs les Conseillers auprès du Secrétaire d’État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires,

Madame le Conseiller Technique au Secrétariat Général du Gouvernement, Déléguée Interministérielle pour la promotion et la protection des Droits des Femmes,

Monsieur le Directeur de la Maison d’Arrêt et son adjoint,

Madame la Directrice de l’Association d’Aide aux Victimes d’Infractions,

Monsieur le Président du Tribunal du Travail et son Vice-Président,

Madame et Monsieur les notaires,

Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de la Principauté de Monaco et les membres du barreau monégasque,

Madame l’huissier de Justice.

Enfin, la présence de nos collègues des juridictions voisines nous honore une fois de plus et témoigne des liens profonds qui unissent nos Institutions respectives :

Monsieur Renaud Le Breton de Vannoise, Premier Président de la Cour d’appel d’Aix-en Provence,

Madame Elisabetta Vidali, Président de la Cour d’appel de Gênes,

Madame Marianne Pouget, Président du Tribunal Administratif de Nice,

Monsieur Bernard Beignier, Recteur de la région académique PACA.

Cette audience solennelle de rentrée des Cours et Tribunaux s’inscrit dans la tradition qui rassemble la communauté judiciaire au début du mois d’octobre de chaque année.

Cette cérémonie revêt cependant aujourd’hui un tour particulier, puisque Madame Brigitte Grinda-Gambarini, Premier Président, qui a présidé cette audience solennelle de rentrée pendant dix ans, a été admise, sur sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite anticipée à compter du 15 juillet dernier, et Madame Sylvie Petit-Leclair, a cessé ses fonctions de Procureur Général le 26 mai de cette année, après avoir exercé ses hautes fonctions pendant près de 4 ans.

La continuité du service public de la Justice n’en est pas moins assurée, puisque suivant Ordonnance Souveraine du 26 août 2022, Monsieur Julien Pronier, Premier Substitut du Procureur Général, a été chargé des fonctions de Procureur Général par intérim, et dans l’attente de la nomination d’un magistrat à la première présidence de la Cour d’appel, il me revient, en qualité de conseiller le plus ancien, d’assurer la mission hautement symbolique d’ouvrir la nouvelle année judiciaire.

Je ne vous cache pas que mon humilité naturelle rend cette tâche difficile, cette place ayant été occupée par d’éminents magistrats dont les qualités oratoires ne sont plus à démontrer.

Mais je mesure l’immense honneur qui m’est fait de clôturer l’année judiciaire, et d’ouvrir la nouvelle année.

Les événements marquants de l’année judiciaire écoulée

La tradition de cette audience veut que préalablement à l’ouverture d’une nouvelle année judiciaire, soient rappelés les événements qui ont marqué chronologiquement notre famille judiciaire au cours de l’année écoulée.

Bousculant la chronologie, je voudrais en ce début d’audience, évoquer le départ à la retraite en juillet dernier de Madame Brigitte Grinda-Gambarini afin de lui rendre hommage pour l’œuvre accomplie au service de la Justice monégasque.

La justice a été au cœur de son engagement professionnel pendant quatre décennies et l’éthique au cœur de son action.

Ayant prêté serment en 1983, ses qualités d’éminente juriste et son entier dévouement au service de la Justice l’ont conduit à exercer les plus hautes responsabilités, celles de Président du Tribunal de première instance en 2006 puis celles de Premier Président de la Cour d’appel à compter du 13 juillet 2012.

Madame Grinda-Gambarini a également été choisie en 2004 pour exercer les fonctions de secrétaire du Conseil d’État puis par Ordonnance Souveraine du 18 septembre 2012 elle a été nommée Conseiller d’État, le Conseil d’État, selon les termes de la Constitution de la Principauté « étant chargé de donner son avis sur les projets de lois et d’ordonnances soumis à son examen par le Prince », et « pouvant être également consulté sur tous autres projets ».

Les connaissances juridiques très étendues de Madame Brigitte Grinda-Gambarini dans de nombreux domaines et ses qualités d’écoute l’ont désignée pour participer avec efficacité et détermination aux travaux de la Commission de révision des codes, en particulier au sein de la sous-commission en charge de la réforme du Code de procédure civile dont elle a assuré la présidence.

Attachée également à la transmission des savoirs, elle est intervenue régulièrement depuis 2018 auprès des étudiants en Master II de droit privé fondamental et sciences criminelles de l’Université de Nice intégrant des modules fondamentaux de droit monégasque, pour leur présenter la Cour d’appel et les spécificités du droit monégasque.

La rigueur et l’acuité de son raisonnement juridique, son sens du dialogue et de l’écoute ont marqué ceux qui ont travaillé à ses côtés.

Respectueuse de la place de chacun dans le fonctionnement institutionnel, elle a créé les conditions pour qu’une justice de qualité soit rendue en toute indépendance.

Par son investissement sans faille et son humanisme, Madame Grinda-Gambarini a marqué de son empreinte la justice monégasque.

Nous lui souhaitons de poursuivre son chemin sur un rythme désormais plus apaisé vers d’autres sommets.

D’autres événements ont marqué l’année 2021-2022

Au sein de la Direction des Services Judiciaires

Madame Sylvie Petit-Leclair, Procureur général, a été nommée Secrétaire d’État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires et Président du Conseil d’État, à compter du 1er juin 2022 par Ordonnance Souveraine du 6 avril 2022, en remplacement de Monsieur Robert Gelli qui exerçait ces fonctions depuis le 21 octobre 2019.

Madame le Secrétaire d’État à la Justice vous étiez déjà, en tant que Procureur général du 1er septembre 2018 au 30 mai 2022, l’un des acteurs principaux de l’institution judiciaire et je laisserai à Monsieur le Procureur Général par intérim le privilège de rendre hommage à son ancien Procureur Général.

Mais les magistrats du siège peuvent témoigner de votre engagement total au sein du parquet et de votre volonté de faire aboutir des projets novateurs.

Nous sommes honorés d’ouvrir ce matin, en votre présence, cette nouvelle année judiciaire.

Vous avez dévoilé lors d’une interview donnée à Monaco Matin le 13 juillet dernier, « les prémices d’une feuille de route humaine et innovante », et indiqué, je vous cite, « il est important pour Monaco de pouvoir justifier que la justice est rendue dans de bonnes conditions, sans pression politique, en toute indépendance et avec la rigueur qui s’impose ».

Vous m’avez fait part de votre volonté de moderniser le fonctionnement des institutions afin qu’il soit en harmonie avec les standards d’une justice moderne et impartiale.

Vous souhaitez ainsi faciliter l’accès des justiciables au juge en poursuivant la réforme de l’assistance judiciaire.

Vous appelez de vos vœux une réforme profonde de la procédure pénale, et une amélioration des règles régissant l’entraide pénale internationale et les extraditions, mais également vous souhaitez enrichir le droit des peines tant dans leur prononcé que dans leur exécution.

Enfin vous envisagez que l’Institut monégasque de formation aux professions judiciaires élargisse sa compétence à la formation du personnel des greffes et des surveillants de la Maison d’arrêt grâce à des partenariats avec l’École des Greffes de Dijon et l’École de l’Administration pénitentiaire.

Il vous tient à cœur que les magistrats et le personnel exercent leur mission dans des conditions professionnelles optimales marquée par la transparence et une communication institutionnelle de qualité.

Les magistrats de l’ordre judiciaire et moi-même vous assurons de notre engagement à poursuivre nos missions respectives dans le respect des normes légales et des droits garantis par la Constitution.

Il me faut maintenant évoquer le départ de plusieurs collègues

Monsieur Guy Joly, Conseiller à la Cour de révision a été admis, sur sa demande, à cesser ses fonctions auprès de la dite Cour par Ordonnance Souveraine du 9 décembre 2021. Nous lui souhaitons une paisible retraite.

Monsieur Michel Soriano, magistrat placé en service détaché, et occupant les fonctions de Juge de Paix a réintégré son corps d’origine, le 1er décembre 2021 où il a été nommé Conseiller à la Cour d’appel de Nîmes.

Madame Catherine Levy, Conseiller à la Cour d’appel, nommée en septembre 2020, a choisi de rejoindre son corps d’origine à la fin de l’année 2021. Elle a été nommée à compter du 1er janvier 2022 Avocate générale près la Cour d’appel de Bastia.

