Cour d'Appel de la Principauté de Monaco - Année Judiciaire 2023-2024 - Rentrée des Cours et Tribunaux - Audience solennelle du 2 octobre 2023.
ALLOCUTIONS DE
Monsieur Francis Jullemier-Millasseau
Premier Président de la Cour d’Appel
Monsieur Stéphane Thibault
Procureur Général
DISCOURS DE RENTRÉE
prononcé par
Monsieur Sébastien Biancheri
Conseiller à la Cour d’Appel
Secrétaire du Conseil d’État
« La Cour Européenne des droits de l’homme à l’ère de la maturité de la protection des droits »
Comme le veut la loi, lundi 2 octobre a été marqué par l’audience solennelle de rentrée des Cours et Tribunaux, à laquelle assistait Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, manifestant une nouvelle fois l’intérêt qu’Il porte à l’œuvre de justice.
Ainsi, après que la Compagnie Judiciaire eut assisté à la traditionnelle messe du Saint-Esprit concélébrée par S.E. Monseigneur Dominique-Marie David, Archevêque de Monaco, et l’ensemble du clergé diocésain, Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, escorté du Lieutenant-colonel Jean-Luc Carcenac, Chambellan du Prince, était accueilli par S.E. Monsieur Pierre Dartout, Ministre d’État, et Madame Sylvie Petit-Leclair, Secrétaire d’État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires, Président du Conseil d’État, devant le Palais de Justice afin de Se rendre dans la salle d’audience de la Cour d’Appel où Il prenait place.
L’audience solennelle débutait sous la présidence de M. Francis Jullemier-Millasseau Premier Président de la Cour d’Appel accompagné de Mme Françoise Carracha, Mme Claire Ghera, M. Sébastien Biancheri, Mme Sandrine Lefebvre et Mme Marie‑Hélène Cabannes, Conseillers qui siégeaient à ses côtés.
La Cour de Révision se tenait derrière. Mme Cécile Chatel‑Petit, Premier Président, était entourée de M. Laurent Le Mesle, Vice-président, M. François-Xavier Lucas, M. Jean‑Pierre Gridel, M. Serge Petit, M. François Cachelot, M. Jacques Raybaud et Mme Martine Valdes‑Boulouque, Conseillers de la Haute Juridiction.
Devant la Cour se tenait le Tribunal de Première Instance. Mme Françoise Barbier-Chassaing, Président, accompagnée des magistrats de sa juridiction, M. Florestan Bellinzona, et Mme Évelyne Husson, Vice-présidents, M. Ludovic Leclerc, Mme Léa Parienti et Mme Alexia Brianti, Premiers juges, M. Franck Vouaux, Mme Catherine Ostengo, Mme Sandrine Ladegaillerie, M. Thierry Deschanels, M. Patrice Fey et Mme Anne-Sophie Houbart, Juges.
Mme Cyrielle Colle, Juge de Paix, était également présente.
Pour le Parquet Général, aux côtés de M. Stéphane Thibault, Procureur Général, se tenaient M. Morgan Raymond, Procureur Général Adjoint, M. Julien Pronier et Mme Valérie Sagné, Premiers Substituts, Mme Emmanuelle Carniello, Substitut, M. Maxime Maillet, Magistrat référendaire et Mme Cathy Raynier, Secrétaire Général du Parquet.
Mme Virginie Sangiorgio, Greffier en Chef, tenait le plumitif d’audience avec, à ses côtés, Mme Marine Pisani et Mme Nadine Vallauri, Greffiers en Chef adjoints.
Me Claire Notari et Me Patricia Grimaud-Palmero occupaient le banc des Huissiers de justice.
Mme Emmanuelle Philibert, Mme Amandine Renou, M. Julien Sposito, Mme Christèle Settinieri, Mme Marine Cosso, Greffiers, ainsi que Mme Sophie Lara, Mme Sophie Bosso‑Liotard, Mme Flavie Rossi et Mme Clémence Cotta, Greffiers stagiaires, avaient pris place dans le public.
Installées dans la salle également, Me Magali Crovetto‑Aquilina et Me Nathalie Auréglia-Caruso, Notaires.
Me Thomas Giaccardi, Bâtonnier, Me Bernard Bensa, Syndic-Rapporteur et Me Christophe Ballerio, Secrétaire de l’Ordre des Avocats-Défenseurs et Avocats étaient entourés cette année de Me Christine Pasquier-Ciulla, Me Jean-Charles Gardetto, Me Géraldine Gazo, Me Christophe Sosso, Me Yann Lajoux, Me Alexis Marquet, Me Olivier Marquet, Me Régis Bergonzi, Me Hervé Campana, Me Pierre-Anne Noghes-Du Monceau, Me Charles Lecuyer, Me Xavier-Alexandre Boyer, Me Céline Martel‑Emmerich, Me Arnaud Cheynut et Me Sophie‑Charlotte Marquet, Avocats-Défenseurs, Me Clyde Billaud, Me Thomas Brezzo, Me Stephan Pastor et Me Sarah Caminiti‑Rolland, Avocats, Me Maeva Zampori et Me Grégoire Gamerdinger, Avocats-stagiaires.
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M. Francis Jullemier-Millasseau, Premier Président de la Cour d’Appel, ouvrait l’audience en ces termes :
« Monseigneur,
Monsieur le Ministre d’État,
Monseigneur l’Archevêque de Monaco,
Madame le Président du Conseil National,
Monsieur le Président du Conseil de la Couronne,
Madame le Secrétaire d’État à la justice, Directeur des Services judiciaires,
Madame le Secrétaire d’État,
Monsieur le Chambellan de S.A.S. le Prince Souverain,
Mesdames et Messieurs les Conseillers Ministres et Hauts représentants du gouvernement de S.A.S. le Prince Souverain,
Monsieur l’Ambassadeur de France,
Monsieur l’Ambassadeur d’Italie,
Madame l’Adjoint au Maire de Monaco,
Madame la Première Présidente de la Cour de révision,
Monsieur Braconnier, membre du Tribunal Suprême,
Monsieur le Vice-président du Conseil d’État,
Monsieur le Contrôleur général de la Sûreté Publique et ses adjoints,
Monsieur le Directeur de la Maison d’arrêt et Madame la Directrice adjointe,
Monsieur le Président du Tribunal du Travail,
Mesdames et Messieurs les Notaires,
Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de la Principauté de Monaco, et Mesdames et Messieurs les Avocats,
Mesdames et Messieurs les Huissiers de justice,
Chers collègues magistrats de la Principauté et des juridictions voisines qui nous font le plaisir d’assister à cette audience,
Mesdames et Messieurs,
Nous tenons particulièrement à remercier Son Altesse Sérénissime le Prince Albert II de Monaco pour Sa présence à notre audience solennelle de rentrée ; cette présence Monseigneur, est le témoignage de l’intérêt que Vous portez à l’institution judiciaire monégasque, à notre travail.
Monseigneur je profite de l’occasion qui m’est donnée pour Vous remercier pour la confiance que Vous m’avez accordée en me nommant Premier Président de la Cour d’Appel de Monaco.
Monsieur le Premier président de la Cour de Cassation du Maroc, Monsieur le Procureur Général près ladite Cour de Cassation nous sommes très honorés de votre présence à cette audience et nous ne pouvons avoir qu’une pensée amicale pour le peuple marocain qui a vécu il y a maintenant près d’un mois une véritable tragédie avec ce séisme qui ne nous a pas laissé indifférent et nous voulions vous témoigner toute notre amitié.
Monsieur le Premier président, Monsieur le procureur général lorsque l’on se rend dans un pays comme ce fût mon cas pour le Maroc en 2018 à Rabat à trois reprises à l’Institut Supérieur de la Magistrature dans le cadre d’une mission sur la formation initiale et la formation continue de l’ISM le fait d’y avoir été, le fait d’y avoir été bien reçu vous laisse encore moins indifférent lorsque ce pays subit une tragédie.
*
La tradition veut que l’ensemble des évènements qui ont marqué l’année judiciaire écoulée, à savoir 2022-2023, au sein de l’institution judiciaire monégasque soit évoqué.
