Visite de S.A.S. le Prince Albert II à Romans-sur-Isère (Drôme), Valmont et Rouen (Seine-Maritime) (12-13 septembre 2019)
Dans le cadre de Ses déplacements réguliers dans les territoires liés historiquement à Sa famille, S.A.S. le Prince Albert II se rend le 12 septembre 2019 à Romans-sur-Isère, dans la Drôme. Romans-sur-Isère fait partie de l'ancien duché de Valentinois, que le roi Louis XIII avait accordé en 1642 au prince Honoré II en application du traité de Péronne, signé le 14 septembre 1641.
Dans l'après-midi, l'avion princier atterrit à l'aéroport de Valence-Chabeuil. Le Souverain est accueilli par M. Hugues Moutouh, préfet de la Drôme. S.A.S. le Prince est accompagné de M. Georges Lisimachio, Son chef de Cabinet, du lieutenant-colonel Jean-Luc Carcenac, Son aide de camp, de M. Thomas Fouilleron, directeur des archives et de la bibliothèque du Palais princier, de M. Nicolas Saussier, chef du bureau de presse du Palais, et de M. Hervé Irien, secrétaire général de la Commission consultative des objets d'art de S.A.S. le Prince. La délégation se rend à Romans-sur-Isère.
Accueilli par Mme Marie-Hélène Thoraval, maire de la commune, le Souverain effectue d'abord une visite privée du Musée international de la chaussure, en compagnie de sa responsable, Mme Laurence Pissard, et de M. Laurent Jacquot, adjoint au maire chargé du patrimoine et du devoir de mémoire. La collection, abritée dans l'ancien couvent de la Visitation, est un témoignage de l'histoire de l'industrie romanaise, tournée vers la tannerie et la confection de chaussures de luxe. À la fin de Sa visite, le Souverain offre une paire de chaussures qu'Il a portée lors de l'une de Ses explorations polaires. Ces chaussures rejoindront les collections du Musée, qui comprennent déjà des souliers ayant appartenu au prince Rainier III et à la princesse Grace.
La délégation monégasque, accompagnée de M. Hugues Moutouh, préfet de la Drôme, et de Mme Marie-Hélène Thoraval, se rend ensuite sur le parvis de l'église collégiale Saint-Barnard, où elle est accueillie par Mme Emmanuelle Anthoine, députée, M. Gilbert Bouchet, sénateur, ainsi que par de nombreux élus locaux et chefs d'entreprise. Le Souverain dévoile une plaque commémorative de Sa visite devant les habitants de Romans-sur-Isère, venus nombreux pour L'accueillir. Est présente la famille de M. Thomas Blanchy, administrateur principal aux archives et à la bibliothèque du Palais, originaire de Romans. La princesse Catherine-Charlotte de Gramont, épouse du prince Louis Ier, avait déjà été accueillie devant la collégiale, à la fin d'octobre 1661\. L'un des anciens registres de la ville porte mention de cette visite.
Le Souverain effectue une visite guidée de la collégiale Saint-Barnard, ainsi que du cœur historique de la ville. Au cours de ce parcours pédestre, durant lequel Il salue la population, le Souverain se rend notamment sur la place Jacquemart, puis devant le kiosque de la place Jules Nadi, près de la mairie, où L'attendent une fanfare et une haie d'honneur composée des enfants du Conseil municipal des jeunes, ceints de l'écharpe tricolore.
Pour clore cette visite, Mme Marie-Hélène Thoraval convie les délégations au salon Audra du Théâtre des Cordeliers afin de présenter à S.A.S. le Prince le « livre de compte » qui évoque la visite de Catherine-Charlotte de Gramont en 1661\.
S.A.S. le Prince prend la parole, en réponse aux paroles de bienvenue de Mme le Maire :
« Monsieur le Préfet,
Madame le Maire,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis romanais,
Il y a six ans maintenant, lors de mon précédent déplacement historique dans la Drôme, les 17 et 18 mai 2013, deux jours n'avaient pas suffi pour faire le tour des principales collectivités qui formaient le duché de Valentinois tel qu'il avait été érigé par le roi de France, en 1642, pour mon lointain aïeul le prince Honoré II.
