Participation de S.A.S. le Prince Albert II à la 72e session de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies (19 septembre 2017)
Le mardi 19 septembre 2017, S.A.S. le Prince Albert II prend part à l'ouverture du débat général de la 72e session de l'Assemblée générale des Nations Unies.
À cette occasion, le Prince Souverain dépose l'instrument de ratification de la convention relative aux droits des personnes handicapées, avant de prononcer Son allocution à la tribune de l'Assemblée :
« Monsieur le Président de l'Assemblée générale,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Chefs d'État et de Gouvernement,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens en premier lieu à vous dire, Monsieur le Président, combien je suis heureux de vous voir conduire les travaux de la 72e session de l'Assemblée générale des Nations Unies. Nos vœux de succès vous accompagnent dans cette importante et délicate charge au service de la Communauté internationale.
Sachez que je garde un excellent souvenir de la visite officielle que j'ai effectuée en Slovaquie, en mai dernier. À cette occasion j'ai pu apprécier votre action et consolider les bonnes relations entre nos deux États.
“ La paix doit être notre but et notre guide ” mais “ sans un environnement sain nous ne pouvons mettre fin à la pauvreté et construire la prospérité ”.
Ce sont vos propres mots Monsieur le Secrétaire Général, et l'actualité leur donne une résonance particulière.
Force est de constater que la menace d'une escalade nucléaire en Asie n'a jamais été aussi grande et cette perspective ne peut laisser aucun dirigeant indifférent.
Conformément à ses obligations, Monaco se soumet aux résolutions du Conseil de sécurité adoptées sous le Chapitre VII de la Charte.
Respecter les engagements qui sont ceux de chaque État membre est primordial. Aussi, refusons-nous d'être les témoins impuissants de postures injustifiables qui font peser sur tous nos États un grave danger. Nous condamnons l'irresponsabilité de ceux qui exposent l'humanité à une catastrophe irréversible.
Conscient de l'importance de la coopération entre l'ONU et les organisations régionales, Monaco continue d'apporter son soutien aux actions collectives en faveur de la promotion de la paix et de la sécurité.
Ainsi, membre de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe et du Conseil de l'Europe, Monaco participe activement aux travaux de ces institutions régionales. À ce titre, la Principauté porte une attention particulière au travail de la Mission spéciale sur la crise en Ukraine et dans son voisinage.
La Principauté de Monaco, forte de 140 nationalités sur son territoire, a toujours été ouverte au dialogue. Son histoire s'est enrichie de cette diversité qui se perpétue sous mon règne.
Monsieur le Président,
Nous sommes convaincus que nos valeurs communes, la défense des droits de l'homme, de la démocratie et de l'État de droit, sont parmi les priorités constantes d'un État moderne, soucieux du bien-être de ses citoyens et de ceux qui vivent sur son sol. Les idéaux qui nous unissent nous permettent de cheminer de conserve, les buts n'étant jamais acquis.
La lutte contre l'impunité est partie intégrante de ces idéaux. Ce refus de laisser l'atrocité dicter sa loi est une condition sine qua non d'une souveraineté assumée. La Principauté de Monaco est pleinement engagée en faveur du respect de la justice et de la paix.
Ceci motive notre soutien envers le Mécanisme d'enquête international, impartial et indépendant sur les crimes les plus graves commis en Syrie.
À sa mesure, Monaco poursuivra sa contribution dans l'aide fournie aux populations civiles meurtries afin de leur permettre de se reconstruire et d'envisager un avenir meilleur.
Monsieur le Président,
La situation en Afrique où plus de 20 millions de personnes risquent de perdre la vie à cause de la famine laissera des séquelles dramatiques.
Si la sécheresse est un facteur aggravant, il faut toutefois reconnaître que la première cause de cette catastrophe humanitaire est la guerre.
Selon ses traditions, Monaco a affiché sa solidarité en répondant à l'appel des Nations Unies au travers de contributions au Programme Alimentaire Mondial, au Comité International de la Croix-Rouge ainsi qu'à des organisations non gouvernementales monégasques.
