Déplacement de S.A.S. le Prince Albert II à Paris Commémoration du centenaire de l'armistice de 1918 (10-12 novembre 2018)
S.A.S. le Prince Albert II et S.A.S. la Princesse Charlène se rendent à Paris le 10 novembre 2018 pour participer à la cérémonie de commémoration du centenaire de l'armistice de la Première Guerre mondiale.
En fin de journée, l'avion princier se pose à l'aéroport de Paris-Le Bourget.
LL.AA.SS. le Prince et la Princesse sont conduits au Musée d'Orsay, où se tient un dîner offert par le président français, M. Emmanuel Macron, aux chefs d'État et de gouvernement et dirigeants d'organisations internationales et leurs conjoints.
Ils sont accueillis par M. Franck Riester, ministre français de la culture, et Mme Laurence des Cars, présidente du musée d'Orsay.
Le lendemain, LL.AA.SS. le Prince et la Princesse sont conduits au Palais de l'Elysée, où Ils sont accueillis par M. Emmanuel Macron. Ils sont ensuite conduits en bus avec l'ensemble des chefs d'États et leurs conjoints vers l'Arc de Triomphe. Puis Ils cheminent jusqu'au dôme où Ils prennent place sur des gradins.
La cérémonie de commémoration du centenaire de l'armistice de 1918 débute. Sous une pluie battante, le président de la République française salue les porte-drapeaux, puis rend les honneurs aux drapeaux, avant de faire la revue des troupes. Après l'appel des morts pour la France, les chefs d'État et de gouvernement se recueillent lors d'une minute de silence, puis la Marseillaise est jouée.
La suite n° 5 pour violoncelle en do mineur, de Jean-Sébastien Bach, est interprétée par Yo-yo Ma, puis, des lycéens lisent des textes rédigés le 11 novembre 1918 et évoquant des portraits de soldats. Enfin, un chant d'hommage aux troupes coloniales est interprété par Angélique Kidjo.
Le président de la République française prononce un discours. À l'issue, le European Union Youth Orchestra joue le Boléro de Maurice Ravel. M. Emmanuel Macron ravive la flamme du soldat inconnu et dépose une gerbe de fleurs. Une minute de silence est observée ; puis « Cessez le feu » est joué par un clairon.
Au terme de la cérémonie, S.A.S. le Prince est conduit en bus vers le palais de l'élysée, en compagnie des autres chefs d'État et de gouvernement, où Il participe à un déjeuner.
Puis, le Souverain et les chefs d'État et de gouvernement sont acheminés en bus vers la Grande Halle de la Villette, où se tient le Forum de Paris sur la Paix. Mme Trisha Shetty, vice-présidente du conseil d'orientation du Forum de Paris sur la Paix, puis M. Emmanuel Macron, prononcent un mot de bienvenue. S.E. Mme Angela Merkel, chancelière d'Allemagne et S.E. M. Antonio Manuel de Oliveira Guterres, secrétaire général des Nations Unies, donnent ensuite lecture d'une allocution.
Après une photo de groupe, le Souverain est conduit vers l'une des dix salles prévues pour les prises de parole. L'audience de la salle est composée d'une trentaine de personnes : chefs d'État ou de gouvernement, ministres, représentants d'organisations internationales et d'ONG, experts, société civile, associations, médias, chefs d'entreprise, ainsi que la délégation monégasque.
Après le discours du président du Niger, S.A.S. le Prince prend la parole :
« Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Monsieur le Président Macron nous réunit aujourd'hui à l'occasion du centenaire de l'armistice de la Première Guerre mondiale qui marque le lancement du premier Forum de Paris sur la Paix. Nous pourrons tous le remercier de cette initiative.
Ce Forum nous invite à définir une gouvernance responsable et solidaire, au profit de nos contemporains et des générations à venir.
Les événements de l'Histoire, et plus particulièrement ceux du siècle dernier, méritent d'être commémorés et leurs leçons tirées.
Vous vous interrogez sans doute sur le rôle qu'un petit État comme la Principauté de Monaco peut jouer dans le concert des Nations.
Une souveraineté dépourvue de forces militaires de masse, qui a « peu de terres », mais qui peut avoir « beaucoup de ciel » – pour reprendre les mots de l'écrivain français pacifiste Jean Giono, peut-elle avoir, par les seules « forces de l'esprit », une voix dans le système international ?
L'Histoire en témoigne.
Mon trisaïeul le Prince Albert Ier s'est efforcé de donner corps et réalité à cette voix singulière.
