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EXTRAIT - TRIBUNAL SUPREME de la Principauté de Monaco Audience du 15 octobre 2013 Décision du 25 octobre 2013

  • No. Journal 8146
  • Date of publication 08/11/2013
  • Quality 98.51%
  • Page no. 2258
Requête en annulation de la décision en date du 8 novembre 2012, portant la référence 201206756/aci, par laquelle le Président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives (C.C.I.N.) a décidé d’adresser un avertissement à la SAM MONACO TELECOM INTERNATIONAL en application de l’article 19 de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993, de faire procéder à la publication de cette sanction sur le site Internet de la C.C.I.N. et d’adresser une mise en demeure à la requérante ;
En la cause de :
- SAM MONACO TELECOM INTERNATIONAL,
Ayant Maître Régis BERGONZI pour avocat-défenseur et plaidant par Maître Hélène LEBON, avocat au barreau de Paris ;
Contre :
- COMMISSION DE CONTROLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES, (C.C.I.N.),
Ayant pour avocat-défenseur Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIÉ, Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation.
LE TRIBUNAL SUPREME
Siégeant et délibérant en assemblée plénière, et statuant en matière constitutionnelle et administrative,
Après en avoir délibéré ;
Statuant en matière constitutionnelle et en matière administrative ;
Considérant que, par délibération n° 2012-138 en date du 24 septembre 2012, la Commission de Contrôle des Informations Nominatives a ordonné, en vertu des articles 18 de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993 modifiée relative à la protection des informations nominatives et 14 de l’ordonnance souveraine n° 2.230 en date du 19 juin 2009 en fixant les modalités d’application, une mission d’investigation auprès de la société anonyme monégasque MONACO TELECOM INTERNATIONAL, opérateur de télécommunications et hébergeur de sites Internet, filiale de MONACO TELECOM, aux fins de vérifier si cette entreprise était en conformité avec la loi relative à la protection des informations nominatives ; qu’elle a commis à cet effet la secrétaire générale de la commission, le chef de la division informatique et la responsable de la division des investigations et du contrôle ;
Considérant que, munis d’une lettre de mission du même jour du Président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives, les contrôleurs se sont rendus du 25 au 28 septembre 2012 et les 1, 4, 8 et 9 octobre 2012 à cet effet dans les locaux de ladite société et ceux d’une société prestataire ; que chaque jour un compte rendu a été établi ; que, par lettre du 8 novembre 2012 communiquant le compte rendu de vérification, le président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives a adressé à la société contrôlée un avertissement en application de l’article 19 de la loi n° 1.165 modifiée avec mention que cette sanction administrative ferait l’objet d’une publication sur le site internet de la Commission, ce qui a été réalisé, et l’a par ailleurs mise en demeure de régulariser dans les douze mois l’ensemble des traitements qu’elle exploite ; que le recours gracieux formé contre cette décision par la société a été rejeté le 25 janvier 2013 ; que la société MONACO TELECOM INTERNATIONAL demande l’annulation de cette décision, du compte-rendu de vérification et du rejet de son recours gracieux ;
Sur l’exception d’inconstitutionnalité :
Considérant que les écritures de la société requérante visent à contester le régime législatif de la procédure de poursuite et de sanction devant la Commission de Contrôle des Informations Nominatives ;
Considérant que l’article 19 de la Constitution dispose : « La liberté et la sûreté individuelle sont garanties. Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, devant les juges qu’elle désigne et dans les formes qu’elle prescrit. Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu’en vertu de l’ordonnance motivée du juge, laquelle doit être signifiée au moment de l’arrestation ou, au plus tard dans les vingt-quatre heures. Toute détention doit être précédée d’un interrogatoire » ; que la procédure instaurée par l’article 18 de la loi n° 1.165 n’affecte ni la liberté ni la sûreté individuelle ; que par suite le grief tiré de la violation de l’article 19 de la Constitution est inopérant ;
Considérant que l’article 22 de la Constitution prévoit : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale et au secret de sa correspondance » ; que les nécessités de la protection des droits et libertés des personnes impliquent de pouvoir diligenter des contrôles dans les locaux professionnels de personnes physiques ou morales afin de vérifier qu’elles respectent les dispositions législatives et réglementaires relatives à la protection des informations nominatives ; que les dispositions de l’article 18 de la loi n° 1.165 modifiée qui définissent les modalités de ce contrôle n’ont ni pour objet ni pour effet d’autoriser la Commission de Contrôle des Informations Nominatives à obtenir des personnes contrôlées des informations en méconnaissance des secrets protégés par la Constitution et par la loi, que par suite le grief tiré de la violation de l’article 22 de la Constitution est également inopérant ;
Considérant que l’article 18 de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993 modifiée relative à la protection des informations nominatives dispose : « La Commission de Contrôle des Informations Nominatives (cf. texte de l’article 18) » ;
Considérant que l’article 21 de la Constitution énonce : « Le domicile est inviolable. Aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans les conditions qu’elle prescrit » ;
