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Cour d'Appel de la Principauté de Monaco - Année Judiciaire 2024‑2025 - Rentrée des Cours et Tribunaux.

  • No. Journal 8720
  • Date of publication 08/11/2024
  • Quality 100%
  • Page no.

Audience solennelle du 1er octobre 2024

Allocution de

Monsieur Francis Jullemier-Millasseau

Premier Président de la cour d’appel

Monsieur Stéphane Thibault

Procureur Général

Discours de rentrée

prononcé par

Monsieur Stéphane Braconnier

Président du Tribunal Suprême

Professeur en droit public

Président de l’Université Paris-Panthéon-Assas

« Le Juge, le Droit et l’État »

Ce mardi 1er octobre a été marqué par l’audience solennelle de rentrée des Cours et Tribunaux, à laquelle assistait Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, manifestant une nouvelle fois l’intérêt qu’Il porte à l’œuvre de justice.

À 9 h 50 précises, alors que les personnalités avaient pris place en la Cathédrale Notre-Dame Immaculée pour assister à la traditionnelle messe du Saint-Esprit, c’est en cortège, sous la bonne garde d’une section de Carabiniers du Prince, que le tous les membres du corps judiciaire quittaient le Palais de Justice. La Compagnie Judiciaire pouvait alors assister à la messe du Saint‑Esprit concélébrée par S.E. Monseigneur Dominique‑Marie David, Archevêque de Monaco, et l’ensemble du clergé diocésain.

De retour au Palais de Justice, l’assistance pouvait s’installer dans la salle d’audience de la Cour d’Appel pendant que Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, escorté de Monsieur Vincent Floreani, Son Chambellan, était accueilli par S.E. Monsieur Didier Guillaume, Ministre d’État, et Monsieur Samuel Vuelta Simon, Secrétaire d’État à la Justice - Directeur des Services Judiciaires, Président du Conseil d’État, devant le Palais de Justice.

L’audience solennelle débutait sous la présidence de M. Francis Jullemier-Millasseau Premier Président de la Cour d’Appel accompagné de Mme Claire Ghera, Mme Sandrine Lefebvre, M. Sébastien Biancheri, et Mme Marie-Hélène Cabannes, Conseillers qui siégeaient à ses côtés.

La Cour de Révision se tenait juste derrière avec M. Laurent Le Mesle, Vice-président, M. François-Xavier Lucas, M. Jean‑Pierre Gridel, M. Serge Petit, et M. Jacques Raybaud, Conseillers de la Haute Juridiction.

Devant la Cour se trouvaient les magistrats du Tribunal de Première Instance, M. Jérôme Fougeras Lavergnolle, M. Florestan Bellinzona et Mme Évelyne Husson, Vice-présidents, M. Ludovic Leclerc, Mme Léa Parienti, Mme Alexia Brianti et Mme Aline Brousse, Premiers juges, M. Franck Vouaux, Mme Catherine Ostengo, Mme Sandrine Ladegaillerie, M. Thierry Deschanels, M. Patrice Fey et Mme Anne-Sophie Houbart, Juges, M. Maxime Maillet, Magistrat référendaire.

Mme Cyrielle Colle, Juge de Paix, était également présente.

Pour le Parquet Général, aux côtés de M. Stéphane Thibault, Procureur Général, se tenaient M. Morgan Raymond, Procureur Général Adjoint, M. Julien Pronier et Mme Valérie Sagné, Premiers Substituts, Mme Emmanuelle Carniello et Mme Christine Mutiloa, Substituts, et Mme Cathy Raynier, Secrétaire Général du Parquet.

Mme Nadine Vallauri, Greffier en Chef, tenait le plumitif d’audience avec, à ses côtés, Mme Marine Pisani et M. Julien Sposito, Greffiers en Chef adjoints.

Me Claire Notari et Me Patricia Grimaud-Palmero occupaient le banc des Huissiers de justice.

Installés dans la salle parmi les invités on trouvait également :

Me Nathalie Aureglia-Caruso, Notaire.

Me Bernard Bensa, Bâtonnier, Me Thomas Giaccardi, Syndic-Rapporteur et Me Christophe Ballerio, Secrétaire de l’Ordre des Avocats-Défenseurs et Avocats étaient entourés cette année de Me Jean-Charles Gardetto, Me Richard Mullot, Me Géraldine Gazo, Me Christophe Sosso, Me Alexis Marquet, Me Arnaud Zabaldano, Me Olivier Marquet, Me Hervé Campana, Me Pierre-Anne Noghes-Du Monceau, Me Charles Lecuyer, Me Xavier-Alexandre Boyer Me Céline Martel-Emmerich, Me Arnaud Cheynut, Me Sophie-Charlotte Marquet et Me Raphaëlle Svara, Avocats-Défenseurs, Me Clyde Billaud, Me Stephan Pastor, Me Erika Bernardi, Me Sarah CaminitiRolland et Me Maeva Zampori, Avocats, Me Grégoire Gamerdinger, Me Violaine Rapaire et Me Robin Svara, Avocats-stagiaires représentants le Barreau monégasque.

Mme Laurie Pantanella, Greffier Principal accompagnée de Mme Marina Milliand, Mme Emmanuelle Philibert, Mme Bénédicte Seren-Pasteau, Mme Amandine Renou, Mme Chloé Benvenuti, Mme Marine Cosso, Mme Sophie Lara, Mme Flavie Rossi et Mme Clémence Cotta, Greffiers, ainsi que Mme Marie Tonquedec et Mme Cécile Branche, Greffiers stagiaires, avaient pris place dans le public.

*

*        *

*

M. Francis Jullemier-Millasseau, Premier Président de la Cour d’Appel, ouvrait l’audience en ces termes :

« Monseigneur,

Monsieur le Ministre d’État,

Monsieur l’Archevêque de Monaco,

Monsieur le Président du Conseil de la Couronne,

Monsieur le Secrétaire d’État à la justice, Directeur des Services judiciaires, Président du Conseil d’État,

Madame le Secrétaire d’État,

Monsieur le Directeur de Cabinet de S.A.S. le Prince Souverain,

Monsieur le Chambellan de S.A.S. le Prince Souverain,

Madame l’Ambassadeur, Conseiller spécial en charge des questions économiques et financières européennes, Directeur de l’AMSF,

Monsieur l’Ambassadeur en charge des négociations financières internationales,

Madame et Messieurs les Conseillers Ministres et Hauts représentants du gouvernement de S.A.S. le Prince Souverain,

Monsieur l’Ambassadeur de France,

Monsieur l’Ambassadeur d’Italie,

Monsieur l’Ambassadeur de Monaco près le Saint-Siège, Président du Comité Monégasque Antidopage,

Monsieur le Maire de Monaco représenté par son 1er adjoint,

Monsieur le Président du Tribunal Suprême et ses membres,

Monsieur le Vice-Président de la Cour de Révision et ses membres,

Monsieur le Secrétaire Général du Gouvernement,

Monsieur le Vice-Président du Conseil d’État,

Monsieur le Commandant Supérieur de la Force Publique,

Madame, Messieurs les membres du Haut Conseil de la Magistrature,

Monsieur le Président de la Commission de Contrôle des Activités Financières, représenté par son Vice-Président,

Monsieur le Président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives,

Madame le Haut-Commissaire à la Protection des Droits, des Libertés et à la Médiation,

Madame le Délégué Interministérielle pour la promotion et la protection des Droits des Femmes,

Monsieur le Contrôleur en charge de la Direction de la Sûreté Publique et ses adjoints,

Monsieur le Chef de Corps de la Compagnie des Carabiniers du Prince,

Monsieur le Chef de Corps des Sapeurs-Pompiers,

Monsieur le Conseiller spécial auprès du Ministre de l’Intérieur,

Monsieur le Directeur de la Maison d’arrêt et son adjoint,

Monsieur le Président du Tribunal du Travail et son Vice-Président,

Madame, Monsieur les Notaires,

Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de la Principauté de Monaco, Mesdames et Messieurs les avocats,

Mesdames et Messieurs les huissiers de justice,

Chers collègues, magistrats de la Principauté et des juridictions voisines qui nous font le plaisir d’assister à cette audience,

Je salue également la présence de Monsieur le Conseiller Justice de Monsieur le président de la République française qui nous fait l’honneur de sa présence,

Mesdames et Messieurs,

L’Article 46 de la loi du 24 juin 2013 dispose que :

La rentrée de la Cour d’Appel et des Tribunaux a lieu chaque année, sur la fixation du Premier Président de la Cour d’Appel, dans une audience solennelle précédée d’une messe du Saint-Esprit à laquelle assistent tous les membres du corps judiciaire, du greffe général, du barreau, ainsi que les notaires et les huissiers.

Article 47 de ladite loi ajoute :

Les détails de cette cérémonie sont réglés par le Premier Président de la Cour d’Appel qui invite les autorités à y assister.

À cette occasion, un discours de rentrée est prononcé par un membre du corps judiciaire ou une personnalité extérieure, désigné par le Premier Président avant le 31 décembre de l’année judiciaire précédente, après concertation entre le Directeur des Services Judiciaires et les chefs de juridiction.

Dans quelques instants Monsieur Stéphane Braconnier, Président du Tribunal Suprême, que je remercie d’ores et déjà d’avoir accepté de faire cette intervention, prononcera le discours de rentrée sur le thème :

« Le juge, le droit et l’État »,

*

Avant de céder la parole à Monsieur Stéphane Braconnier, je voudrais pour cette rentrée 2024 saluer notre nouveau Secrétaire d’État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires, Président du Conseil d’État, Monsieur Samuel Vuelta-Simon qui succède à Madame Petit-Leclair.

Monsieur le Secrétaire d’État à la justice, vous êtes précédé d’une réputation flatteuse avec une diversité des postes occupés au cours de votre carrière et tous nos vœux de réussite vous accompagnent, vous pouvez bien évidemment compter sur nous.

La tradition veut que l’ensemble des évènements qui ont marqué l’année judiciaire écoulée à savoir 2023‑2024 au sein de l’Institution judiciaire monégasque soit évoqué.

