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Décision de sanction de la Commission de Contrôle des Activités Financières du 22 juillet 2024.

  • No. Journal 8705
  • Date of publication 26/07/2024
  • Quality 100%
  • Page no.

Par devant Nous, M. Gérard RAMEIX, Président, assisté des membres délibérants suivants de la CCAF : M. Jean-François CULLIEYRIER, Vice-Président, M. Hervé DALLERAC, Membre, M. Bruno GIZARD, Membre, M. Paul-Marie JACQUES, Membre, M. Jean‑Pierre PINATTON, Membre,

Et en présence de M. Jean-Pierre MICHAU, Membre, désigné comme Rapporteur,

Et de Mme Véronique MASSEAU, chargée de mission auprès de la Commission de Contrôle des Activités Financières (CCAF), qui assure le secrétariat de l’audience et de la délibération de la CCAF,

PERSONNE MISE EN CAUSE :

BANK JULIUS BAER (MONACO) SAM

Société anonyme monégasque au capital de 160.000.000 euros,

Dont le siège social est situé au 13, avenue de Grande‑Bretagne La Lestra 98000 Monaco

Prise en la personne de son représentant, M. Albert HENRIQUES PASCOAL, Directeur Général et Responsable déterminant effectivement l’orientation et la gestion de la société (ROSG), accompagné de Mme R., Chief Risk Officer jusqu’en décembre 2023, et de Mme V., Chief Risk Officer depuis octobre 2023.

Assistée de :

•   Maître Arnaud ZABALDANO, Avocat Défenseur, empêché,

•   Maître Martine SAMUELIAN, Avocate,

•   Maître Alexandre HASSINE, Avocat.

À la demande du Président, l’ensemble des membres délibérants a confirmé ne pas avoir de conflits d’intérêts avec la société BANK JULIUS BAER (MONACO) SAM.

Les faits et la procédure

La Commission a adressé le 25 janvier 2024 à la société BANK JULIUS BAER (MONACO) SAM une lettre recommandée avec accusé de réception, lui notifiant l’ouverture de la procédure par elle décidée et précisant les motifs :

Par décision en date du 7 décembre 2023, la CCAF a décidé l’ouverture d’une procédure susceptible d’aboutir au prononcé de sanctions administratives envers la société BANK JULIUS BAER (MONACO) SAM, ayant considéré que la Société Agréée n’aurait pas respecté les dispositions de la loi n° 1.338 et de l’Ordonnance Souveraine n° 1.284, et a relevé plus précisément :

•   Une potentielle violation des dispositions de l’article 23‑3 de la loi n° 1.338, en l’absence d’évaluation par la Société Agréée du caractère approprié des produits d’investissements souscrits par M. R.,

•   Une potentielle violation des dispositions des articles 5 et 23 de la loi n° 1.338 et de l’article 7 de l’Ordonnance Souveraine n° 1.284, en raison des défaillances dans les moyens humains et techniques de la Société Agréée, et du non-respect des procédures internes de la Société Agréée,

•   Une potentielle violation des dispositions des articles 23 de la loi n° 1.338 et de l’article 6 de l’Ordonnance Souveraine n° 1.284, en l’absence de mécanismes de sécurité et de contrôle interne adéquats.

À la suite du dépôt du rapport du Rapporteur, le 4 juin 2024, le Bureau s’est réuni le 5 juin 2024 et a décidé de poursuivre la procédure.

Avis en a été donné à la société BANK JULIUS BAER (MONACO) SAM, avec communication du rapport, en application de l’article 37 de la loi n° 1.338 et convocation à l’audience de la CCAF du 11 juillet 2024 à 9 h 30.

La société a présenté des observations sur le rapport du Rapporteur le 28 juin 2024.

Après avoir pris en considération les termes du rapport de contrôle de la société, ceux du rapport du Rapporteur, ainsi que les observations de la société BANK JULIUS BAER (MONACO) SAM,

Après avoir entendu :

Le Rapporteur, en son rapport oral,

La société BANK JULIUS BAER (MONACO) SAM, représentée par M. Albert HENRIQUES PASCOAL, lequel avait souhaité être accompagné de Mme R. et de Mme V.,

Ses Conseils.

La mise en cause ayant eu la parole en dernier.

À l’issue des débats, et avant la délibération, le Rapporteur a quitté la séance conformément à l’article 39 de la loi n° 1.338, ainsi que les représentants de la personne mise en cause et ses Conseils.

Après en avoir délibéré,

La Commission a considéré :

•   Sur les questions de procédure soulevées dans le mémoire complémentaire :

La décision à intervenir de la CCAF a été prise dans le respect strict des dispositions légales applicables à Monaco à la CCAF tant dans son organisation que des pouvoirs conférés à ses instances.