À la Direction :
Par Ordonnances Souveraines,
Madame Magali Ginepro, Adjoint au Secrétaire Général de la Direction des Services Judiciaires a été nommée Secrétaire Générale de la Direction des Services Judiciaires, à compter du 3 mars 2023.
Madame Amandine Valenti, Greffier au Greffe Général, a été nommée Archiviste à la Direction des Services Judiciaires.
Par Arrêtés du Secrétaire d’État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires,
Monsieur Yves Strickler, Professeur agrégé des facultés de droit, Professeur à l’Université Côte d’Azur, a été nommé en qualité de Directeur scientifique de l’Institut Monégasque de Formation aux Professions Judiciaires.
Messieurs Thomas Catherine et Guillaume Campillo sont nommés Appariteurs Stagiaires à la Direction des Services Judiciaires.
Pour le Haut Conseil de la Magistrature :
Par Ordonnances Souveraines,
Madame Léa Parienti, Premier Juge au Tribunal de Première Instance, élue par le premier collège du corps judiciaire, est nommée membre titulaire du Haut Conseil de la Magistrature, jusqu’au 24 avril 2026.
Madame Cyrielle Colle, Juge de Paix, élue par le premier collège du corps judiciaire, est nommée membre suppléant du Haut Conseil de la Magistrature, jusqu’au 24 avril 2026.
Tribunal Suprême – Cour de Révision – Cour d’Appel – Tribunal de Première Instance et Greffe Général :
Par Ordonnances Souveraines,
Monsieur Morgan Raymond, Vice-Président au Tribunal de Première Instance, Magistrat chargé de l’instruction, est nommé Procureur Général Adjoint, à compter du 24 octobre 2022.
Madame Sandrine Ladegaillerie, Vice-Présidente du Tribunal Judiciaire de Toulon, mise à notre disposition par le Gouvernement français, est nommée Juge au Tribunal de Première Instance, à compter du 1er octobre 2022.
Madame Catherine Ostengo, Vice-Présidente au Tribunal Judiciaire de Paris, mise à notre disposition par le Gouvernement français, est nommée Juge au Tribunal de Première Instance, à compter du 1er octobre 2022.
Madame Sandrine Ladegaillerie, Juge au Tribunal de Première Instance, est nommée Juge d’instruction pour une période de trois ans, à compter du 24 octobre.
Monsieur Bernard Facchinetti, Secrétaire-Sténodactylographe à la Direction des Services Judiciaires (Greffe Général), est nommé en qualité d’Assistant au sein de ce même service.
Monsieur Loïc Sultan, Secrétaire-Sténodactylographe à la Direction des Services Judiciaires (Greffe Général), est nommé en qualité d’Assistant au sein de ce même service.
Madame Nathalie Dehan (nom d’usage Mme Nathalie Madadkhah-Salmassi), Greffier Stagiaire au Greffe Général, est nommée Greffier au Greffe Général et titularisée dans le grade correspondant à effet du 11 janvier 2022.
Monsieur Maxime Maillet, Administrateur Principal à la Direction des Services Judiciaires, est nommé Magistrat Référendaire et titularisé dans le grade correspondant, à compter du 30 janvier 2023.
Madame Alexia Brianti, Juge au Tribunal de Première Instance, est nommée Premier Juge audit Tribunal, à compter du 7 janvier 2023.
Madame Aline Grinda (nom d’usage Mme Aline Brousse), Juge au Tribunal de Première Instance, est nommée Premier Juge audit Tribunal, à compter du 7 janvier 2023.
Madame Marine Cosso, Greffier Stagiaire au Greffe Général, est nommée Greffier au Greffe Général et titularisée dans le grade correspondant à effet du 1er mars 2022.
Madame Sandrine Ferrer (nom d’usage Mme Sandrine Ferrer-Jaussein), Greffier détaché auprès du Tribunal du Travail, étant réintégrée dans son administration d’origine avec effet du 12 juin 2023, il est mis fin à ses fonctions de Secrétaire en chef du Tribunal du Travail, à compter de cette même date.
Monsieur Francis Jullemier-Millasseau, Président du Tribunal Judiciaire d’Aix-en‑Provence, mis à notre disposition par le Gouvernement français, est nommé Premier Président de la Cour d’Appel, à compter du 1er septembre 2023.
Monsieur Thierry Deschanels, Premier Vice-Président au Tribunal Judiciaire de Bourg‑en‑Bresse, mis à notre disposition par le Gouvernement français, est nommé Juge au Tribunal de Première Instance, à compter du 1er septembre 2023.
Monsieur Patrice Fey, Vice-Président au Tribunal Judiciaire de Thonon-les-Bains, mis à notre disposition par le Gouvernement Français, est nommé Juge au Tribunal de Première Instance, à compter du 1er septembre 2023.
Madame Anne-Sophie Houbart, Vice-Président au Tribunal Judiciaire de Toulon, mis à notre disposition par le Gouvernement Français, est nommée Juge au Tribunal de Première Instance, à compter du 1er septembre 2023.
Par Arrêtés du Secrétaire d’État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires,
Madame Sophie Lara, Secrétaire-Sténodactylographe au Greffe Général, est nommée Greffier Stagiaire au Greffe Général, à compter du 3 janvier 2023.
Madame Sophie Bosso (nom d’usage Mme Sophie Liotard), Attaché principal à la Direction des Services Judiciaires (Parquet Général), est nommée Greffier Stagiaire au Greffe Général, à compter du 3 avril 2023.
Madame Flavie Rossi, Attaché principal à la Direction des Services Judiciaires (Greffe Général), est nommée Greffier Stagiaire au Greffe Général, à compter du 2 juin 2023.
Madame Isabel Muller (nom d’usage Mme Isabel Dellerba), Greffier au Greffe Général de la Cour d’appel et des Tribunaux, est placée, à sa demande, en position de détachement auprès de l’Administration Gouvernementale (Département des Affaires Sociales et de la Santé – Tribunal du Travail) à compter du 17 juillet 2023 pour une période d’une année.
Madame Clémence Cotta, Agent administratif suppléant à la Direction des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique, est nommée Greffier Stagiaire au Greffe Général, à compter du 9 août 2023.
Monsieur Stéphane Braconnier, Membre titulaire du Tribunal Suprême, est chargé, pour assurer la continuité du service à compter du 8 août 2023, et dans l’attente de la désignation des nouveaux Président et Vice-Président du Tribunal Suprême, de suivre les procédures en cours et prendre toute mesure urgente.
Tribunal du Travail :
Par Ordonnances Souveraines,
Madame Sandrine Ferrer (nom d’usage Mme Sandrine Ferrer-Jaussein), Greffier détaché auprès du Tribunal du Travail, étant réintégrée dans son administration d’origine avec effet du 12 juin 2023, il est mis fin à son détachement à compter de cette date.
Madame Isabel Muller (nom d’usage Mme Isabel Dellerba), Greffier détaché par la Direction des Services Judiciaires, est nommée en qualité de Secrétaire en Chef du Tribunal du Travail, à compter du 17 juillet 2023.
Ordre des Avocats-Défenseurs et Avocats :
Par Ordonnance Souveraine,
Maître Sophie-Charlotte Marquet, Avocat au Barreau de Monaco, est admis à exercer la profession d’Avocat-défenseur, à compter du 8 janvier 2023.
Par Arrêtés du Secrétaire d’État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires,
Maître Erika Bernardi, Avocat-Stagiaire à la Cour d’appel, est nommée Avocat à compter du 12 février 2023.
Maître Sarah Caminiti-Rolland est nommée Avocat à compter du 27 mars 2023
Parquet Général :
Par Ordonnances Souveraines,
Monsieur Morgan Raymond, Procureur Général Adjoint, est chargé des fonctions de Procureur Général par intérim à compter du 24 octobre 2022.
Monsieur Michaël Pelassy, Secrétaire-Sténodactylographe à la Direction des Services Judiciaires (Parquet Général), est nommé en qualité d’Assistant au sein de ce même service.
Monsieur Stéphane Thibault, Avocat Général près la Cour d’appel de Paris, mis à notre disposition par le Gouvernement Français, est nommé Procureur Général, à compter du 1er septembre 2023.