Au Tribunal de première instance, Madame Françoise Dornier, Premier juge, et Madame Carole Delorme, Juge, ont également rejoint leur corps d’origine le 1er septembre 2022. Elles ont été toutes les deux nommées au Tribunal judiciaire de Nice, respectivement en qualité de Vice-présidente et de Vice-présidente chargée des fonctions de juge des contentieux de la protection.

Monsieur Olivier Zamphiroff, Procureur Général Adjoint, faisant fonction de Procureur Général par intérim jusqu’au 31 août 2022, a cessé ses fonctions à compter de cette date.

Tous ces magistrats ont, durant leur détachement, contribué au service de la justice monégasque avec une très grande conscience professionnelle et nous leur exprimons notre gratitude pour leur engagement. Nous leur souhaitons de s’épanouir professionnellement et humainement dans l’exercice de leurs nouvelles missions.

Certaines nominations et promotions sont corrélativement intervenues au cours des derniers mois.

Nous les évoquerons, comme il est d’usage, de façon chronologique.

Madame Cyrielle Colle, Premier substitut du Procureur Général, a été nommée Juge de Paix à compter du 1er décembre 2021.

Monsieur Laurent Le Mesle, Conseiller à la Cour de révision depuis le 5 décembre 2017, a été nommé Vice-président de ladite Cour par Ordonnance Souveraine du 17 décembre 2021.

Madame Valérie Sagné a été nommée Premier substitut du Procureur Général à compter du 1er janvier 2022.

Monsieur Morgan Raymond, Premier juge au Tribunal de première instance, a été nommé Vice-président dudit Tribunal à compter du 1er mars 2022.

Enfin, tout récemment, Madame Marie-Hélène Pavon-Cabannes a été nommée Conseiller à la Cour d’appel à compter du 1er septembre 2022.

Notre famille judiciaire adresse à ces magistrats ses vœux de bienvenue ou de bonne continuation au sein de notre Institution.

Par ailleurs deux magistrats détachés doivent prochainement venir remplacer leurs prédécesseurs au Tribunal de première instance. Nous nous réjouissons de cette perspective.

En ce qui concerne le Greffe général

Madame Chloé Benvenuti et Madame Christèle Settinieri ont été nommées Greffiers au Greffe général à compter du 1er octobre 2021.

Madame Nathalie Dehan-Salmassi a été nommée Greffier stagiaire au Greffe général à compter du 11 janvier 2022.

Madame Marine Cosso a été nommée Greffier stagiaire au Greffe général à compter du 1er mars 2022.

Concernant le Barreau monégasque

Maître Grégoire Gamerdinger a été admis en qualité d’avocat-stagiaire à la Cour d’appel, par Arrêté du Secrétaire d’État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires du 12 janvier 2022.

Maître Arnaud Cheynut, Avocat au barreau de Monaco, a été admis à exercer la profession d’avocat-défenseur, à compter du 14 janvier 2022, par Ordonnance Souveraine du 11 février 2022.

Quant à Maître Sophie Lavagna et Maître Alice Pastor, Avocats-défenseurs près notre Cour d’appel, elles ont toutes deux été admises sur leur demande à cesser leurs fonctions respectivement à compter du 15 février 2022 et 29 juillet 2022.

À la Maison d’arrêt

Monsieur Olivier Richaud, Directeur adjoint, a été désigné en qualité de Directeur de la Maison d’Arrêt à compter du 17 novembre 2021, par Ordonnance Souveraine du 23 novembre 2021, en remplacement de Monsieur Jean-Yves Gambarini, admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 16 novembre 2021 et auquel l’honorariat a été conféré par Ordonnance Souveraine du 4 novembre 2021.

Madame Cécile Cresto-Pizio, Capitaine de Police à la Direction de la Sûreté Publique, a été nommée Directeur adjoint de la Maison d’arrêt à compter du 3 janvier 2022 par Ordonnance Souveraine du 3 janvier 2022.

La Compagnie judiciaire a été honorée à l’occasion de la fête nationale puisque :

Monsieur Jean-Yves Gambarini, Directeur Honoraire de la Maison d’arrêt et Monsieur Didier Linotte, Président du Tribunal Suprême ont été promus au grade d’Officier dans l’Ordre de Saint-Charles.

Monsieur Jacques Raybaud, Conseiller à la Cour de Révision, Monsieur Didier Ribes, Vice-Président du Tribunal Suprême, Maître Christophe Sosso, Avocat-défenseur et Madame Nadine Vallauri, Greffier en chef adjoint au Greffe général ont été nommés Chevalier dans l’Ordre de Saint-Charles.

Un événement particulièrement triste a marqué l’année écoulée

Le décès brutal le 19 octobre 2021 du Professeur Jean-François Renucci, Vice-Président de la Cour de Révision, a suscité une vive émotion au sein de notre institution et de l’Université Côte d’Azur.

Notre famille judiciaire s’est associée à l’hommage que lui a rendu Madame Cécile Chatel-Petit, Présidente de la Cour de Révision, le 14 mars 2022.

Auteur d’un manuel de Droit européen des droits de l’homme, et ayant centré ses activités sur les droits fondamentaux, le Professeur Jean-François Renucci a contribué à diffuser en Principauté la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme notamment par la veille mensuelle qu’il rédigeait sur ce thème dans le Bulletin d’information de la Cour de Révision.

Le Professeur Jean-François Renucci a été, aux côtés de Monsieur le Professeur Yves Strickler, l’un des précieux contributeurs à la création de l’Institut monégasque de formation aux professions judiciaires qui a vu le jour suivant Ordonnance Souveraine du 12 avril 2021, selon les vœux de Monsieur le Secrétaire d’État à la Justice Robert Gelli.

Le Professeur Jean-François Renucci a également activement participé aux travaux de la Commission de mise à jour des codes aux côtés notamment de Monsieur Laurent Le Mesle.

Conformément aux dispositions de l’article 47 de la loi du 24 juin 2013 relative à l’administration et à l’organisation judiciaires, un discours de rentrée doit être prononcé au cours de cette audience.

C’est aujourd’hui Monsieur Laurent Le Mesle, dont la longue et brillante carrière de magistrat ne peut être retracée en quelques mots ni même en quelques lignes, qui sera l’orateur de cette audience solennelle. Rappelons que Monsieur Laurent Le Mesle, a occupé des postes prestigieux, tant en qualité de Directeur de cabinet de deux gardes des Sceaux et de Conseiller pour la Justice du Président de la République, qu’en occupant le poste de Procureur Général près la Cour d’appel de Paris, et de Premier Avocat Général à la Cour de cassation, avant de devenir Conseiller à la Cour de révision de Monaco, puis Vice-président de cette haute institution.

Après le Code d’instruction criminelle promulgué le 31 décembre 1873 par le Prince Charles III, l’œuvre législative de restructuration de la procédure pénale entreprise par le Prince Albert Ier a abouti à la promulgation du Code de procédure pénale le 25 octobre 1904.

Le Baron De Rolland, Vice-président du Conseil d’État et Président du Tribunal supérieur qui a participé à l’élaboration de ce code rappelait que « les formes de la procédure sont destinées à éclairer l’action de la justice et à protéger la liberté des citoyens ».

Dans un État de droit, le formalisme au sein de l’organisation et du fonctionnement de la justice est un principe essentiel, protecteur des droits des justiciables.

La procédure pénale poursuit sa nécessaire évolution et Monsieur Laurent Le Mesle a choisi ce matin d’évoquer « Les enjeux et perspectives de la procédure pénale ».

Je laisse la parole à notre orateur. ».

*

*    *

Monsieur Laurent Le Mesle, Vice-président de la Cour de Révision, prenait alors la parole :

« Enjeux et perspectives de la procédure pénale

Lorsqu’il y a quelques mois, Brigitte Gambarini qui, jusqu’au terme prévu, a assumé avec la finesse et l’engagement qu’on lui connaît ses éminentes responsabilités, m’a confié la charge du discours de rentrée, il nous est apparu évident, à l’un et à l’autre, que celui-ci devrait porter sur des questions de procédure pénale. Mais il est des évidences immédiates qui n’en sont plus nécessairement quelques mois plus tard. Pourquoi parler encore de procédure pénale ? Tout n’a-t-il pas déjà été dit ?

