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TRIBUNAL SUPRÊME de la Principauté de Monaco – EXTRAIT - Audience du 17 novembre 2020 - Lecture du 2 décembre 2020

  • No. Journal 8518
  • Date of publication 25/12/2020
  • Quality 100%
  • Page no.

Recours en annulation pour inconstitutionnalité des articles 8, 9 et 10 de la loi n° 1.488 du 11 mai 2020 interdisant les licenciements abusifs, rendant le télétravail obligatoire sur les postes le permettant et portant d'autres mesures pour faire face à l'épidémie de Covid-19.
En la cause de :
La FEDERATION DES ENTREPRISES MONEGASQUES (FEDEM)
, dont le siège social est sis à Le Coronado, 20, avenue de Fontvieille, à Monaco, représentée par son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;
Représentée par Maître Olivier MARQUET, Avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Jean Jacques GATINEAU, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;
Contre :
L'État de Monaco, représenté par le Ministre d'État, ayant pour Avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIÉ, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en assemblée plénière,

…/…
Après en avoir délibéré :

1. Considérant que la FEDERATION DES ENTREPRISES MONEGASQUES (FEDEM) demande au Tribunal Suprême d'annuler, sur le fondement du 2° du A de l'article 90 de la Constitution, les articles 8, 9 et 10 de la loi n° 1.488 du 11 mai 2020 interdisant les licenciements abusifs, rendant le télétravail obligatoire sur les postes le permettant et portant d'autres mesures pour faire face à l'épidémie de Covid-19 ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par le Ministre d'État

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 17 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963, modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême : « Le recours est introduit par une requête signée d'un Avocat-défenseur, contenant l'exposé des faits, les moyens et les conclusions. Elle est accompagnée de la décision attaquée ou de la réclamation implicitement rejetée. Elle est déposée au Greffe Général contre récépissé » ; qu'il ressort des pièces du dossier que la FEDEM a produit le texte de la loi du 11 mai 2020 avec son mémoire en réplique et a ainsi régularisé sa requête ; que, par suite, le Ministre d'État n'est pas fondé à soutenir que la requête de la FEDEM serait irrecevable faute d'avoir été accompagnée de l'acte attaqué ;

3. Considérant, d'autre part, que contrairement à ce que soutient le Ministre d'État, l'article 10 de la loi du 11 mai 2020 est, comme les autres dispositions de cette loi, entré en vigueur le lendemain de sa publication au Journal de Monaco du 15 mai 2020 ; que cette disposition n'a pas été abrogée ; qu'elle demeure susceptible de s'appliquer en cas de mesures, prises par le Ministre d'État, portant réglementation temporaire des déplacements en vue de lutter contre la propagation du coronavirus SARS-CoV-2 ; que, dès lors, le Ministre d'État n'est pas fondé à soutenir qu'il n'y aurait pas lieu pour le Tribunal Suprême de se prononcer sur la conformité à la Constitution de l'article 10 de la loi du 11 mai 2020 ; que, pour les mêmes motifs, la fin de non-recevoir qu'il soulève tirée de ce que la FEDERATION DES ENTREPRISES MONEGASQUES serait dépourvue d'intérêt à demander l'annulation de cette disposition ne peut qu'être écartée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation
En ce qui concerne les articles 8 et 9 de la loi

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la Constitution : « La propriété est inviolable. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique légalement constatée et moyennant une juste indemnité, établie et versée dans les conditions prévues par la loi » ; que son article 25 dispose : « La liberté du travail et garantie. Son exercice est réglementé par la loi. / La priorité est assurée aux Monégasques pour l'accession aux emplois publics et privés, dans les conditions prévues par la loi ou les conventions internationales » ;