Par Arrêté du Secrétaire d’État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires,
Monsieur Maxime Maillet, Magistrat Référendaire, est affecté au Parquet dans les fonctions de Substitut du Procureur Général, à compter du 30 janvier 2023.
Décorations :
Par Ordonnances Souveraines,
Madame Cécile Chatel (nom d’usage Mme Cécile Chatel‑Petit), Premier Président de la Cour de Révision, est promue Officier de l’Ordre de Saint-Charles.
Maître Alexis Marquet, Avocat-Défenseur est nommé Chevalier de l’Ordre de Saint-Charles.
Départs :
Par Ordonnances Souveraines,
Madame Brigitte Rochette (nom d’usage Mme Brigitte Volpatti), Greffier au Greffe Général, est admise à faire valoir ses droits à la retraite, à compter du 10 octobre 2022.
Madame Catherine Ducas Langevin, Greffier au Greffe Général, est admise à faire valoir ses droits à la retraite, à compter du 3 février 2023.
Monsieur Bruno Nardi, Assistant Judiciaire au Tribunal de Première Instance, est admis, sur sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite anticipée, à compter du 3 février 2023.
Madame Geneviève Cassan (nom d’usage Mme Geneviève Vallar), Magistrat détaché, est admise à faire valoir ses droits à la retraite auprès de son administration d’origine, il est mis fin à ses fonctions de Premier Juge au Tribunal de Première Instance, à compter du 23 février 2023.
Monsieur Philippe Mouly, Secrétaire Général de la Direction des Services Judiciaires, est admis, sur sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite anticipée, à compter du 3 mars 2023, par OS du 22 février 2023 lui conférant l’honorariat.Madame Françoise Cellario (nom d’usage Mme Françoise Cellario-Menier), Greffier détaché à la Croix-Rouge Monégasque, est admise, sur sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite anticipée, à compter du 24 avril 2023.
Monsieur Jean-Pierre Siccardi, Archiviste à la Direction des Services Judiciaires, est admis, sur sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite anticipée, à compter du 2 juin 2023.
Madame Sandrine Ferrer (nom d’usage Mme Sandrine Ferrer-Jaussein), Greffier au Greffe Général, est admise, sur sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite anticipée, à compter du 12 juin 2023.
Monsieur Adrian Candau, Magistrat placé en service détaché, est réintégré dans son administration d’origine, il est mis fin à ses fonctions de Juge au Tribunal de Première Instance, à compter du 1er septembre 2023.
Madame Virginie Hoflack (nom d’usage Mme Virginie Singier), Magistrat placé en service détaché, est réintégré dans son administration d’origine, il est mis fin à ses fonctions de Juge au Tribunal de Première Instance, à compter du 1er septembre 2023.
Monsieur Olivier Schweitzer, Magistrat placé en service détaché, est réintégré dans son administration d’origine, il est mis fin à ses fonctions de Vice-Président au Tribunal de Première Instance, à compter du 1er septembre 2023.
Madame Aline Grinda (nom d’usage Mme Aline Brousse), Premier Juge au Tribunal de Première Instance, est placée, sur sa demande, en position de détachement auprès de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives, à compter du 1er septembre 2023 pour une période de deux années.
Madame Aline Grinda (nom d’usage Mme Aline Brousse), Premier Juge au Tribunal de Première Instance, détachée par la Direction des Services Judiciaires, est nommée en qualité de Délégué en charge du suivi des activités répressives et contentieuses à la Commission de Contrôle des Informations Nominatives, à compter du 1er septembre 2023.
Voilà les principaux événements qui ont marqué l’année judiciaire 2022-2023.
Dans quelques instants, Monsieur Biancheri, Conseiller à la Cour d’Appel va vous présenter un exposé sur la Cour européenne des droits de l’homme à l’ère de la maturité de la protection des droits.
La convention européenne des droits de l’homme est essentielle en termes de portée judiciaire puisque son article 6 garantit certains droits au bénéfice des parties à un procès et ces droits sont particulièrement renforcés en matière pénale, au sens de la Convention européenne des droits de l’homme. C’est cet article qui rappelle que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi.
Cette introduction faite, je cède la parole pour son exposé à Monsieur Biancheri. ».
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* *
Monsieur Sébastien Biancheri, Conseiller à la Cour d’Appel, Secrétaire du Conseil d’État, prononçait alors le discours suivant :
« Merci Monsieur le Premier Président,
Avant tout je voudrais dire combien je suis sensible à l’honneur qui m’est fait d’intervenir en cette audience solennelle de rentrée qui s’inscrit dans notre tradition plus que séculaire.
Monseigneur, c’est avec émotion, que je souhaite Vous exprimer, la respectueuse gratitude que nous inspire Votre venue solennelle dans notre salle d’audience. La présence de Votre Altesse Sérénissime est ressentie par chacun d’entre nous, comme un puissant encouragement pour la poursuite de nos tâches au service de la justice.
En ces circonstances, l’expression pourtant tellement émoussée de « redoutable honneur » d’avoir à prononcer le discours de rentrée judiciaire me paraît garder encore tout son sens.
Pourquoi aujourd’hui un thème autour de la Convention et de la Cour européenne des droits de l’homme, déjà abordé, par le passé avec brio, en ces lieux ?[1] Trois raisons peuvent être mises en avant à mon sens. D’abord, l’évolution constante de la Cour et de sa jurisprudence qui a toujours qualifié la Convention du 4 novembre 1950 « d’instrument vivant à interpréter à la lumière des conditions de vie actuelles et des conceptions prévalant de nos jours dans les États démocratiques » ce qui incite à un intérêt permanent.
Ensuite, au regard des enjeux européens actuels pour la Principauté de Monaco : la suspension récente des négociations pour un accord d’association avec l’Union européenne rend encore plus notable l’implication de la Principauté au sein de l’autre organisation régionale continentale, le Conseil de l’Europe dont dépend la Cour.
Enfin, parce que sur les trois dernières années, trois évènements fondamentaux ont impacté cette juridiction internationale : l’entrée en vigueur du protocole n° 15 en 2021, l’exclusion de la Fédération de Russie du Conseil de l’Europe en 2022 et le 4ème sommet des Chefs d’État et de Gouvernement du Conseil de l’Europe en 2023.
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1/ L’exclusion de la Fédération de Russie tout d’abord, suite aux évènements tragiques en Ukraine au printemps 2022 est sans véritable précédent dans l’histoire du Conseil de l’Europe depuis sa création en 1949. Il faut toutefois garder en mémoire le cas du retrait de la Grèce sous le régime dit « des Colonels », en 1970, pour anticiper une probable exclusion et le retour de ce pays au sein de l’organisation régionale, après un changement de régime politique en 1974.
L’exclusion de la Russie génère des défis inédits aux plans politique et diplomatique mais également en droit international puisque la Russie, hors du Conseil de l’Europe, cesse de droit d’être partie contractante à la CEDH et donc n’est plus justiciable de la Cour de Strasbourg, du moins pour le futur.
En effet, suite à l’exclusion prononcée le 16 mars 2022, la Cour en formation plénière a aussitôt adopté une résolution en vertu de laquelle elle reste compétente pour traiter les requêtes dirigées contre la Fédération de Russie en relation avec des actes et omissions susceptibles de constituer une violation de la Convention, à condition qu’ils se soient produits avant la date effective de l’exclusion, 6 mois après, soit le 16 septembre 2022[2].
C’est un enjeu inédit pour la Cour, souligné dans les discours et les propos de sa présidente Siofra O’Leary, juge irlandaise et 1ère femme élue en 2022 présidente de la Cour de Strasbourg. Cet enjeu, c’est notamment celui de continuer à traiter des requêtes pendantes, désormais sans interlocuteur agent du gouvernement russe. Depuis lors, plusieurs décisions, notamment de condamnations importantes de la Russie, ont été rendues[3].
On peut y voir, par rapport au titre de cet exposé, un premier élément de maturité du système, au sens où indépendamment des positions politiques et diplomatiques des États et organisations internationales face à cette situation, la Cour participe, à sa place et avec sa grille d’analyse juridictionnelle et non politique, à l’objectif commun de protection des droits fondamentaux.