Alerté sur les risques d'une dégénérescence de la relation franco-allemande, il participe à partir de 1898, aux régates de Kiel, qui s'imposent comme un rendez-vous sportif mondain, mais aussi et surtout, diplomatique.
Il y est souvent accompagné de personnalités politiques françaises, ministres et parlementaires, afin de favoriser les échanges informels avec le Kaiser et ses familiers.
Lorsqu'éclate une crise grave, en 1905, à propos du Maroc, il joue de ses relations et de ses bons offices pour instaurer une discussion lors d'une conférence internationale, à Algesiras, qui repousse l'échéance d'un affrontement direct.
Durant tout son règne, il développe une politique d'accueil de congrès internationaux à Monaco, dans de nombreux domaines, afin de tempérer les méfiances réciproques et contourner les nationalismes virulents, en favorisant les rencontres et les travaux de spécialistes de Nations réputées rivales.
En 1903, Albert Ier crée un « Institut international de la paix », organisation non gouvernementale qui élabore des modèles d'arbitrage des conflits.
Le 28 juin 1914, mon trisaïeul est à Kiel avec l'empereur, lorsqu'ils apprennent la nouvelle de l'attentat de Sarajevo.
De retour d'Allemagne, il dresse bilan et perspectives de ses pensées et de ses actions, dans un texte intitulé « Réflexions sur seize années de visites à Kiel », qu'il remet, le 13 juillet 1914, au Président de la République française, Raymond Poincaré et à Aristide Briand.
Sa vision d'entente franco-allemande passe alors pour de la « candeur » aux yeux de Poincaré, à un moment où la marche à la guerre paraît inéluctable du fait de l'engrenage des systèmes d'alliance. Aujourd'hui, elle nous paraît presque prophétique et annonciatrice des bases de la reconstruction européenne de l'après Seconde Guerre mondiale.
Il y plaide une discussion de haut niveau, pour un sommet de chefs d'État qui contournerait les agitations et les jusqu'au-boutismes périphériques.
Parallèlement, Albert Ier s'adresse au Kaiser pour proposer que des délégués, représentant chacune des puissances engagées, se réunissent en permanence soit à Monaco, soit dans son domaine de Marchais dans l'Aisne afin, je le cite, de « suspendre la marche des événements, avant que des catastrophes irréparables s'accomplissent ».
Mon trisaïeul a voulu montrer, dans des circonstances particulièrement difficiles, marquées par l'affrontement de deux grands systèmes d'alliance qui ont conduit à un conflit généralisé, que sa position de chef d'un État - qui ne pouvait être belligérant - lui donnait un rôle et même un devoir singulier de facilitateur, de médiateur et de défenseur de la Paix.
Au-delà de son engagement en faveur de la Paix entre les Nations, le Prince Albert 1er était surnommé le Prince savant. Il s'est en effet passionné pour l'exploration des océans.
Il a organisé de nombreuses expéditions scientifiques, devenant l'un des pères de l'océanographie moderne et s'est distingué par son approche protectrice en faveur des océans, dans laquelle j'inscris également mes pas.
Aujourd'hui, les questions environnementales, les rivalités pour le contrôle des ressources, sont au cœur de nombreux conflits planétaires.
Aussi, le sillage du Prince Albert Ier, son inlassable volontarisme et sa méthode, peuvent nous guider. Je le crois fermement. C'est la raison pour laquelle je tente inlassablement de sensibiliser les chefs d'État et de gouvernement à l'urgence environnementale. La bataille des idées est loin d'être gagnée mais la prise de conscience qui a lieu actuellement doit pousser les leaders internationaux à des actions concrètes afin d'éviter un funeste et inéluctable engrenage.
Certains modes de vie, modes de consommation et de production, épuisent les ressources de la planète et mettent en péril son équilibre dont dépendent notre vie, notre survie.
Nous sommes à présent confrontés aux conséquences de l'utilisation effrénée de ces biens, si précieux et vitaux, qui pourraient mettre en péril la paix et la sécurité internationales.
Le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), a établi qu'au moins 40 % des conflits internes qui ont éclaté au cours de ces 60 dernières années ont, d'une façon ou d'une autre, été liés aux ressources naturelles.
Si le lien historique entre ressources naturelles et conflits n'est donc pas à démontrer, la nature des nouveaux défis auxquels nous sommes confrontés, ne peut qu'exacerber les tensions existantes ou en faire apparaître de nouvelles.
