EXTRAIT - TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco
Audience du 7 juin 2019
Lecture du 19 juin 2019
Recours en tierce opposition tendant à rétracter la décision rendue le 29 novembre 2018 par le Tribunal Suprême de Monaco, publiée au Journal de Monaco le 21 décembre 2018 et partant, rejeter la requête de la Société anonyme monégasque dénommée C., avec toutes conséquences de droit.
En la cause de :
L'association dénommée « AUTOMOBILE CLUB DE MONACO », dont le siège est 23 boulevard Albert Ier, 98000 MONACO, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux et notamment de son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, tiers opposant ;
Élisant domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, Avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par la S.C.P. de CHAISEMARTIN, DOUMIC-SEILLER, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;
En présence de :
1) L'ÉTAT DE MONACO, intervenant au soutien de la tierce opposition de l'Automobile Club de Monaco ;
Élisant domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, Avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par la S.C.P. PIWNICA-MOLINIÉ, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;
2) La Société Anonyme Monégasque C. ;
Élisant domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, Avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître François-Henri BRIARD, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France,
Contre :
La décision rendue le 29 novembre 2018 par le Tribunal Suprême de Monaco, publiée au Journal de Monaco le 21 décembre 2018 et partant, rejeter la requête de la Société anonyme monégasque dénommée C., avec toutes conséquences de droit ;
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en assemblée plénière,
…/…
Après en avoir délibéré :
1. Considérant qu'aux termes de l'article 90 de la Constitution : « A. - En matière constitutionnelle, le Tribunal Suprême statue souverainement : / (…) 2°) sur les recours en annulation, en appréciation de validité et en indemnité ayant pour objet une atteinte aux libertés et droits consacrés par le Titre III de la Constitution, et qui ne sont pas visés au paragraphe B du présent article. / B.- En matière administrative, le Tribunal Suprême statue souverainement : 1°) sur les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions des diverses autorités administratives et les Ordonnances Souveraines prises pour l'exécution des lois, ainsi que sur l'octroi des indemnités qui en résultent ; / (…) » ; que l'article 38 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême, dispose : « La tierce opposition ne peut être reçue que si elle émane d'une personne dont les droits ont été méconnus. Celle qui a été appelée à intervenir en application de l'article 18 est toutefois irrecevable à former tierce-opposition, alors même qu'elle n'aurait pas produit d'observations. / Elle doit intervenir, sous peine d'irrecevabilité, dans les deux mois qui suivent la publication de la décision du Tribunal Suprême prévue à l'article précédent. Elle est formée et jugée dans les mêmes conditions que le recours lui-même. Aucune autre voie de recours n'est admise, sinon pour rectification d'une erreur matérielle » ; qu'aux termes de l'article 18 de la même Ordonnance : « À la demande de l'une des parties formée soit dans la requête introductive du recours, soit par requête distincte déposée au Greffe Général contre récépissé dans les huit jours qui suivent la remise de la copie de cette requête, le Président peut ordonner que le Greffier en chef communique la procédure à une ou plusieurs personnes dont les droits lui semblent susceptibles d'être affectés par le recours. / Le Président peut décider une telle communication de son propre chef dans les quinze jours suivant la réception de la requête introductive. / Cette personne peut intervenir (…) » ;
2. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que seule une personne qui aurait pu être appelée à intervenir dans une instance ouverte devant le Tribunal Suprême et qui ne l'a pas été et dont les droits ont été méconnus est recevable à former une requête en tierce opposition contre la décision rendue par ce Tribunal ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si l'association dénommée AUTOMOBILE CLUB DE MONACO organise depuis fort longtemps des compétitions automobiles en Principauté, elle ne le fait qu'au titre de son objet social et non, comme elle le soutient, en qualité de délégataire de l'État ; que les autorisations, conventions et facilités qui lui ont été accordées par l'État jusqu'en 2018 pour l'organisation d'épreuves sportives, en particulier le Grand Prix de Formule 1, résultaient seulement de ce que ces épreuves supposent occupation du domaine public et donc des mesures destinées à assurer la sécurité publique ; que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ne bénéficie pas de l'agrément de l'État, prévu par les articles 14 et 15 de la loi n° 1.355 du 23 décembre 2008 en faveur des associations dont l'objet poursuit un but d'intérêt