2/ C’est dans ce contexte qu’est intervenu un sommet des Chefs d’État et de Gouvernement des État membres du Conseil de l’Europe les 16 et 17 mai 2023 à Reykjavik en Islande. C’est important symboliquement puisque c’est seulement le 4ème depuis la naissance du Conseil de l’Europe en 1949. Il a abouti à une déclaration solennelle d’unité autour des valeurs communes des États membres qui réaffirme les principes d’idéaux de justice et de paix et la responsabilité commune de lutter contre les tendances autocratiques et les menaces croissantes qui pèsent sur les droits de l’homme, la démocratie et l’état de droit.
S’agissant plus spécifiquement de la CEDH et de la Cour, l’ancrage et la maturité du système sont démontrés là encore, dans la mesure où les Chefs d’État ont rappelé le rôle majeur du mécanisme du recours individuel, modèle qui est unique au monde à l’échelle d’une organisation régionale.
Ils ont également réaffirmé l’obligation inconditionnelle des États membres de se conformer pleinement aux arrêts définitifs de la Cour. Enfin, ils ont entendu veiller à ce que des ressources suffisantes et pérennes soient allouées à la Cour pour lui permettre, dans le respect du principe de subsidiarité, d’exercer ses fonctions judiciaires.
Le principe de subsidiarité justement, qui sera au cœur de mon propos, c’est celui en vertu duquel les États s’approprient les droits de l’homme protégés par la Convention européenne des droits de l’homme et en deviennent en quelque sorte les premiers responsables. Il y a une grande logique à cet égard puisque les autorités de l’État font vivre leur propre système, selon leur propre tradition juridique et sont les mieux placées pour décliner les droits de l’homme : en édictant des normes ou en créant des procédures de recours adaptées.
Pour les justiciables, ce principe impose de soumettre leurs demandes fondées sur une violation alléguée des droits garantis dans la Convention, d’abord aux juges internes et d’épuiser les voies de recours offertes dans l’État membre.
La Cour de Strasbourg n’intervient qu’en tout dernier lieu si un justiciable estime que ses torts n’ont pas été suffisamment redressés au sein de l’État membre.
3/ Justement le Protocole additionnel n° 15 à la Convention, que je viens d’évoquer, est entré en vigueur le 1er août 2021 et a ancré ce principe de subsidiarité, tout comme celui de la marge nationale d’appréciation, dans le préambule de la convention.[4]
Ce ne sont absolument pas des idées nouvelles, on pense au concept de « responsabilité partagée » entre la Cour et les États, selon la formulation du regretté Président de la Cour Jean-Paul Costa, qui nous a quitté cette année et dont il convient de saluer la mémoire. En réalité, la Cour n’a pas attendu l’entrée en vigueur du protocole 15, qui était ouvert à la signature des États depuis 2013, pour appliquer ces principes de subsidiarité et de marge d’appréciation.
Bien au contraire c’est en quelque sorte l’inverse, c’est-à-dire que l’inscription de ces deux principes dans le marbre de la Convention est la consécration, par les États membres, de lignes de forces majeures dégagées par la jurisprudence de la Cour depuis des années, pour déterminer les modalités d’exercice de son contrôle. C’est là encore la preuve d’un système juridictionnel qui a maturé et qui a été adopté et accepté par tous. Il faut rappeler à cet égard qu’un protocole d’amendement doit être adopté par tous les États membres du Conseil (46 désormais).[5]
Subsidiarité, marge d’appréciation, je me propose maintenant de décliner mon propos autour de ces deux axes avec quelques exemples, récents, sur des thématiques extrêmement contemporaines et qui me semble-t-il, sont représentatives de tendances actuelles fortes de la Cour.
I/ La subsidiarité revisitée :
La subsidiarité tout d’abord, que je propose de revisiter en deux points : le contrôle du contrôle et l’importance croissante des violations procédurales.
A/ Le contrôle du contrôle
« Le contrôle du contrôle », expression que j’emprunte volontiers au juge élu au titre de la France, Mattias Guyomar[6]. Ce n’est pas un terme officiel mais une tentative de définition.
L’idée en est qu’à l’heure actuelle, la protection d’un certain nombre de droits garantis par la Convention est mature quand la Cour de Strasbourg a défini des critères clairs et objectifs, de manière constante, depuis longtemps. Ces critères guident alors les décideurs nationaux et dès lors, la Cour (contrairement aux situations classiques où elle recherche une violation dans telle ou telle ingérence) contrôle la manière dont les organes internes des État membres, dont leurs juridictions, ont fait application des principes qu’elle a définis.
1/ Un exemple topique, à travers la thématique de la protection des lanceurs d’alerte.
Il n’existe pas de protection des lanceurs d’alerte en tant que telle dans la Convention mais « seulement » les dispositions générales de l’article 10 qui énonce que toute personne a droit à la liberté d’expression.
Comment trouver un point d’équilibre entre punir quelqu’un qui, souvent commet une infraction pénale (un vol, un abus de confiance auprès de son employeur) mais qui le fait pour alerter l’opinion sur un sujet estimé d’intérêt général, pour dénoncer un comportement grave et devrait donc pouvoir être protégé ?
La Cour, dans un arrêt de Grande Chambre, Guja c/ Moldova[7] en 2008, avait défini pour la première fois six critères, extrêmement précis, pour apprécier la proportionnalité de l’atteinte pouvant être portée à la liberté d’expression, autrement dit si on prend la question à front renversé, si une condamnation en droit interne est justifiée ou non.
Les juges internes doivent donc bien avoir à l’esprit ces six critères :
a) l’existence ou non d’autres moyens que celui choisi pour procéder à la divulgation d’une information (des voies internes, dans une grande entreprise, ou une administration, un déontologue),
b) l’authenticité des informations divulguées,
c) la sévérité de la sanction, (l’effet bâillon ou le concept anglo-saxon de « chilling effect »),
d) la bonne foi du lanceur d’alerte (la divulgation ne doit pas être guidée par un objectif contraire à l’éthique, l’animosité personnelle, la vengeance ou esprit de lucre),
e) l’intérêt public présenté par les informations divulguées,
f) le préjudice causé à l’employeur.
La Cour de Strasbourg contrôle leur application par le juge interne : par exemple dans une affaire Soares c/ Portugal en 2016[8], la Cour n’a pas trouvé de violation, puisque les juridictions portugaises avaient scrupuleusement appliqué ces critères.
Autre affaire très récente, cette fois, l’arrêt de Grande chambre Halet c/ Luxembourg du 14 février 2023. C’est l’affaire dite des « luxleaks », cet employé de la société d’audit Price Waterhouse Cooper qui avait diffusé des informations fiscales de certains clients, condamné à 1.000 euros d’amende par les juridictions pénales luxembourgeoises qui s’étaient efforcées d’appliquer loyalement les critères Guja[9].
Mais, et voilà le contrôle du contrôle, pas correctement selon la Cour européenne. Les juges luxembourgeois avaient estimé que l’information divulguée n’était pas essentielle, nouvelle et inconnue jusqu’alors. La Grande Chambre considère elle, au contraire, que le débat public peut s’inscrire dans la continuité et être nourri par des éléments d’informations complémentaires et donc qu’il y avait un intérêt public.
De même les juges luxembourgeois avaient retenu un préjudice pour l’employeur, l’atteinte à l’image et la perte de confiance mais ils l’avaient formulé en termes généraux et en outre il n’était pas avéré sur le long terme. Et la CEDH n’étant pas une 4ème instance, elle ne rejuge pas le fond et constate une violation.
On se situe dans ce cas d’espèce, c’est à l’échelle « micro », nulle nécessité de modifier la loi au Luxembourg, mais on voit l’importance que la CEDH accorde à la motivation des décisions internes pour réaliser ce « contrôle du contrôle ».
2/ Un dernier exemple justement de l’importance de la motivation des juridictions internes, dans le cadre de la subsidiarité. C’est plus classique, mais il faut en parler car c’est une affaire monégasque, l’arrêt Sarl Gator c/ Monaco du 11 mai 2023 qui est un constat de non-violation de la liberté d’expression. Il s’agissait de la suppression, par la Cour d’appel de Monaco[10], de quatre lignes sur neufs pages d’un mémoire d’avocat dans un litige commercial. La Cour européenne rappelle un principe cardinal : la liberté de parole et d’écrits des avocats et justiciables dans le prétoire qui permet des échanges de vues libres, voire énergique entre les parties. C’est un marqueur d’une société libre et démocratique. Avec des limites toutefois, le juge monégasque pouvant supprimer une expression diffamatoire, outrageante, injurieuse, attentatoire à la vie privée.