Contrairement aux habitudes et afin d’éviter une longue lecture des mouvements intervenus depuis une année au sein de notre Institution, vous trouverez le récapitulatif des mouvements dans le livret qui a été mis à votre disposition. Je voudrais néanmoins souligner le départ de Madame Barbier-Chassaing de la Présidence du Tribunal de Première Instance en décembre dernier qui a été remplacée par Madame Magali Ghenassia, Conseiller à la Cour d’Appel à laquelle nous adressons tous nos vœux de réussite.

Madame Nadine Vallauri, Greffier en Chef a remplacé au mois d’avril dernier Madame Virginie Sangiorgio qui a fait valoir ses droits à la retraite, tous nos vœux de réussite accompagnent également et bien évidemment Madame Vallauri.

Cette introduction faite je cède la parole pour son intervention à Monsieur le Président Braconnier, Président du Tribunal Suprême, Président de l’Université Paris Panthéon-Assas. »

*

*        *

*

Monsieur Stéphane Braconnier, Président du Tribunal Suprême, Professeur en Droit public, Président de l’Université Paris-Panthéon-Assas, prononçait alors le discours suivant :

« Monseigneur,

Monsieur le Ministre d’État,

Monseigneur l’Archevêque de Monaco,

Monsieur le Président du Conseil de la Couronne,

Monsieur le Directeur des Services Judiciaires, Secrétaire d’État à la Justice,

Madame le Secrétaire d’État,

Monsieur le Directeur de cabinet de S.A.S. le Prince,

Monsieur le Chambellan,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Conseillers de Gouvernement,

Monsieur le Maire de Monaco,

Monsieur le Premier Président, Monsieur le Procureur Général,

Mesdames et Messieurs les Magistrats,

Mesdames et Messieurs les hautes personnalités, en vos titres et qualités,

Chers collègues,

Mesdames, Messieurs,

[LE JUGE, LE DROIT ET L’ÉTAT]

Un Loup disait que l’on l’avait volé :

Un Renard, son voisin, d’assez mauvaise vie,

Pour ce prétendu vol par lui fut appelé.

Devant le Singe il fut plaidé,

Non point par Avocats, mais par chaque Partie.

Thémis n’avait point travaillé,

De mémoire de Singe, à fait plus embrouillé.

Le Magistrat suait en son lit de Justice.

Après qu’on eut bien contesté,

Répliqué, crié, tempêté,

Le Juge, instruit de leur malice,

Leur dit : « Je vous connais de longtemps, mes amis,

Et tous deux vous paierez l’amende ;

Car toi, Loup, tu te plains, quoiqu’on ne t’ait rien pris ;

Et toi, Renard, as pris ce que l’on te demande. »

Le juge prétendait qu’à tort et à travers

On ne saurait manquer, condamnant un pervers.

Jean de la Fontaine, « Le Loup plaidant contre le Renard par devant le Singe ».

Les juges ne furent pas épargnés par Jean de la Fontaine qui, dans plusieurs de ses Fables écrites entre 1668 et 1694, les critiqua abondamment. Philippe Malaurie estime ainsi que la Fontaine méprisait autant la loi que les juristes et Jean Hilaire, dans une communication faite à l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier en 2006, relève qu’une certaine « aigreur » se glisse toujours dans le propos du moraliste lorsqu’il évoque la Justice.

Maltraiter le droit, mal aimer le droit, contester les juges et la Justice : rien de nouveau.

Mais tout, probablement, à repenser autour de l’avenir du droit, de l’État et le du Juge.

Aussi, lorsque Monsieur le Premier Président m’a fait l’honneur de me proposer, il y a quelques mois, de prononcer ce discours devant vous, je lui ai suggéré, assez spontanément, un sujet qui peut apparaître comme une évidence : le juge, le droit et l’État.

Une évidence, d’abord, car nous ouvrons aujourd’hui l’année judiciaire, nous célébrons la rentrée de tous les Tribunaux et Cours de Monaco. Nous sommes réunis par le Droit et pour le Droit, sous les auspices de Saint-Yves. La Justice et le droit sont omniprésents.

Évidence encore car, avant d’être juge, je suis moi-même Professeur de droit. Pas n’importe quel droit : Professeur de droit public, probablement cette branche du droit qui entretient le lien le plus direct avec l’État.

Évidence enfin, parce qu’il nous paraît a priori inconcevable de penser un État sans droit et de vivre dans un État sans juge.

Il faut pourtant se méfier des évidences. Je dirais même, pour anticiper un peu sur le sujet, qu’il faut se méfier des apparences, en théorie comme en pratique.

Il y a des droits sans État, et des droits sans juge. Il y a des juges sans État, notamment lorsqu’ils sont internationaux, et des États sans justice indépendante ni garantie des droits. Et même dans les États où cette indépendance et cette garantie existent, elles peuvent être menacées, et même remises en cause.

Dans tous les cas, la relation Droit-État-Juge n’est ni évidente, ni statique ni immuable. Elle évolue au fil du temps, au gré des transformations internes des sociétés et des systèmes juridiques ; au gré, aussi, des dynamiques externes, liées aux influences supranationales.

Il me semble donc utile de vous parler aujourd’hui de l’attention que nous devons, collectivement, porter au Droit et aux juges, et à cette fonction dynamique du Droit dans la construction de l’État et plus encore d’un État solide.

Vous parler :

- D’abord de la fonction du juge comme interprète, de son rôle et des normes ;

- Ensuite des évolutions de cette fonction, liées aux évolutions du Droit et de l’État ;

- Enfin, des évolutions du « public », de ses attentes face au Droit et face au Juge, et de la « mise en scène » de la fonction de ce dernier.

LE JUGE COMME INTERPRÊTE, DE SON RÔLE ET DES NORMES

Évoquons d’abord, la fonction du Juge, comme interprète de son propre rôle et des normes qu’il a à appliquer.

Je commencerai par un bref retour en arrière. Il y a presque 100 ans, en 1925, la première décision du Tribunal Suprême de Monaco était rendue, six ans après la création remarquée de la haute-juridiction.

Il s’agit là d’un évènement fondamental dans l’histoire de la justice constitutionnelle, car Monaco se dotait ainsi de la première juridiction de ce type en Europe.

Cette création ne répondait pas seulement à des considérations juridiques abstraites. Elle s’inscrivait dans un contexte historique spécifique : celui de la réorganisation politique et institutionnelle de Monaco.

Dès le départ, le Tribunal Suprême a eu pour rôle de maintenir l’équilibre délicat entre les spécificités institutionnelles de la Principauté, de sa souveraineté, et les aspirations nouvelles de ses citoyens.

À sa création, ce Tribunal avait d’ailleurs pour mission première de protéger les droits et libertés des individus, davantage que de veiller au respect de la Constitution par les lois et, plus encore, les règlements. Protéger les droits, et non le Droit.

Ce contexte institutionnel est déterminant pour comprendre la portée de la révision constitutionnelle de 1962, qui marque un tournant décisif.

Sous l’impulsion du Prince Rainier III, cette révision a permis de franchir une étape historique,

- en consacrant le partage de la fonction législative avec le Conseil national,

- en renforçant les libertés publiques,

- et en octroyant un rôle central au Tribunal Suprême pour contrôler la conformité des lois à la Constitution.

Celui-ci est également, à cette occasion, devenu pleinement Juge administratif.

Déjà juge des droits, le Tribunal suprême devenait ainsi devenu Juge du droit, car Juge de l’État.

La révision de 1962 a également inscrit dans le texte constitutionnel des droits fondamentaux qui n’étaient pas garantis auparavant, ce qui a permis de renforcer le cadre de protection des droits individuels. Des droits sociaux et économiques, tels que la liberté du travail, l’aide aux plus faibles et démunis, l’instruction gratuite et obligatoire, l’action syndicale, le droit de grève, la liberté d’association.

Cette hybridation des rôles - juge des droits / juge du droit et de l’État - et cet enrichissement des droits fondamentaux, ont permis au Tribunal suprême de développer une jurisprudence cohérente, et de jouer son rôle de "juge aiguilleur”, pour reprendre la formule de Louis Favoreu.

Il m’est difficile d’évoquer le rôle du Juge dans l’application du droit sans évoquer le grand juriste austro-américain Hans Kelsen, fondateur de la théorie moderne de la hiérarchie des normes.

Je n’ai certes trouvé aucune trace d’un passage de Kelsen à Monaco, mais il est vrai qu’on laisse parfois un héritage là où on n’est jamais allé.

Et en imaginant « Kelsen à Monaco », m’est venu le souvenir d’un opéra contemporain de Philipp Glass, Einstein on the beach.

Pourquoi vous parler d’Einstein, et de Philipp Glass ?

D’abord parce qu’Einstein a eu cette phrase qui me semble bien s’appliquer au juge et au droit : « L’imagination est plus importante que la connaissance ; car la connaissance est limitée tandis que l’imagination englobe le monde entier, stimule le progrès, suscite l’évolution. »

Cette phrase résonne fortement avec le concept de “forces imaginantes”, créé par Mireille Delmas-Marty, pour souligner la capacité du droit à surmonter les contradictions de la société.

Je vous en parle également parce que la musique de Philip Glass a elle‑même un côté très mathématique, arithmétique. Derrière l’impression de répétition, il y a des nuances, des additions, des soustractions. Comme dans la mise en œuvre du droit par le juge : c’est arithmétique, mais avec des nuances.

Comme les mathématiques et la musique en effet, le droit est affaire de valeurs. Mais là où celles-ci sont fixes dans les deux premiers champs (3 est supérieur à 2, do « inférieur » à ré, ...), celles du droit changent avec le temps, avec le contexte.

Comme les mathématiques et la musique, le droit est aussi affaire de fonction, de recherche du bon accord entre des valeurs différentes, de leur conciliation, de leur corrélation, ou de leur dissonance.

Le droit, à Monaco comme ailleurs, est un phénomène dynamique. Les textes, aussi solides soient-ils, nécessitent en effet une interprétation constante pour s’adapter aux évolutions de la société. Cette flexibilité est indispensable dans un monde où les normes changent, où les cadres économiques, sociaux et technologiques se transforment, et où le juge doit sans cesse interpréter, nuancer et analyser.