Il y a bien sûr un sujet actuel : la réforme préparée dans cette maison et maintenant soumise au Conseil national. Ayant participé au comité ad hoc qui, au sein de la Commission de mise à jours des codes, a réfléchi aux évolutions nécessaires de notre droit pénal et de notre procédure, j’ai bien sûr suivi les différentes étapes de ce dossier. Mais si je n’en ignore ni les points saillants ni les grands équilibres, je ne suis pas pour autant le plus à même d’en parler. Ce groupe de travail réunissait d’éminents professeurs de droit, parmi lesquels notre ami Jean-François Renucci dont l’absence se fait toujours aussi cruellement sentir, et auquel je voudrais dédier ce discours, des magistrats des juridictions du fond, des avocats et un commissaire de police qui, tous, à des titres divers, ont un point de vue, d’évidence plus aiguisé que le mien car nourri d’une pratique encore actuelle des questions que nous avons traitées. Et puis, comment parler de façon définitive d’une réforme qui n’a pas encore été adoptée, et qui est toujours susceptible d’évolutions, voire d’évolutions importantes ?

Mon sujet n’est donc pas, ne peut pas être, la description de la réforme à intervenir. Au demeurant j’ai, en préparant ce discours, évolué comme le font, je crois, tous ceux qui projettent une intervention devant un auditoire que l’on sait exigeant : mon premier jet était touffu, pléthorique même, et se compliquait inutilement de prétentions à l’exhaustivité, et puis en avançant, j’ai élagué et encore élagué, au point d’aboutir à un produit, certes bien menu au regard de la somme des questions posées, mais de nature à traduire, je crois, les équilibres sur lesquels il convient d’insister.

J’ai pu constater au sein de la Cour de révision l’importance, à la fois en nombre et en qualité, des sujets de procédure pénale. Leur proportion par rapport à la totalité des pourvois dont nous sommes saisis varie selon les années, mais ils représentent généralement nettement plus du tiers de nos saisines, avec un pic à plus de 50% en 2020. Souvent nous trouvons dans le droit actuel les outils nécessaires à la solution des questions que nous posent ces nombreux pourvois, mais il arrive parfois que, dans cette matière où les enjeux évoluent très rapidement, peut-être plus encore que dans les autres domaines du droit, une hésitation légitime se fasse jour quant à la solution adéquate, comme d’ailleurs avant nous chez nos collègues du tribunal et de la cour d’appel. La réflexion sur les enjeux de la procédure pénale doit donc être permanente car c’est à ce prix que peuvent se dessiner les perspectives utiles. Enjeux et perspectives de la procédure pénale, voilà donc notre sujet.

C’est un sujet essentiel. Dans un monde où les relations entre les personnes se tendent, dans la vie de tous les jours comme dans les médias ou sur les réseaux sociaux, comme le montrent tant les faits divers que le débat politique, dans un monde où les intérêts particuliers paraissent l’emporter, chaque jour davantage, sur l’intérêt général lorsque d’ailleurs ce n’est pas ce dernier qui est, lui-même, repeint par chacun aux couleurs de ses propres aspirations, dans un monde d’où disparaissent, peu à peu mais de manière qui semble inexorable, la nuance et la mesure, l’équilibre et le respect des autres, et même la simple recherche honnête de la vérité, comme s’il ne s’agissait plus de vertus indispensables à la vie en société mais de contraintes, devenues insupportables à beaucoup parce que venant contrarier tant l’expression immédiate que la satisfaction, qu’ils estiment forcément légitime, de leurs propres besoins ou de leurs propres désirs, dans un monde enfin où la demande de régulation sociale augmente au rythme même où s’étiole la confiance dans les institutions, dans ce monde-là donc se fait plus que jamais sentir la nécessité de la justice pénale, en ce qu’elle doit fonder une règle du jeu admise et respectée de tous, en proportion de l’équité et de l’effectivité de la sanction qu’elle a mission d’infliger aux auteurs d’infractions.

Cette exigence de Justice est d’ailleurs multiforme et, parfois, ambiguë. Il faut bien sûr de l’écoute et du débat, car que serait la Justice sans le respect des droits de la défense et des principes qui fondent le « procès équitable » ? Mais on attend aussi de l’institution judiciaire de l’efficacité et des résultats. Au demeurant, cette double exigence est légitime. Il n’y a pas de Justice sans un débat contradictoire loyal où les droits de tous sont effectivement reconnus et respectés, mais on conviendra aussi qu’en s’octroyant le monopole de la sanction légitime, les États ont contracté un devoir d’efficacité. La recherche du juste équilibre entre ces attentes, parfois contradictoires, est complexe, et il n’est pas anormal que, dans tous les pays où, comme en Principauté, c’est l’État de droit qui est le cœur battant de l’institution judiciaire, le législateur, puis le juge, aient, de façon pragmatique, procédé par approches successives. C’est cette recherche, sans cesse réinterrogée, d’un équilibre nécessaire et néanmoins incertain qui constitue l’enjeu essentiel de notre procédure pénale, et doit donc en dessiner les perspectives. Fidèle à ce que je vous ai dit de la brièveté nécessaire, je n’en prendrai que trois illustrations, mais elles m’apparaissent importantes.

a/ - Renforcer encore le débat contradictoire -

Il n’y a pas de justice sans respect du contradictoire. Et il n’y a pas de contradiction qui vaille non seulement sans avocats, bien sûr, mais encore sans que ceux-ci soient dotés des moyens juridiques nécessaires à l’exercice efficace de leur mission. De ce point de vue, l’une des réformes les plus attendues, celle sur laquelle je souhaite tout particulièrement insister ici, tient à ce qu’il ne puisse plus y avoir d’interrogatoire de première comparution ni donc d’inculpation dans un dossier d’instruction sans que le défenseur ait été dûment appelé, qu’il ait pu avoir accès au dossier et ait pu communiquer librement avec la personne mise en cause, ce qui vaut a fortiori pour le placement en détention provisoire, lorsque la question se pose. Sera ainsi complétée, dans notre paysage judiciaire, la garantie efficace des droits de la défense : plus aucun interrogatoire sans avocat, que les éléments du dossier conduisent à l’inculpation du mis en cause ou bien à le faire bénéficier de ce statut intermédiaire de témoin assisté qu’il est aussi proposé d’introduire dans notre droit procédural. Dans le même ordre d’idée, nous avons proposé de parfaire encore les garanties offertes aux mis en cause en ajoutant au droit actuel de la garde à vue, déjà très protecteur, l’assistance obligatoire d’un avocat lors de la prolongation de cette mesure au-delà du délai de 24h, à l’instar de ce qui se passe déjà lors du placement initial sous ce régime.

Droit à l’assistance d’un avocat, très large accès de celui-ci au dossier de la procédure, liberté et confidentialité de l’entretien de l’avocat avec son client, le tout expressément prévu à peine de nullité…notre procédure pénale, déjà nourrie au lait des standards européens, se trouvera ainsi confortée au niveau d’excellence qui est le sien. Il faut s’en féliciter comme il faut se féliciter d’une façon générale de tout ce qui vient renforcer la qualité et l’équité du débat judiciaire.

J’ai été très frappé de lire l’autre jour, dans une interview donnée à l’Obs par le tout nouveau Premier Président de la Cour de cassation française, Christophe Soulard, les propos suivants : « je crois que la Justice peut prendre l’allure d’un contre-modèle par rapport aux réseaux sociaux. Les critères qui sont les nôtres sont les exigences de vérité, de vérification des faits et d’honnêteté dans les décisions » et il ajoutait à propos des réseaux sociaux « ils cultivent l’entre-soi (…) et ne reposent pas sur l’échange contradictoire. (…) Les citoyens sont tous capables de se rendre compte que les modes de fonctionnement de la Justice sont infiniment préférables à des phénomènes de lynchage mettant en scène des individus qui n’ont pas réellement les moyens de se défendre ».

