TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - EXTRAIT - Audience du 20 février 2020 - Lecture du 5 mars 2020
Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 décembre 2018 par laquelle le Ministre d'État a prorogé la suspension conservatoire de M. S. F. de ses fonctions [au] Centre Hospitalier Princesse Grace.
En la cause de :
Monsieur S. F. ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, Avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Sarah CHADLI, Avocat au Barreau de Nice, substituant Maître Philippe SOUSSI, Avocat au Barreau de Nice ;
Contre :
L'État de Monaco, représenté par le Ministre d'État, ayant pour Avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France.
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en assemblée plénière,
…/…
Après en avoir délibéré :
1. Considérant que, par décision du 6 septembre 2018, prise sur proposition du Conseil d'administration du Centre Hospitalier Princesse Grace, le Ministre d'État a suspendu Monsieur S. F. de ses fonctions [au] CHPG en raison de poursuites pénales engagées contre lui pour des infractions (…) ; que, par une décision du 21 décembre 2018, dont M. F. demande l'annulation pour excès de pouvoir, le Ministre d'État a décidé de proroger sa suspension ;
Sur les conclusions à fin d'annulation
2. Considérant qu'aux termes de l'article 78 de l'Ordonnance Souveraine n° 13.839 du 29 décembre 1998 portant statut des praticiens hospitaliers au Centre Hospitalier Princesse Grace : « En cas de faute grave, qu'il s'agisse d'un manquement aux obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, le praticien hospitalier intéressé peut, avant la comparution devant le Conseil de discipline, être immédiatement suspendu par décision du Ministre d'État, prise sur proposition du Conseil d'administration réuni expressément. / La situation du praticien suspendu doit être réglée dans un délai de quatre mois à compter du jour où la décision de suspension a pris effet. / Toutefois, ce délai peut être prorogé dans l'hypothèse où le Conseil de discipline a sursis à statuer, conformément aux dispositions de l'article 82 » ; que le second alinéa de l'article 82 de la même ordonnance souveraine dispose : « En cas de poursuite devant une juridiction pénale, le Conseil peut décider qu'il y a lieu de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'intervienne une décision de justice devenue définitive » ;
3. Considérant, en premier lieu, que le Conseil de discipline du Centre Hospitalier Princesse Grace a pu décider, conformément aux dispositions de l'article 82 de l'Ordonnance Souveraine n° 13.839 du 29 décembre 1998, de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une décision soit rendue dans la procédure pénale engagée à l'encontre de M. F. ; que le Ministre d'État a fait une exacte application de ces dispositions en faisant usage de la faculté qui lui est donnée de proroger la suspension du praticien hospitalier en cas de sursis à statuer prononcé par le Conseil de discipline ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'une mesure de suspension, prise en application des dispositions citées au point 2, est une mesure provisoire et conservatoire ayant pour but d'éviter un risque de trouble dans le fonctionnement du service auquel est affectée la personne ayant fait l'objet de cette mesure ; qu'elle n'a, dès lors, pas le caractère d'une sanction ;
5. Considérant que les faits sur lesquels est fondée la décision attaquée sont de nature à troubler le bon fonctionnement du service hospitalier ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prorogeant la suspension de M. F., le Ministre d'État aurait, à la date à laquelle il a pris sa décision, entaché son appréciation d'une erreur manifeste ;
6. Considérant, en dernier lieu, qu'eu égard à la nature de la mesure prise et aux motifs qui la fonde, M. F. n'est pas fondé à invoquer une méconnaissance du principe de présomption d'innocence ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F. n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ;
Sur les conclusions aux fins d'indemnisation et d'injonction
8. Considérant que le rejet par la présente décision des conclusions à fin d'annulation entraîne le rejet des conclusions indemnitaires et, en tout état de cause, des conclusions à fin d'injonction ;
Décide :
Article Premier.
La requête de M. S. F. est rejetée.
Art. 2.
Les dépens sont mis à la charge de M. F..
Art. 3.
Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
Pour extrait certifié conforme à l'original délivré en exécution de l'article 37 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.
Le Greffier en Chef,
V. SANGIORGIO.