En l’espèce la Cour européenne a analysé la motivation de la Cour d’appel et de la Cour de révision[11], pour constater qu’il y avait bien dans les propos litigieux un discrédit flou et hypothétique jeté par une partie dans ce litige commercial sur son adversaire et qu’il ressortait bien de la motivation des juridictions internes, et c’est essentiel, qu’en supprimant ces quatre lignes, la substance des écrits judiciaires n’avait en rien été affaiblie, autrement dit les éléments objectifs du débat judiciaire n’avaient pas été touchés.
On est toujours dans cet exemple, à l’échelle d’un dossier en particulier, à l’échelle « micro », mais on va voir qu’à l’échelle « macroscopique », quand se pose une question systémique, la subsidiarité joue également à plein.
B/ Une tendance croissante à des constats de violations procédurales : un raffinement plutôt qu’un recul du système de protection
Une illustration par l’exemple : l’arrêt H.F. et autres c/ France, là encore en Grande Chambre, du 14 septembre 2022, inexactement présenté dans divers médias, même d’envergure nationale, comme « la condamnation de la France pour ne pas avoir rapatrié des veuves et des enfants de ressortissants français partis faire le djihad en Syrie ».
De quoi s’agissait-il ? De requérants, français, dont les enfants s’étaient rendus en Syrie avec leurs compagnes ou épouses, afin de rejoindre le territoire alors contrôlé par l’organisation terroriste État Islamique en Irak et au Levant. Avec la chute de Daesh, des arrestations eurent lieu, des membres de familles des combattants de Daesh, eux-mêmes tués au combat, furent placés dans des camps au nord-est de la Syrie (Al-Hol et Roj) sous l’autorité (au demeurant relative et incertaine en droit international) des forces démocratiques syriennes (FDS) et de milices kurdes. On est alors entre décembre 2018 et mars 2019.
Ce sont donc des grands-parents qui sont les requérants contre la France à CEDH, contestant le refus de rapatriement de leurs petits-enfants notamment. Ils invoquaient de nombreux griefs mais je me focalise sur le plus important, un droit pour la première fois mobilisé dans l’histoire de la Cour, celui tiré de l’article 3 § 2 du Protocole 4 qui énonce que : « Nul ne peut être privé du droit d’entrer sur le territoire de l’État dont il est ressortissant ».
La Cour va considérer qu’il ne résulte pas de ce texte un droit général et absolu au rapatriement. Il n’y a pas d’obligation de résultat, pas de violation d’un droit substantiel, mais une violation par la France d’une obligation de moyen, au sens où doivent exister des garanties contre le risque d’arbitraire dans le refus des demandes de rapatriement.
Ce que la Cour a jugé insuffisant, c’est que le rejet d’une demande de retour sur le territoire national aurait dû pouvoir faire l’objet d’un examen approprié « par un organe indépendant qui n’est pas forcément une juridiction » chargé d’en apprécier la légalité. Le refus opposé aux familles n’était pas motivé, alors qu’il aurait fallu qu’il le soit, même de façon sommaire et ce, dit la Cour, dans le respect des secrets protégés par la loi (sécurité nationale, la détection du degré d’endoctrinement) et puisse faire l’objet d’un contrôle.
C’est subtil, certaines critiques disent même trop raffiné. Quoi qu’il en soit, c’est un constat de violation qui laisse la main à l’État pour mettre en œuvre une telle procédure de motivation et de recours : autrement dit, il peut y avoir des refus de rapatriements ce qui intéresse beaucoup d’États, qui étaient tiers intervenants dans cette affaire[12].
« Laisser la main aux États » : cela nous amène à la 2ème grande notion, la marge d’appréciation :
II/ La marge nationale d’appréciation et sa détermination par la mobilisation de la notion de consensus :
Elle va déterminer l’intensité et la profondeur du contrôle de la Cour. Entrent en jeu à ce titre : 1/ la nature du droit en cause 2/ la nature des questions posées (notamment sociétales) 3/ l’existence ou l’absence d’un consensus.
Je voudrais me focaliser sur cette notion de consensus à travers une problématique récente :
L’affaire Y c/ France, un arrêt de chambre du 31 janvier 2023, relatif au recours d’une personne biologiquement intersexuée qui avait demandé la modification de son état civil, pour que la mention « sexe masculin » qui lui avait été attribuée soit supprimée au profit de « sexe neutre ».
C’est l’article 8 qui est en jeu, le droit à la vie privée, dans sa dimension de sphère personnelle, de l’intimité de la personne et la Cour reconnaît que la discordance entre l’identité biologique de la personne et son identité juridique est de nature à provoquer chez lui souffrance et anxiété [13].
Mais d’autre part, une attention particulière est réservée au respect du principe de l’indisponibilité de l’état civil, à la nécessité de préserver la cohérence et la sécurité des actes de l’état civil ainsi que l’organisation sociale et juridique du système français. La reconnaissance d’une 3ème catégorie sexuelle aurait évidemment des répercussions profondes sur les règles de droit.
Pour déterminer si l’État avait une obligation positive de le faire, la Cour a réalisé une étude de droit comparé dans 37 États, dont il ressort que seuls 5[14] ont permis un « tiers genre » ou une mention « non genré » ou encore une incertitude.
Ce n’est pas le seul critère mais il est décisif et en l’absence de consensus européen en la matière, la Cour laisse à l’État le soin de déterminer à quel rythme et jusqu’à quel point il convient de répondre aux demandes des personnes intersexuées. La France n’est donc pas condamnée.
Sur des questions sociales qui peuvent, ou doivent même, susciter des débats c’est plutôt au législateur national de prendre la main pour fixer les équilibres entre l’intérêt public et les revendications individuelles.
On voit donc une recherche du plus petit dénominateur commun, mais dans le respect des différences de systèmes et dans la prise en compte de l’état des consciences dans un temps donné.
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Un tout dernier mot sur le caractère réjouissant de ce respect des différences de systèmes, nos valeurs et notre organisation juridique monégasque étant bien comprises, nous qui sommes finalement, l’avant dernier pays à avoir adhéré en 2004 au Conseil de l’Europe[15].
Pensons-y, c’est un beau symbole en cette année de commémoration du centenaire de la naissance du Prince Rainier III, dont la Volonté a permis une adhésion dont nous fêterons les vingt ans l’année prochaine, avant en 2026 de célébrer les vingt ans de l’entrée en vigueur de la CEDH à Monaco, ce qui correspondra au moment où la Principauté aura l’honneur d’assurer la présidence tournante semestrielle du Conseil de l’Europe.
J’ai commencé par le préambule, je terminerai par lui avec cette belle phrase d’origine qui conserve toute sa vigueur et qui énonce que les États européens possèdent un patrimoine commun de traditions politiques, d’idéal et de respect de la liberté.
Donc pas la même tradition, mais un patrimoine commun de différentes traditions. En quelque sorte, comme le disait Mireille Delmas-Marty, pour qu’il y ait du commun, il faut de la diversité.[16] ».
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* *
Au terme de ce discours, Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel reprenait la parole :
« Merci Monsieur Biancheri,
J’évoquais il y a quelques instants en introduction des propos de Monsieur le conseiller Biancheri le droit à avoir un procès équitable, public, dans un délai raisonnable.
La situation de la Cour d’appel est bonne en termes de stocks, vous pouvez prendre connaissance des chiffres à l’aide de la plaquette que vous avez pu trouver à votre emplacement.
Lorsqu’une affaire civile a été mise en état c’est-à-dire lorsqu’elle est prête à être jugée, l’audience des plaidoiries est fixée à 2 mois ce qui est court, et la décision est rendue sous deux mois. En termes de temps judiciaires, il s’agit de délais performants.
La durée moyenne des dossiers est tout à fait raisonnable à la Cour d’Appel avec environ 15 mois en délai de jugement pour les affaires civiles ; Le délai s’apprécie toujours au regard de la complexité de l’affaire ce qui peut expliquer que certaines affaires puissent avoir des délais plus longs.