Sans être oubliée, bien sûr – je vous rassure, Madame le Maire – votre ville n'avait pu alors être visitée. Je souhaitais donc vivement y venir sans tarder afin que personne n'ait l'impression que l'Histoire se reproduisait.
En effet, déjà en 1646, alors que le prince Honoré II se rendait à Paris, une occasion semblait avoir été ratée. Les consuls de Romans ne s'étaient pas rendus à Montélimar, principale ville du duché, où avait séjourné mon aïeul, mais s'étaient présentés à lui le 8 novembre, « sur la route », alors qu'il allait franchir l'Isère sans entrer en ville.
Le secrétaire du prince, Charles de Venasque-Ferriol, rapporte que juges, officiers, consuls et, je le cite, « un grand nombre d'habitants de Romans […] vinrent rendre leurs devoirs à leur seigneur ; il y eut une particularité dans cette entrevue : soit qu'ils n'y fussent pas préparés, ou bien qu'ils fussent intimidés par la majesté du Prince, au milieu du discours, leurs yeux se troublèrent et leur mémoire fit défaut. Mais ils y suppléèrent par le zèle et l'affection qu'ils mirent dans leur réception. ».
En ce jour, Madame le Maire, votre mémoire n'a pas fait défaut dans votre discours d'accueil si chaleureux et vous avez merveilleusement préparé cet après-midi avec vos services et avec la population. Je vous en suis très reconnaissant.
Vous n'aviez d'ailleurs pas à compenser cette rencontre inaboutie de 1646 entre la population romanaise et les princes de Monaco, puisque vos lointains prédécesseurs, les consuls de Romans de 1661, avaient déployé tout le protocole requis lorsque la belle-petite-fille d'Honoré II était elle-même passée.
Catherine-Charlotte de Gramont, devenue duchesse de Valentinois par son mariage avec le futur prince Louis Ier de Monaco en 1660, la même année que le mariage de Louis XIV, fit une tournée dans le fief de son mari à la fin octobre de l'année suivante, sur le chemin de Paris à Monaco. Elle était alors enceinte de six mois.
Pour elle, on fit tirer le canon et les tambours municipaux de Romans lui rendirent les honneurs. Après une nuit dans la maison du sieur Trenat, elle gagna Chabeuil, Crest, puis Montélimar.
C'est en mémoire de cette entrée solennelle dans la ville que vous avez souhaité, Madame le Maire, et je vous en remercie vivement, que soit dévoilée une plaque commémorative de mon passage près de la collégiale Saint-Barnard.
Cet édifice religieux, emblématique de votre ville, a souffert, comme nombre de vos équipements, comme le Musée international de la chaussure, que, malgré ses blessures, j'ai eu grand plaisir à visiter tout à l'heure, de l'épisode catastrophique de grêle du 15 juin dernier. Je sais que beaucoup de biens privés ont également été dégradés.
Je vous suis d'autant plus reconnaissant d'avoir voulu, malgré tout, honorer l'invitation sur la place du Palais, à Monaco, la semaine qui a suivi cet événement, à l'occasion de la deuxième rencontre des Sites historiques Grimaldi, au cours de laquelle le Valentinois a été mis à l'honneur.
Je vous remercie aussi d'avoir maintenu la réception d'aujourd'hui, qui, comme je vous l'ai dit, me tenait vraiment à cœur.
Vous avez, en outre, manifesté le souhait de rejoindre l'association qui regroupe tous les territoires qui ont en commun une Histoire partagée avec la Principauté. Je suis très heureux qu'un signe permanent d'appartenance à cette grande famille soit bientôt visible à l'entrée de votre agglomération.
Je souhaite, en effet, que les liens historiques, réactualisés par ma visite, perdurent et se développent dans tous les domaines dans lesquels nous pouvons partager bonnes pratiques et expériences.
Je pense, en particulier, au développement durable, qui est un engagement majeur pour moi et dont la mise en œuvre nécessite aussi bien de réelles prises de conscience que des solutions locales efficientes.
Votre ville symbolise bien l'effort de renouveau et d'adaptation constant que beaucoup de collectivités se doivent de déployer face aux changements structurels et conjoncturels.