Réchauffement climatique, vagues de chaleur, extinctions d'espèces, perte de la biodiversité, pénurie d'eau, brutalité de catastrophes naturelles de plus en plus nombreuses et dévastatrices, déstabilisation des calottes polaires, montée des océans qui auront sur le long terme des effets délétères sur l'environnement : tels sont les enjeux qui doivent être pris en considération.
Entre autres conséquences, le risque de disparition de petits États insulaires et la question des réfugiés climatiques, démontrent s'il en était besoin, que cette question dépasse l'aspect purement écologique.
La parution, le 8 octobre dernier, du résumé du rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) qui expose les conséquences d'un réchauffement des températures au‑delà de 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels, met en exergue des preuves scientifiques irréfutables.
Pour les experts, limiter la hausse à 1,5°C exige une réduction des émissions de CO2 de 45 % d'ici 2030 et la réalisation d'une « neutralité carbone » en 2050\. Autrement dit, il n'existe pas d'alternative : il faudra cesser d'émettre dans l'atmosphère plus de CO2 qu'on ne peut en retirer.
C'est l'enjeu principal de l'Accord de Paris, dont la France est le fervent défenseur.
J'ai souhaité que Monaco soit exemplaire sur ces changements nécessaires, par tous les moyens, tant par l'action de mon Gouvernement que par celle de ma Fondation.
J'ai impulsé une transition énergétique majeure afin de respecter notre engagement de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre de 50 % d'ici 2030 et de neutralité carbone à l'horizon 2050.
Pour y parvenir, j'ai donné les orientations nécessaires à mon Gouvernement pour mettre en place un Livre Blanc de la Transition Énergétique, une Mission pour la Transition Énergétique et un Fonds Vert National dont le caractère innovant est d'y avoir associé le tissu social monégasque dans son ensemble.
Le plan d'action porte principalement sur les 3 secteurs les plus polluants que sont la mobilité, le traitement des déchets et la dépense énergétique dans la construction. à eux trois, ils représentent près de 90 % des émissions de la Principauté.
Monaco mène également un combat contre le plastique, débuté en mars 2015, avec l'interdiction des sacs plastiques à usage unique, que nous entendons poursuivre avec l'implication des commerçants et de la population de la Principauté.
Par sa position géographique, c'est naturellement vers la mer que Monaco se tourne. C'est pourquoi j'ai voulu, sur les traces de mon trisaïeul le Prince Albert Ier, faire de la défense des océans l'un des engagements prioritaires de Monaco.
La Principauté s'investit avec ses partenaires méditerranéens pour préserver les richesses de cette mer qui a contribué à définir, à travers les siècles, l'identité des peuples qui la bordent.
Par le biais d'une coopération forte, concrète, innovante, de création de sanctuaires marins et d'aires marines protégées et d'un fonds fiduciaire pour les financer, d'exercices communs visant à lutter contre la pollution, nous sommes parvenus à forger un partenariat efficace.
Au-delà de cet engagement dans la région méditerranéenne, j'ai tenu à ce que l'action de la Principauté s'inscrive, de manière plus large, en faveur des mers et des océans.
Régulateur du climat, les océans sont aussi sources de vie pour des millions d'entre nous. Sécurité alimentaire, transports, tourisme, énergie : tant d'enjeux vitaux, qui ne concernent pas seulement les populations des pays côtiers mais bien la communauté internationale toute entière. Des enjeux qui requièrent donc une résonnance multilatérale et multidimensionnelle.
En 2015, j'ai milité pour que le lien climat/océan soit reconnu. Avec le soutien et la mobilisation d'un grand nombre de pays et d'acteurs aussi déterminés, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat a été convaincu de la nécessité de produire un rapport spécial sur l'océan.
Un rapport de cette nature qui portera sur l'océan et la cryosphère apparaît crucial à la lumière des phénomènes de l'acidification, de l'élévation du niveau de la mer et des menaces qui pèsent sur la biodiversité des ressources marines.
Ce rapport sera présenté à Monaco en septembre 2019 et permettra de faire état des solutions et des politiques publiques à mettre en œuvre, notamment au profit des pays insulaires et des régions côtières, plus vulnérables.
La défense des mers et océans est également l'objectif de « reconnecter l'humanité et la mer » du projet des « Explorations de Monaco » que j'ai lancé il y a plus d'un an.
Il est à mon sens de première importance de parfaire une recherche scientifique dans des mers encore peu explorées dont la richesse de la biodiversité reste encore à découvrir, et de connaître les effets des activités anthropiques.