5. Considérant qu'aucune disposition de la Constitution ne consacre un principe de liberté de création d'une activité économique et de libre établissement dans la Principauté ; qu'il revient dès lors aux autorités de l'État de définir le régime juridique applicable en matière d'exercice de toute activité économique et d'établissement, compte tenu des caractères particuliers, notamment géographiques et démographiques, de la Principauté ; qu'il leur est notamment loisible de soumettre à un régime d'autorisation l'exercice d'une activité économique ou l'établissement d'une entité économique et d'en limiter les bénéficiaires ; que le propriétaire d'une entreprise légalement constituée dispose d'une liberté d'organisation, de gestion et de direction de son entreprise qui découle de son droit de propriété garanti par l'article 24 de la Constitution ; que la liberté du travail consacrée par l'article 25 de la Constitution implique la liberté de nouer et de mettre fin à la relation contractuelle entre le salarié et l'employeur ; que la liberté ainsi reconnue au salarié a pour corollaire la même liberté de l'employeur ;

6. Considérant que la liberté de l'employeur découlant des articles 24 et 25 de la Constitution doit être conciliée avec les règles, principes et exigences de valeur constitutionnelle applicables dans l'État monégasque ; qu'il est, en outre, loisible au législateur d'apporter à cette liberté des limitations justifiées par l'intérêt général à la condition qu'il n'en résulte pas une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ;

7. Considérant que l'article 8 de la loi du 11 mai 2020 interdit, durant la période de suspension prévue à l'article 3 de la loi n° 1.485 du 9 avril 2020 portant suspension des délais administratifs pour faire face à la pandémie du virus COVID-19, tout licenciement fondé sur un motif autre que ceux qu'il énumère ; que l'article 9 de la même loi interdit, durant la même période, toute rupture anticipée par l'employeur d'un contrat de travail à durée déterminée pour un motif autre que ceux qu'il énumère ; que les licenciements et les ruptures anticipées de contrat à durée déterminée pour un des motifs énumérés ne peuvent être prononcés qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ; que saisi de tout projet de licenciement ou de rupture anticipée, l'inspecteur du travail se prononce, après une enquête contradictoire et par une décision motivée, dans un délai de quatorze jours, qui peut être prolongé pour les nécessités de l'enquête ; qu'il doit s'assurer que le licenciement ou la rupture anticipée n'est pas en lien avec la situation liée à la pandémie de Covid-19 ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour faire face aux conséquences économiques et sociales immédiates de la crise épidémique, l'État a pris des mesures exceptionnelles de soutien aux entreprises ; que le dispositif de Chômage Total Temporaire Renforcé (CTTR) bénéficie aux entreprises contraintes d'arrêter ou de réduire leur activité en raison de la propagation du virus ou des mesures sanitaires prises pour lutter contre l'épidémie sur le territoire national ; qu'il emporte suspension du contrat de travail et remboursement par l'État de l'indemnité de chômage versée au salarié par l'employeur ; qu'ont également été décidés l'octroi de crédits à taux 0 % pour les entreprises, le report du paiement des charges fiscales et sociales, des avances sur les congés payés anticipés pour les sociétés d'intérim, des exemptions des charges sociales sur les primes spéciales Covid-19 et le recours facilité aux dispositifs d'arrêt de travail pour le personnel n'ayant pas de moyen de garde d'enfants ; que le législateur a entendu éviter que, en dépit de l'ensemble de ces mesures exceptionnelles de soutien aux entreprises, des employeurs ne procèdent à des licenciements en raison des seules craintes des conséquences économiques de la crise sanitaire ; qu'en assurant ainsi la préservation de l'emploi durant la période de crise épidémique, le législateur a poursuivi un but d'intérêt général ;

9. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 8 que des licenciements demeurent possibles, durant la période en cause, en cas de faute grave du salarié, de licenciement économique planifié et initié antérieurement au 18 mars 2020, de décès de l'employeur, de disparition de la cause du contrat de travail ou d'inaptitude d'un salarié pour lequel il n'y a pas de solution de reclassement dans l'entreprise ; que l'article 9 permet des ruptures anticipées de contrats à durée déterminée en cas de faute grave du salarié, de décès de l'employeur ou de disparition de la cause du contrat de travail ;

