TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - EXTRAIT - Audience du 22 mars 2021 - Lecture du 6 avril 2021
Recours tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 octobre 2019 de l'Administrateur des Domaines refusant la conclusion du contrat « habitation-capitalisation » pour le logement occupé par les époux D. sis « Les Terrasses de Fontvieille » et à la condamnation de l'État à leur verser un euro à titre de dommages et intérêts.
En la cause de :
M. J.P. D. et Mme S. F. épouse D. ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe BALLERIO, Avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit Avocat-défenseur ;
Contre :
L'État de Monaco, représenté par le Ministre d'État, ayant pour Avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en assemblée plénière,
…/…
Après en avoir délibéré :
1\. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 15 octobre 2018, l'Administration des Domaines a fait droit à la demande des époux D. tendant à la conclusion d'un contrat « habitation-capitalisation » pour le logement qu'ils occupent sis « Les Terrasses de Fontvieille » ; qu'ils n'ont toutefois pas été en mesure de donner suite à l'offre, d'une durée de validité de trois mois, faite par l'Administration des Domaines ; qu'en septembre 2019, les époux D. ont à nouveau sollicité l'Administration des Domaines afin de bénéficier du dispositif « habitation-capitalisation » ; que, par une décision du 21 octobre 2019, l'Administrateur des Domaines a rejeté leur demande ; que les époux D. demandent au Tribunal Suprême l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision et l'indemnisation du préjudice qu'ils estiment avoir subi ;
Sur les conclusions à fin d'annulation
2\. Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi n° 357 du 19 février 2009 définissant le contrat « habitation-capitalisation » dans le secteur domanial, ce contrat est une convention de droit privé qui comporte l'engagement de l'État de conférer au titulaire du contrat un droit personnel d'habitation d'un appartement situé dans un immeuble dépendant du domaine de l'État, à titre onéreux, et pour une durée de 75 ans à l'issue de laquelle un nouveau contrat peut être conclu ; que l'article 2 de la même loi précise toutefois que « les appartements ou les immeubles voués à la destruction, la reconstruction, la rénovation ou l'extension, pour des opérations arrêtées par les programmes triennaux d'équipement public annexés aux lois de budget » ne peuvent faire l'objet de contrats « habitation-capitalisation » ; que l'article 1er de l'Ordonnance Souveraine n° 2.249 du 1er juillet 2009 fixant les conditions d'application de la loi n° 1.357 du 19 février 2009 définissant le contrat « habitation-capitalisation » dans le secteur domanial dispose : « Afin de maintenir un parc locatif à but social, le nombre total des contrats « habitation-capitalisation » ne peut excéder la moitié de celui des logements domaniaux disponibles à la location, classés par type en fonction du nombre de pièces, sans préjudice de l'application de l'article 11\. / Entrent en compte pour le calcul de cette moitié, les appartements relevant d'immeubles dépendant du domaine de l'État et construits avant le 1er septembre 1947\. / N'entrent pas en compte pour ce calcul, les logements relevant d'immeubles destinés à une démolition ou une restructuration et qui, lors de la demande d'établissement d'un contrat définitif formulée par le locataire ou l'attributaire, soit sont inscrits au programme triennal d'équipement public en cours, soit doivent être inscrits au plus prochain programme. / Sont réputés destinés à maintenir un parc locatif à but social et ne peuvent, à ce titre, faire l'objet de contrats « habitation-capitalisation » les appartements visés au deuxième alinéa » ;
3\. Considérant qu'il ressort des écritures du Ministre d'État que l'Administration des Domaines justifie le rejet en octobre 2019 de la seconde demande de conclusion d'un contrat « habitation-capitalisation » présentée par les époux D. par la circonstance que le principe de la démolition de l'immeuble « Les Terrasses de Fontvieille » a été définitivement retenu le 11 mars 2019 à l'occasion de l'adoption du Plan National pour le Logement ; qu'en se fondant sur un tel motif, alors que la condition prévue par la loi du 19 février 2009 est l'inscription d'une opération dans un programme triennal d'équipement public annexé à la loi de budget dont il doit résulter la destruction de l'immeuble concerné, l'Administration des Domaines a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, les époux D. sont fondés à demander l'annulation de la décision qu'ils attaquent ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation
4\. Considérant que le préjudice invoqué par les époux D. n'est pas établi ; que leurs conclusions indemnitaires ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
Décide :
Article Premier.
La décision du 21 octobre 2019 de l'Administrateur des Domaines est annulée.
Art. 2.
Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Art. 3.
Les dépens sont mis à la charge de l'État.
Art. 4.
Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
Pour extrait certifié conforme à l'original délivré en exécution de l'article 37 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.
Le Greffier en Chef,
V. SANGIORGIO.