On ne peut qu’adhérer à cette façon de voir. En effet c’est parce qu’elle favorise le débat contradictoire, garantit les droits de la défense et s’astreint à faire jaillir une vérité exigeante, opiniâtrement traquée bien au-delà des évidences immédiates, certes commodes mais si souvent trompeuses, que la procédure pénale constitue ce cadre de référence qui manque tant aux échanges quotidiens de nos contemporains. Parce qu’il porte sur l’essentiel, le travail de justice ne doit jamais céder à la facilité. Puisse le débat contradictoire toujours l’en préserver !

b/ - Nommer précisément les choses -

C’est la deuxième observation que m’inspire le travail actuellement en cours. Je ne sais pas si, comme le disait Camus, « mal nommer un objet c’est ajouter au malheur du monde ». En revanche, je suis persuadé que ne pas nommer précisément les notions juridiques et, par voie de conséquence, insuffisamment les définir, c’est prendre le risque de fausser le débat judiciaire, en tous les cas de porter atteinte à la prévisibilité des décisions de justice, et donc plus globalement à la sécurité juridique. L’un des maux des sociétés contemporaines réside dans l’utilisation trop fréquente de périphrases dont le seul objet est d’éviter de dire clairement les choses, de peur qu’une expression trop crue de la vérité ne gêne ou ne blesse. Mais la périphrase c’est le règne de l’à peu près, et le droit ignore, ou devrait ignorer, l’approximation. De ce point de vue, il m’apparaît que l’on doit se féliciter que notre procédure pénale ait su conserver le terme d’inculpé pour définir le statut de celui qui s’est vu notifier par le juge d’instruction qu’il y avait à son encontre des « indices sérieux de culpabilité rendant plausible sa participation aux faits ». Qui pourra nier qu’ « inculpation » exprime plus clairement la réalité de cette situation que « mise en examen » ?

C’est dans cet esprit que sont proposées plusieurs définitions, ou redéfinitions, essentielles. Ceux qui ne sont pas familiers de notre procédure pénale seront peut-être étonnés d’apprendre qu’il n’y a, jusqu’à présent, dans le droit monégasque ni définition, ni même description de l’enquête préliminaire. Bien sûr, la nature ayant horreur du vide, une forme d’enquête, non nommée et dépourvue de vrai statut, qui n’est ni l’instruction préparatoire, ni l’enquête de flagrance, et que l’on ne peut d’ailleurs identifier que par ce double a contrario, existe dans la pratique. Mais on ne trouvera ni définition, ni cadre juridique spécifique dans le droit actuel. C’est au demeurant aussi le cas ailleurs : le plus souvent l’enquête préliminaire est née de la pratique et obéit à la nécessité.

Le projet propose une définition : « L’enquête préliminaire est l’ensemble des actes de police judiciaire ayant pour objet de recueillir tout indice utile à la manifestation de la vérité, et pour finalité de permettre à l’autorité judiciaire de prendre toute décision utile quant à la poursuite des crimes et délits », il apporte ensuite les précisions nécessaires quant à l’ouverture de cette enquête, ses organes, ses délais et son issue. Surtout, est donné une définition des actes de l’enquête préliminaire : « actes d’administration de la preuve ayant pour objet la recherche des indices destinés à imputer l’infraction à un ou plusieurs auteurs, et pour finalité la manifestation de la vérité » - le tout en une quinzaine d’articles que, toujours fidèle à mon parti pris de synthèse, je ne détaillerai pas davantage. Vous avez compris que ce qui m’intéresse ici, c’est moins le fond des choses que le fait qu’elles soient nommées et nommées avec précision.

Cet effort de définition apparaît dans plusieurs autres dispositions du projet. Ainsi dans celles qui sont consacrées à l’instruction : « l’instruction est l’ensemble des actes accomplis ou délégués par le juge d’instruction ayant pour objet de rechercher les auteurs, coauteurs et complices d’infractions, de rassembler les preuves et de prendre les mesures destinées à permettre aux juridictions de statuer en connaissance de cause. (…) L’instruction est menée à charge et à décharge. »

Au demeurant, ce ne sont pas seulement les grandes notions comme l’enquête préliminaire et l’instruction qui font ainsi l’objet de définitions aussi précises qu’il est possible, cet effort de précision habite tout le projet, et il me semble que c’est une démarche vertueuse. Bien au-delà des notions qui sont ainsi précisées, bien au-delà de la procédure pénale elle-même, cette volonté de toujours nommer et toujours définir n’est pas sans lien avec l’une des grandes questions qui traversent les démocraties modernes, celle de la légitimité du juge observée dans les relations qu’il entretient avec la norme qu’il a la charge d’appliquer. C’est un sujet en soi, et je ne vais donc faire ici que l’effleurer très superficiellement.

On reproche souvent au juge d’empiéter sur les attributions du pouvoir législatif. En réalité, personne ne peut contester que le juge doive interpréter la loi lorsqu’elle est obscure ou vieillissante, voire qu’il la complète lorsque c’est nécessaire ; cela fait partie intégrante de ce que l’on appelle communément son office. On ajoutera qu’en raison de l’inflation législative moderne le juge doit aussi parfois trancher entre normes contradictoires. Et ce qui est vrai en droit interne l’est encore davantage lorsque le juge doit confronter la loi interne à la norme conventionnelle. La particularité du droit conventionnel tient à ce qu‘il est souvent elliptique et demande donc à être précisé. Il s’agit quasiment d’une norme en mouvement à l’expression de laquelle le juge doit participer, d’ailleurs de façon déterminante, et ce au moment même où il lui est demandé de l’appliquer, ce qui suscite bien sûr des interrogations tant en termes de légitimité du juge que de prévisibilité de ses décisions.

Compliquée à résoudre au plan international, cette problématique l’est assurément moins au plan interne. Qui, en effet, pourrait contester qu’il appartient au législateur de préciser la norme qu’il adopte pour qu’il n’y ait ni doute sur son sens exact ni incertitude sur sa portée ? Il me semble que cette exigence de précision, justifiée en toutes matières, l’est sans doute encore plus dans le code de procédure pénale, c’est-à-dire dans le texte qui, parmi tous, concerne le plus directement les libertés fondamentales.

c/ - Assurer un équilibre procédural -

Je n’ai jamais considéré, pour ce qui me concerne, que l’efficacité était un gros mot et que l’institution judiciaire devait l’ignorer par principe, ou alors ce serait payer bien cher le privilège d’être désigné par le nom d’une vertu. J’ai dit qu’il n’y avait pas de Justice sans un débat judiciaire contradictoire, respectueux et approfondi ; je veux ajouter qu’il n’y a pas de Justice où ne serait garantie l’effectivité des procédures. C’est également un souci qui a animé notre groupe de travail, je veux en prendre pour exemple le régime des nullités de procédure.

Le régime des nullités est le marqueur des grands équilibres de la procédure pénale, équilibre entre droits de la défense et contraintes de la poursuite, entre protection des libertés et nécessités de la lutte contre la délinquance, entre présomption d’innocence et politiques pénales. On serait tenté d’ajouter, en cette période où le combat pour l’État de droit montre en d’autres parties de l’Europe toute sa profondeur tragique, que le régime des nullités de procédure, précisément parce qu’il a vocation à assurer la garantie des libertés essentielles, est aussi un marqueur de la démocratie.

On a vu que les réformes de procédure pénale se succèdent, ici comme ailleurs, pour mieux intégrer les droits fondamentaux. Pourtant il ne servirait à rien d’élaborer des règles toujours plus protectrices et sophistiquées si leur violation était dépourvue de sanction. C’est l’exact objet du régime des nullités, souvent appelées nullités de l’instruction, mais le cadre en est plus large et englobe toutes les phases de la procédure.

Beaucoup de pays ont abandonné la distinction classique entre nullités textuelles (celles qui sont expressément prévues par les textes) et nullités substantielles (celles qui viennent sanctionner les manquements jugés les plus importants, même lorsqu’aucune disposition ne le prévoit expressément), au profit d’une nouvelle distinction, téléologique en quelque sorte, entre nullités d’ordre public et nullités d’intérêt privé, seules les secondes nécessitant la preuve d’un grief. À Monaco, c’est la première distinction qui a cour, à savoir que certains textes stipulent expressément que telle règle est prévue « à peine de nullité », ainsi notre actuel article 166 du code de procédure pénale : « lors de la première comparution, le juge d’instruction constate l’identité de l’inculpé, lui fait connaître les faits qui lui sont imputés et reçoit ses déclarations, après l’avoir averti qu’il est libre de ne pas en faire. Le procès-verbal doit, à peine de nullité de la procédure ultérieure, contenir mention de cet avertissement », montrant ainsi clairement que dans un alinéa qui oblige le juge tout à la fois à une information sur les faits et à un avertissement sur les droits, seule la mention de ce dernier est prévue à peine de nullité. Pour le reste nous disposons d’un texte général, l’article 207 du même code, qui dispose qu’en « dehors des nullités expressément prévues par la loi, il y a également nullité en cas de violation des dispositions substantielles », et l’on sait par ailleurs (article 456 du CPP) que sont considérées comme substantielles « les formes constitutives de la juridiction ou de la décision et celles prescrites pour garantir l’exercice de l’action publique ou celui des droits de la défense ».