Ayant bénéficié d'une spécialisation industrielle et d'une belle prospérité, votre commune peut aujourd'hui à la fois compter sur des racines et un savoir-faire renouvelé – j'en veux pour preuve la récente ouverture de la Cité de la chaussure, représentative d'une tradition revisitée – et sur une volonté de diversification économique.
Nos liens sont à cette image. Ils illustrent la fidélité que l'on doit à l'Histoire et les possibles que nous pouvons exploiter en faisant fructifier ce qui nous a rapproché.
Très heureux d'être revenu dans votre beau département, au patrimoine, à la gastronomie et aux paysages toujours engageants, je souhaite surtout présentement que les plaies du 15 juin puissent être le plus vite effacées et que la commune de Romans reprenne le cours de son renouveau, dans la fidélité à son identité.
Je vous remercie. ».
Un vin d'honneur est offert, après le traditionnel échange de cadeaux. S.A.S. le Prince remet notamment au maire la désormais traditionnelle statuette en bronze représentant François Grimaldi, dit Malizia, par Kees Verkade, qu'Il offre à toutes les communes qui peuvent être considérées comme des sites historiques Grimaldi de Monaco.
S.A.S. le Prince se déplace le lendemain à Valmont et Rouen, en Seine-Maritime. Son avion atterrit au Havre, où Il est accueilli par M. Pierre-André Durand, préfet de la Seine-Maritime, avec qui Il gagne Valmont en voiture.
Ils se rendent d'abord à l'abbaye bénédictine Notre‑Dame du Pré, fondée en 1169 par Nicolas d'Estouteville, seigneur de Valmont, et qui abrite les tombeaux de la famille d'Estouteville, ancêtres du Souverain. Le territoire de Valmont est lié à la famille Grimaldi par Jacques IV de Matignon (1698-1751), descendant de la famille d'Estouteville, et marié à Louise-Hippolyte Grimaldi en 1715\. En 1731, Jacques IV de Matignon accède au trône et devient prince de Monaco sous le nom de Jacques Ier.
Le Souverain est notamment accueilli par M. Jean-Louis Navarre, maire de Valmont, M. Pascal Martin, président du Conseil départemental de la Seine‑Maritime, sœur Thérèse, mère abbesse, et M. Antoine Dubuc, intendant de l'abbaye. Il dévoile une plaque célébrant le 850e anniversaire de la création de l'abbaye, puis visite l'abbatiale, la cour d'honneur et le cloître, sous la conduite de M. Michaël Bloche, conservateur du patrimoine, directeur-adjoint des Archives départementales de la Seine-Maritime, et du Dr Jean-Louis Jumeau, historien de Valmont.
S.A.S. le Prince rejoint ensuite l'école maternelle Grace de Monaco, où les enfants de l'école élémentaire Georges Cuvier L'accueillent en interprétant l'Hymne monégasque. M. le Préfet, qui a dû prendre congé, est maintenant représenté par Mme Vanina Nicoli, sous-préfète du Havre. Le Souverain va ensuite à la rencontre des petits élèves de l'école maternelle. Puis, Il dévoile avec la directrice de l'école, Mme Apolline Maudet, une photographie de Sa mère, la princesse Grace, située à l'entrée de l'établissement.
S.A.S. le Prince visite ensuite le château de Valmont, ancienne demeure des seigneurs d'Estouteville, des Matignon, et donc des princes de Monaco au XVIIIe siècle. Domaine privé, le château a été entièrement restauré, ces vingt dernières années, par la famille Jobmann et conserve un témoignage de la famille Grimaldi, dans la salle du chartrier : leurs armoiries peintes parmi celles des différents propriétaires.
Au cours d'un parcours pédestre depuis le château jusqu'au centre du village, S.A.S. le Prince inaugure la rue des Princes de Monaco, passe en revue les pompiers de Valmont et de Fauville-en Caux, puis, devant la mairie, s'adresse à la population venue Le rencontrer :
« Madame la Sous-préfète, représentant Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président du Conseil départemental,
Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Très sensible à la chaleur de l'accueil qui m'est réservé ce matin et à l'affection de vos propos, Monsieur le Maire, je voudrais d'abord exprimer ma gratitude et mon émotion.