10. Considérant qu'en l'absence de décision de l'inspecteur du travail dans le délai de quatorze jours ou d'information de l'entreprise relative à la prolongation de ce délai pour les nécessités de l'enquête, l'autorisation doit être regardée comme implicitement accordée ; que le délai ne doit pas être prolongé au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour permettre à l'inspecteur du travail de se prononcer en toute connaissance de cause sur la validité du projet de licenciement ou de rupture d'un contrat de travail à durée déterminée ; que la légalité de la décision de l'inspecteur du travail peut être critiquée devant le Tribunal Suprême ;

11. Considérant qu'en cas de faute du salarié, il est loisible à l'employeur de prononcer à son encontre une mise à pied conservatoire ; que, contrairement à ce que soutient la FEDEM, l'obligation de demander et d'attendre l'autorisation de l'inspecteur du travail, notamment en cas de faute, n'est pas, eu égard au délai dans lequel l'inspecteur du travail doit se prononcer, de nature à avoir des conséquences excessives pour l'employeur ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les limitations apportées à la liberté des employeurs et les contraintes qu'elles peuvent faire peser sur la gestion des entreprises sont justifiées par les circonstances exceptionnelles résultant de la pandémie de Covid-19, non excessives et strictement limitées dans le temps ; que, dès lors, sous la réserve énoncée au considérant 10, la FEDEM n'est pas fondée à soutenir que les articles 8 et 9 de la loi du 11 mai 2020 porteraient une atteinte disproportionnée à la liberté de l'employeur découlant des articles 24 et 25 de la Constitution ;

13. Considérant, en deuxième lieu, que le principe de sécurité juridique implique qu'il ne soit pas porté une atteinte excessive aux situations contractuelles en cours ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci‑dessus que les articles 8 et 9 de la loi du 11 mai 2020 ne portent pas une atteinte excessive aux situations contractuelles en cours et, par suite, ne méconnaissent pas le principe de sécurité juridique ;

15. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 20 de la Constitution : « Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi » ; qu'il en résulte la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire ;

16. Considérant que les articles 8 et 9 de la loi du 11 mai 2020 prévoient que tout employeur qui méconnaît leurs dispositions est puni de l'amende prévue au chiffre 2 de l'article 26 du Code pénal ; que, sur le fondement de ces dispositions dont les termes sont suffisamment clairs et précis, un employeur peut être condamné pénalement pour avoir, durant la période d'application de ces dispositions, prononcé ou notifié un licenciement ou une rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée sans autorisation de l'inspecteur du travail, soit qu'elle n'ait pas été demandée, soit qu'elle ait été refusée ; que, dès lors que le projet de licenciement ou de rupture anticipée du contrat de travail doit être préalablement soumis à l'autorisation de l'inspecteur du travail, l'appréciation portée par ce dernier sur ce projet ne peut, contrairement à ce que soutient la FEDEM, se substituer à celle portée par le juge pénal sur les conditions dans lesquelles le licenciement ou la rupture anticipée du contrat de travail a été décidée par l'employeur ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe constitutionnel de légalité des peines n'est pas fondé ;

17. Considérant, en dernier lieu, d'une part, que les peines d'amende prévues par les articles 8 et 9 de la loi du 11 mai 2020 sont destinées à sanctionner la méconnaissance par les employeurs des dispositions spéciales temporairement applicables pour faire face aux conséquences de l'épidémie de Covid-19 ; que la fédération requérante ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que l'usage par les employeurs de la faculté de licencier un salarié ou d'interrompre de manière anticipée son contrat à durée déterminée n'est pas susceptible en temps normal de faire l'objet d'une sanction pénale ; que, d'autre part, les peines prévues ne sont pas manifestement disproportionnées ; qu'ainsi, le législateur n'a pas méconnu les principes de nécessité et de proportionnalité des peines qui découlent de l'article 20 de la Constitution ;
En ce qui concerne l'article 10 de la loi