Dans son état actuel, la réforme proposée, si elle complète les obligations du juge dans le sens que nous avons dit, ne modifie pas cet équilibre. On peut ainsi lire, au 2° du nouvel article 166 : « avant de procéder à l’interrogatoire, le juge d’instruction informe la personne sur le point d’être inculpée de son droit de choisir un avocat parmi les avocats défenseurs ou les avocats exerçant près la cour d’appel de Monaco, ou de demander qu’il lui en soit désigné un d’office. L’accomplissement de cette formalité est mentionné à peine de nullité de toute la procédure ultérieure ».

Il me semble que le maintien dans notre procédure des nullités textuelles, et par voie de conséquence de la distinction fondamentale : nullités textuelles/nullités substantielles, est heureux, et ce à un double titre.

-  D’abord parce cette distinction est source de sécurité juridique, plus en tous cas que la seule distinction entre les nullités d’ordre public et les nullités à grief. Par hypothèse, dans le système qui résulte de cette dernière distinction ne sont en effet prévus par la loi ni les nullités, ni leur régime, de sorte que c’est à chaque fois au juge de préciser les unes et les autres. Quels manquements ouvrent la voie au prononcé de nullités ? Et parmi ces dernières, quelles sont celles qui vont nécessiter la preuve d’un grief de la part de celui qui l’invoque ? Tout cela n’est donc affaire que de jurisprudence. Au contraire, dans notre système, c’est le législateur qui dit ce qui est nul de plein droit. Or il me semble que cela ressortit très exactement à sa mission.

-  Ensuite parce que, pour autant, ce système conserve une souplesse nécessaire en ce qu’il préserve la marge d’appréciation du juge à chaque fois que le législateur n’aura pas érigé un manquement en cause obligatoire de nullité. Par exemple, lorsqu’est invoquée une atteinte aux droits de la défense à l’appui d’une nullité non expressément prévue par un texte, il appartient au juge de rechercher dans les éléments de la cause la réalité de cette atteinte. C’est une appréciation qui s’opère in concreto, c’est-à-dire au-delà des pétitions de principe, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et qui permet donc tout à la fois de sanctionner les entorses avérées aux droits fondamentaux et de sécuriser les procédures en écartant les griefs purement formels.

C’est à cette sécurisation des procédures que s’attache aussi l’instauration envisagée d’un système de purge des nullités. Jusqu’à présent, le délai encadrant les requêtes en nullité était prévu à l’article 218 du code de procédure pénale : « toutes les nullités sont couvertes par l’ordonnance de renvoi lorsqu’elle est devenue définitive ». Donc, en l’état actuel, s’il ne peut plus y avoir de requête en nullité après la clôture de l’instruction, rien ne vient les limiter pendant celle-ci, quelle que soit sa durée, ce qui est bien sûr facteur d’une grande incertitude, et l’incertitude est l’ennemie de la sécurité juridique. C’est pourquoi il est proposé, à l’instar de ce qui existe par exemple en France, de prévoir que les parties puissent soulever la nullité d’un acte dans les six mois de cet acte, ou, en cas de pluralité d’actes annulables, dans les six mois du dernier de ceux-ci.

Qu’on ne s’y trompe pas !, c’est à cette condition que pourra être assuré l’équilibre entre approfondissement des droits fondamentaux et nécessités de la procédure, équilibre dont vous avez compris qu’il était le fil conducteur de mon intervention. Loin de marquer une limite aux droits des parties, cette mesure en signe au contraire une forme d’aboutissement. De la même manière qu’il n’y a pas de liberté sans responsabilité, il ne saurait y avoir de protection efficace des libertés, sans qu’à tous ses stades soit garantie la sécurité de la procédure. ».

*

*    *

Madame le Conseiller à la Cour d’Appel faisant fonction de Premier Président reprenait :

« Monsieur le Vice-président de la Cour de Révision, je vous présente au nom de toute notre assemblée de vifs compliments pour la qualité de votre brillant exposé qui ne peut qu’enrichir notre réflexion sur les enjeux de la procédure pénale.

La réforme de procédure pénale envisagée dont vous venez de nous rappeler les enjeux et perspectives sera assurément un outil précieux tant pour le juge qui a la charge d’appliquer la norme juridique que pour le justiciable.

Les magistrats que nous sommes ne peuvent qu’être sensibles à votre exposé aux termes duquel vous rappelez que la qualité du débat judiciaire nécessite un strict respect du contradictoire et que l’incertitude est l’ennemi de la sécurité juridique. Vous avez choisi comme fil de votre intervention l’équilibre, dont l’étymologie latine « aequilibrium : exactitude des balances » renvoie à la mission première du juge : rechercher l’équilibre du droit et assurer l’équilibre des droits des parties.

Les réalisations importantes de l’année écoulée

Si la réforme de la procédure pénale est toujours en débats, la réforme de la procédure civile, qui trouve également son origine dans les travaux de la Commission de mise à jour des codes, a, quant à elle, vu le jour avec la promulgation de la loi du 2 décembre 2021 portant modification de la procédure civile.

Le Professeur Yves Strickler lors de son allocution à l’audience solennelle de rentrée du 1er octobre 2020 a rappelé que « plus qu’un droit servant, la procédure est un droit fondamental ».

La procédure détermine les formalités dont l’accomplissement permet à une juridiction de trancher un litige et aux justiciables d’assurer l’effectivité de leurs droits.

Le droit processuel est en constante évolution pour s’adapter à de nouvelles réalités judiciaires, comme en témoignent les 59 réformes et modifications qui ont d’ores et déjà été apportées au Code de procédure civile promulgué le 5 septembre 1896.

La loi du 2 décembre 2021 portant modification de la procédure civile s’inscrit dans cette dynamique, en ce qu’elle constitue une évolution et non pas une révolution.

Des dispositions ont été créées pour répondre aux besoins de la pratique et rendre la justice plus efficace et plus accessible, s’agissant notamment de l’instauration de la pratique des conclusions récapitulatives dans les cas où la représentation par avocat est obligatoire, de la création de la cassation sans renvoi en matière civile pour la Cour de révision, de la procédure permettant d’ordonner par voie de requête des mesures d’instruction pour conserver ou établir des éléments de preuve avant tout procès, de l’instauration de la pratique de l’astreinte et de la création d’une assistance judiciaire partielle.

D’autres dispositions ont été actualisées pour être plus adaptées à une justice moderne et rapide, s’agissant notamment de l’amélioration des règles qui gouvernent la mise en état des affaires, de l’obligation de la représentation par un avocat-défenseur devant le Tribunal de première instance, de l’actualisation des compétences du Juge de Paix, de la clarification des pouvoirs du juge des référés.

Nous nous félicitons que l’Institut monégasque de formation aux professions judiciaires ait organisé les 3 et 7 février 2022 des journées de formation continue sur cette loi nouvelle au bénéfice des différents acteurs du procès civil que sont les magistrats, les avocats et les greffiers.

En effet, ces journées ont été riches d’échanges et d’enseignement grâce à la qualité et la diversité des interventions faites par la Direction des Services Judiciaires, la Direction des Affaires Juridiques, Maître Thomas Brezzo, Président de la commission de législation au Conseil National, le Professeur Strickler, et par les magistrats : Madame Cécile Chatel-Petit, Madame Brigitte Grinda-Gambarini et Monsieur Julien Pronier.

Madame le Greffier en Chef, Mesdames ses adjoints, la réforme de la procédure civile concerne les techniciens de la procédure que vous êtes. Nous saluons votre investissement dans la formation suivie afin de mieux appréhender ces nouveaux textes et votre implication dynamique dans la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions aux côtés des magistrats et des auxiliaires de justice.

Les avocats défenseurs ont donné vie déjà à plusieurs des dispositions nouvelles de cette loi entrée en vigueur le 18 février 2022, et les magistrats commencent à mesurer l’impact de ces dispositions sur la mise en état des affaires civiles dont le mécanisme repose sur le respect du délai raisonnable.

Un autre texte voté par le Conseil National a retenu en particulier l’attention de l’ordre judiciaire.

Il s’agit de la loi n° 1.517 du 23 décembre 2021 portant réforme des dispositions relatives à l’incrimination des agressions sexuelles.

Cette loi traduit la volonté du législateur de doter la Principauté d’un droit pénal qui appréhende mieux certains comportements constitutifs de violences de nature sexuelle.