Lorsqu’une affaire pénale fait l’objet d’un appel c’est la même chose, les délais sont très courts.
Comme je le rappelais à l’occasion de l’audience d’installation du 12 septembre dernier l’institution judiciaire est en constante recherche d’équilibre entre la modernité et la tradition. La tradition représente l’attachement à des valeurs, à une histoire et à une éthique professionnelle qui nous sont précieuses. La modernité est la manière de conserver ces valeurs dans un monde en perpétuelle mutation et de les faire évoluer afin qu’elles restent vivantes et compréhensibles par nos concitoyens.
Nécessaires évolutions, pourquoi évoluer au regard des bons chiffres que j’évoquais il y a quelques instants.
Le monde évolue sans cesse, et nous ne pouvons pas être en reste de l’évolution ; nous voilà à l’époque de l’intelligence artificielle ; l’intelligence artificielle suscite des espoirs mais aussi des craintes ; des espoirs par exemple dans des domaines comme la médecine ou elle permet de gagner du temps dans la détection des maladies ; des craintes aussi avec le remplacement de 200 salariés par l’intelligence artificielle comme ce fût le cas il y a quelques jours dans une société de veille médiatique ; Mais qu’en est-il du judiciaire et de l’intelligence artificielle ? Nous sommes à l’heure de l’open data, à l’heure de la mise à disposition du public des décisions judiciaires en les anonymisant ; cela part d’une bonne intention celle de la transparence pour le justiciable ; la conséquence de cette évolution conduit inexorablement vers l’intelligence artificielle et peut être vers une justice numérique.
L’intelligence artificielle envahit notre société c’est certain nous n’y échapperons pas, mais la dimension humaine doit la pondérer.
Et après tout ne sommes-nous pas les responsables de cette création de l’intelligence artificielle, je me projette au-delà de l’aspect scientifique, technique que l’homme maîtrise.
En effet, le monde dans lequel nous vivons supporte de moins en moins l’aléa et l’aléa judiciaire tout particulièrement, il supporte de moins en moins ce qui est imprévisible ; des barèmes ont même été publiés j’en veux pour preuve le barème de la réparation du préjudice corporel.
Nous nous rapprochons de la justice prédictive celle ou certaines sociétés commerciales pourraient mettre en place des questionnaires en ligne par exemple pour un divorce, le client donne la durée du mariage, l’âge des époux, le lieu de résidence, les revenus, le patrimoine, le nombre d’enfants, leur âge etc. et en une seconde des algorithmes permettent de déterminer le montant probable de la pension alimentaire ou de la prestation compensatoire. Il s’agit d’une forme de big data judiciaire qui cependant trouve toujours une limite, l’humain, à ce jour l’intelligence artificielle ne connaît pas les émotions.
Alors dans l’exemple pris, dans un premier temps l’intelligence artificielle peut « servir » le futur justiciable, elle peut lui donner une indication de ce que peut lui coûter son divorce, l’intelligence artificielle pourrait être invoquée par les avocats au bénéfice de leurs clients, un peu comme une jurisprudence mais là nous serions dans une jurisprudence numérique, mais nous sommes encore loin du remplacement du juge par l’intelligence artificielle.
L’intelligence judiciaire possède une qualité que ne possède pas l’intelligence artificielle celle de la dimension humaine.
Tous ceux qui ont été étudiants en droit connaissent l’affaire que je vais brièvement évoquer, celle du juge Magnaud, celle du bon juge ; certes nous étions à une autre époque à Château Thierry en 1898, c’est l’affaire Louise Menard poursuivie pour vol d’un pain de 3 kilos à la devanture d’une boulangerie ; elle est poursuivie pour vol simple alors qu’elle n’a pas mangé avec son fils depuis 36 heures ; le juge Magnaud relaxe Louise Menard en indiquant dans son jugement que Louise Menard est une bonne mère de famille, laborieuse il décrit la misère dans laquelle elle se trouve et rejette la responsabilité du vol sur une mauvaise organisation de la société ; l’excuse reconnue est la force majeure, l’état de nécessité. Affaire emblématique dont chacun est libre de penser ce qu’il veut, mais c’est à l’opposé de l’intelligence artificielle, il y a une dimension humaine même si je vous accorde que cet exemple peut paraître décalé dans le temps.
Dans la formation des magistrats on a coutume de dire que le magistrat doit présenter outre la capacité d’adaptation, la capacité à la relation, à l’écoute et à l’échange et cela l’intelligence artificielle n’en est pas capable et pourtant ces capacités sont essentielles à la prise de décision.
Le respect du juge doit se faire, tant par ses compétences techniques que par ses qualités humaines, c’est de cette façon qu’il inspire confiance dans l’exercice de son métier.
Malgré cette nécessaire dimension humaine, nous ne pouvons pas ne pas regarder devant nous, nous ne pouvons pas ne pas regarder l’avenir.
Paul Valéry se plaisait à dire : « Nous entrons dans l’avenir à reculons » je vous dis qu’il nous faut faire preuve d’audace non par un effet de mode, mais par un nécessaire besoin de préparer l’avenir et de ne pas se laisser dépasser ; publier les décisions participe du principe de transparence de la justice mais cette transparence ne doit pas porter atteinte à la vie privée, et la frontière de la transparence est l’atteinte à la vie privée ; il vaut mieux accompagner que de s’opposer, il vaut mieux être constructif avec la publication des décisions présentant un intérêt jurisprudentiel sous couvert bien évidemment d’un anonymat total.
Je disais il y a quelques instants qu’il fallait un équilibre entre tradition et modernité et c’est cet équilibre auquel nous devons veiller.
Monsieur le Procureur Général vous avez la parole pour vos réquisitions. ».
*
* *
M. Stéphane Thibault, Procureur Général, nous faisait part de ses réquisitions :
« Monseigneur,
Malgré Vos lourdes charges, Vous nous faites l’honneur d’assister à notre audience de rentrée et nous Vous en remercions très sincèrement.
Votre présence ici aujourd’hui malgré Votre disponibilité limitée constitue pour nous tous un encouragement et un soutien à l’œuvre de Justice, laquelle est, constitutionnellement, rendue en Votre nom.
Merci aussi, Mesdames et Messieurs les hautes autorités administratives, judiciaires, militaires, religieuses - monégasques et étrangères - chacune en vos rangs et qualités, pour votre présence.
Elle marque l’intérêt que vous portez à notre institution, qui est aussi une motivation pour nous, tout au long de l’année.
J’adresse un message particulier à Monsieur le Premier Président de la Cour de Cassation du Maroc et Monsieur le Procureur Général près cette même Cour, qui nous font l’honneur d’un déplacement en Principauté, et signeront cet après-midi un accord de coopération qui permettra une plus grande approximation de nos systèmes judiciaires.
Je joins à ceux de Monsieur le Premier Président mes vœux de rétablissements et mes condoléances à l’égard du peuple marocain pour l’épreuve à laquelle il fait actuellement face.
Il s’agit, Monsieur le Premier Président, de notre première audience de rentrée depuis notre récente installation et elle revêt donc un intérêt particulier.
Aussi Monseigneur, Vous excuserez ce petit message de remerciement personnel que je voudrais adresser à des personnes qui me sont chères, et qui ont participé à mon éducation et à ma formation, et grâce à qui je peux donc me lever pour prendre la parole devant vous aujourd’hui :
- mes parents qui n’ont pu venir et m’ont inculqué des valeurs de justice et de défense des plus faibles,
- mon oncle ici présent, qui m’a, il y a des années, donné le goût de l’investigation et entraîné vers des études de droit,
- et enfin Monsieur le Professeur Beignier, dont j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt mêlé d’admiration les cours à la faculté de droit de Caen, qui m’a initié à la réflexion juridique et à la dialectique, et m’avait fait l’honneur de m’intégrer dans son équipe d’agrégation pour la fameuse « leçon de 24 heures », parfois décrite comme monstrueuse et féérique, et dont on garde le souvenir toute sa vie - je vous le confirme.
Monsieur le Recteur, je vous retrouve avec un très grand plaisir ici après bien des années, et je voulais vous dire que j’étais fier d’avoir été l’un de vos étudiants.