Je souhaite ainsi remercier la municipalité et la population valmontaise qui, par leur invitation, m'ont incité à me placer aujourd'hui dans les pas de mes ancêtres, comme je le fais régulièrement dans les régions, principalement françaises et italiennes, qui sont historiquement liées à ma famille.
À l'heure où la Normandie est administrativement réunifiée, il convenait de ne pas ignorer plus longtemps sa partie haute, alors que l'actuel département de la Manche, où mes aïeux Matignon ont aussi eu la charge de territoires, a été l'objet de plusieurs visites depuis 2011.
Je parlais d'émotion, car votre région et votre commune la suscitent, et presque la commandent.
J'ai d'abord été touché par la douceur des paysages ruraux traversés depuis Le Havre, et j'ai mieux compris l'admiration de mon trisaïeul le prince Albert Ier pour le pays de Caux, qu'il a découvert avec bonheur lorsqu'il est venu à Valmont en 1908.
« Toutes ces fermes », écrivait-il dans son journal, « entourées d'un massif d'arbres, invisibles derrière la verdure d'une haute futaie qui domine les jardins, ont un caractère à la fois sylvestre et champêtre qui doit en faire des foyers délicieux ». Puisse cette douceur de vivre normande demeurer encore longtemps…
Au-delà des images pittoresques et sans nostalgie de temps anciens révolus, je me trouve chez vous – vous m'y avez autorisé, Monsieur le Maire, je pourrais donc dire « chez nous » – comme saisi par l'Histoire, dans sa force et dans sa permanence.
En effet, les visages de pierre des gisants de la famille d'Estouteville, qui dorment dans l'abbatiale, figés pour l'éternité vers le ciel, nous transportent il y a quelques siècles, mais semblent d'une étonnante proximité.
Le château, dont la silhouette veille depuis toujours sur les bonheurs et les malheurs du bourg, a lui-même trouvé une nouvelle jeunesse grâce à sa récente restauration.
Ces témoignages durables, hérités des générations passées, nous invitent à la fidélité du souvenir ; mais nous offrent aussi leur robustesse pour soutenir nos actions, et les inscrire dans le temps des générations futures.
Vous savez mon engagement indéfectible en faveur de l'urgence environnementale. L'Histoire est justement là pour nous rappeler que nous ne sommes que des passeurs de témoins, ayant à la fois un devoir de mémoire et un devoir d'avenir.
Cette fidélité du souvenir, votre commune n'a cessé de la manifester vis-à-vis de ma famille depuis la fin de la possession de ses fiefs.
Et cela, dès la tourmente révolutionnaire. L'éminent savant Georges Cuvier, lui aussi figure étroitement liée à l'histoire de Valmont, en rend compte dans son autobiographie.
Je le cite : « les Cauchois ne mirent pas trop d'exaltation dans leur patriotisme, en sorte qu'il y eut moins d'emprisonnements et de meurtres judiciaires qu'en beaucoup d'autres parts. Leurs démonstrations se bornèrent à des discours extravagants dans les clubs, et même des personnages qui seraient à coup sûr devenus à Paris victimes de la rage dominante, trouvèrent un asile assuré dans notre voisinage. Tel fut le jeune prince Honoré de Monaco, […] qui se lia avec nous de société ».
Dans les dernières années, la fidélité du souvenir de Valmont s'est exprimée, vous l'avez rappelé Monsieur le Maire, d'une manière très sensible, en baptisant votre école maternelle du nom de ma mère, la princesse Grace.
Elle aurait été extrêmement fière de cet honneur, elle qui s'est engagée toute sa vie en faveur de la protection de l'enfance et de son éducation dans le monde.
En cette année qui aurait marqué son quatre-vingt-dixième anniversaire, je suis donc particulièrement heureux d'avoir pu visiter votre école, qui est dorénavant encore un peu plus la sienne, grâce au portrait que nous avons dévoilé ensemble.