Au-delà de ses interventions d'urgence humanitaire, la coopération monégasque met en œuvre une politique en faveur de l'éradication de la pauvreté et du développement durable, au service des plus vulnérables.
Le nouveau plan stratégique de l'aide publique au développement de mon pays participera ainsi, en lien avec des partenaires publics et privés, à la réponse à apporter aux besoins les plus immédiats que sont la sécurité alimentaire, la santé, l'éducation et l'insertion professionnelle, au-delà du simple devoir d'assistance.
La bonne gouvernance, la lutte contre la corruption ou encore des ressources publiques suffisantes ne sont pas de vains mots mais des atouts sans lesquels aucun État ne peut satisfaire les besoins de base de sa population et inscrire sa politique de développement dans la durée nécessaire.
Ces crises ne rendent que plus justifié, Monsieur le Secrétaire général, votre plaidoyer pour “ la prévention, pour le respect des droits humains, pour la création d'opportunités et de travail décent pour les jeunes ”.
Monsieur le Président,
En déposant aujourd'hui l'instrument de ratification à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, j'entends de nouveau associer mon pays aux efforts de la communauté internationale en faveur de la promotion de leurs libertés fondamentales et de leur dignité.
Comme l'avait si bien observé Dag HAMMARSKJÖLD :
« The United Nations was not created to take mankind to heaven but to save humanity from hell » .
Les attentats dont sont victimes les civils innocents nous affectent tous, quel que soit le lieu où ces viles attaques sont perpétrées.
Nous souhaitons que le Bureau des Nations Unies contre le terrorisme puisse nous rassembler dans notre détermination à annihiler la barbarie.
Monsieur le Président,
Le changement climatique fait peser sur l'humanité un danger imminent. La violence sans précédent des événements climatiques récents nous ramène à reconnaître nos limites. Face au déchaînement de la nature, l'homme est toujours perdant.
Qu'ils se forment dans l'Atlantique ou dans le Pacifique nord, les ouragans et les typhons ont eu des conséquences tragiques.
L'Accord de Paris recueille 195 signatures et 159 États Parties. Ces données sont la preuve la plus manifeste de l'urgence ressentie au niveau mondial.
La prise de conscience universelle et la mobilisation de tous les secteurs de nos sociétés pourront seuls nous permettre d'assurer les adaptations de nos économies.
Plusieurs États, dont Monaco, mais également des entreprises privées, ont d'ores et déjà annoncé des mesures drastiques qui contribueront au changement dans nos modes de transport, de production et de consommation.
De façon générale, un changement de nos modes de vie est aujourd'hui plus que nécessaire. Le rapport commun UNICEF-OMS du 12 juillet dernier sur l'accès à l'eau et à l'assainissement pointe du doigt des inégalités criantes qui ne cessent de se creuser.
Trop de personnes demeurent marginalisées ou continuent de vivre dans des conditions inacceptables.
Monsieur le Président,
Nous devons, par ailleurs, persévérer résolument dans la voie de la lutte contre toutes les formes de violence grave contre la dignité humaine et notamment œuvrer en faveur de l'amélioration de la condition de la femme, alors que les discriminations et les violences dont elles sont victimes perdurent.
C'est pourquoi, Monaco salue votre courageuse initiative, Monsieur le Secrétaire général, et a signé hier le Pacte volontaire entre l'ONU et les États membres pour éliminer l'exploitation et les atteintes sexuelles :
- dans les opérations de paix,
- d'assistance humanitaire,
- de promotion et de protection des droits de l'homme,
- et plus largement dans la contribution de l'Organisation au développement durable.
Cet engagement est un signal fort pour que la tolérance zéro devienne effectivement la norme pour tous les États.
Il me paraît important aujourd'hui de revenir, pour l'apprécier davantage, sur le contexte de la création de l'Organisation des Nations Unies. Cet exercice de mémoire nous permet de mettre en perspective nos difficultés actuelles et nous convaincre, si nous ne l'étions déjà, de l'importance de cette Organisation universelle.
Ceci m'amène, Monsieur le Secrétaire général, à vous exprimer ma satisfaction sur la vision que vous nous avez soumise afin que l'Organisation soit mieux à même d'assister ses États membres dans la mise en œuvre du Programme 20-30.