L’audience prévue pour le 11 juillet 2024 à 9 h 30, telle que mentionnée dans la convocation adressée dans les délais légaux, prévoyait ces date et heure ; elles n’ont pu faire l’objet des modifications demandées par l’Avocat Défenseur en raison de contraintes matérielles et organisationnelles.

La personne convoquée a été, durant la séance, assistée de deux de ses Conseils, avocats au Barreau de Paris.

Le reproche fait au Rapporteur de ne pas avoir accepté que la personne explicitement convoquée par lui soit accompagnée de collaborateurs pour son audition, ne saurait être retenue.

En effet, il était possible à la société, objet de la procédure, de demander l’audition de ces personnes, individuellement, en application de l’article 37 de la loi n° 1.338, ce qui n’a pas été demandé.

Enfin, il importe de relever que la pièce critiquée par la défense, constituée d’un mémorandum daté du 10 mai 2023 du Chief Risk Officer, avait été produite par la banque elle-même et remise aux contrôleurs.

Il n’y a donc eu ni violation du principe du contradictoire, ni atteinte aux droits de la défense.

•   Sur les griefs :

    o Sur la potentielle violation des dispositions de l’article 23‑3 de la loi n° 1.338, en l’absence d’évaluation par la Société Agréée du caractère approprié des produits d’investissements souscrits par M. R.

Les opérations en cause sont au nombre de dix et ont été réalisées entre le 21 août 2020 et le 20 décembre 2022 pour un total de 135.000.000 GBP.

Seule la dernière, la plus importante, d’un montant de 30.000.000 GBP, effectuée le 20 décembre 2022, l’a été sous l’empire de l’article 23‑3 de la loi n° 1.338 introduit par l’article 26 de la loi n° 1.529 du 29 juillet 2022, entrée en vigueur le 13 août 2022.

La société n’a pas alors procédé à la détermination du caractère approprié de l’instrument financier souscrit lors de cette opération.

Le client concerné, M. R., était qualifié par la société de client « private individual ».

Lors des débats, le Conseil a précisé que si les dispositions de l’article 9‑1 de l’Ordonnance Souveraine n° 1.284, modifiée, avaient été alors applicables, le client aurait répondu aux critères alternatifs permettant de le qualifier d’investisseur professionnel.

Les documents relatifs au client (notamment Client Investment Profile, Knowledge and experience, Waiver for speculative transactions presenting a specific risk) et aux opérations réalisées (notamment avis d’opéré) apparaissent contradictoires voire incohérents, comme cela est détaillé dans le rapport du Rapporteur.

La nature exacte des opérations (produits structurés) n’est pas, en définitive, clairement mentionnée.

Le Conseil a insisté sur le fait que l’article 23‑3 de la loi n° 1.338 était entré en vigueur sans aucune période transitoire, ne permettant pas à la société de se mettre en conformité à la date d’entrée en vigueur de ce texte.

    o Sur la potentielle violation des dispositions des articles 5 et 23 de la loi n° 1.338 et de l’article 7 de l’Ordonnance Souveraine n° 1.284, en raison des défaillances dans les moyens humains et techniques de la Société Agréée, et du non-respect des procédures internes de la Société Agréée

Les dix opérations du client, M. R., d’une nature spécifique, en l’espèce des produits structurés, se sont étalées sur plus de deux ans, et ont été chacune d’un montant nominal très important (jusqu’à 30.000.000 GBP pour la dernière) pour un total de 135.000.000 GBP.

Les opérations en cause ont été faites sans bénéficier, sauf pour l’une d’entre elles, de la sécurité apportée par l’outil DIAS qui permet de générer des alertes.

Les opérations en cause ont été faites sans respect de la procédure dite de Centralised Dealing, en ce sens, notamment, qu’en matière de produits structurés les nouvelles émissions, la sélection des émetteurs tiers potentiels, la négociation des prix et la structuration des produits devaient être coordonnés et exécutés exclusivement par le bureau de Zurich du groupe.

Ces opérations ont été faites sans que tous les documents dits term sheet aient été signés par le client.

Ces opérations ont été faites sans respect des procédures de communication entre un chargé de clientèle et son client telles qu’exigées par la société elle-même.

La société BANK JULIUS BAER (MONACO) SAM a expliqué qu’elle avait été victime des agissements d’un de ses préposés, qui avait, à son insu, contourné les règles et procédures de la société. Cela l’avait obligée à déposer une plainte entre les mains de Monsieur le Procureur Général du chef d’abus de confiance, procédure étendue à l’escroquerie, à la demande du Parquet, d’après son Conseil.

La société BANK JULIUS BAER (MONACO) SAM a procédé à une indemnisation du client à hauteur de 37,8 millions GBP.

    o Sur la potentielle violation des dispositions des articles 23 de la loi n° 1.338 et de l’article 6 de l’Ordonnance Souveraine n° 1.284, en l’absence de mécanismes de sécurité et de contrôle interne adéquats.