Découvrir et sensibiliser aux fins de mieux protéger nos mers de façon durable, c'est ce à quoi les Explorations de Monaco s'emploient.
C'est aussi le sens de l'engagement de Monaco, depuis le 4 juillet dernier, à la co-présidence assumée conjointement avec ses partenaires australien et indonésien, du secrétariat de l'Initiative Internationale pour les récifs coralliens (I.C.R.I.) pour lutter contre la dégradation des coraux et de ses écosystèmes, vitaux à bien des égards.
Vous l'avez compris, la gouvernance dont nous avons besoin doit être fondée sur l'expertise scientifique et la mise en œuvre d'actions adaptées.
La meilleure information scientifique doit guider toute prise de décision, tant au niveau régional qu'au niveau international, notamment lorsqu'il s'agit de la conservation et de l'utilisation durable de la biodiversité marine dans les zones situées au-delà des limites de la juridiction nationale.
La haute mer est un bien commun qu'il convient de protéger.
C'est le noble objectif des négociations en cours à l'O.N.U., auxquelles Monaco participe activement et qui devront aboutir à un cadre juridique pour assurer la conservation de la biodiversité marine au-delà des juridictions nationales.
L'effort national de chaque pays doit s'inscrire dans le cadre multilatéral. Il doit constituer, avec la somme de toutes ses contributions, la solution globale sans oublier une approche participative, inclusive et transparente qui prenne en compte l'éthique et la justice sociale, respectueuse des modes de vie de celles et de ceux qui sont tributaires de l'exploitation durable, des océans sains et productifs.
Je suis reconnaissant à la Présidence canadienne du G7 d'avoir bien voulu porter la thématique des océans au plus haut niveau politique de l'agenda international.
La nomination par le Secrétaire général de l'O.N.U. du premier Envoyé Spécial pour les Océans, M. Peter Thomson, l'an dernier, est un signe de cette reconnaissance.
J'ai tenu à l'accueillir au sein de la Maison des Océans à Paris pour lui témoigner du soutien de Monaco en faveur de la mise en œuvre de l'Objectif de développement durable N° 14 consacré aux océans et aux ressources marines.
Toute initiative visant à protéger notre bien commun le plus cher par excellence - notre Planète - doit être soutenue.
Toutes les actions de préservation doivent s'inscrire dans les politiques des États, des agents économiques et de l'ensemble des décideurs de la société civile. C'est une absolue nécessité.
L'avenir se joue donc dès à présent.
Face à l'ampleur de la tâche, il convient d'agir de façon concertée.
J'en appelle, comme d'autres l'ont fait, à une gouvernance où chacun, à sa place, assume pleinement son rôle afin de sauvegarder notre planète et de préserver les peuples de risques de tensions ou de conflits.
Je vous remercie de votre attention. »
À l'issue des prises de parole, le Souverain dépose un ouvrage dans la Bibliothèque de la Paix. Il s'agit d'un coffret des Annales monégasques, sous maroquin rouge frappé des armoiries princières, intitulé « Guerre et paix – Monaco 1914-1918 ». Il contient un texte inédit du Prince Albert Ier, remis au président de la République française le 13 juillet 1914, dans lequel le Prince livre son analyse de la situation internationale et souligne, de façon presque prophétique, la nécessité d'une entente franco-allemande pour la stabilité européenne.
Pendant ce temps, S.A.S. la Princesse Charlène est conduite en bus au château de Versailles, où Elle est invitée à déjeuner par Mme Brigitte Macron, en compagnie des conjoints de chefs d'État, de gouvernement et d'organisation internationale.
À l'issue du déjeuner se tient un concert de l'Orchestre philharmonique de Vienne. Une visite des Grands appartements du Roi et de la Galerie des glaces est ensuite organisée.
Lors de la remise de cadeaux, S.A.S. la Princesse offre à Mme Brigitte Macron une photo des Enfants princiers. Cette dernière, touchée, invite S.A.S. la Princesse et les Enfants à un goûter à l'élysée le lendemain.
Le 12 novembre, S.A.S. la Princesse Charlène, le Prince héréditaire Jacques et la Princesse Gabriella se rendent à l'élysée pour un goûter en compagnie de Mme Brigitte Macron. Ils sont reçus dans la bibliothèque de l'élysée. Au cours du goûter, M. Emmanuel Macron vient saluer la Princesse et les Enfants et présenter leur chien Nemo, labrador croisé retriever-griffon, de robe noire.