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TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco – extrait - Audience du 28 mai 2021 - Lecture du 11 juin 2021

  • N° journal 8544
  • Date de publication 25/06/2021
  • Qualité 100%
  • N° de page

1°/ Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du 28 octobre 2019 du chef de service du Département des Affaires Sociales et de la Santé fermant les droits de M. J. J. au versement des allocations pour charges de famille au titre de ses beaux-fils et de la décision du 5 février 2020 rejetant le recours hiérarchique formé contre cette décision.
2°/ Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du 17 juin 2020 du chef de service du Département des Affaires Sociales et de la Santé du 17 juin 2020 refusant la reconduction des droits de M. J. en qualité de chef de foyer de ses beaux-enfants concernant la prise en charge des prestations médicales et de la décision de rejet implicite de son recours hiérarchique formé contre cette décision.
En la cause de :
M. J. J. ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, Avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, Avocat au barreau de Nice ;


Contre :
L'État de Monaco, représenté par le Ministre d'État, ayant pour Avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;


LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en assemblée plénière,


…/…

Après en avoir délibéré :

1\. Considérant que l'article 2 de  la loi du 17 juillet 1948 relative à l'octroi des allocations pour charges de famille, des prestations médicales, chirurgicales et pharmaceutiques aux fonctionnaires de l'État et de la commune dispose que « les allocations et prestations sont dues (…) selon les modalités qui seront déterminées par ordonnances souveraines prises après avis de la Commission de la Fonction Publique, le Conseil d'État entendu » ; que ces modalités ont été précisées par l'Ordonnance Souveraine n° 7.155 du 10 octobre 2018 relative à l'octroi des allocations pour charges de famille aux fonctionnaires et agents de l'État et de la Commune et par l'Ordonnance Souveraine n° 8.011du 12 mars 2020 relative à l'octroi des prestations médicales aux fonctionnaires et agents de l'État et de la Commune ;
2\. Considérant que, par des décisions du 28 octobre 2019 et 17 juin 2020, prises respectivement sur le fondement de l'Ordonnance Souveraine n° 7.155 du 10 octobre 2018 et de l'Ordonnance Souveraine n° 8.011 du 12 mars 2020, le chef de service du Département des Affaires Sociales et de la Santé a, d'une part, fermé les droits de M. J. J. au versement des allocations pour charges de famille au titre de ses beaux-fils et, d'autre part, refusé la prise en charge de leurs prestations médicales ; que les recours hiérarchiques formés contre ces décisions ont été rejetés ; que, par deux requêtes, M. J. demande au Tribunal Suprême, d'une part, d'annuler ces décisions et les décisions rejetant les recours hiérarchiques qu'il a formés, d'autre part, d'ordonner à l'Administration de réexaminer la situation et de verser les allocations et les prestations médicales retirées, enfin, de condamner l'État à lui verser une somme globale de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
3\. Considérant que ces requêtes présentent à juger des questions connexes ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une même décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'Ordonnance Souveraine n° 7.155 du 10 octobre 2018

4\. Considérant qu'en vertu de l'article 5 de l'Ordonnance Souveraine n° 7.155 du 10 octobre 2018, « tout fonctionnaire et agent de l'État et de la Commune, ayant à sa charge un ou plusieurs enfants, a droit pour ces enfants aux prestations familiales, dans les conditions cumulatives : / (…) 3°)  l'intéressé a, conformément aux articles 6 à 12, la qualité de chef de foyer ; / (…) / 5°) nulle personne, y compris l'intéressé, ne bénéficie, pour ces enfants, en application d'un autre régime monégasque ou d'un régime étranger, de prestations familiales ou de prestations similaires. / (…) » ; que les premier et troisième alinéas de l'article 6 de la même ordonnance précisent que « sous réserve des dispositions prévues par les articles 7 à 12, seul le père ou la mère de l'enfant, dont la filiation a été légalement établie, peut être considéré comme chef de foyer » et qu'« en cas de séparation des père et mère, le chef de foyer est celui d'entre eux chez lequel la résidence habituelle de l'enfant a été fixée. Cependant, lorsque le parent ainsi désigné n'exerce aucune activité professionnelle, n'ouvre droit à aucun régime de prestations familiales et n'assume pas la charge effective du foyer, le chef de foyer est, pour une période ne pouvant excéder une année à compter du jour de la séparation, l'autre parent » ;
5\. Considérant qu'en application de ces dispositions, M. J., qui réside en France avec son épouse, leur enfant et deux enfants issus de précédentes unions de son épouse, bénéficie en tant qu'Agent de Police en fonction à la Direction de la Sûreté Publique d'allocations pour charges de famille et de prestations médicales pour l'enfant issu de leur union ;
6\. Considérant, en premier lieu, que si M. J. critique le refus qui lui a été opposé de lui octroyer des allocations pour charges de famille pour les enfants nés de précédentes unions de son épouse, il se borne à alléguer, sans l'établir, que les refus qui lui ont été opposés méconnaîtraient les dispositions des articles 7 à 12 de l'Ordonnance Souveraine du 10 octobre 2018 ;
7\. Considérant, en deuxième lieu, que le cinquième alinéa de l'article 15 de la même ordonnance souveraine prévoit que « lorsque le versement des prestations familiales à l'attributaire risque de priver l'enfant de leur bénéfice, le Service compétent peut, après avoir entendu ledit attributaire en ses explications ou dûment appelé à les fournir, les verser à toute autre personne ayant également à sa charge l'enfant » ; que M. J., qui n'a pas la qualité de chef de foyer à l'égard de ses beaux-enfants en application du premier alinéa de l'article 6 de l'Ordonnance Souveraine du 10 octobre 2018, ne peut utilement invoquer une méconnaissance des dispositions du cinquième alinéa de l'article 15 de la même ordonnance ;
8\. Considérant, en dernier lieu, que, pour le même motif, M. J. ne peut utilement se fonder sur les dispositions du second alinéa de l'article 13 de l'Ordonnance Souveraine du 10 octobre 2018 qui prévoit que « lorsque, pour un motif légitime, l'enfant à charge ne vit pas sous le même toit que le chef de foyer, le maintien du droit aux prestations familiales est subordonné à la présentation trimestrielle au Service compétent, par l'allocataire, de justificatifs prouvant qu'il assume les dépenses nécessaires à l'entretien et à l'éducation de l'enfant » ;
9\. Considérant que M. J. n'est ainsi pas fondé à soutenir que les décisions lui refusant l'octroi d'allocations pour charge de famille pour ses beaux-enfants méconnaîtraient les dispositions de l'Ordonnance Souveraine n° 7.155 du 10 octobre 2018 ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'Ordonnance Souveraine n° 8.011 du 12 mars 2020