Après avoir eu la joie de rencontrer tous les petits élèves, je serai ravi de leur offrir prochainement un nouvel équipement ludo-pédagogique. Nous en avons parlé avec la directrice, et avons de concert évoqué un sol attrayant, avec de belles couleurs, des routes, des jeux, des dessins... À mon retour à Monaco, je me permettrai peut-être de demander un ultime avis, forcément autorisé, à mes enfants Jacques et Gabriella…
Avant de conclure et de vous redire tout le plaisir que j'ai d'être avec vous ce matin, je voudrais saluer la délégation de la compagnie des sapeurs-pompiers de Fauville-en-Caux, dans la commune nouvelle de Terre-de-Caux.
Leur présence ce matin, aux côtés de leurs collègues de Valmont, fait mémoire d'une contribution, à la fin du XVIIIe siècle, de mon lointain aïeul le prince Honoré III contre le risque de l'incendie. Ce geste est à l'origine de la compagnie, et d'ailleurs, en 1969, mon père le prince Rainier III, en souvenir de ce lien, leur avait fait parvenir un casque de la compagnie des sapeurs-pompiers de Monaco.
Tout cela confirme, s'il en était besoin, que les germes que l'histoire a semés continuent de produire du fruit, aujourd'hui, et pour demain.
Ce renouvellement du lien est le sens même de cette belle visite qui aura, je l'espère, des prolongements.
Ne serait-ce que par le biais des rencontres des Sites historiques Grimaldi, qui se déroulent chaque année sur la place du Palais à Monaco, et qui, tour à tour, mettent en valeur les différents territoires qui, comme le vôtre, se retrouvent dans la grande famille de ceux qui partagent avec ma famille et la Principauté, un destin commun.
À bientôt donc ! Je vous remercie. ».
Un échange de cadeaux a lieu. S.A.S. le Prince remet notamment au maire la statuette de François Grimaldi, dit Malizia.
Un vin d'honneur permet de nouveaux échanges avec la population.
Un déjeuner est offert par le Conseil départemental de la Seine-Maritime au restaurant étoilé « Le Bec-au-Cauchois ».
Dans l'après-midi, le Souverain et Sa délégation se rendent à Rouen, au pôle culturel Grammont, pour inaugurer l'exposition « Les Princes de Monaco en Normandie. Des Estouteville aux Grimaldi », qui se tient jusqu'au 14 décembre 2019\. Il est accueilli par M. Yvan Cordier, secrétaire général de la préfecture, sous-préfet de l'arrondissement de Rouen, M. Pascal Martin, président du Conseil départemental de la Seine-Maritime, et M. Yvon Robert, maire de Rouen.
L'exposition, conçue par les Archives départementales de Seine-Maritime, sous le commissariat de MM. Vincent Maroteaux, conservateur général du patrimoine, directeur des Archives départementales de la Seine-Maritime, et Michaël Bloche, conservateur du patrimoine, directeur-adjoint, en collaboration avec les Archives du Palais de Monaco, présente des documents historiques, des tableaux et des objets précieux, retraçant l'histoire de la famille et du duché d'Estouteville, du village de Valmont, et évoquant les liens qui unissent la Haute-Normandie aux Grimaldi.
Après la visite de l'exposition, S.A.S. le Prince est invité à découvrir la réserve des documents précieux des Archives départementales, où Lui est notamment présenté un authentique sceau de Charlemagne, incluant un poil de barbe.
Par la suite, S.A.S. le Prince accorde une interview à la presse locale et régionale française ainsi qu'à la télévision monégasque concernant Sa visite à Valmont et Rouen, sur les traces de Ses ancêtres. Les médias présents sont France 3 Normandie, Le Courrier cauchois, Paris Normandie, Radio Chrétienne Francophone, Tendance Ouest et Monaco Info.
Après avoir signé le livre d'or, le Souverain revient dans le hall principal du Pôle Gramont, et prononce un discours, répondant aux mots d'accueil du président du Conseil départemental et du directeur des Archives départementales :
« Monsieur le Sous-préfet, représentant Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président du Conseil départemental,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Directeur des Archives départementales,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Le 17 août 1908, à l'issue de sa visite à Valmont, où nous étions ce matin, mon trisaïeul le prince Albert Ier écrivait dans son journal : « Le château […], où les seigneurs d'Estouteville, de ma famille, ont vécu, est fort intéressant et possède des archives précieuses ».