18. Considérant, en premier lieu, que l'article 10 de la loi du 11 mai 2020 rend obligatoire l'organisation par les employeurs du travail à distance, notamment du télétravail, sur les postes le permettant durant le temps d'application des mesures, prises par le Ministre d'État, portant réglementation temporaire des déplacements en vue de lutter contre la propagation du virus Covid-19 ; que les employeurs doivent mettre à la disposition des salariés concernés les moyens techniques et matériels nécessaires à l'exercice de leur activité à distance ; que l'employeur doit notifier à la Direction du Travail et à l'Assureur-loi couvrant le risque accident du travail - maladie professionnelle la mise en place du travail à distance ; que l'article 10 prévoit également que lorsque le travail à distance ne peut être organisé par l'employeur et que la présence physique du salarié est requise sur son lieu de travail, ou que des impératifs de sécurité sont compromis, l'employeur doit se conformer aux mesures de prévention sanitaire édictées par le Ministre d'État ;

19. Considérant que l'article 10 de la loi du 11 mai 2020 concourt à limiter les déplacements des personnes durant la période de crise épidémique et à lutter ainsi contre la propagation de l'épidémie de Covid-19 ; que les obligations imposées aux employeurs par cette disposition permettent de garantir à la fois la sécurité sanitaire des salariés et la poursuite de l'activité des entreprises ;

20. Considérant que si les entreprises supportent le coût de l'organisation du travail à distance, les matériels le cas échéant acquis dans ce but demeurent dans leur patrimoine et les frais engagés sont compris dans leurs charges ; qu'en outre, l'appréciation de la possibilité pour l'employeur de mettre à la disposition de son salarié les moyens techniques et matériels nécessaires à l'exercice de son activité à distance doit tenir compte des capacités financières de l'entreprise ;

21. Considérant que la FEDEM fait valoir que l'article 10 de la loi oblige l'employeur, dans le cas où il ne peut pas organiser le travail de son salarié à distance, à se conformer à des mesures de prévention sanitaire édictées par le Ministre d'État sans délimitation desdites mesures, lesquelles peuvent ainsi être contraignantes et potentiellement illimitées ; que, toutefois, les mesures de prévention sanitaire compétemment édictées par le Ministre d'État et dont la légalité peut être critiquée devant le Tribunal Suprême, doivent être proportionnées ; qu'il n'appartenait pas au législateur de déterminer lui-même dans la disposition critiquée le contenu des mesures nécessaires ou d'en limiter la portée ;

22. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au considérant 20, l'article 10 de la loi du 11 mai 2020 ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté de l'employeur découlant des articles 24 et 25 de la Constitution au regard de l'objectif poursuivi de sauvegarde de la santé publique dans les circonstances exceptionnelles résultant de la pandémie de Covid-19 ;

23. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 26 de la Constitution : « Les Monégasques ont droit à l'aide de l'État en cas d'indigence, chômage, maladie, invalidité, vieillesse et maternité, dans les conditions et formes prévues par la loi » ;

24. Considérant que la FEDERATION DES ENTREPRISES MONEGASQUES (FEDEM) soutient que l'élargissement, par l'article 10 de la loi du 11 mai 2020, des prestations de travail susceptibles d'être accomplies par des salariés domiciliés à l'étranger, soit par la modification de la durée maximale de télétravail, soit par l'instauration du travail à distance, serait de nature à priver ces salariés de leur couverture sociale dès lors qu'ils ne respecteraient plus les conditions prévues par les conventions bilatérales signées avec les États étrangers dans lesquels ils résident, principalement la convention du 28 février 1952 entre la France et la Principauté de Monaco sur la sécurité sociale et la convention générale de sécurité sociale du 12 février 1982 entre la Principauté de Monaco et la République italienne ; qu'il en résulterait également le risque pour les employeurs monégasques de faire l'objet de sanctions civiles, administratives et pénales prononcées par les administrations et juridictions étrangères en raison de l'exercice de prestations accomplies sur leur territoire en méconnaissance de ces stipulations conventionnelles ; qu'en conséquence, l'article 10 méconnaîtrait le droit à une protection sociale garanti par les articles 25 et 26 de la Constitution et le principe de sécurité juridique ;