C’est ainsi que des textes d’incriminations ont été modernisés pour définir les éléments constitutifs de l’exhibition sexuelle, du harcèlement sexuel, du chantage sexuel et de l’atteinte sexuelle.

Jusqu’alors, le mot « consentement » n’était pas explicitement mentionné dans la définition des infractions sexuelles, qu’il s’agisse du viol ou des agressions de cette nature.

Comme d’autres pays européens, le législateur monégasque a souhaité désormais définir le viol et les autres agressions sexuelles en référence à l’absence de consentement, mettant ainsi en exergue la primauté de l’autonomie personnelle et l’exigence de garantir la liberté individuelle.

Dès lors l’usage de la violence, de la contrainte ou de la surprise permettent de caractériser l’absence de consentement, à titre d’élément probatoire sans que cette liste ne soit exhaustive.

La loi s’attache aussi à réprimer les infractions sexuelles sur les mineurs : il est prévu une présomption irréfragable d’absence de consentement lorsque le viol ou l’agression sexuelle est commise sur un mineur de moins de 13 ans, et lorsque que le viol ou l’agression sexuelle sont incestueux sur un mineur, quel que soit son âge.

Pour faciliter les poursuites et améliorer les délais de réparation pour les victimes certaines infractions d’agressions sexuelles ont été correctionnalisées sans en diminuer les peines encourues.

Nous nous félicitons que des magistrats du siège et du parquet aient participé en avril 2021 à la première session de formation à l’accueil des victimes de violence, qui a été organisée par la Direction des ressources humaines et de la Formation de la fonction publique, sous l’égide de Madame Céline Cottalorda, Conseiller technique, déléguée interministérielle pour la promotion et la protection des droits des femmes.

Il est encore question d’adaptation du droit et de nos pratiques aux évolutions de la société, avec la transition numérique qui a des implications nombreuses dans le fonctionnement de nos juridictions, et qui s’est déployée dans plusieurs projets sous l’impulsion de Monsieur Robert Gelli.

La restriction d’accès aux seuls magistrats et avocats monégasques à la base de données jurisprudentielles JURIMONACO, site intranet de la DSJ, pouvait apparaître en contradiction avec le respect du droit au procès équitable tel que défini par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ainsi qu’avec le principe de l’accès aux documents publics rappelé par une Recommandation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe.

C’est ainsi que dans le cadre de la refonte du site internet LEGIMONACO, vitrine du droit et de la législation monégasque, menée par la Direction des Affaires Juridiques, il a été décidé que ce site sera enrichi de certaines décisions accessibles aux avocats monégasques figurant dans le site JURIMONACO, s’agissant des décisions qui ont été rendues publiquement et qui seront dûment anonymisées.

Techniquement ce projet est bien avancé, puisque des magistrats de nos juridictions ont été associés dans un panel d’utilisateurs pour tester les nouvelles applications.

J’évoquerai rapidement qu’en 2022 les bases du serveur informatique de la DSJ ont été consolidées et que la refonte de l’application métier ESABORA LEX intervient ces jours-ci, dans une configuration conforme aux normes actuelles de sécurité informatique.

Ce socle consolidé devrait permettre le développement de l’intermédiation avec le barreau monégasque, les huissiers et les experts.

C’est un autre chantier à venir et nous saluons l’investissement dans ces projets de Monsieur Richard Dubant, Conseiller auprès de Madame le Secrétaire d’État à la Justice, de Monsieur Emmanuel Barriera, Responsable du service informatique à la Direction des Services Judiciaires, et de son équipe.

Il nous faut maintenant rendre compte de l’activité interne des différentes juridictions.

Je n’évoquerai que les données les plus significatives car l’analyse des plaquettes statistiques qui sont à votre disposition remplaceront de longs développements.

S’agissant de l’activité de la Justice de paix il convient de saluer la prise de fonction dynamique et réactive de Madame Cyrielle Colle qui s’est appropriée sans attendre ce nouveau contentieux comme en témoigne la stabilité du nombre de jugements rendus et l’augmentation de près de 25% du nombre d’ordonnances rendues au cours du dernier exercice.

L’activité civile du Tribunal de première instance, après une baisse des enrôlements pendant la crise sanitaire des deux dernières années, enregistre une hausse des affaires nouvelles de l’ordre de 8%. Dans le même temps le nombre d’affaires terminées, qui avait légèrement fléchi depuis 2019 a progressé de 12%.

D’une manière générale, qu’il s’agisse de l’activité de droit commun du Tribunal de première instance, de l’activité civile des cabinets des juges tutélaires, comme de l’activité civile de la Cour d’appel, nous pouvons nous réjouir du maintien d’un taux de couverture positif, le nombre d’affaires terminées continuant d’excéder le nombre d’affaires nouvelles.

Le Tribunal correctionnel témoigne d’une bonne réactivité avec un nombre de décisions rendues équivalent à celui du dernier exercice judiciaire.

Les indicateurs fournis par l’activité de la Cour de révision tendent à confirmer cette année encore la qualité du travail fourni par les juridictions dont les décisions lui sont dévolues, puisque sur 74 décisions rendues, seules 4 cassations sont intervenues.

Malgré les contre coups subis par notre Institution au cours des deux dernières années marquées par la crise sanitaire, impliquant repli sur soi, accès réglementés aux audiences et aux locaux pour les avocats et les justiciables, nous nous félicitons des facultés de résistance et de résilience développées par l’ensemble des acteurs du monde judiciaire qui permettent à notre institution de reprendre progressivement un fonctionnement plus propice aux relations humaines dont nous avons tous besoin.

Je souligne l’engagement quotidien de l’ensemble de nos adjoints, agents de greffe et appariteurs, lesquels contribuent, chacun à leur place, au bon fonctionnement de notre institution.

Nous remercions les membres du barreau que vous représentez Monsieur le Bâtonnier ainsi que les huissiers de justice pour leur coopération constante et attentive à l’œuvre de justice qui nous rassemble.

Nonobstant les postes vacants, l’implication de l’ensemble des magistrats est constante pour assurer la continuité du service public de la justice et tout mettre en œuvre pour rendre une justice de qualité.

Avant de céder la parole à Monsieur le Procureur Général par intérim, permettez-moi d’émettre le souhait que nous puissions lors de la prochaine audience solennelle de rentrée nous féliciter, au titre des événements marquants de l’année écoulée, de la nomination d’un Premier Président et d’un Procureur Général pour restaurer dans la continuité l’équilibre institutionnel nécessaire à l’exercice d’une justice sereine.

Sans plus attendre je cède désormais la parole à Monsieur le Procureur Général. ».

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*    *

M. Julien Pronier, Procureur Général par intérim, parole lui est donnée pour ses réquisitions :

« Mes collègues du parquet général et moi-même sommes particulièrement sensibles à la présence ce jour de Madame le Secrétaire d’État représentant Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, de Mesdames et Messieurs les hautes autorités administratives, judiciaires, militaires et religieuses monégasques et étrangères, en vos rangs, grades et qualités, et particulièrement de celle de Madame le Secrétaire d’État à la Justice qui occupait ma place en qualité de Procureur Général lors de la précédente audience de rentrée solennelle.

En dépit des lourdes obligations attachées à votre charge, vous nous faites l’immense honneur d’assister à notre traditionnelle audience de rentrée. Nul doute que votre présence témoigne de votre intérêt pour l’œuvre de justice rendue au nom de Son Altesse Sérénissime le Prince Albert II, conformément à l’article 88 de la Constitution du 17 décembre 1962. Elle constitue également une marque de reconnaissance et d’encouragement pour ceux qui participent à sa construction, qu’ils soient magistrats, fonctionnaires, avocats, notaires, huissiers, syndics, administrateurs.

Essentielle, l’audience de rentrée solennelle l’est en ce qu’elle nous permet de se rencontrer pour certains, de se retrouver pour d’autres et certainement d’échanger. Cet espace de dialogue entre les différents acteurs de la vie de la Principauté ainsi qu’avec nos voisins constitue un socle nécessaire au développement de partenariats ainsi qu’à la compréhension mutuelle de nos contraintes respectives.