Plus d'un siècle plus tard, le travail réalisé par les Archives départementales de Seine-Maritime, qui s'incarne dans l'exposition que nous inaugurons ce soir ainsi qu'à travers un superbe ouvrage, rend justice à la juste appréciation de mon prédécesseur.
Un heureux concours de circonstances a permis cette double réalisation. En 1973, la famille de la Morandière, alors propriétaire du château, met en dépôt dans vos archives le chartrier de Valmont, dont le grand intérêt réside dans son intégrité, qui reflète, sur la longue durée, la vie d'une maison noble normande, de ses fiefs et de ceux qui y habitaient.
Le classement et l'inventaire commencent, repris et complété aujourd'hui dans la perspective d'une dévolution définitive, que je souhaite pérenne, aux Archives départementales.
Il y a un peu plus de trois ans, Vincent Maroteaux, directeur des Archives départementales, et son adjoint Michaël Bloche, prennent contact avec les Archives du Palais pour pouvoir consulter les pièces que nous conservons à Monaco, et ainsi envisager un beau travail de valorisation, qui utiliserait à la fois documents normands et documents monégasques.
Je suis moi-même heureux de contribuer, par quelques prêts, non seulement d'archives mais aussi de portraits d'ancêtres, à la réussite de l'exposition qui résulte de ce travail au long cours, qui nous conduit du cœur du Moyen Âge au début de l'époque contemporaine.
D'ores et déjà, je souhaite souligner, Monsieur le Président, Monsieur le Directeur, l'excellence des relations entre vos services, vos collaborateurs, et les Archives du Palais, tout au long de la préparation de cette exposition et de cette journée.
J'ai une pensée particulière pour Monsieur Bloche, discret et brillant conservateur du patrimoine, qui a eu la lourde tâche de mener à bien leur réalisation tout en assumant l'écriture de sa thèse de doctorat en histoire médiévale, dont la soutenance est prévue dans quelques semaines. Tous mes vœux l'accompagnent, avec mes félicitations anticipées !
Une des grandes qualités de cette exposition est qu'elle ne se limite pas à la présentation de quelques beaux et précieux documents d'archives, qui parfois ne parlent qu'à des érudits.
Elle regroupe, dans un bâtiment qui est à la fois de conservation d'archives et de lecture publique, un certain nombre d'objets d'art, de pièces de musée, qui tous rendent comptent de l'itinéraire d'une de ces familles que, dans un autre siècle ou dans une autre région, on aurait appelé une « masse de granit » : les Estouteville, devenus Matignon par un mariage en 1596 ; eux-mêmes devenus Grimaldi par un autre mariage, en 1715.
Du fait de sa qualité et de sa rigueur, cette fresque qui, à partir du petit épicentre valmontais, se présente sous forme d'un laboratoire de l'histoire haut-normande sur plusieurs siècles, trouvera sans doute un écho au-delà des frontières de votre grande région.
C'est ce que je souhaite, car elle montre comment les identités régionales ont pu se former, autour de structures qui ont duré et qui aujourd'hui encore, expliquent paysages, frontières et parfois même activités économiques.
La visite de ce matin, sur le terrain, à Valmont, et l'ouverture de cette exposition, ce soir, font de ce déplacement en Seine-Maritime, l'un des déplacements les plus exemplaires, exhaustifs, réussis, et donc mémorables de ceux que j'effectue régulièrement dans les territoires liés historiquement à ma famille et à la Principauté.
Par-delà la commémoration du passé, et dans le respect absolu des évolutions politiques qui ont marqué les territoires dont mes ancêtres ont pu autrefois avoir la charge, ce qui m'intéresse particulièrement dans ces déplacements, c'est de rencontrer à la fois élus, représentants de la société civile et aussi directement la population, de découvrir patrimoine et réalité économique, de voir comment ce qui nous a un temps lié, peut aujourd'hui nous aider à avancer.
Il en va, bien sûr, de l'encouragement à tout ce qui contribue à valoriser l'Histoire commune, mais aussi de toutes les solutions qui sont mises en œuvre pour assurer une transition écologique dont l'urgence se fait chaque jour plus prégnante.