25. Considérant, toutefois, que l'article 11 de la loi du 11 mai 2020 n'a ni pour objet ni, par lui-même, pour effet de modifier les règles applicables en matière de couverture sociale des salariés travaillant en Principauté et résidant dans un État étranger ; qu'il appartient aux seules autorités compétentes de tirer les conséquences sur les conventions internationales applicables en la matière des dispositions adoptées par le législateur ; que, par suite, la fédération requérante ne peut utilement soutenir que le législateur aurait méconnu le principe de sécurité juridique et, en tout état de cause, le droit garanti par l'article 26 de la Constitution ; que la circonstance invoquée que les conventions conclues avec la France et l'Italie n'aient pas été modifiées est sans incidence sur la constitutionnalité des dispositions de la loi du 11 mai 2020 ;

26. Considérant, en troisième lieu, que l'article 10 de la loi du 11 mai 2020 prévoit que tout employeur qui méconnaît ses dispositions est puni de l'amende prévue au chiffre 4 de l'article 29 du Code pénal ; que, d'une part, les dispositions qui imposent à l'employeur d'organiser le travail à distance ou le télétravail de ses salariés ne sont ni obscures, ni ambigües ; que, d'autre part, le principe constitutionnel de légalité des peines n'interdit pas au législateur d'ériger en infraction le manquement à des obligations qui ne résultent pas directement de la loi elle-même ; que, par suite, en érigeant en infraction la méconnaissance par l'employeur des mesures de prévention sanitaire édictées par le Ministre d'État sans préciser elle-même ces mesures, la loi n'a pas, contrairement à ce que soutient la FEDEM, méconnu ce principe ; qu'en mentionnant les mesures de prévention sanitaire édictées par le Ministre d'État, le législateur doit être regardé comme ayant visé les mesures édictées pour lutter contre l'épidémie de Covid-19 ; que, sous cette réserve, le moyen tiré de la méconnaissance par l'article 10 de la loi du 11 mai 2020 du principe constitutionnel de légalité des peines n'est pas fondé ;

27. Considérant, en dernier lieu, d'une part, que la peine d'amende prévue par l'article 10 de la loi du 11 mai 2020 répond à la même nécessité que celle qui fonde les peines prévues par les articles 8 et 9 de la même loi ; que, d'autre part, la peine prévue n'est pas manifestement disproportionnée ; que le moyen tiré de ce que l'article 10 de la loi du 11 mai 2020 méconnaîtrait les principes de nécessité et de proportionnalité des peines doit, en conséquence, être écarté ;

28. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la FEDERATION DES ENTREPRISES MONEGASQUES n'est pas fondée à demander l'annulation des articles 8, 9 et 10 de la loi n° 1.488 du 11 mai 2020 interdisant les licenciements abusifs, rendant le télétravail obligatoire sur les postes le permettant et portant d'autres mesures pour faire face à l'épidémie de Covid-19 ;
Décide :

Article Premier.

Sous les réserves d'interprétation énoncées aux considérants nos 10, 20 et 26, la requête de la FEDERATION DES ENTREPRISES MONEGASQUES (FEDEM) est rejetée.

Art. 2.

Les dépens sont mis à la charge de la FEDERATION DES ENTREPRISES MONEGASQUES.

Art. 3.

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
Pour extrait certifié conforme à l'original délivré en exécution de l'article 37 de l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963.

Le Greffier en Chef,
V. SANGIORGIO.

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