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TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco - EXTRAIT - Audience du 22 mars 2021 - Lecture du 6 avril 2021

  • No. Journal 8535
  • Date of publication 23/04/2021
  • Quality 100%
  • Page no.

Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du 11 juin 2019 de la Direction du Travail abrogeant le permis de travail délivré à M. A. P. le 22 mai 2017.
En la cause de :
M. A. P. ;

Élisant domicile en l'étude de Maître Jean-Charles S. GARDETTO, Avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit Avocat-défenseur ;
Contre :
L'État de Monaco, représenté par le Ministre d'État, ayant pour Avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;


LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en assemblée plénière,


…/…
Après en avoir délibéré :
1\. Considérant que M. A. P. demande au Tribunal Suprême d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 11 juin 2019 de la Direction du Travail abrogeant le permis de travail qui lui a été délivré le 22 mai 2017 et de condamner l'État de Monaco à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi ;


Sur les conclusions à fin d'annulation


2\. Considérant, d'une part, qu'aux termes des premier et deuxième alinéas de l'article 1er de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 tendant à réglementer les conditions d'embauchage et de licenciement en Principauté : « Aucun étranger ne peut occuper un emploi privé à Monaco s'il n'est titulaire d'un permis de travail. Il ne pourra occuper d'emploi dans une profession autre que celle mentionnée par ce permis. La demande de permis de travail mentionne, le cas échéant, l'exercice d'une activité de télétravail et les lieux où elle est exercée. / Cette obligation est indépendante de la forme et de la durée du contrat de travail ainsi que du montant et de la nature de la rémunération » ; que l'article 2 de la même loi précise que « La délivrance du permis de travail prévu à l'article premier ne peut intervenir qu'après avis du Directeur de la Sûreté Publique et avis du Directeur de l'Office de la médecine du travail. / Ces avis sont respectivement transmis au Directeur du Travail par le Directeur de la Sûreté Publique et par le Directeur de l'Office de la médecine du travail » ;
3\. Considérant, d'autre part, que l'article 3 de la loi n° 1.430 du 13 juillet 2016 portant diverses mesures relatives à la préservation de la sécurité nationale dispose : « Le Directeur de la Sûreté Publique procède, sur instructions du Ministre d'État ou du Conseiller de Gouvernement-Ministre de l'Intérieur, préalablement aux actes ou décisions administratives d'autorités compétentes dont la liste est fixée par arrêté ministériel, à des enquêtes aux fins de vérifier que des personnes physiques ou morales concernées par ces actes ou décisions, présentent des garanties appropriées et que leurs agissements ne sont pas incompatibles avec ceux-ci. Le Directeur de la Sûreté Publique procède également à des enquêtes aux fins de vérifier la situation personnelle, familiale et financière des personnes physiques désireuses de s'établir sur le territoire de la Principauté ou de renouveler leur titre de séjour conformément aux dispositions réglementaires applicables » ; que l'arrêté ministériel n° 2016-622 du 17 octobre 2016 portant application de l'article 3 de la loi n° 1.430 du 13 juillet 2016 portant diverses mesures relatives à la préservation de la sécurité nationale, range « la délivrance et le renouvellement des permis de travail et autorisations d'embauchage » au nombre des décisions qui doivent être précédées d'une enquête ;
4\. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée est fondée sur les résultats d'une enquête réalisée par la Direction de la Sûreté Publique en application des dispositions citées ci-dessus ; que cette enquête a révélé que M. P. avait fait l'objet d'une condamnation en Italie à une peine de vingt-deux mois d'emprisonnement pour infraction à la législation sur les stupéfiants ; que la Direction du Travail a estimé que, dès lors, il ne présentait pas les « garanties appropriées » pour poursuivre son activité professionnelle sur le territoire monégasque ;
5\. Considérant que, si la décision attaquée évoque de manière impropre l'annulation du permis de travail de M. P., il ressort des écritures du Ministre d'État que le Directeur du Travail a, en réalité, entendu abroger la décision accordant le permis de travail du 22 mai 2017 ;
6\. Considérant, en premier lieu, que, eu égard aux caractéristiques de l'emploi de valet dans les hôtels de la Principauté et à la nature des faits pour lesquels M. P. a été condamné pénalement par la justice italienne en 2011, le Directeur du Travail a pu estimer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que le requérant ne présentait pas, à la date à laquelle il a pris sa décision, les garanties appropriées à l'occupation d'un tel emploi ;
7\. Considérant, en deuxième lieu, que le principe de sécurité juridique est inhérent à l'affirmation constitutionnelle de la Principauté de Monaco en tant qu'État de droit ; que le respect de ce principe par toutes les autorités publiques participe à la garantie des droits fondamentaux consacrés par le Titre III de la Constitution ; qu'il appartient ainsi à l'ensemble des autorités publiques de respecter les exigences découlant du principe de sécurité juridique et au Tribunal Suprême d'en assurer la protection conformément à la mission que lui confère la Constitution ; qu'ainsi que l'a jugé le Tribunal Suprême dans une décision du 29 novembre 2018, « ce principe protège la confiance légitimement placée dans la non mutabilité de certains actes juridiques » ; que, contrairement à ce qu'affirme le Ministre d'État dans ses écritures, en citant pourtant la décision susmentionnée, ce principe s'applique aux actes administratifs unilatéraux ;
8\. Considérant que la circonstance, pour regrettable qu'elle soit, que l'Administration ait délivré à M. P. un permis de travail postérieurement à sa condamnation pénale est sans incidence sur la décision légale d'abroger cette autorisation administrative ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique doit être écarté ;
9\. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au considérant 6\. que les moyens tirés de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale et, en tout état de cause, du droit de propriété, doivent être écartés ;
10\. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. P. n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ;


Sur les conclusions à fin d'indemnisation


11\. Considérant qu'il résulte du 1° du B de l'article 90 de la Constitution que le rejet des conclusions à fin d'annulation entraîne par voie de conséquence celui des conclusions à fin indemnitaire ; que la demande indemnitaire présentée par M. P. doit donc être rejetée ;
Décide :


Article Premier.


La requête de M. A. P. est rejetée.


Art. 2.


Les dépens sont mis à la charge de M. P.


Art. 3.


Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
Pour extrait certifié conforme à l'original délivré en exécution de l'article 37 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.


Le Greffier en Chef,
V. SANGIORGIO.

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