Dans le souci de pérenniser les liens ainsi réactualisés avec la Principauté, j'ai souhaité que l'initiative de constituer un réseau sous forme d'association soit confortée à Monaco par la tenue annuelle d'une rencontre amicale, où sont, tour à tour invitées, pour présenter l'identité, la culture et l'économie de leur territoire, les différentes collectivités qui nous ont été proches au cours du temps. La Seine-Maritime sera donc invitée dans les prochaines années, comme la Manche sera l'invité majeur de la prochaine rencontre des Sites historiques Grimaldi de Monaco, la troisième déjà, qui se tiendra les 20 et 21 juin 2020.
Au cours de mes visites publiques et amicales en France, à connotation historique et mémorielle, l'appui des services de l'État est toujours particulièrement bienveillant, et je tiens, à travers vous, Monsieur le Sous-préfet, à remercier la République française de l'excellence répétée de son accueil, qui illustre la réalité de la « communauté de destin » qui existe, entre la France et Monaco, depuis le XVIIe siècle.
Avant de conclure et de partager avec vous quelques-unes des nourritures terrestres, mais bien normandes, je l'espère, qui ont été préparées, je voudrais évoquer la mémoire de mon trisaïeul le prince Albert Ier et de ma grand-mère, la princesse Charlotte, dont les vies sont aussi mêlées à l'histoire de la Seine-Maritime.
La famille maternelle de ma grand-mère était originaire de Pierreval, à quelques kilomètres de Rouen.
Et le prince Albert Ier s'est illustré à Rouen, vous l'avez rappelé, Monsieur le Président, dans l'un de ses engagements les plus fervents : la militance pour la paix avant la Première Guerre mondiale.
Un an après Monaco, Rouen accueille ainsi le Congrès international de la paix en 1903. Son navire océanographique, le Princesse Alice, reste amarré du 20 au 26 septembre au quai devant l'hôtel de ville, et mon trisaïeul prononce un discours exhortant la société civile à peser et à ne pas se laisser entraîner dans les surenchères nationalistes qui, malheureusement, ont mené à la déflagration européenne puis mondiale que l'on connaît.
Je le cite : « Travaillez ensemble, ouvriers et savants, philosophes et artistes, vous tous qui représentez ici les masses victimes de la guerre, l'aliment des luttes coupables entre les puissants de la Terre, entre ceux dont la conscience, troublée par les suggestions ataviques d'une gloire imaginaire, oublient le rôle auguste que la volonté des peuples confie aux gouvernants ».
La grande question qui a été débattue à Rouen en 1903 a été l'emblème que le mouvement pacifiste aurait pu arborer d'un côté et de l'autre du Rhin, un « drapeau universel de la Paix, que l'empereur Guillaume avait dessiné pour moi l'année dernière à ma demande », ainsi que le dit le prince Albert Ier.
Cette initiative se solde par un échec, ce qui attriste mon trisaïeul, qui poursuit :
« Je considère que les pacifistes ont manqué là une bien belle occasion de faire faire à leurs idées un pas considérable ; mais je ne suis pas étonné que cette étroitesse de vues soit le fait des Anglais et des Américains principalement représentés au congrès par des Quakers. ».
C'est en mémoire du prince Albert Ier et de ses nombreux passages dans votre département, ne serait-ce qu'au départ du Havre pour ses campagnes océanographiques, que je vous offrirai, Monsieur le Président, dans quelques instants, une statuette en bronze représentant mon aïeul sur le pont de son yacht.
Vous la recevrez, je l'espère, comme le signe de l'amitié constante et renouvelée que les Princes de Monaco ont entretenu avec la Normandie, haute et basse.
Je vous remercie. ».
Un vin d'honneur clôt la cérémonie d'inauguration. Le Souverain et Sa délégation gagnent l'aéroport de Rouen, où les attend l'avion.
Illustrant ces deux visites princières, l'Office des Émissions de Timbres-Poste de la Principauté a émis deux timbres, évoquant l'un Romans-sur-Isère, l'autre Valmont.