TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - Extrait - Audience du 22 septembre 2022 - Lecture du 7 octobre 2022
Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du 15 octobre 2020 du Directeur de la Sûreté publique rejetant la première demande de carte de séjour de résident de Mme P. O. et de la décision du 18 janvier 2021 du Conseiller de Gouvernement-Ministre de l’Intérieur rejetant le recours hiérarchique formé contre cette décision.
En la cause de :
Mme P. O. ;
Ayant élu domicile en l’étude de M. le Bâtonnier Thomas GIACCARDI, Avocat-Défenseur près la Cour d’appel de Monaco et plaidant par ledit Avocat-Défenseur, substitué par Maître Thomas BREZZO, Avocat près la même Cour ;
Contre :
L’État de Monaco, représenté par le Ministre d’État, ayant pour Avocat-Défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation de France ;
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en assemblée plénière,
…/…
Après en avoir délibéré :
1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le 10 juin 2020, Mme P. O. a adressé au Directeur de la Sûreté Publique une première demande de carte de séjour de résident ; que, par une décision du 15 octobre 2020, notifiée le 27 octobre 2020, le Directeur de la Sûreté Publique a rejeté sa demande ; que Mme O. a formé un recours hiérarchique à l’encontre de cette décision de rejet devant le Conseiller de Gouvernement-Ministre de l’Intérieur ; que, par une décision du 18 janvier 2021, notifiée le 19 janvier 2021, le Conseiller de Gouvernement-Ministre de l’Intérieur a rejeté ce recours ; que Mme O. demande au Tribunal Suprême d’annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
2. Considérant qu’aux termes de l’article 6 de l’Ordonnance Souveraine du 19 mars 1964, modifiée, relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers dans la Principauté : « L’étranger qui sollicite, pour la première fois, une carte de séjour de résident doit présenter, à l’appui de sa requête : / - soit un permis de travail, ou un récépissé en tenant lieu, délivré par les services compétents ; / - soit les pièces justificatives de moyens suffisants d’existence, s’il n’entend exercer aucune profession. / La durée de validité de la carte de résident temporaire ne peut dépasser la durée de validité des documents et visas exigés pour entrer et séjourner dans la Principauté. / La carte de résident temporaire ne peut être renouvelée que si l’étranger satisfait aux conditions prévues aux alinéas ci-dessus. / Elle peut lui être retirée à tout moment, s’il est établi qu’il cesse de remplir ces mêmes conditions ou si les autorités compétentes le jugent nécessaires » ;
3. Considérant que l’objet des mesures de police administrative étant de prévenir d’éventuelles atteintes à l’ordre public, il suffit que les faits retenus révèlent des risques suffisamment caractérisés de trouble à la tranquillité ou à la sécurité publique ou privée pour être de nature à justifier de telles mesures ; que l’autorité administrative dispose, en matière de première demande de carte de séjour de résident, d’un large pouvoir d’appréciation ;
4. Considérant qu’il ressort des écritures du Ministre d’État que le refus de délivrer à Mme O. une première carte de séjour de résident est fondé sur la considération que la présence potentielle de son fils majeur, M. G. V., à son domicile monégasque risque, eu égard aux faits pour lesquels il a déjà été poursuivi ou condamné pénalement et des troubles à l’ordre public qu’il a déjà provoqués sur le territoire monégasque, de compromettre la tranquillité et la sécurité publique ou privée ;
5. Considérant, toutefois, qu’il ressort des pièces du dossier que s’il ne dispose pas de ressources personnelles, le fils de Mme O., majeur et capable, n’est pas dans une situation imposant qu’il soit hébergé de manière pérenne dans le logement monégasque de sa mère ; que cette dernière s’est engagée à mettre à la disposition de son fils un logement en France ; que, dès lors, le risque de trouble à l’ordre public que la présence du fils de la requérante est susceptible de constituer, lequel pourrait, au demeurant, fonder une mesure d’interdiction de pénétrer sur le territoire de la Principauté, ne peut légalement justifier le refus de délivrer à Mme O. une première carte de séjour de résident ; qu’en outre, un tel refus n’est pas de nature à conjurer le risque qui résulterait de la présence de M. V. sur le territoire de la Principauté ; que, par suite, Mme O. est fondée à demander l’annulation des décisions qu’elle attaque ;
Décide :
Article Premier.
La décision du 15 octobre 2020 du Directeur de la Sûreté Publique et la décision du 18 janvier 2021 du Conseiller de Gouvernement-Ministre de l’Intérieur sont annulées.
Art. 2.
Les dépens sont mis à la charge de l’État.
Art. 3.
Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.
Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.
Le Greffier en Chef,
V. Sangiorgio.