général, ou dont l'activité concourt à une mission de service public ou contribue à la notoriété de la Principauté, qui permet à ces associations de bénéficier d'un concours financier régulier de l'État et facilite la défense de leurs intérêts en justice ; que si, en vertu de la convention du 7 mars 2019 produite par le requérant et par le Ministre d'État, l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO bénéficie d'un important concours financier de l'État pour l'organisation de diverses compétitions automobiles, ce ne peut être, tant que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ne bénéficie pas de l'agrément précité, qu'à titre ponctuel et non renouvelable avant l'expiration d'un délai de trois ans, conformément à l'article 16 de la loi n° 1.355 relatif aux concours financiers de l'État consentis aux associations non agréées ; que cette convention de financement ne confère pas à l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO la qualité de délégataire de l'État pour l'organisation de ces compétitions ; qu'en tout État de cause cette convention n'a pas d'effet rétroactif de sorte qu'elle ne peut être utilement invoquée pour caractériser une situation juridique correspondant à des faits antérieurs à 2019 ;
4. Considérant que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO n'est pas partie au protocole d'accord conclu le 5 septembre 2014 ; que l'article 12 de ce protocole stipule : « La Société de Projet prendra en charge, pendant la réalisation du Projet, les contraintes liées aux Grands Prix automobiles (Formule 1, Historique et/ou Électrique organisés durant la même période), telles que définies en annexe 5 et notamment : - le renforcement éventuel de l'esplanade publique ; - l'incidence sur le planning et le phasage de réalisation, y compris la réalisation d'un « TV compound » « temporaire pendant l'exécution des travaux. / La Société de Projet devra, à ses frais exclusifs, prendre toutes dispositions afin que le Projet permette, dans toutes ses phases de réalisation et dans l'exploitation future des bâtiments construits, la mise en place des équipements nécessaires à l'organisation et à la couverture des Grands Prix organisés par l'Automobile Club de Monaco. À cet effet, il appartient à la Société de Projet de proposer à l'État des schémas d'aménagement permettant la mise en œuvre de ces contraintes, dans un délai maximal de six mois à compter de l'entrée en vigueur du présent protocole d'accord et, en tout État de cause, au moins deux mois avant le déroulement du premier Grand Prix de la saison. / Cette obligation de résultat à la charge de la Société de Projet constitue une condition essentielle du consentement de l'État. / L'État fera toute diligence afin d'assister, dans le respect des dispositions législatives ou réglementaires applicables, la Société de Projet pour l'exécution des obligations stipulées au présent article » ; que, si cet article 12 met en évidence l'intérêt que présentent les schémas d'aménagement envisagés pour l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO, ni lui ni aucune autre clause du protocole n'institue une stipulation pour autrui dont l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO pourrait revendiquer le bénéfice ; que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ne saurait donc être regardé ni comme bénéficiaire du projet envisagé par l'État ni comme victime de l'abandon de ce projet ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les droits de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO n'étaient pas susceptibles d'être affectés par le recours de la S.A.M. C., de sorte que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO n'aurait pas été recevable à intervenir dans cette procédure ; qu'en conséquence, ni la reprise éventuelle des relations contractuelles entre les parties ni la condamnation éventuelle de l'État à indemniser les préjudices subis par la S.A.M. C. ne seraient susceptibles d'avoir une incidence sur les droits de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ; qu'il résulte de tout ce qui précède que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ne justifie pas d'un droit méconnu ; qu'il n'est donc pas recevable à former tierce opposition contre la décision du Tribunal Suprême du 29 novembre 2018 ;
6. Considérant que, en conséquence de l'irrecevabilité de la requête de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO, et en tout État de cause, l'intervention volontaire du Ministre d'État est elle-même irrecevable ;
Décide :
Article Premier.
La requête de l'association dénommée « AUTOMOBILE CLUB DE MONACO » est rejetée.
Art. 2.
L'intervention du Ministre d'État n'est pas admise.
Art. 3.
Les dépens sont mis à la charge de l'association dénommée « AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ».
Art. 4.
Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
Pour extrait certifié conforme à l'original délivré en exécution de l'article 37 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.
Le Greffier en Chef,
V. Sangiorgio.