L’interprétation du juge devient, en quelque sorte, un instrument de consolidation du droit, et donc de l’État. Elle consacre la fonction dynamique du Droit.

Mais jusqu’où, et comment, interpréter ? L’excès d’interprétation ne nuit-il pas à la solidité du droit ?

Pour Jean Carbonnier, le droit doit être « flexible », fluide, et le juge se doit, comme tout juriste, d’être créatif. La souplesse de l’interprétation est nécessaire pour dépasser le texte strict, l’adapter aux réalités sociales en constante évolution, sans toutefois s’affranchir de toute limite. Il faut soustraire, additionner, nuancer pour que le Droit, dans sa rigueur normativiste, puisse être suffisamment efficient.

Selon lui, le juge est donc un créateur de droit, mais un créateur sous contrainte : contrainte de la loi elle‑même, et contrainte des attentes sociales.

Pour en revenir à Kelsen, celui‑ci accorde en revanche au juge un rôle central, non pas comme créateur du droit au sens où l’entendrait Jean Carbonnier, mais comme gardien de la cohérence du système normatif. Le juge doit donc naviguer entre le normativisme kelsénien et la flexibilité de Carbonnier. Il doit maintenir cet équilibre subtil entre cohérence et créativité. C’est cet équilibre qui assurer la pérennité du droit.

Dans cet équilibre subtil, facteur de consolidation du droit, la force créatrice du juge a une limite. Elle est inversement proportionnelle à la richesse et à la précision des textes. Plus le texte est précis, moins le juge a de marge de manœuvre, et inversement. C’est dans l’interstice et dans le silence qu’il peut trouver nécessaire de faire œuvre créatrice.

Un droit fort, au fondement d’un État solide, c’est un droit qui comprend, écoute et sait s’adapter.

La fonction du juge ainsi décrite, évoquons ensuite les évolutions de cette fonction, elles-mêmes liées aux évolutions du Droit et de l’État.

UNE PARTITION QUI CHANGE, PAR DES DYNAMIQUES INTERNES ET EXTERNES

J’évoquais tout à l’heure l’élargissement des droits et libertés constitutionnellement garantis par la révision de 1962. Ils sont une base essentielle pour l’œuvre du juge.

Depuis quelques décennies, dans d’autres pays, d’autres droits ont été constitutionnellement consacrés, pour s’adapter aux nouvelles menaces, aux nouvelles attentes des citoyens. Je pense notamment au droit à vivre dans un environnement sain, ou au principe de précaution.

Si ces droits ne figurent pas dans la Constitution, la force créatrice du juge peut permettre de les consacrer, mais sous certaines limites. Sans amorce textuelle, il est parfois difficile de répondre à la question juridique posée dans toutes ses dimensions - je pense notamment à la prise en compte de l’environnement dans les contentieux d’urbanisme.

En tant que juges, nous hésitons parfois, sur ces sujets, entre dire ce qu’est le droit, ou ce qu’il devrait être. De le dire par les décisions, ou par d’autres moyens, sous forme de réflexion plus que d’injonction. C’est aussi comme cela que le juge peut jouer son rôle d’« aiguilleur », dont je parlais tout à l’heure. Nous sommes parfois trop timorés face à l’innovation juridique, dont nous pensons qu’elle est facteur d’affaiblissement du droit alors qu’au contraire, elle le fait respirer, vivre et donc grandir.

Historiquement, le droit et ses sources textuelles ont été organisés par les juristes, au travers d’un État, d’un territoire, et de certaines circonstances particulières. Or, le droit n’est plus figé nationalement, il est désormais agité, aussi, par des dynamiques externes, des instances supranationales qui, parfois, sont présentées comme des facteurs d’affaiblissement de l’État.

Dans l’ouvrage que j’ai publié il y a quelques mois, Un Monde sans droit, je m’étais interrogé sur l’impact du développement de l’extraterritorialité de certains droits, et sur l’intégration du droit européen. J’en arrivais à la conclusion que, paradoxalement, ces phénomènes affaiblissaient parfois le droit car ils effaçaient en partie l’État, pourvoyeur de normes et d’autorité.

Or, l’an prochain, ce ne sera pas seulement le 100e anniversaire de la première décision du Tribunal suprême. Ce sera également le vingtième anniversaire de la ratification de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales par Monaco.

Cette ratification, qui est intervenue le 30 novembre 2005, a eu un impact significatif sur la jurisprudence du Tribunal Suprême, en élargissant les standards de protection des droits humains dans la Principauté. Cela a permis à Monaco de s’aligner sur les pratiques européennes, tout en maintenant ses spécificités constitutionnelles.

Mon collègue Luc Grymbaum résume bien cette évolution, en affirmant que « les droits de l’Homme s’affranchissent de la conception traditionnelle et rigide de la hiérarchie des normes ».

Ainsi, le Tribunal Suprême et, plus largement, les juges, jouent un rôle crucial non seulement dans la protection des droits et des libertés, mais aussi dans la gestion de ces dynamiques externes, c’est-à-dire dans la déclinaison « locale » de ces normes supranationales.

C’est dans ces dynamiques externes que l’on voit pleinement s’exprimer la capacité du droit à s’adapter, à évoluer et à se transformer sous l’influence de nouvelles sources de normes. Cette transversalité du droit devient de plus en plus marquée dans un monde globalisé, où les États sont contraints de dialoguer avec des systèmes supranationaux. Le juge est là pour réguler ces dynamiques externes, pour favoriser leur acceptabilité et les concilier avec la pérennité de l’État.

Cela a donc des conséquences sur le rôle du Juge et, plus encore, sur sa perception par les justiciables, dont on mesure encore trop peu l’influence qu’ils peuvent avoir sur la consolidation du Droit et de l’État.

UNE MISE EN SCÈNE ET UN PUBLIC QUI ÉVOLUENT

Vous le savez, selon la Cour européenne des droits de l’homme, « la justice ne doit pas seulement être dite. Elle doit également donner le sentiment qu’elle a bien été rendue ». C’est la théorie des apparences, piège de l’évidence.

Qu’est ce qui peut donner le sentiment au justiciable que la justice est « bien rendue » ?

D’abord, que toutes les garanties formelles d’indépendance du Juge sont manifestes, évidemment. Mais au-delà de l’indépendance, je crois beaucoup à la nécessité, pour le juge, de pouvoir rester « serein », de pouvoir s’extraire des diverses contingences « locales », qu’il doit par ailleurs, comme cela a été évoqué tout à l’heure, prendre en considération dans le cadre de sa mission de juge. S’extraire de ces contingences certes. Mais ne pas être sourd à son environnement. Pouvoir y répondre sans en ressentir la pression.

Ensuite, pour donner le sentiment de respecter le droit et donc de consolider l’État de droit, je juge doit être rigoureux, dans ses décisions comme dans ses délais de jugement. La première cause d’insatisfaction dans la Justice, c’est moins le sens des décisions que le temps qu’il faut attendre pour les obtenir, et l’impression pourtant que les professionnels n’ont pas le temps de traiter correctement les affaires.

Nous avons moins ce problème ici, à Monaco, mais le système judiciaire français souffre de ce double mal, profondément lié à la judiciarisation croissante de nos sociétés, et qui a pour effet une perte de respect des décisions rendues.

Or ce délitement du respect des décisions atteint profondément le droit, et donc l’État. Ce n’est plus seulement le droit qui n’est pas respecté parce qu’il ne serait pas suffisamment flexible ou n’intégrerais pas assez les dynamiques externes, mais le Juge lui‑même, sa légitimité à dire le droit et à imposer son interprétation. À travers cette contestation, de plus en plus marquée, quel que soit le juge, du juge pénal de première instance au juge constitutionnel, récemment accusé, dans le pays voisin, d’avoir commis un « coup d’État constitutionnel », c’est l’État qui est atteint, fragilisé dangereusement. Sans juge écouté et respecté, il ne peut y avoir de droit effectif, et donc ni régulation, ni sanction, ni réparation. Sans régulation, sans sanction, sans réparation, il ne peut y avoir d’État solide.

L’article 16 de la DDHC de 1789 proclame que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée […] n’a point de Constitution ». Si cette garantie des droits, portée par le Juge, n’est plus assurée, parce que ce dernier est contesté, comment le Droit et l’État peuvent-ils continuer à exister ? La protection du Juge est donc au cœur de l’avenir de nos sociétés organisée par le Droit.

Évidemment, pour contribuer à ce sentiment de justice « bien rendue », le juge doit être conscient de sa responsabilité. Je citerais encore une fois Carbonnier, dont le sens de la formule égalait la clairvoyance : « il ne suffit pas que le juge soit lui‑même convaincu : il faut qu’il soit en état de faire partager sa conviction au peuple ».

Et au moment de citer une nouvelle fois Carbonnier, je m’interroge, comme vous, sur ce qui pourrait éviter le sentiment d’éloignement entre les justiciables et leur droit, leurs juges, et leur État.

J’y ai consacré l’ouvrage dont je vous parlais à l’instant, Un Monde sans Droit, qui analyse sous un angle national le phénomène multifactoriel de délitement du droit.

Mais en dépit des nuages qui paraissent s’accumuler sur le Droit et ses Juges et donc sur la solidité de l’État, je ne suis pas totalement pessimiste dans la capacité du droit et du juge à renouer avec la confiance, à retrouver la confiance des justiciables, dans leur diversité.

Certains procès jouent d’ailleurs parfois un rôle symbolique majeur dans la restauration de cette confiance. Ils agissent comme la cristallisation d’un changement de paradigme, comme une prise de conscience des attentes, des peurs, des blessures de la société entière.

En restant sur la dimension symbolique, je vous parlerais non pas de musique, mais de cinéma. Les représentations que les citoyens se font de la Justice -c’est également vrai de celle qu’ils se font de l’État- ne dépendent pas que de leurs expériences personnelles, ou de ce qu’en disent les médias. Elles procèdent également des représentations culturelles qui en sont faites.