Essentielle, l’audience de rentrée solennelle l’est aussi, en ce qu’elle maintient, comme son nom l’indique, la solennité devant être attachée à la justice, gage de son respect tant par ceux qui l’exercent que par ceux qui la croisent. Cette vertu de la rentrée solennelle est d’autant plus prégnante en Principauté que son symbolisme est renforcé par le défilé entre le palais de justice et la cathédrale, ainsi que par la tenue de la messe du Saint-Esprit. Ce respect de la justice est consubstantiel à la qualité de son exercice. La justice ne se conçoit en effet qu’indépendante et impartiale, à l’abri de toutes pressions ou connivences. 

Essentielle, l’audience de rentrée solennelle l’est également, en ce qu’elle nous permet de rendre compte à la société civile de notre action, notre légitimité étant davantage liée à l’exercice de nos fonctions qu’à nos titres ou nos robes. J’ai coutume de dire que loin de nous servir, nous devons servir nos fonctions. Le serment prêté par le magistrat à Monaco témoigne de cette vision :

« Je jure de respecter les institutions de la Principauté et de veiller à la juste application de la loi.

Je jure aussi de remplir mes fonctions en toute impartialité, avec diligence, d’observer les devoirs qu’elles m’imposent, de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. ».

Essentielle, l’audience de rentrée solennelle l’est également, en ce qu’elle permet de dresser un bilan de l’année passée matérialisé par des statistiques, dont l’inscription dans un écrit remis à l’auditoire permet de vous épargner ce jour de la souffrance d’entendre leur énoncé.

Essentielle, l’audience de rentrée solennelle l’est par ailleurs, en ce qu’elle permet habituellement de tracer un cap en terme de politique pénale pour la nouvelle année. Toutefois, la précarité de mon Intérim en qualité de Procureur Général, s’achevant ce jour, justifie que je ne m’aventure pas sur ce terrain. Aucune politique pénale, aussi peu ambitieuse soit elle, ne pourrait en effet être mise en œuvre dans un espace-temps d’une durée de quelques heures, repas compris.

Essentielle, l’audience de rentrée solennelle l’est aussi aujourd’hui, pour vous faire part de l’immense plaisir, partagé par mes collègues détachés, de pouvoir exercer des fonctions juridictionnelles au-delà des frontières du pays ami et voisin. Il est extrêmement épanouissant, d’abord de nous familiariser, puis de nous perfectionner avec un droit, qui bien qu’ayant quelques racines communes avec la législation française, n’en demeure pas moins autonome. Ce détachement m’a par ailleurs permis d’avoir l’immense honneur de pouvoir requérir devant la Cour de révision, le tribunal suprême, d’intervenir auprès des représentants du Conseil National ou des membres la Direction de l’expansion économique. Je tenais ainsi à remercier Son Altesse Sérénissime le Prince Albert II pour l’accueil que la Principauté réserve aux magistrats détachés, lesquels peuvent exercer nos nobles fonctions dans cet écrin respectueux des valeurs humanistes et écologiques.

Essentielle l’audience de rentrée solennelle l’est surtout aujourd’hui, en tant que membre du parquet général, pour saluer le départ, que nous regrettons, de Madame le Procureur général et saluer l’arrivée, qui nous réjouit, de Madame le Secrétaire d’État à la justice deux étages au-dessus.

Je me remémore les mots de Madame le Procureur Général ès qualité, lors de la précédente audience solennelle de rentrée témoignant de l’impératif d’excellence dans notre action quotidienne : « S’il est en partie légitime par son statut, le magistrat tire essentiellement sa légitimité de sa mission ».

La reconnaissance de cette légitimité trouve un écho courant 2022, dans une ordonnance souveraine. Je n’évoque naturellement pas l’ordonnance 9441 en date du 26 août 2022 par laquelle Monseigneur m’a nommé Procureur Général par Intérim, qui est davantage liée à des éléments conjoncturels qu’à mes mérites.

L’ordonnance souveraine 9172 en date du 6 avril 2022 illustre en revanche parfaitement la reconnaissance par Son Altesse Sérénissime de l’engagement et l’action de Madame Sylvie Petit‑Leclair qu’il a nommé Secrétaire d’État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires et Président du Conseil d’État en remplacement de Monsieur Robert Gelli. Ce dernier aura conduit de nombreuses initiatives telles que notamment la création de l’Institut monégasque de formation aux professions judiciaires.

On ne peut que saluer le choix, par cette nomination, de consacrer à une aussi prestigieuse fonction une femme qui s’est distinguée par son engagement sans faille et sans limite au profit de la Principauté et de sa Justice.

Membre du parquet général depuis novembre 2020, astreint en cette qualité à être ponctuellement présent au Palais de justice les week-ends, je peux vous assurer qu’il m’arrivait régulièrement, voir à chacune de mes permanences, d’y croiser Madame le Secrétaire d’État, alors Procureur Général, en plein travail tant les samedis que les dimanches. Ce stakhanovisme était également observable le soir, Madame le Directeur étant de loin le dernier magistrat présent dans notre belle enceinte judiciaire. Point de répit la nuit ou durant ses congés, qui constituaient des moments propices à l’envoi de mails contenant ses instructions à notre destination, démonstration encore une fois de son investissement professionnel.

Cette puissance de travail lui a permis de ne pas avoir à arbitrer entre un rôle de chef de parquet et l’exercice d’attributions juridictionnelles. En dépit de ses anciennes fonctions de procureur général de Caen, de magistrat de liaison aux Pays-Bas ainsi qu’au Royaume-Uni, Madame le Secrétaire d’État, consciente de la masse importante de travail dévolue au parquet général, a fait preuve de beaucoup d’humilité et de solidarité en s’arrogeant structurellement le traitement de procédures techniques ou sensibles, en assurant la représentation du ministère public à de très nombreuses audiences notamment devant la Cour d’appel, la Cour de révision et le Tribunal suprême, en s’octroyant des permanences au même rythme que les nôtres en ce compris les nuits et les week-ends.   

Cette humilité de Madame le Secrétaire d’État est le support de son humanité que j’ai observé continuellement à l’égard de l’ensemble des composantes du parquet général. Sa bienveillance l’a conduit à être régulièrement à l’écoute des fonctionnaires et magistrats qui n’hésitaient pas à se confier à elle quant aux difficultés personnelles qu’ils pouvaient rencontrer. Cette humanité a été d’autant plus indispensable que la situation sanitaire et les confinements qui l’ont accompagné pouvaient fragiliser la cohésion qu’elle avait su créer. Il n’en a rien été, la solidarité inspirée par la bienveillance et l’exemplarité de Madame le Directeur, s’étant au contraire renforcées. Férue de sport, à l’image de la Principauté, et particulièrement de football, Madame le Directeur a su ainsi constituer une équipe du parquet général solide, endurante, technique, au point que l’AS MONACO aurait pu hésiter entre elle et Philippe Clément pour le poste tant convoité d’entraîneur.

L’expérience de Madame le Secrétaire d’État a été particulièrement enrichissante pour moi, notamment au travers de la transmission de son savoir sur le thème, si prégnant en Principauté, de l’international. Son parcours lui permet de connaître parfaitement les rouages et spécificités juridiques des demandes d’entraide pénale internationale, extraditions et autres outils particulièrement complexes. Il est à ce titre important de rappeler qu’elle est à l’initiative de la première équipe commune d’enquête signée en avril 2020 avec le Parquet de Nice qui fut un véritable succès.

Albert Einstein disait que « donner l’exemple n’est pas le principal moyen d’influencer les autres, c’est le seul moyen ». J’irais même plus loin que lui. C’est la certitude d’influencer les autres, tant j’observe que la pugnacité, l’humilité, l’humanité et l’impartialité de Madame le Secrétaire d’État ont irradié l’ensemble des fonctionnaires et magistrats du parquet général. Les thèmes de prédilection de Madame le Directeur, rappelés à chacune des audiences solennelles de rentrée, qu’il s’agisse notamment de la lutte contre les abus de vulnérabilité, les violences conjugales, le blanchiment et plus généralement les infractions économiques et financières resteront prioritaires dans notre action quotidienne. La réforme de la procédure pénale en cours d’examen au Conseil National devrait nous permettre de gagner encore en efficacité par l’octroi de nouveaux outils qui devraient opérer un renforcement du rôle du parquet général.

Madame Carracha a évoqué les départs de nombreux collègues du siège cette année et plus particulièrement celui de Madame Grinda Gambarini, première présidente de la Cour d’appel, dont il convient de saluer la qualité de ses raisonnements et l’étendue de ses connaissances juridiques.