C’est aussi grâce à la qualité des enseignements que j’ai reçus que j’ai pu avoir la carrière et les expériences qui m’ont amené à être choisi parmi d’autres par Madame le Secrétaire d’État à la Justice ce dont je la remercie ; après avis du Haut Conseil de la Magistrature dont je salue aussi les membres, elle m’a fait l’honneur de Vous proposer, Monseigneur, de me nommer à la tête du Parquet Général de la Principauté, et Vous avez suivi sa proposition.
C’est donc avec un peu de fierté mêlé de beaucoup d’humilité, d’ouverture d’esprit, d’écoute et de prudence, que je découvre cette Principauté et ses habitants ; je ne peux m’empêcher de comparer son rayonnement international, qui est inversement proportionnel à son exiguïté et au nombre de ses habitants, à celui d’un autre Rocher qui m’est cher et que Vous connaissez Monseigneur pour être proche de Vos titres du Cotentin - région où Vous Vous trouviez encore vendredi dernier ; je veux parler du Mont Saint-Michel dont le rayonnement est aussi grand que celui de Monaco, et qui y est aussi comparable par son exiguïté (de 7 hectares) et son petit nombre d’habitants, non pas au kilomètre carré, mais dans l’absolu (moins de 30).
Ce rayonnement international (et vous allez comprendre où je veux en venir) donne encore plus d’importance à l’image et aux valeurs que la Principauté véhicule et dont les monégasques veulent et peuvent être fiers :
La sécurité physique des personnes vivant à Monaco, nationaux ou non, et des personnes qui y séjournent, est très bien assurée, grâce notamment à l’action première de la Sûreté Publique, et à celle de l’institution judiciaire, dont le Ministère Public, qui parle en Votre nom et que je représente.
La sécurité juridique est aussi un élément que prennent en compte les personnes physiques ou morales qui souhaitent s’installer en Principauté ; et elle est aussi assurée, dans un État de droit, dont les bases et principes sont garantis, grâce à un système normatif de qualité et à des institutions en capacité de le mettre en œuvre.
Cette sécurité juridique intègre aussi les règles de toutes les conventions internationales signées et ratifiées par Monaco, qui, comme l’indiquait Monsieur le Conseiller Biancheri, applique notamment celles de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et respecte les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme - y compris évidemment jusqu’à l’intérieur de son établissement pénitentiaire, malgré les difficultés liées à sa situation.
L’application de ces règles, avec l’humanité que vous évoquiez, Monsieur le Premier Président, et depuis longtemps, est aussi un gage de sécurité.
Je me réjouis à cet égard, et vous remercie, des très bonnes relations que nous avons depuis notre arrivée concomitante, et de celles que j’ai avec Madame le Président du Tribunal.
C’est sur cette base que je souhaite travailler avec les magistrats du siège, de façon loyale et constructive, chacun dans ses attributions, de façon à assurer le plus harmonieusement possible les missions des juridictions.
Mais indépendamment de la sécurité physique et juridique, nous sommes rentrés dans une zone de turbulences à la suite du rapport de Moneyval ; et la sécurité financière et bancaire qui prévaut en Principauté pourrait être fragilisée si Monaco était inscrit sur la liste des États qui présentent des déficiences stratégiques dans le régime de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération - ce que l’on désigné par « liste grise » du GAFI - le groupe d’action financière.
Pour avoir exercé comme juge d’instruction spécialisé notamment en matière économique et financière et avoir traqué les fonds illégalement acquis, dans de nombreux États dans le monde, dont certains qualifiés de paradis fiscaux mais pas uniquement, je peux dire que Monaco répond mieux aux demandes d’entraide internationale que d’autres États - du pourtour méditerranéen par exemple ou même d’États situés en Europe - qui sont beaucoup moins coopératifs dans ce domaine, et ne sont pourtant pas sur une liste d’États sous surveillance ou menacés de l’être.
Si certains États progressent dans ce domaine, notamment grâce à l’action du groupe d’action financière, d’autres ne le font pas, voire ne font pas beaucoup d’efforts pour cela.
Cette situation peut parfois entraîner un sentiment d’inéquité qu’il ne faut pas perdre de vue.
Il n’en reste pas moins que nos règles n’étaient effectivement plus adaptées à la vie moderne des affaires s’agissant de la lutte contre le blanchiment.
Elles le sont devenues ou le seront très prochainement grâce à tout ce qui a été fait depuis l’an dernier par les différents services de l’État et le Conseil National dont il convient de saluer l’engagement.
Mais pour respecter les normes du groupe d’action financière et donner une image de probité telle que Vous la défendez Monseigneur, et dont Vous souhaitez qu’elle qualifie Votre Principauté, il faut mettre en œuvre ces nouvelles règles et notamment, pour ce qui me concerne, poursuivre et faire juger les auteurs de ces infractions financières et confisquer leurs biens ou en tous cas ceux issus de blanchiment.
Certains semblent ne voir que des avantages à ce que Monaco retourne sur la liste grise ; d’autres se disent que finalement, ce ne serait peut-être pas si mal qu’il y ait moins de contraintes et de contrôles, pour pouvoir continuer à faire ce qu’ils veulent financièrement, au risque de blanchir des fonds illégalement acquis.
Il me semble que c’est une erreur d’appréciation du risque global que courrait la Principauté, si elle était à nouveau inscrite sur la liste de ces États présentant des déficiences stratégiques en matière de blanchiment.
Mais ce n’est pas à moi d’apprécier ce risque, qu’il soit politique, en termes d’image sur la scène internationale, ou économique.
Mon devoir, en revanche, est d’appliquer et de faire appliquer la loi monégasque, et de conduire l’action publique, dans la direction que vous lui donnez, Madame le Secrétaire d’État ; et vous avez mis au premier rang des priorités de la politique pénale monégasque la lutte contre les infractions économiques et financières, en particulier le blanchiment.
Je tiens donc Monseigneur à dire à ceux qui choisiraient délibérément de violer la loi pour participer au blanchiment de fonds acquis illégalement, que je ferai tout mon possible pour les identifier et les poursuivre devant les juridictions compétentes, à qui je demanderai d’abord d’ordonner des saisies, puis de prononcer des peines significatives contre ceux qui seront reconnus coupables, et enfin et surtout de prononcer les confiscations qui s’imposeront.
Je sais que la tâche sera difficile, et que de nombreux obstacles se dresseront devant nous, mais je mettrai toute ma persévérance et tous les moyens mis à ma disposition, au service de cette cause.
C’est aussi un message que j’adresse aux magistrats et personnels des juridictions devant qui je Vous représente Monseigneur - que ce soit le Tribunal de Première Instance, la Cour d’Appel, la Cour de Révision, voire le Tribunal Suprême : la lutte contre le blanchiment (et les infractions financières), déjà très prégnante, constituera le premier objectif du Parquet Général pour l’année judiciaire 2023/2024 qui s’ouvre aujourd’hui.
Je sais que certains ont déjà le sentiment de ne faire, depuis quelques mois, « que du Moneyval », et c’est effectivement une charge supplémentaire qui s’est ajoutée aux tâches déjà lourdes qui pèsent sur les juridictions.
Je voudrais à cette occasion souligner une nouvelle fois l’investissement très important des services judiciaires, et en particulier pour ce qui me concerne, les magistrats et membres du Greffe du Parquet Général, notamment depuis le départ du précédent Procureur Général, nommée à d’éminentes fonctions en juin 2022 mais qui n’a pas été remplacée avant mon arrivée le mois dernier.
Ils ont fait, et font encore, preuve d’une très grande disponibilité, et nous pouvons les en remercier.
Je tiens aussi à mentionner le gros travail fourni dans ce domaine en particulier depuis quelques mois, par les trois juges d’instruction dont j’ai déjà pu apprécier le professionnalisme, ainsi que par les enquêteurs spécialisés de la Sûreté, dont le nombre va heureusement augmenter.
La charge correspondant au travail d’enquête et de poursuite de ce type d’infraction n’est malheureusement pas prête de se réduire, et notre action va devoir rester axée de façon importante sur cette thématique.