Le cinéma regorge de films ayant pour thème la Justice et le droit. Le cinéma dit « de procès » a aujourd’hui la cote. La Palme d’Or de l’an dernier, Anatomie d’une chute, peut être considéré comme un excellent film sur le doute, et un excellent film tout court. En revanche, la représentation qu’il donne de la Justice est trop irréaliste pour être considérée comme convaincante par les juristes. Mais est-ce là le plus important ? Le regard porté par les juristes sur la représentation du droit ? Plutôt que le regard endogène sur le droit et ses juges, c’est leur perception exogène qui doit nous interpeller.

Cela peut vous paraître un peu loin de notre sujet de départ, mais nous devons en effet avoir conscience, et être suffisamment préoccupés sans doute, de la manière dont nous sommes perçus.

Car la manière dont nos citoyens se représentent leur droit et leur juge a des effets plus globaux sur la société. Mieux compris, le Droit et le juge sont mieux acceptés, leur légitimité renforcée, l’État consolidé.

[CONCLUSION]

Pour éviter tout sentiment d’éloignement entre les citoyens et leur droit, leurs juges, et leur État, si nous voulons redonner au droit sa fonction, de régulation, de préservation et de consolidation de l’État de droit, il nous faut agir à plusieurs niveaux, interroger la permanence de l’État, la solidité du droit, la sérénité du juge.

Si nous voulons un État solide, il faut un juge serein et rigoureux, qui puisse s’appuyer sur un Droit solide.

Un État solide, c’est un État de Droit, respectueux des droits ; un État dont les règles sont respectées, où les droits sont garantis, par la norme et par l’accès au juge, où les pouvoirs se parlent sans se confondre.

Ce droit solide, à la fois prévisible mais dynamique, constant mais évolutif, nous devons l’écrire ensemble, le penser ensemble. Chacun à notre place.

J’ai ouvert mon propos avec La Fontaine. Je vous propose de le conclure avec Henri Leclerc, immense avocat décédé il y a un mois et qui, dans ses « Mémoires d’un avocat militant », évoque un droit « à la fois chêne dans ses principes et roseau dans ses applications ».

La Fontaine, encore…

Je ne prétends pas le faire mentir. Au contraire. Mais je crois qu’il est possible d’imaginer, dans notre intérêt à tous, dans celui du droit, du juge et de l’État, un droit souple comme le roseau, qui évolue, non pas au gré du vent ou de ‘atmosphère du moment, mais au gré des exigences du temps et de ses aléas ; mais aussi un droit solide comme le chêne dans ses applications, en particulier lorsque sont en cause les droits et libertés de l’individu.

Je vous remercie. »

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Au terme de ce discours, Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel reprenait la parole :

« Merci Monsieur Stéphane Braconnier

Qu’il me soit permis de faire quelques commentaires sur l’activité des juridictions monégasques pour l’année écoulée, activité dont vous trouverez les chiffres détaillés dans les livrets à votre disposition.

Pour la Cour d’Appel coté siège en matière civile, nous avons rendu, pour l’exercice 2023‑2024, 123 arrêts civils pendant cette période contre 117 pour la période précédente ; lorsqu’un dossier civil est prêt à être jugé, le dossier est fixé à une audience qui se situe, en moyenne à un délai de 3 mois.

En matière pénale nous avons rendu, pour l’exercice 2023‑2024, 46 arrêts en matière correctionnelle contre 38 en 2022‑2023 et 2 arrêts au criminel ont été rendus, il n’y en avait eu aucun en 2022‑2023.

S’agissant de l’activité correctionnelle, lorsqu’un appel de jugement correctionnel est formalisé, le dossier est fixé à une audience qui se situe à un délai de 3 à 4 mois sauf si le dossier nécessite des citations à l’étranger où nous sommes alors à 5 ou 6 mois.

Pour la Chambre du Conseil qui a une activité mixte à la fois civile notamment pour les recours sur les mesures de tutelles et pénale en étant une chambre de l’instruction, nous avons rendu pour l’exercice qui s’achève 85 arrêts en pénal contre 71 en 2022‑2023 et 48 arrêts au civil contre 53 pour l’année précédente.

Il convient de souligner que nous avons un fort contentieux relatif à des demandes de mainlevées de saisies pénales, des fonds qui ont été saisis par les juges d’instruction dans les affaires économiques et financières ; pour reprendre la formule d’un de nos juges d’instruction il y a, à Monaco, sur ces dossiers, un très haut niveau de défense.

Il y a quelques jours nous avions pour les trois cabinets d’instruction plus d’un demi-milliard d’euros saisis ; je me permets de souligner que des avoirs saisis ne sont pas des avoirs confisqués, il est nécessaire que ces dossiers soient jugés pour que d’éventuelles confiscations soient ordonnées.

L’activité de la Cour d’Appel va être affectée à l’occasion de ce dernier trimestre avec les départs déjà effectifs de Madame Magali Ghenassia pour la présidence du Tribunal de Première Instance de Monaco, de Madame Françoise Carracha comme Présidente de Chambre à la Cour d’appel de Poitiers et de Madame Claire Gillois-Ghera à la fin de ce mois comme Présidente de Chambre à la Cour d’appel de Toulouse. Tous nos vœux de réussite les accompagnent dans leurs nouvelles fonctions.

Si Madame Françoise Carracha va être remplacée dans quelques jours par Madame Claude Vicard qui arrive du tribunal administratif de Strasbourg où elle était 1er conseiller, Madame Claire Gillois-Ghera ne sera remplacée qu’à compter du début de l’année 2025 par Monsieur Jacques Lafosse qui est actuellement vice-président Juge des libertés et de la détention au tribunal judicaire de Nice et Madame Magali Ghenassia n’est pas encore remplacée à ce jour. La Cour d’Appel va donc devoir fonctionner pendant ce dernier trimestre avec 5 magistrats ce qui est insuffisant, un minimum de 6 magistrats est nécessaire mais il s’agit d’une situation temporaire à laquelle nous allons nous adapter.

L’activité de la Cour d’Appel est donc relativement stable en comparaison des deux dernières années.

Pour ce qui est de l’activité du Tribunal de Première Instance :

En matière civile, le nombre d’affaires terminées s’établit à 482 pour l’année écoulée contre 516 l’année précédente ; la durée moyenne d’évacuation des dossiers tous types de contentieux confondus est de 11,77 mois avec une durée de délibéré de 1,61 mois ce qui constitue des délais performants.

S’agissant de l’activité pénale, 392 jugements correctionnels ont été rendus sur la période 2023‑2024 contre 357 l’année précédente ; les convocations pour les audiences par officier de police judiciaire sont fixées actuellement à fin février début mars c’est-à-dire à 5 mois alors que nous sortons de la période des vacations.

S’agissant des dossiers d’instruction, lorsqu’ils sont prêts à être jugés, ils sont actuellement fixés à décembre/janvier c’est à dire 3 ou 4 mois ce qui constituent des délais tout à fait satisfaisants.

Je ne méconnais pas non plus l’activité de la Justice de Paix ni celle du Tribunal du Travail qui ont une activité soutenue et dont vous trouverez les chiffres satisfaisants dans le livret à votre disposition.

Tout aussi satisfaisant l’est également le fonctionnement de la Cour de Révision et je profite de l’occasion qui m’est donnée de prendre la parole en ce jour d’audience solennelle pour souligner l’extrême diligence de la Cour de Révision qui rend ses arrêts dans des délais extrêmement rapides et qui permet ainsi aux juridictions du fond par un retour de ses décisions d’adapter l’évolution jurisprudentielle. Un grand merci aux magistrats qui composent cette Cour.

Dernière juridiction qu’il convient d’évoquer le Tribunal Suprême qui a rendu 24 décisions pour la période 2023‑2024.

Que tous les magistrats et fonctionnaires des différentes juridictions soient remerciés pour leur investissement au quotidien.

Je souhaite également souligner la qualité du Barreau de Monaco avec des écritures et des plaidoiries complètes qui participent pour les juridictions à la prise de décision.

Mesdames, Messieurs, la justice est utile à la société, elle est indispensable, et pour un magistrat participer à l’œuvre de justice c’est faire vivre l’idéal démocratique au quotidien et c’est ce qui nous anime.

Chaque métier doit avoir du sens et celui de magistrat n’échappe bien évidemment pas à cette exigence ; lorsqu’un magistrat parvient à trouver une solution à un différend familial il se sent utile ; le juge a alors le sentiment d’avoir œuvré utilement ;

Le sens, c’est aussi l’éthique du jugement judiciaire.

Pour Paul Ricœur, le cœur de l’éthique du jugement judiciaire est le conflit entre les personnes humaines. C’est le conflit entre les personnes humaines qui rend nécessaire la pratique du juge dont le telos est, dans une perspective courte, de trancher le litige et de mettre fin à l’incertitude résultant de ces tensions par le prononcé d’une sentence, dans une perspective longue, de prononcer une parole de justice pour restaurer la paix sociale.

Dans les griefs faits à la justice il en est un qui est assez fréquent celui de sa lenteur ; le temps judicaire n’est pas celui du quotidien. Mais pourquoi parler de lenteur de la justice alors que le tableau que je viens de dresser des juridictions monégasques apparaît satisfaisant au niveau des délais de traitement ?

Si la matière civile dans les juridictions monégasques n’est pas un sujet en termes de délais, il en va différemment de la matière pénale en ce qui concerne essentiellement les dossiers d’instruction.

La matière pénale est plus ardue, notamment pour les affaires qui nécessitent la saisine d’un juge d’instruction.

L’activité des cabinets d’instruction est particulièrement soutenue avec un stock d’affaires en cours de 272, soit le plus haut niveau jamais connu.

C’est sous cet aspect que je vais aborder cette problématique de la lenteur judiciaire non sans rappeler que L’article 249‑1 du Code de procédure pénale dispose que le Premier Président s’assure du bon fonctionnement des cabinets d’instruction.

Il veille à ce que les procédures ne subissent aucun retard injustifié. Il vérifie la situation des personnes placées en détention préventive.

L’article 429‑2 dudit code ajoute que dans la première quinzaine de chaque trimestre, le juge d’instruction envoie au Premier Président un état détaillé des procédures en cours ; les juges d’instruction ne manquent pas de m’adresser ces états.