La société BANK JULIUS BAER (MONACO) SAM a détaillé les structures de contrôle mises en place au sein du groupe et de la société au niveau local.

Elle a expliqué que les contrôles, à l’époque des faits, étaient fondés sur la méthode de l’échantillonnage et que les opérations du client M. R. n’avaient alors pas été relevées, sauf une. La société a déclaré, lors de son audition par le Rapporteur, que, depuis la survenance des faits, cette méthode avait été abandonnée.

Une mission d’audit interne du groupe relative à l’activité de réception/transmission d’ordres en exécution simple, dans un rapport daté de novembre 2023, avec une période auditée de janvier à mars 2023, propose dans les « recommandations et remédiations » un renforcement des contrôles et un élargissement de l’échantillon.

Comme l’a reconnu le représentant de la société lors de l’audience, le critère du montant pour ce type d’opération n’était pas alors un critère générateur de contrôles ou de vérifications.

Or, chacune des dix opérations du client M. R. était d’un montant supérieur ou égal à 5.000.000 GBP.

Il apparaît par ailleurs que le nombre d’opérations de cette nature et de cette importance quant à leur montant était très limité.

Depuis, ce critère a été pris en compte, d’après les déclarations, à l’audience, du représentant de la société.

En dépit des caractéristiques des opérations, l’attention de la hiérarchie de la société ou des services de contrôle interne ne paraît pas avoir été attirée. Ces caractéristiques et notamment les montants concernés, auraient dû constituer des faits générateurs de vérifications et de contrôles.

Certaines procédures internes génératrices de contrôle n’ont pas été appliquées, telle la procédure dite Centralised Dealing, ainsi que certains outils internes tel l’outil DIAS (utilisé pour une seule des dix opérations).

Si les contrôles ont pour objet de vérifier le respect des procédures, ils doivent aussi permettre, sous l’autorité du Chief Risk Officer, la détection de situations de non application des procédures, voire de fraudes, via des points de contrôle pertinents.

La société BANK JULIUS BAER (MONACO) SAM a indiqué dans le mémoire de son Conseil que :

« Compte tenu de ce qui précède, le grief 3 sur une prétendue défaillance du contrôle interne, s’il était retenu, devra être limité à un manquement ponctuel trouvant ses causes et conséquences dans (i) des facteurs exogènes et (i) le contournement par le chargé de clientèle du Client, du dispositif de contrôle interne de JBM. »

Dans le mémoire complémentaire, le Conseil a tenu à affirmer que, contrairement à l’analyse du Rapporteur, il ne s’agissait pas de la reconnaissance d’une défaillance du contrôle interne.

PAR CES MOTIFS,

Vu notamment les dispositions des articles 5, 23 et suivants, 34 à 39 de la loi n° 1.338 du 7 septembre 2007 sur les activités financières, telle qu’amendée,

Vu notamment les dispositions des articles 6 et 7 de l’Ordonnance Souveraine n° 1.284 du 10 septembre 2007 portant application de la loi n° 1.338 du 7 septembre 2007 sur les activités financières,

Considérant que les griefs susvisés étaient de nature à porter atteinte de manière telle aux intérêts des investisseurs en violation des dispositions de l’article 7 de l’Ordonnance Souveraine n° 1.284 précitée,

DÉCIDE :

•   Que les griefs tirés de la violation des dispositions de l’article 23‑3 de la loi n° 1.338, en l’absence d’évaluation par la Société Agréée du caractère approprié des produits d’investissements souscrits par M. R., client, peuvent être écartés eu égard au caractère récent de ces dispositions et des délais nécessaires à leur mise en œuvre ;

•   Que les griefs tirés de la violation des dispositions des articles 5 et 23 de la loi n° 1.338 et de l’article 7 de l’Ordonnance Souveraine n° 1.284, en raison des défaillances dans les moyens humains et techniques de la Société Agréée, et du non-respect des procédures internes de la Société Agréée, n’apparaissent pas caractérisés et ne doivent pas, en l’état, être retenus ;

•   Que les griefs tirés de la violation des dispositions des articles 23 de la loi n° 1.338 et de l’article 6 de l’Ordonnance Souveraine n° 1.284, en l’absence de mécanismes de sécurité et de contrôle interne adéquats, apparaissent fondés et doivent, en l’état, être retenus.

Relève que la société BANK JULIUS BAER (MONACO) SAM a mis en place certaines mesures correctrices postérieurement au contrôle.

Prononce à l’encontre de la société BANK JULIUS BAER (MONACO) SAM un blâme à titre de sanction.

Décide de la publication de la présente décision au Journal de Monaco et sur le site Internet de la Commission de Contrôle des Activités Financières.

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues notamment par l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 sur l’organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême.

Monaco le 22 juillet 2024.

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