10\. Considérant que l'article 1er de l'Ordonnance Souveraine n° 8.011 du 12 mars 2020 prévoit que la qualité d'assuré relevant du Service des Prestations Médicales de l'État est reconnue aux fonctionnaires et agents de l'État et de la Commune actifs et à leurs ayants droit ; qu'il résulte de la combinaison des articles 3, 4 et 5 de la même ordonnance que les ayants droit de l'assuré ayant la qualité de chef de foyer au sens de l'Ordonnance Souveraine n° 7.155 du 10 octobre 2018 sont notamment, d'une part, son conjoint, à la condition notamment que ce dernier n'ouvre de droit direct à aucun autre régime d'assurance maladie du chef de son activité ou de sa résidence, et, d'autre part, à titre subsidiaire, les enfants à charge du conjoint lorsque celui-ci n'ouvre droit à aucun autre régime d'assurance maladie du chef de son activité ou de sa résidence ;
11\. Considérant qu'il n'est pas contesté que Mme J. réside en France et qu'elle ouvre, du chef de cette résidence, un droit direct, pour elle-même et pour ses enfants issus de précédentes unions, à une prise en charge au titre de la protection universelle maladie en application des articles L. 160-1 et suivants du Code de la sécurité sociale français ; que, par suite, en application des dispositions des articles 3 à 5 de l'Ordonnance Souveraine n° 8.011 du 12 mars 2020, Mme J. et les enfants qu'elle a eu de précédentes unions n'ont pas la qualité d'ayants droit de M. J. ;
12\. Considérant qu'il en résulte que M. J. n'est pas fondé à soutenir que les décisions lui refusant l'octroi des prestations médicales pour ses beaux-enfants méconnaîtraient les dispositions de l'Ordonnance Souveraine n° 8.011 du 12 mars 2020 ;

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance du principe d'égalité et du droit au respect de la vie privée et familiale

13\. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que soient réglées de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il soit dérogé à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit ;
14\. Considérant qu'au regard des prestations sociales et médicales de l'État, les beaux-enfants d'un fonctionnaire ou d'un agent de l'État ou de la Commune, à supposer même qu'il en assume la charge, ne sont pas dans la même situation que ses enfants ; que l'octroi de prestations sociales et médicales procède de la solidarité nationale ; que la distinction opérée par les deux Ordonnances Souveraines n° 7.155 et n° 8.011 entre enfants et beaux-enfants des assurés concernant l'octroi d'allocations familiales et de prestations médicales répond à l'objectif de mettre fin à la prise en charge par les régimes sociaux monégasques de prestations devant normalement être assurées par les régimes sociaux étrangers ; que la différence de traitement critiquée, qui repose ainsi sur des critères en rapport avec le motif d'intérêt général poursuivi, ne méconnaît pas le principe d'égalité ;
15\. Considérant que les décisions refusant à M. J. des prestations familiales et médicales pour les enfants issus de précédentes unions de son épouse ne l'empêchent nullement de continuer à les accueillir à son foyer ; qu'elles n'emportent ainsi aucune atteinte excessive à sa vie privée et familiale ;
16\. Considérant qu'il en résulte que les moyens tirés de la violation de l'article 22 de la Constitution et des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'indemnisation
17\. Considérant que le rejet par la présente décision des conclusions à fin d'annulation entraîne le rejet des conclusions indemnitaires et, en tout état de cause, des conclusions à fin d'injonction ;

Décide :


Article Premier.


Les deux requêtes sont jointes.


Art. 2.


Les requêtes de M. J. J. sont rejetées.


Art. 3.


Les dépens sont mis à la charge de M. J..

Art. 4.


Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
Pour extrait certifié conforme à l'original délivré en exécution de l'article 37 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.

Le Greffier en Chef,
V. SANGIORGIO.

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Version 2018.11.07.14