La saisine d’un juge d’instruction signifie une certaine complexité de l’affaire ; le dossier ne peut pas être jugé car il n’est pas en état d’être jugé et il y a des investigations à réaliser ; ces actes, le juge d’instruction va pour un certain nombre être obligé de les déléguer, à des experts, à la police voire à l’étranger.

La difficulté de cet exercice à Monaco tient au caractère souvent international des dossiers, nous avons beaucoup de dossiers, notamment financiers, avec une connotation internationale et cela nécessite de recourir à des demandes à l’étranger.

Il y a ainsi un nombre particulièrement significatif de commissions rogatoires internationales adressées à des États étrangers, commissions rogatoires qui ne prospèrent que partiellement, qui ne prospèrent pas dans des délais raisonnables ou qui ne prospèrent pas du tout et qui retardent l’avancée de ces dossiers et ce malgré les relances des juges d’instruction qui ne ménagent pas leurs efforts. Il s’agit d’un premier frein à la bonne avancée des dossiers.

Il faudrait une simplification des actes entre États, il y a une marge de progression indéniable pour améliorer le traitement de ces commissions rogatoires internationales dont sont dépendants les cabinets d’instruction.

Le second frein tient au traitement des commissions rogatoires à Monaco même, il existe la également une marge de progression et j’ai déjà pu m’entretenir de ce sujet avec le nouveau Contrôleur de la Direction de la Sûreté Publique auquel je fais entièrement confiance au regard de nos échanges pour améliorer ce traitement.

Enfin, le troisième frein a été celui du parquet qui a éprouvé de légitimes difficultés dans le règlement des dossiers transmis en fin d’instruction par les juges d’instruction, un parquet qui a été en difficulté au premier semestre et qui reste insuffisamment doté, mais qui malgré ces difficultés aura rédigé plus de réquisitoires définitifs cette année que l’année dernière et autant que les 3 années précédentes, y compris l’année « covid » ; je laisserai dans quelques instants Monsieur le Procureur Général évoquer cette situation.

Voilà les points qui notamment méritent des améliorations.

La lenteur judiciaire nous ramène à l’éthique judiciaire, un juge souhaite bien faire, il ne peut se satisfaire de la lenteur judiciaire, il est contraint parfois de la subir et de la faire subir aux parties d’un dossier d’instruction par exemple. Cette lenteur judiciaire est insupportable pour les parties, pour les avocats mais aussi pour les magistrats.

La justice pénale est une chaîne en passant du parquet à l’instruction, à la police mais aussi au siège pénal pour juger ses affaires. C’est toute cette chaîne qui doit être fluidifiée voire renforcée pour améliorer son fonctionnement si nous ne voulons pas que l’on nous reproche de ne pas juger dans des délais satisfaisants, notamment les affaires complexes ; il en va de la crédibilité de la justice monégasque, de son efficacité.

Il est nécessaire de se fixer des objectifs et de se doter des moyens nécessaires pour répondre à une attente qui pour Monaco va bien au-delà du justiciable et c’est un enjeu qui obéit à une obligation de résultat. Le traitement plus rapide de ces dossiers d’instruction doit être érigé en objectif impératif pour accélérer le jugement de ces dossiers.

Vous pouvez être surpris que je parle ainsi de ces dossiers d’instruction alors que tous les autres indicateurs sont au vert, le jugement des affaires civiles en 1ère instance et en appel, le jugement des dossiers correctionnels sans instruction en 1ère instance et en appel, mais si je le fais c’est parce que ces dossiers d’information sont des dossiers emblématiques, leur importance en fait un marqueur d’un bon fonctionnement ou pas de la justice et c’est en cela que nous devons améliorer leur traitement, c’est aussi sur cela que la justice Monégasque est regardée et attendue.

Mesdames, Messieurs, j’ai eu l’occasion, il y a quelques instants, de souligner la qualité du Barreau de Monaco, celui‑ci s’est enrichi en décembre dernier de deux nouveaux membres, Violaine Rapaire et Robin Svara, qui ont réussi l’examen professionnel d’avocat auquel cinq candidats s’étaient présentés ; les deux lauréats s’étaient préparés à l’Institut Monégasque de formation aux professions judiciaires dont il convient de souligner la qualité avec à sa tête le Professeur Yves Strickler que je salue.

Ce même institut qui a également signé un partenariat pédagogique avec les universités Côte d’Azur et d’Aix en Provence pour la mise en place d’un diplôme universitaire de droit monégasque. Il s’agit d’une initiative portée par Madame  Petit-Leclair, ancienne Secrétaire d’État à la Justice comme le furent d’autres initiatives que je vais évoquer.

Il en va ainsi de la revue de droit monégasque qui a été réactivée. Le choix a été fait de commencer par une revue au rythme semestriel, avec d’éventuels numéros spéciaux pour les actes de colloques. Un premier numéro nouvelle version doit être publié prochainement.

Des colloques ont également été organisés comme celui sur la protection juridique des majeurs ou celui sur la coopération internationale dans le cadre de la lutte contre le blanchiment.

Des formations sont dispensées avec comme cheville ouvrière de l’organisation Madame Delphine Lanzara, chargé de mission à la Direction des Services Judiciaires ; j’ai pu personnellement apprécier il y a un an une formation sur l’accueil des nouveaux magistrats à Monaco, mais il y a eu également bien d’autres formations comme celles sur la fiscalité, sur le droit de la faillite, le droit du travail, le droit financier, les éléments de droit européen etc.

Voilà, des choses sont faites, d’autres restent à faire, des difficultés restent à surmonter et c’est sans doute ce qui est le plus passionnant dans la mission qui nous a été confiée et c’est à cela que nous devons nous atteler. J’aime reprendre une citation de Sénèque qui est la suivante « ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ». Et bien il nous faut oser.

Monsieur le Procureur Général vous avez la parole pour vos réquisitions. »

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M. Stéphane Thibault, Procureur Général, nous faisait part de ses réquisitions :

« Monseigneur,

Malgré vos lourdes charges, Vous nous faites à nouveau l’honneur d’assister à notre audience de rentrée et nous Vous en remercions très sincèrement.

Votre présence à cette audience constitue pour nous tous un encouragement et un soutien à l’œuvre de Justice, rendue constitutionnellement en Votre nom.

Merci aussi, mesdames et messieurs les hautes autorités administratives, judiciaires, militaires et religieuses, chacune en vos rangs et qualités, pour votre présence.

Elle marque l’intérêt que vous portez à notre institution, qui est aussi une motivation pour nous, tout au long de l’année.

Je voudrais saluer plus particulièrement la présence de monsieur le Conseiller justice de monsieur le Président de la République française, qui marque ainsi l’intérêt fort qu’il porte à la Principauté, ainsi que les autorités judiciaires françaises des juridictions limitrophes, partenaires quasi-quotidiens, avec qui nous entretenons de très bonnes relations.

Au nom de la compagnie judiciaire dans son ensemble, après vous monsieur le premier président, et au nom du parquet général, je tiens à souhaiter la bienvenue aux hautes autorités nouvellement nommées qui assistent pour la première fois à cette audience de rentrée et que nous sommes très heureux d’accueillir :

- Monsieur le nouveau Ministre d’État, Didier Guillaume,

- Monsieur le nouveau Secrétaire d’État à la justice, directeur des services judiciaires, président du Conseil d’État, Samuel Vuelta-Simon,

- Monsieur le nouveau Conseiller ministre de l’intérieur, Lionel Beffre,

- Et Monsieur nouveau contrôleur directeur de la sûreté publique, Éric Arella.

Nouveaux en ces lieux de Justice, et à Monaco pour la plupart, vous découvrez, ou vous investissez déjà depuis quelques jours dans une Principauté que vous allez continuer à découvrir, unique sur de nombreux plans, avec une communauté très attachante, qui aime à la fois se montrer, mais sait aussi parfois rester très discrète.

Malgré des ressources humaines limitées, on lui demande beaucoup, en tant qu’État.

Et je dois dire, comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire, que je suis assez admiratif de ce que ce « micro-État » fait et a su faire, dans le contexte actuel.

Elle est, dans cette tâche, aidée par le pays ami et voisin, qui détache des agents comme vous messieurs, lesquels se voient confier des missions de souveraineté dans un autre État que celui dont ils sont originaires, et c’est toute la difficulté des fonctions que vous exercez dorénavant - que nous exerçons.

Dans le cadre de ce détachement, et après avoir prêté serment d’en respecter les institutions, au premier rang desquels vous êtes Monseigneur, après que vous nous ayez choisis pour exercer ces fonctions d’autorité, nous devons donc faire preuve de fermeté, mais aussi d’ouverture d’esprit, de compréhension, et d’adaptabilité.

C’est toute la richesse de ces fonctions pour l’exercice desquelles, à la suite de monsieur le premier président, je vous adresse messieurs, tous les vœux de réussite du parquet général.

Monsieur le ministre d’État, monsieur le Conseiller ministre, monsieur le directeur de la sûreté, vous m’excuserez si je m’attache plus spécifiquement à la quatrième haute autorité que nous accueillons aujourd’hui pour la première fois, et que je vais présenter, puisqu’il s’agit de mon autorité.

Mais je voudrais d’abord rendre hommage à sa prédécesseuse, qui était aussi la mienne, et qui a œuvré, d’abord en tant que procureur général, puis dans les fonctions que vous occupez aujourd’hui monsieur le directeur, pour le bon fonctionnement de l’institution judiciaire.

Madame Petit Leclair a notamment, dans la période difficile de l’observation de la Principauté par Moneyval, impulsé des réformes législatives qui ont pu aboutir et permettre aux diverses institutions qui agissent dans la lutte contre le blanchiment de progresser et d’être plus efficaces, et nous pouvons lui en rendre hommage, car ce n’était pas une tâche aisée.

*

Monsieur le secrétaire d’État, cher Samuel,

Cette adaptabilité à laquelle je faisais référence, vous en êtes indéniablement dotés - la vie vous a poussé à vous déplacer, à « sortir de votre zone de confort » et votre caractère a pris le relais.