Je saluerai également le départ de Monsieur le Bâtonnier Bergonzi, remplacé poste pour poste par le Bâtonnier Giaccardi avec lequel nous entretenons également d’excellentes relations.

Au-delà du départ de Madame le procureur général, il me semble nécessaire de vous évoquer le mercato du parquet général, dont l’intensité m’a inquiété quant à l’existence d’une relation de cause à effet entre mon arrivée et les départs de l’ensemble des magistrats le composant.

Après le départ de Madame Alexia Brianti, substitut général, devenue juge au Tribunal de Première Instance à compter du 1er mars 2021, avec laquelle j’avais particulièrement apprécié travailler, je n’ai pu que regretter, cette année, celui de Madame Cyrielle Colle, premier substitut du Procureur Général devenue Juge de Paix à compter du 1er décembre 2021. Cette dernière s’est particulièrement distinguée par ses compétences et son engagement au profit des mineurs qu’ils soient auteurs ou victimes, ainsi que par son action dans la lutte contre les violences conjugales. Passionnée, énergique, déterminée, Madame Colle est une collègue avec laquelle j’ai pris beaucoup de plaisir à échanger.

Elle est remplacée par une collègue très expérimentée en la personne de Madame Valérie Sagne laquelle a su rapidement démontrer l’étendue de ses connaissances juridiques et l’intensité de sa force de travail.

Ce mercato a été également marqué par le départ depuis le 1er septembre 2022 de Monsieur Olivier Zamphiroff, procureur général adjoint, spécialiste dans la lutte contre les banqueroutes et autres blanchiments. Particulièrement cultivé, Monsieur Zamphiroff a, au-delà de ses compétences juridiques, démontré ses qualités humaines lors son intérim en qualité de Procureur Général qui lui ont permis d’assurer la continuité de l’action de Madame Sylvie Petit-Leclair, bien aidé en cela par le soutien et l’assistance de Madame Cathy Raynier, secrétaire général du parquet général, dont j’ai également énormément apprécié les compétences et le professionnalisme durant le mois qui s’est écoulé, ainsi que de ceux de Madame Évelyne Uhtio venue nous renforcer.

À l’instar d’un Thiago Alcantara, ayant suivi Pep Guardiola du FC Barcelone au Bayern de Munich, Monsieur Zamphiroff rejoint Madame le directeur dans son équipe comme conseiller. Nous ne pouvons que nous réjouir de pouvoir maintenir nos relations professionnelles et personnelles avec ce dernier.

Le mercato n’est toutefois aujourd’hui pas terminé. Nul doute que notre équipe sera à terme renforcée par un procureur général et un procureur général adjoint qui ne pourront que constater la qualité et l’engagement de l’ensemble des composantes de l’équipe en ce compris son greffe sans lequel nous ne pourrions mener à bien notre mission.

Madame le conseiller faisant fonction de Premier Président,

Au nom de Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, j’ai l’honneur de requérir qu’il plaise à la cour :

-  déclarer close l’année judiciaire 2021-2022 et ouverte l’année judiciaire 2022-2023,

-  ordonner la reprise intégrale des travaux judiciaires,

-  constater qu’il a été satisfait aux prescriptions des articles 46 et 47 de la loi du 24 juin 2013 relative à l’administration et à l’organisation judiciaires,

-  me décerner acte de mes réquisitions,

Et dire que du tout il sera dressé procès-verbal sur le registre des actes de la cour d’appel. ».

*

*    *

Madame Françoise Carracha, Conseiller à la Cour d’Appel faisant fonction de Premier Président, répondait :

« La Cour, faisant droit aux réquisitions de Monsieur le Procureur Général,

Déclare close l’année judiciaire 2021-2022 et ouverte l’année judiciaire 2022-2023,

Ordonne la reprise intégrale des travaux de la Cour d’appel et des Tribunaux,

Constate qu’il a été satisfait aux prescriptions des articles 46 et 47 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l’administration et à l’organisation judiciaires,

Dit que du tout il sera dressé procès-verbal pour être consigné sur le registre des actes importants de la Cour d’appel,

Avant de lever cette audience je tiens à remercier toutes les Hautes autorités et personnalités qui ont bien voulu assister à cette cérémonie et les convie à l’invitation de Madame le Secrétaire d’État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires à se rendre sur la terrasse de l’annexe du Palais de Justice pour la réception qui va suivre.

L’audience solennelle est levée. ».

*

*    *

De nombreuses personnalités avaient tenu à assister à cette audience solennelle, aux premiers rangs desquelles on notait :

S.E. M. Pierre Dartout, Ministre d’État,

Mme Brigitte Boccone-Pagès, Vice-présidente du Conseil National, représentant M. Stéphane Valeri, Président du Conseil National,

M. Michel Boeri, Président du Conseil de la Couronne,

Mme Sylvie Petit-Leclair, Secrétaire d’État à la Justice - Directeur des Services Judiciaires, Président du Conseil d’État,

Mme Yvette Lambin-Berti, Secrétaire d’État,

M. Laurent Anselmi, Chef de Cabinet de S.A.S. le Prince,

M. Patrice Cellario, Conseiller de Gouvernement-Ministre de l’Intérieur,

M. Jean Castellini, Conseiller de Gouvernement-Ministre des Finances et de l’Économie,

M. Christophe Robino, Conseiller de Gouvernement-Ministre des Affaires Sociales et de la Santé,

Mme Céline Caron-Dagioni, Conseiller de Gouvernement-Ministre de l’Équipement, de l’Environnement et de l’Urbanisme,

Mme Isabelle Berro-Amadei, Conseiller de Gouvernement-Ministre des Relations Extérieures et de la Coopération,

S.E. M. Laurent Stefanini-Parry, Ambassadeur de France à Monaco,

S.E. M. Giulio Alaimo, Ambassadeur d’Italie à Monaco,

M. Marc Vassallo, Secrétaire Général du Gouvernement,

Mme Camille Svara, Premier adjoint au Maire, représentant M. Georges Marsan, Maire de Monaco,

Mgr René Giuliano, Prélat d’Honneur de Sa Sainteté le Pape, ancien Vicaire Général de Monaco, représentant S.E.R. Mgr Dominique-Marie David, Archevêque de Monaco,

M. Didier Ribes, Vice-président du Tribunal Suprême,

Mme Patricia Lemoyne De Forges, Membre titulaire du Haut Conseil de la Magistrature,

M. Yves Strickler, Membre titulaire du Haut Conseil de la Magistrature,

Mme Marina Ceyssac, Haut-Commissaire à la protection des Droits, des Libertés et à la Médiation,

M. Frédéric Genta, Secrétaire Général du Conseil Stratégique pour l’Attractivité, Délégué Interministériel à l’Attractivité et à la Transition Numérique,

Mme Isabelle Bonnal, Commissaire Général chargé de la Direction de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports,

M. Richard Marangoni, Contrôleur Général en charge de la Direction de la Sûreté Publique,

M. le Commandant Martial Pied, Chef du Corps de la Compagnie des Carabiniers du Prince,

M. Philippe Mouly, Secrétaire Général de la Direction des Services Judiciaires,

M. Michel Hunault, Directeur du Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers,

Mme Céline Cottalorda, Conseiller Technique au Secrétariat Général du Gouvernement, Déléguée interministérielle pour la promotion et la protection des droits des femmes,

M. Richard Dubant, Conseiller auprès du Secrétaire d’État à la Justice,

M. Olivier Zamphiroff, Conseiller auprès du Secrétaire d’État à la Justice,

M. Régis Bastide, Commissaire Divisionnaire, Directeur Adjoint de la Sûreté Publique,

M. Jean-François Mirigay, Commissaire Divisionnaire, Chef de la Division de Police Judiciaire,

M. Olivier Richaud, Directeur de la Maison d’Arrêt,

Mme Magali Ginepro, Adjoint au Secrétaire Général de la Direction des Services Judiciaires,

M. Michel Gramaglia, Président du Tribunal du Travail,

M. Karim Tabchiche, Vice-président du Tribunal du Travail,

Mme Cécile Cresto-Pizio, Directeur Adjoint de la Maison d’Arrêt,

M. Bernard Beignier, Recteur de la région académique Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Des hauts magistrats des juridictions voisines, françaises et italiennes, étaient également présents dans la salle :

M. Renaud Le Breton de Vannoise, Premier président de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence,

Mme Elisabetta Vidali, Présidente de la Cour d’appel de Gênes,

Mme Marianne Pouget, Présidente du Tribunal administratif de Nice.

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