Nous vous soutenons dans vos initiatives de réforme car nous voulons une Organisation moderne et performante où les fonctionnaires internationaux tant au Siège que sur les nombreux terrains d'opérations, se sentent investis d'une mission prioritaire pour laquelle leur travail et leur abnégation sont reconnus.
Je voudrais, à cet égard, rendre hommage à tous ceux qui s'engagent à remplir cette mission sur le terrain, parfois - comme nous l'avons hélas encore vu cette année trop souvent - au péril de leur vie.
À nous, Dirigeants rassemblés dans cette enceinte, de forger des consensus ambitieux, de confier des mandats réalistes et des moyens suffisants à l'Organisation.
Monsieur le Président,
Le premier rapport volontaire de Monaco sur la mise en œuvre des objectifs de développement durable a été présenté lors du Forum politique de haut niveau, sous les auspices du Conseil économique et social, en juillet dernier.
Monaco, comme chaque État ici présent, peut désormais confronter l'efficacité de ses choix aux objectifs universels que nous avons adoptés ici-même il y a deux ans.
Je souhaite revenir également sur l'Appel à l'action que nous avons adopté le 9 juin dernier reconnaissant que l'Océan est notre avenir.
La mise en œuvre de l'ODD 14 sur la vie aquatique revêt des spécificités particulières. Le succès de la Conférence qui lui était consacrée a démontré que la conservation et l'exploitation durable des océans et des mers ainsi que leurs ressources sont indispensables à notre survie.
Mon engagement pour la Planète en général et pour les océans en particulier est total et permanent.
J'ai l'intime conviction que notre capacité à sauver l'océan d'un déclin programmé nous permettra de sauver la planète.
C'est pourquoi je salue la décision visionnaire prise par le Secrétaire général de nommer un Envoyé spécial pour l'Océan. Cette nomination est emblématique des défis à relever et hautement nécessaire pour rationnaliser nos actions.
Nul ne doute du dévouement et de l'engagement sans faille du Président de la 71e session de l'Assemblée générale, Monsieur Peter Thomson, que nous félicitons chaleureusement tant pour le travail accompli ces derniers mois que pour ses nouvelles responsabilités.
Nous plaçons les plus grands espoirs dans sa capacité à fédérer le système onusien, la société civile, le secteur privé et académique pour que les cibles de l'ODD 14 soient atteintes.
C'est donc avec grande fierté que le Musée Océanographique de Monaco - + Prince Albert 1er l'accueillera dans les locaux de la Maison des Océans à Paris. La Principauté perpétue ainsi la tradition instaurée par mon trisaïeul, Prince océanographe, scientifique passionné dont l'une des ambitions était notamment de rendre la science accessible à tous et d'utiliser les nouvelles connaissances pour accroître le bien-être de l'humanité.
Il y a quelques semaines j'ai eu le privilège de présenter en marge de la Conférence sur l'ODD 14, “ Les Explorations de Monaco ”.
Les trois ans de navigation du navire Yersin autour du monde visent à :
- accroître nos connaissances par la recherche biologique marine en association avec les scientifiques locaux,
- disséminer les résultats de nos recherches,
- promouvoir une action collective et concertée telle que la création d'aires marines protégées tout en stimulant l'innovation.
Je souhaite conclure mon propos par cette confiance dans la science qui nous permet de fonder nos décisions sur des faits avérés et vérifiables.
Qu'elle nous rassure ou nous effraie, la science doit nous inciter à l'action et donc à avancer ensemble pour le progrès et l'espoir d'un monde meilleur.
Je vous remercie. »
Ensuite, le Souverain prend part au déjeuner offert aux chefs de délégation par S.E. M. Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies.
En fin de journée, S.A.S. le Prince se rend à la traditionnelle réception en l'honneur des chefs d'État et de Gouvernement offerte par le président américain, S.E. M. Donald Trump et son épouse.
À l'issue de cette réception, le Souverain quitte les États-Unis d'Amérique pour une visite officielle en République du Cap-Vert (voir le Journal de Monaco du 30 novembre 2018).