Originaire d’Espagne où vous êtes nés il y a 60 ans en Galice, vous rejoignez vos parents en Charente à 6 ans, et y poursuivez votre scolarité en français, langue dans laquelle vous vous immergez immédiatement.

À 19 ans, vous repartez chercher vos racines en Espagne dont vous intégrez la Police, mais vous vous rendez-compte que vous êtes finalement plus français qu’espagnol, et vous revenez en France au bout de deux années, pour suivre des études de droit et passer avec succès le concours d’entrée à l’École nationale de la magistrature, une année après avoir acquis la nationalité française.

En sortant de l’ENM, vous choisissez les fonctions que vous décrivez comme les plus passionnantes de juge d’instruction, d’abord à Boulogne, où vous exercez à partir de 1992 pendant 7 ans, puis à Poitiers pendant deux ans, avant d’être appelé à rejoindre le ministère, pour participer à la construction de l’Europe judiciaire, dans son volet opérationnel, en matière de lutte contre le terrorisme notamment.

En 2004, vous êtes nommé magistrat de liaison en Espagne, et intervenez dans un contexte de trafic de drogue, mais aussi d’attentats terroristes, et réussissez notamment à faire se rapprocher les services de police français qui ne partageaient pas suffisamment leurs informations dans ce domaine pourtant très sensible.

En 2008, vous rejoignez l’ENM comme directeur adjoint, où vous chapeautez notamment le département international, avant de repartir dans des fonctions (très) opérationnelles de procureur de la République à Bayonne en 2014. Pendant 5 ans, vous exercez l’action publique, avec des dossiers particulièrement sensibles, et c’est à vous que le représentant de l’ETA choisit de remettre la liste de leurs caches d’armes - encore très nombreuses et qui recelaient nombres d’explosifs, d’armes et d’outillages divers et variés. Cette remise est très importante non seulement pour l’arrêt des attentats, mais car elle a ensuite permis de réaliser de nouveaux actes d’investigation - notamment en empreintes génétiques - dans des dossiers alors non élucidés.

Vos compétences et vos liens avec différents services du ministère de l’Intérieur spécialisés vous ont amené à réfléchir et à participer à la transformation de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS) en un office plus interministériel et opérationnel - l’Office français antistupéfiants (OFAST) dont vous devenez l’adjoint en 2019 - avec des missions qui s’orientent moins vers la saisie des produits que vers la recherche patrimoniale et la confiscation.

En 2021, vous quittez l’office pour être nommé procureur de la République à Toulouse, où vous réinvestissiez depuis trois ans votre expérience dans la lutte en matière de stupéfiants - exercice particulièrement difficile dans une cité « rose » qui pâtit si je puis dire d’une réputation de cité agréable et tranquille, ce qui rend les discussions avec les directions des ressources humaines étatiques et parisiennes peu aisées, alors qu’elle connaît un taux de criminalité relatif supérieur à celui de Marseille.

Vous avez donc vécu de multiples expériences et fait preuve de qualités qui vont vous être bien utiles ici, notamment votre adaptabilité. Vous en aurez besoin pour prendre à bras le corps cette institution que vous dirigez maintenant, et dont les missions sont bien vastes.

Monseigneur, vous excuserez la longueur de cette introduction, qui n’est due qu’à la diversité des fonctions précédemment exercées par notre nouveau directeur, qu’il me revenait de présenter.

*

Je vais donc en venir au cœur de mon intervention, et me porter plus particulièrement sur l’action publique, que vous dirigez dorénavant monsieur le directeur, mais que j’exerce, pour présenter ce qui a été fait pendant l’année qui vient de se terminer, et ce qui pourra l’être en cette année qui débute.

Sans remonter au procureur fiscal monégasque du XVIème siècle ou à l’avocat général du début du XIXème, évoqués dans leur précis « Roger Perrot » sur les Institutions juridictionnelles par MM. Les professeurs Strickler, membre du Haut conseil de la magistrature, ici présent, et Bernard Beignier, qui a quitté cette année le rectorat d’Aix Marseille pour rejoindre celui de Paris, ouvrage que je recommande non seulement aux étudiants mais à toute personne qui s’intéresse au sujet et à l’histoire des sociétés - j’évoquerai uniquement le XXème siècle pour vous indiquer qu’en 1909, le parquet général était composé de 3 magistrats, pour dix magistrats au siège.

Il a fallu près de 90 ans pour qu’un 4ème poste soit créé au parquet, en septembre 1995 (il y avait alors 16 magistrats au siège), et encore vingt ans pour qu’un cinquième les rejoigne, en 2016.

Les choses s’accélérant, les discussions entre les deux précédents directeurs des services judiciaires, monégasque et français, ont pu aboutir à la création d’un sixième poste au parquet général le mois dernier, et je les en remercie.

Cela ne fait que rejoindre la demande formulée il y a trente ans, en 1994, par l’un de mes prédécesseurs (qui demandait déjà six magistrats au parquet au regard de l’activité et du rapport avec le nombre de magistrats du siège), mais c’est important (20 %) et je tenais à le souligner, et à remercier les autorités françaises pour l’effort qu’elles consentent, au profit de la Principauté.

Mais d’autres renforts et créations de postes seront cependant nécessaires, comme je l’ai indiqué dans le rapport que j’ai établi à la suite de celui du GAFI, vu l’augmentation constante des missions du parquet général et si l’on veut répondre aux exigences de la société actuelle en général, et du GAFI en particulier, et créer comme vous l’avez évoqué Monseigneur, un vrai service financier au parquet général.

*

Si j’évoque cette question, c’est parce que je dois souligner que le parquet général a été dans une situation de sous-effectif plus qu’anormale au cours de l’année qui se termine, en particulier au premier semestre 2024.

À mon arrivée il y a un an, nous étions 6 au parquet général, avec un surnombre provisoire dû à la présence de monsieur Maillet comme magistrat référendaire, mais nous sommes rapidement passés à 5 au bout de deux mois (avec le départ de madame Carniello en long congé maternité), puis à 4 en janvier 2024 avec le départ pour le siège de monsieur Maillet.

Si l’on regarde les chiffres de l’activité des juridictions prises isolément, on pourrait penser que ça suffit. Mais nous représentons le ministère public devant chacune de ces juridictions (en matière pénale, mais aussi civile et administrative) : le tribunal correctionnel, le tribunal civil et sa chambre du conseil ainsi que sa composition commerciale, le président statuant en référé, les 3 juges d’instruction et leur chambre d’appel, les 2 juges tutélaires pour mineurs et majeurs protégés, la cour d’appel correctionnelle, et civile pour certaines affaires, le premier président statuant en référé, le tribunal criminel, la cour de révision et enfin le tribunal suprême (plus de huit audiences par semaine en moyenne) - outre le travail de direction d’enquête et de gestion du service. À quatre c’était tout bonnement impossible.

Heureusement, il restait les trois piliers qui ont constitué la première ligne de cette petite équipe (messieurs Raymond et Pronier et madame Sagné), ligne que je stabilisais comme je pouvais, un peu comme un numéro 8 de rugby, et qui a tenu bon, dans la tempête, avec une équipe du greffe du parquet général dirigée par madame Cathy Raynier, équipe particulièrement compétente et dévouée, qui a aussi eu à faire face à un long congé maternité, qui a pu être remplacé.

Je parle de tempête car c’est effectivement l’impression que nous avions, avec moins de magistrats et de personnels, mais des missions encore plus nombreuses dues aux nouveaux pouvoirs conférés par les lois nouvelles au parquet général, et que l’on nous demandait - à juste titre - d’exercer, et aux demandes de statistiques, de cas concrets, et de participations à des réunions nombreuses dans le cadre de l’observation par Moneyval.

Nous avons finalement pu être renforcés au greffe, et chez les magistrats avec l’arrivée le mois dernier de madame Mutiloa, après le retour de madame Carniello, et nous reprenons un peu l’air.

Grâce à l’investissement de tous, nous avons pu faire face, même si de façon dégradée, à une augmentation globale de notre activité de 10 %, et il faut donc saluer l’engagement de tous les personnels.

Pour que notre situation ne préjudicie pas trop à l’action des juges d’instruction et du tribunal correctionnel, et ne pas maintenir un engorgement, nous avons pu poursuivre nos efforts, pendant les vacations et en l’absence d’audience, pour régler des dossiers en fin d’instruction ; nous avons même réussi grâce à l’implication très rapide de Mme Mutiloa et aux assistant et stagiaire, à signer plus de réquisitoires définitifs que l’année précédente en nombre (60) - mais quand même moins nombreux en volume - soit autant que les trois années précédentes, y compris l’année de la pandémie, pendant laquelle il n’y avait plus d’audience.

Nous restons avec un stock de dossiers communiqués par les juges d’instruction de 39 dont 14 dossiers de blanchiment. Ce stock a augmenté en un an aussi car les juges ont clôturé plus de dossiers (73) et voient logiquement - même si le nombre de dossiers total augmente - leur nombre de dossiers en cours diminuer avec moins d’ouvertures pour les majeurs (48 dont 10 en blanchiment), plus 11 au cabinet du juge tutélaire chargé des mineurs.

Les juges d’instruction sont ainsi moins chargés en nombre de dossiers, et peuvent se concentrer sur des dossiers particulièrement lourds et complexes.

Utilisant ses nouveaux pouvoirs, et ouvrant moins d’informations judiciaires confiées aux juges d’instruction, le parquet général suit logiquement plus de dossiers en enquête préliminaires, en direct avec la sûreté publique (388) soit une augmentation de 27 %, dont un sur dix en matière de blanchiment (39), qui compense en partie la baisse du nombre d’ouvertures d’informations judiciaires.

Au total, le parquet a enregistré 1628 nouvelles affaires, soit une augmentation de 15 %, avec une augmentation des affaires de conduite sous l’empire d’un état alcoolique de 17 % (142), des faits de violence de 11 % (84), des faits de vols de 3 % (183), et des faits de trafic de stupéfiants de 37 % (171).

Cette augmentation a logiquement entraîné de plus nombreuses saisines du tribunal en comparutions immédiates (48 soit + 45 %), et de convocations sur notification (215 soit une augmentation de 58 %) un peu atténuée par la baisse des citations de 20 % (136), pour un total de 399 (augmentation de 14,5 %).