Considérant que l’inviolabilité du domicile, protégée par l’article 21 de la Constitution, s’applique également, dans certaines circonstances, aux locaux professionnels où des personnes morales exercent leur activité ; qu’elle doit être conciliée avec les finalités légitimes du contrôle par les autorités publiques du respect des règles qui s’imposent à ces personnes morales dans l’exercice de leurs activités ;
Considérant que la faculté de mise en œuvre par une autorité publique de ses pouvoirs de visite et de contrôle des locaux professionnels nécessite des garanties effectives et appropriées tenant compte de l’ampleur et de la finalité de ces pouvoirs ;
Considérant que la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993, modifiée par la loi n° 1.353 du 6 décembre 2008 créant la Commission de Contrôle des Informations Nominatives, autorité chargée de contrôler et vérifier le respect des dispositions législatives et réglementaires en matière de protection des informations nominatives et la dotant à cette fin de pouvoirs de visite et de contrôle des locaux professionnels a pour but de renforcer la protection des droits et libertés des personnes face à l’expansion des nouvelles technologies et aux atteintes potentielles inhérentes à leur exploitation ; qu’elle poursuit ainsi un but d’intérêt général ;
Considérant que les dispositions de l’article 18 de la loi n° 1.165 permettent à la Commission de Contrôle des Informations Nominatives d’accéder à des locaux professionnels en dehors de leurs heures normales de fonctionnement, en présence de l’occupant des lieux, du responsable du traitement ou de son représentant ou, à défaut, d’un officier de police judiciaire requis à cet effet, et lui confère des pouvoirs d’investigation étendus ; qu’en application des dispositions de l’article 22, 3°) de la même loi ceux qui volontairement empêchent ou entravent ces investigations ou ne fournissent pas les renseignements ou documents demandés peuvent faire l’objet de sanctions pénales ;
Considérant que, eu égard à l’ampleur de ces pouvoirs d’investigation et des sanctions pénales prévues par l’article 22, 3°) précité, en l’absence d’aucune des garanties évoquées dans la question jugée préjudicielle par l’arrêt de la Cour d’appel du 18 mars 2013, invoquée par la société requérante, ou de garanties équivalentes, les dispositions de l’article 18 portent au principe de l’inviolabilité du domicile consacré par l’article 21 de la Constitution une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but d’intérêt général poursuivi par la loi n° 1.165 ; que par suite l’article 18 de la loi n° 1.165 n’est pas conforme à la Constitution ;
Sur la légalité des décisions administratives :
Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’ensemble des moyens ;
Considérant que, aux termes de l’article 19 de la loi n° 1.165, lorsque des irrégularités sont relevées à l’encontre de personnes morales de droit public ou de droit privé, le président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives adresse un avertissement à la personne responsable ou une mise en demeure de mettre fin aux irrégularités ou d’en supprimer les effets ; qu’en conséquence en prononçant de manière cumulative dans sa décision du 8 novembre 2012 un avertissement et une mise en demeure le président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives a violé l’article précité ;
Considérant que l’article 2-11 de la même loi ne permet la publication par la Commission de Contrôle des Informations Nominatives, pour l’information du public, que de ses délibérations, avis ou recommandations de portée générale ; qu’ainsi c’est sans fondement légal que le président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives a procédé à la publication d’une décision individuelle ;
Considérant que le pouvoir de sanction administrative attribué par la loi n° 1.165 à la Commission de Contrôle des Informations Nominatives doit être exercé de telle façon que soient assurés le respect des droits de la défense, le caractère contradictoire de la procédure et l’impartialité de la décision ;
Considérant que, s’il résulte des pièces du dossier que le responsable du traitement de la société requérante a signé, lors de la procédure de contrôle, les compte rendus journaliers d’investigation, la société n’a eu toutefois connaissance des griefs retenus à son encontre que par la décision de sanction et par le compte rendu définitif de vérification qui y était annexé, lequel comportait des critiques absentes des compte rendus journaliers ; que la société n’a pas été mise à même de faire valoir, avant la décision de sanction, ses observations sur ces griefs ; qu’ainsi le principe du contradictoire a été méconnu ;
Considérant qu’il résulte de tout de ce qui précède que la décision de sanction du 8 novembre 2012 du président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives et le rejet du recours gracieux de la société MONACO TELECOM INTERNATIONAL du 25 janvier 2013 doivent être annulés.
Décide :
ARTICLE PREMIER.
L’article 18 de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993 n’est pas conforme à la Constitution.
ART. 2.
La décision du 8 novembre 2012 du président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives et le rejet du recours gracieux du 25 janvier 2013 sont annulés.
ART. 3.
Les dépens sont mis à la charge du président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives.
ART. 4.
Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
ART. 5.
Expédition de la présente décision sera transmise au président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives et au Ministre d’Etat.
Pour extrait certifié conforme à l’original délivré en exécution de l’article 37 de l’ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.


Le Greffier en Chef,
B. BARDY.
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