Les affaires financières nouvellement enregistrées baissent globalement de 20 % (195) mais comprennent outre les dossiers de blanchiment, ceux d’escroquerie, d’abus de confiance, de banqueroute et les infractions en matière de chèques. Et nombre d’affaires financières nouvelles ont une complexité d’un niveau très élevé.

L’augmentation des nouvelles procédures, et des saisines du tribunal, ont aussi un effet un peu boule de neige, car elles en induisent d’autres, comme par exemple le nombre plus important de bulletins du casier judiciaire délivrés par le parquet (4285 soit une augmentation de 11 %), puisque c’est le parquet général qui est chargé, depuis 2019, du casier judiciaire qui comporte quelques dix mille fiches.

*

Pour faire suite à un débat un peu récurrent et répondre à ceux qui considèreraient que la justice est laxiste, j’indique que le nombre de condamnations à de la prison ferme et d’incarcérations a été cette année encore supérieure à l’année précédente, avec :

- un nombre d’écrous passé de 63 en 2021/2022 à 68 en 2022/2023 et à 90 en 2023/2024,

- un nombre moyen de détenus qui augmente donc aussi, passé de 18 en 2022, à 27 en 2023 et à 35 en 2024,

- et une durée moyenne d’incarcération qui augmente aussi légèrement : passée de 3,7 mois (110 jours) en 2022 à 4,7 mois (143 jours) en 2023 et à 4,8 mois en 2024.

Nous avons encore de la marge puisqu’il y a 90 places à la maison d’arrêt - même si son remplissage n’est évidemment pas un objectif - mais l’on ne peut pas dire que la justice monégasque est laxiste.

Je tiens à remercier ici le directeur, son adjoint, et tout le personnel de la maison d’arrêt pour leur disponibilité et leur action.

L’action des magistrats du siège doit aussi être soulignée,

Puisque le tribunal correctionnel a sur le total de ses 363 décisions, condamné pour blanchiment :

- 17 personnes (au lieu de 10 l’an dernier) dans 11 dossiers au lieu de 7 (dont une décision rendue par la cour d’appel, actuellement pendante devant la cour de révision, et un appel en cours)

- et doit en rendre encore deux autres qui sont en délibéré à la semaine prochaine pour 7 personnes.

Les peines prononcées sont, elles-aussi, plus importantes, avec de l’emprisonnement ferme (ou mixte) dans tous les dossiers sauf un, des peines de confiscation, et des peines d’amende importantes, de plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Le nombre de relaxes est aussi moins important (3 contre 8 l’année précédente), attestant peut-être d’une meilleure construction des dossiers, mais plus probablement d’une application de la présomption de blanchiment, pour les faits postérieurs à juin 2018.

Le tribunal a aussi eu à examiner deux dossiers dans lesquels la décision sera rendue la semaine prochaine à l’égard de sept prévenus.

Le tribunal criminel a jugé deux affaires - au lieu d’une l’an dernier.

La cour a aussi vu son activité augmenter, en matière de contestations de saisies, ce qui est logique avec l’augmentation de celles-ci, et elle est aujourd’hui en charge de quelques dossiers en appel dans ce domaine.

Comme mentionné dans la plaquette distribuée, les saisines du tribunal suprême se maintiennent, et l’activité de la Cour de révision est en augmentation, au civil comme au pénal.

Indépendamment de la situation nationale, nous sommes aussi scrutés pour notre action internationale, qui, là encore, présente un bilan en notre faveur.

Nous avons reçu 107 demandes d’entraide internationale, dont la moitié de la France (52), et dont près de la moitié en blanchiment (49) ce qui est cohérent par rapport à notre situation.

Nous en avons de notre côté envoyé 158 à l’étranger, dont 65 par le parquet général (93 par les juges d’instruction), dont 59 en matière de blanchiment (37 %), ce qui est aussi cohérent au regard de notre activité.

Le bilan est d’autant plus à notre avantage que nous priorisons - les magistrats du parquet, juges d’instruction et enquêteurs de la sûreté publique - les demandes étrangères, auxquelles nous avons répondu avec un délai moyen de 180 jours (6 mois) cette année, alors que les nôtres ne nous ont été retournées qu’après un délai d’exécution moyen de plus d’un an.

C’est quelque chose qui doit être souligné et mis au crédit des autorités monégasques par rapport aux exigences internationales.

*

La priorité de l’année judiciaire à venir sera orientée vers le plan d’action pour sortir de la liste grise du GAFI, qui demande une plus grande efficacité de notre système judiciaire en matière de lutte contre le blanchiment (et de financement du terrorisme).

Cette plus grande efficacité passe, selon le plan d’action qui nous a été notifié, par un renforcement des ressources humaines au parquet général notamment.

Cela ne relève pas de ma compétence, mais je peux indiquer qu’un tel renforcement en magistrats nous permettrait de suivre les dossiers en cours dans les cabinets d’instruction, ce que nous ne sommes pas en capacité de faire actuellement, alors que ce serait vraiment nécessaire vu leur technicité et leur complexité, et de mieux suivre nos dossiers d’enquête préliminaire.

S’agissant du personnel, les effectifs du greffe vont pouvoir encore être renforcés avec le projet de budget rectificatif pour 2025, et je tiens à en remercier les services de la direction des services judiciaires et de l’État ainsi que le Conseil national par anticipation. Je peux vous assurer que les personnes qui occuperont ces postes nouvellement créés seront très vite bien occupées.

La question de l’immobilier, encore plus prégnante à Monaco qu’ailleurs, se pose déjà et va devenir encore plus urgente à gérer monsieur le directeur, mais vous en êtes déjà, je crois, pleinement informés.

L’autre objectif donné à l’institution judiciaire par le GAFI est d’aboutir à des décisions effectives et dissuasives.

Contrairement à la délinquance de voie publique, où la présence policière peut suffire à dissuader, il n’y a effectivement de prévention en matière financière qu’avec une répression efficace. C’est le risque de se faire contrôler, arrêter, poursuivre et condamner sévèrement avec des peines de confiscation notamment, qui évitera que les criminels et délinquants qui souhaiteraient cacher et blanchir leur argent à Monaco le fassent.

Les chiffres que je vous ai donnés montrent que l’évolution est déjà là, et les juges d’instruction et la sûreté publique font des efforts importants dans ce domaine, pour faire avancer des dossiers potentiellement lourds et complexes d’infractions financières et d’atteintes à la probité.

Le volume total actuel de saisies de près de 550 M (plus d’un demi-milliard) en atteste.

Le parquet s’investit aussi dans ce domaine de façon prioritaire et souhaite continuer, notamment en utilisant lui aussi les nouveaux pouvoirs de saisie dont il dispose, sous le contrôle du juge des libertés.

Mais si saisir les fonds ou biens d’origine potentiellement illégale est important, confisquer définitivement ceux dont l’origine illégale est prouvée l’est encore plus.

Il faut donc pour cela faire avancer les dossiers actuellement en enquête ou à l’instruction pour les amener devant le tribunal, et de telle façon qu’ils soient suffisamment bien construits et étayés pour que la juridiction puisse, en condamnant, confisquer ce qui peut l’être.

Les magistrats du siège sont intervenus de façon croissante dans ce domaine cette année, comme je l’ai indiqué, et je tiens à souligner ce travail important et soutenu, ainsi que les très bonnes relations que nous entretenons.

Cet effort va devoir non seulement être poursuivi, mais même accentué.

La volonté de sortir de la liste grise et le plan d’action sont évidemment des objectifs ; mais c’est un changement systémique qui doit se faire et qui a déjà été engagé, pour que la lutte contre les infractions financières soit, conformément au risque présenté par la Principauté, une priorité inscrite dans la politique pénale de façon durable.

Il faut donc aussi doter les juridictions en nombre suffisants de juges et de conseillers, pour pouvoir juger des dossiers de plus en plus complexes et volumineux, comme les deux précédemment évoqués, dont le premier va bientôt passer à l’audience à la cour d’appel, et la décision du second être rendue la semaine prochaine.

Mais d’autres se profilent - je pense notamment à deux dossiers qui impliquent de nombreuses personnes pour des infractions financières et de probité, dont le volume dépasse les dix mètres, pour le jugement desquels il va falloir dégager non seulement plusieurs jours mais même plusieurs semaines d’audience.

Le jugement de ces dossiers complexes - ces deux-là et d’autres qui devraient aussi bientôt sortir des cabinets d’instruction - est le premier objectif que nous avons pour l’année qui débute.

Tous les services seront mis à contribution, et les auxiliaires de justice aussi.

Je tiens à souligner les très bonnes relations que nous avons avec les huissiers, les notaires et les avocats.

Je me félicite monsieur le bâtonnier des excellentes relations que nous continuons à avoir et vous en remercie, et je félicite pour leurs réussites Mes Robin Svara et Violaine Rapaire avocats stagiaires, Me Maeva Zampori qui a terminé son stage et est devenue avocate et Me Raphaëlle Svara devenue avocat-défenseur.

Votre action en défense est primordiale pour assurer une justice de qualité, et il est important que vous puissiez intervenir dans les meilleures conditions possibles ; même si nous sommes souvent adversaires, je dirais - pour paraphraser la maxime attribuée à Voltaire - « Je ne suis pas toujours d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire »

Et donc intervenir aussi dans les plus nombreux dossiers de blanchiment.

L’action du parquet portera aussi sur d’autres types de faits, et notamment les violences intra-familiales.

Les violences faites aux femmes et aux plus faibles doivent attirer notre attention.

Grâce à l’action de la sûreté publique, les rues monégasques sont sûres - en tous cas plus qu’ailleurs, même si tout est perfectible.

Mais ce qui se passe dans le secret des foyers est plus difficilement identifiable et investigable.

Comme en matière financière, la prévention passe aussi ici par la répression, et le parquet général souhaite maintenir l’action à l’égard des violences quelles qu’elles soient.

Les faits d’atteinte à la protection de l’environnement aussi, qui n’ont pu, pour les raisons évoquées ci‑dessus, faire l’objet d’une attention suffisamment importante de notre part l’an passé, devront l’être et c’est en bonne voie, avec les opérations de contrôle des règles d’hygiène et de sécurité, comme vous avez pu le voir vendredi dernier.

*

Je voudrais aussi, si vous me le permettez, prendre encore quelques instants pour évoquer les nombreuses fuites dans la presse et violations du secret de l’instruction que j’ai pu constater depuis mon arrivée.

Ce ne sont pas les magistrats ni les enquêteurs qui créent les affaires qu’ils ne font que traiter, et ils souhaiteraient pouvoir le faire de façon plus sereine parfois.

La justice est souvent instrumentalisée, par certains dont on a le sentiment qu’ils ne portent plainte que pour pouvoir communiquer.

Très attaché à la liberté de la presse et à son indépendance, garante d’une société éthique et saine, je n’irai pas enquêter chez des journalistes pour identifier leurs sources.

Mais je serai attentif aux violations du secret de l’enquête ou de l’instruction, lorsque cette violation met en danger le cours des investigations, ou lorsque la violation ou divulgation porte atteinte à d’autres droits ou libertés, en particulier lorsque sont publiées, parmi des vérités, de fausses allégations non vérifiées.

De même, et indépendamment des journalistes et de la presse, je me saisirai de ces violations qui pourront entraîner des poursuites une fois les auteurs identifiés, lorsqu’il est évident qu’ils ont agi avec l’intention de nuire.

Pour les éviter, il faut aussi que nous balayons devant notre porte et tentions d’accélérer les choses.

La justice est souvent critiquée pour sa lenteur - parfois à juste titre.

L’institution fait ce qu’elle peut avec ses moyens, et ceux de la police et des autres services de contrôle.

Mais si certains dossiers simples peuvent aller vitre, d’autres dossiers, plus lourds et complexes, nécessitent plus de temps.

Les nouveaux pouvoirs donnés au procureur général dans le cadre d’un corpus législatif modernisé, vont permettre, avec les moyens supplémentaires adaptés, d’aller plus vite et plus efficacement.

Les choses sont maintenant entre nos mains et nous sommes sur la bonne route même s’il reste du chemin à faire : nous y allons, peut-être un peu trop lentement parfois, mais sûrement.

Monsieur le premier président,

Mesdames et monsieur les conseillers,

Au nom de Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, j’ai l’honneur de requérir qu’il plaise à la cour :

- déclarer close l’année judiciaire 2023‑2024 et ouverte l’année judiciaire 2024‑2025,

- ordonner la reprise intégrale des travaux judiciaires,

- constater qu’il a été satisfait aux prescriptions des articles 46 et 47 de la loi du 24 juin 2013 relative à l’administration et à l’organisation judiciaires,

- me donner acte de mes réquisitions,

- et dire que du tout il sera dressé procès-verbal sur le registre des actes de la cour d’appel. »

*

*        *

*

Monsieur Francis Jullemier-Millasseau, Premier Président de la Cour d’Appel, prononçait alors la clôture de l’audience :

« La Cour faisant droit aux réquisitions de Monsieur le Procureur Général déclare close l’année judiciaire 2023‑2024 et ouverte l’année judiciaire 2024‑2025.

Ordonne la reprise intégrale des travaux de la Cour d’Appel et des Tribunaux.

Constate qu’il a été satisfait aux prescriptions des articles 46 et 47 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l’administration et à l’organisation judiciaires.

La Cour donne acte à Monsieur le Procureur Général de ses réquisitions et dit que du tout il sera dressé procès-verbal pour être consigné sur le registre des actes importants de la Cour d’Appel.

Monseigneur, comme l’a souligné Monsieur le Procureur Général, nous sommes particulièrement sensibles à Votre présence à cette audience solennelle qui témoigne de Votre attachement à la Justice monégasque et nous vous en remercions très sincèrement.

Nous remercions toutes les Hautes autorités et personnalités qui ont bien voulu nous faire l’honneur d’assister à cette audience.

Mesdames et Messieurs, nous allons pouvoir nous retrouver dans quelques instants pour le cocktail qui va être servi sur la terrasse du bâtiment du Conseil d’État sur l’invitation de Monsieur le Secrétaire d’État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires.

L’audience solennelle est levée. »

*

*        *

*

De nombreuses personnalités avaient tenu à assister à cette audience solennelle, aux premiers rangs desquelles on notait :

S.E. M. Didier Guillaume, Ministre d’État,

S.E. Mgr Dominique-Marie David, Archevêque de Monaco,

M. Michel Boeri, Président du Conseil de la Couronne,

M. Samuel Vuelta-Simon, Secrétaire d’État à la Justice - Directeur des Services Judiciaires, Président du Conseil d’État,

Mme Yvette Lambin-Berti, Secrétaire d’État,

M. Christophe Steiner, Directeur de Cabinet de S.A.S. le Prince,

M. Vincent Floreani, Chambellan de S.A.S. le Prince,

S.E. Mme Sophie Thevenoux, Ambassadeur, Conseiller Spécial en charge des questions économiques et financières européennes, Directeur de l’Autorité Monégasque de Sécurité Financière,

S.E. M. Marco Piccinini, Ambassadeur en charge des négociations financières internationales,

M. Lionel Beffre, Conseiller de Gouvernement - Ministre de l’Intérieur,

M. Pierre-André Chiappori, Conseiller de Gouvernement - Ministre des Finances et de l’Économie,

M. Christophe Robino, Conseiller de Gouvernement - Ministre des Affaires Sociales et de la Santé,

Mme Céline Caron-Dagioni, Conseiller de Gouvernement - Ministre de l’Équipement, de l’Environnement et de l’Urbanisme,

S.E. M. Jean d’Haussonville, Ambassadeur de France à Monaco,

S.E. Mme Manuela Ruosi, Ambassadeur d’Italie à Monaco,

S.E. M. Philippe Orengo, Ambassadeur de Monaco près le Saint-Siège,

Mme Camille Svara, Premier adjoint au Maire, représentant M. Georges Marsan, Maire de Monaco,

M. Marc Vassallo, Secrétaire Général du Gouvernement,

M. Antoine Dinkel, Vice-président du Conseil d’État,

M. le Colonel Tony Varo, Commandant Supérieur de la Force Publique,

M. José Martinez, Vice-président du Tribunal Suprême,

M. Pierre de Montalivet, Membre titulaire du Tribunal Suprême,

M. Régis Fraisse, Membre suppléant du Tribunal Suprême,

M. Jean-Philippe Derosier, Membre suppléant du Tribunal Suprême,

M. Yves Strickler, Membre titulaire du Haut Conseil de la Magistrature, Directeur scientifique de l’Institut Monégasque de Formation aux Professions Judiciaires, Professeur à l’Université Côte d’Azur,

Mme Patricia Lemoyne De Forges, Membre titulaire du Haut Conseil de la Magistrature,

M. Luc Fons, Membre titulaire du Haut Conseil de la Magistrature,

M. Robert Chanas, Président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives,

M. Jean-François Cullieyrier, Vice-président de la Commission de Contrôle des Activités Financières, représentant M. Gérard Rameix, Président,

Mme Marina Ceyssac, Haut-Commissaire à la protection des Droits, des Libertés et à la Médiation,

Mme Céline Cottalorda, Conseiller Technique au Secrétariat Général du Gouvernement, Délégué Interministérielle pour la promotion et la protection des Droits des Femmes,

M. Éric Arella, Contrôleur en charge de la Direction de la Sûreté Publique,

M. le Lieutenant-Colonel Martial Pied, Chef du Corps de la Compagnie des Carabiniers du Prince,

M. le Lieutenant-Colonel Maxime Yvrard, Chef du Corps des Sapeurs-Pompiers,

Mme Magali Ginepro, Secrétaire Général de la Direction des Services Judiciaires,

M. Richard Dubant, Conseiller auprès du Secrétaire d’État à la Justice,

M. Olivier Zamphiroff, Conseiller auprès du Secrétaire d’État à la Justice,

M. Richard Marangoni, Conseiller Spécial auprès du Conseiller de Gouvernement - Ministre de l’Intérieur,

M. Olivier Richaud, Directeur de la Maison d’Arrêt,

M. Régis Bastide, Commissaire Divisionnaire, Directeur Adjoint de la Sûreté Publique,

Monsieur Lionel Sguaglia, Commissaire Divisionnaire, Chef de Division du Renseignement Intérieur,

Monsieur Frank Fischer, Commissaire Divisionnaire, Chef de Division de la Police Urbaine,

M. Jean-François Mirigay, Commissaire Divisionnaire, Chef de la Division de Police Judiciaire,

Madame Audrey Corentin, Chef de Division de l’Administration et de la Formation,

Monsieur Rémy Le Juste, Commissaire Divisionnaire, Chef de Division de la Police Administrative,

Madame Isabelle Castelli, Commandant Principal, Chef de Division de la Police Maritime et Aéroportuaire,

Mme Cécile Cresto-Pizio, Directeur Adjoint de la Maison d’Arrêt,

Mme Valérie Campora, Directrice de l’Association « Aide aux Victimes d’Infractions Pénales »,

Mme Laure Bottaro, Proviseur du Lycée Albert Ier,

M. Pierre Cellario, ancien Proviseur du Lycée Albert Ier,

M. Michel Gramaglia, Président du Tribunal du Travail,

M. Karim Tabchiche, Vice-président du Tribunal du Travail.

Des hauts magistrats des juridictions voisines de la République française étaient également présents dans la salle :

M. Renaud Le Breton de Vannoise, Premier président de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence,

M. Franck Rastoul, Procureur général près la Cour d’appel d’Aix-en-Provence,

Mme Pascale Dorion, Présidente du Tribunal judiciaire de Nice,

M. Damien Martinelli, Procureur de la République près le Tribunal judiciaire de Nice,

M. Frédéric Silvestre-Toussaint-Fortesa, Vice-président du Tribunal administratif de Nice, représentant Mme Marianne Pouget, Présidente.

A également assisté à l’audience solennelle de Rentrée :

Monsieur Xavier Ronsin, Conseiller Justice du Président de la République Française.

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