Vous pouvez voir, dans la plaquette qui vous a été distribuée, que les infractions financières constituent une proportion importante des affaires pénales que nous traitons - 16 % qui est déjà un chiffre important mais qui n’est pas représentatif du travail induit ; ces dossiers demandent en effet un travail plus lourd que pour les autres infractions.
Mais ce n’est évidemment pas le seul domaine dans lequel intervient la justice, loin de là, ni le seul sur lequel nous devons mettre l’accent.
Je souhaite notamment aussi continuer l’action menée en faveur de la protection des personnes, en particulier des femmes et des enfants via la lutte contre les violences intrafamiliales.
Comme vous l’indiquiez lorsque nous nous sommes rencontrés Monseigneur l’Archevêque, Monaco est une petite communauté qui permet une grande proximité et une meilleure connaissance des uns et des autres, ainsi qu’une aide et un soutien que l’on ne voit pas nécessairement ailleurs ; mais cette proximité peut aussi rendre la parole plus difficile.
Et pour protéger les plus faibles, de ce qui peut se passer dans l’intimité des foyers par exemple, la société doit trouver le moyen d’être suffisamment présente et protectrice - deo juvante.
J’ai pu remarquer que les atteintes aux biens étaient parfois réprimées plus sévèrement que certaines atteintes aux personnes.
J’en comprends les causes ; mais ces atteintes à la propriété privée ne peuvent cacher celles aux personnes physiques, qui me semblent plus graves, même si elles sont moins nombreuses.
Le nombre de dossiers de vols est d’ailleurs en forte baisse cette année, de plus de 20 %, alors que les violences constatées ont, elles, augmenté de 10 %. Les nombres sont peu élevés et ne sont donc pas significatifs, mais les évolutions peuvent être relevées.
Les abus de faiblesse, mêlant atteinte à la personne et aux biens et qui semblent nombreux, en raison du nombre élevé de personnes âgées, seules et fortunées, doivent aussi, être particulièrement réprimés.
Je souhaite poursuivre l’action déjà menée en ce sens par mon prédécesseur pour poursuivre les auteurs de ce type d’infraction, avec l’aide de la Sûreté Publique, qui est notre bras armé et avec qui les magistrats travaillent en grande confiance - ce dont je me félicite, Monsieur le Conseiller Ministre, Monsieur le Directeur.
Pour pouvoir remplir correctement ces missions, l’institution judiciaire a aussi besoin de ses auxiliaires et notamment des Huissiers et des Avocats ; ces derniers constituent un élément primordial de la compagnie judiciaire sans qui une bonne justice ne saurait être rendue.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, Monsieur le Bâtonnier, j’ai l’intention de travailler de la façon la plus claire et transparente possible avec vos confrères et vous-même, chacun dans le respect de ses missions.
Je suis aussi particulièrement heureux d’accueillir dans cette salle les Chefs des juridictions françaises limitrophes avec qui nous avons de fréquents contacts. L’exiguïté de notre territoire et la libre circulation des personnes permettent en effet aux délinquants de tenter d’éviter les poursuites en se réfugiant en France, et nous devons très souvent, Mesdames et Messieurs les Présidentes et Procureurs des Tribunaux de Nice et Grasse, vous adresser des demandes d’entraide pénale. Vous les accueillez favorablement, et nous vous en sommes particulièrement reconnaissants, connaissant la charge de vos juridictions.
Ce type de demande prend souvent beaucoup de temps, mais la réactivité des uns et des autres en permet une exécution en urgence quand cela s’avère nécessaire.
Le temps de la justice peut en effet être parfois long. Les nouvelles règles de procédure pénale, résultant des lois du 9 décembre 2022 et applicables depuis le mois de mai dernier, sont déjà utilisées en matière de poursuites et devraient en permettre une accélération et une plus grande efficacité ; leur caractère encore récent ne permet cependant pas encore d’en tirer des enseignements.
Pour finir Monseigneur, et dans le droit fil de ce que Vous soutenez depuis longtemps, je m’attacherai à faire poursuivre et juger ceux qui portent atteinte au patrimoine collectif que constitue notre environnement - terrestre mais aussi et surtout maritime.
C’est une tâche qui me semble primordiale et dont les générations futures nous demanderons de rendre compte.
Voilà les missions du Parquet Général telles que je les conçois pour l’année qui s’ouvre, et dont je Vous rendrai compte l’an prochain.
Monsieur le Premier Président,
Mesdames et Monsieur les Conseillers,
Au nom de Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, j’ai l’honneur de requérir qu’il plaise à la cour :
- déclarer close l’année judiciaire 2022-2023 et ouverte l’année judiciaire 2023-2024,
- ordonner la reprise des travaux judiciaires,
- constater qu’il a été satisfait aux prescriptions des articles 46 et 47 de la loi du 24 juin 2013 relative à l’administration et à l’organisation judiciaires,
- me donner acte de mes réquisitions,
- et dire que du tout il sera dressé procès-verbal sur le registre des actes de la Cour d’Appel. ».
*
* *
Monsieur Francis Jullemier-Millasseau, Premier Président de la Cour d’Appel, prononçait alors la clôture de l’audience :
« La Cour, faisant droit aux réquisitions de Monsieur le Procureur Général,
Déclare close l’année judiciaire 2022-2023 et ouverte l’année judiciaire 2023-2024,
Ordonne la reprise intégrale des travaux de la Cour d’appel et des Tribunaux,
Constate qu’il a été satisfait aux prescriptions des articles 46 et 47 de la loi n°1.398 du 24 juin 2013 relative à l’administration et à l’organisation judiciaires,
La Cour donne acte à monsieur le Procureur Général de ses réquisitions et dit que du tout il sera dressé procès-verbal pour être consigné sur le registre des actes importants de la Cour d’Appel,
Nous remercions Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain et toutes les Hautes autorités et personnalités qui ont bien voulu nous faire l’honneur d’assister à cette audience.
L’audience solennelle est levée. ».
*
* *
De nombreuses personnalités avaient tenu à assister à cette audience solennelle, aux premiers rangs desquelles on notait :
S.E. M. Pierre Dartout, Ministre d’État,
S.E. Mgr Dominique-Marie David, Archevêque de Monaco,
Mme Brigitte Boccone-Pagès, Présidente du Conseil National,
M. Michel Boéri, Président du Conseil de la Couronne,
Mme Sylvie Petit-Leclair, Secrétaire d’État à la Justice, Directeur des Services Judiciaires, Président du Conseil d’État,
Mme Yvette Lambin-Berti, Secrétaire d’État,
M. le Lieutenant-colonel Jean-Luc Carcenac, Chambellan de S.A.S. le Prince,
M. Patrice Cellario, Conseiller de Gouvernement-Ministre de l’Intérieur,
M. Marco Piccinini, Conseiller de Gouvernement-Ministre des Finances et de l’Économie,
M. Christophe Robino, Conseiller de Gouvernement-Ministre des Affaires Sociales et de la Santé,
Mme Céline Caron-Dagioni, Conseiller de Gouvernement-Ministre de l’Équipement, de l’Environnement et de l’Urbanisme,
Mme Isabelle Berro-Amadeï, Conseiller de Gouvernement-Ministre des Relations Extérieures et de la Coopération,
S.E. M. Jean d’Haussonville, Ambassadeur de France à Monaco,
S.E. M. Giulio Alaimo, Ambassadeur d’Italie à Monaco,
M. Marc Vassallo, Secrétaire Général du Gouvernement,
Mme Camille Svara, Premier adjoint au Maire, représentant M. Georges Marsan, Maire de Monaco,
Mgr René Giuliano, Prélat d’Honneur de Sa Sainteté le Pape, ancien Vicaire Général de Monaco,
M. Stéphane Braconnier, Membre titulaire du Tribunal Suprême,
M. Antoine Dinkel, Vice-président du Conseil d’État,
M. le Colonel Tony Varo, Commandant Supérieur de la Force Publique,
M. Yves Strickler, Membre titulaire du Haut Conseil de la Magistrature, Directeur scientifique de l’Institut Monégasque de Formation aux Professions Judiciaires, Professeur à l’Université Côte d’Azur,
Mme Patricia Lemoyne de Forges, Membre titulaire du Haut Conseil de la Magistrature,
Mme Marina Ceyssac, Haut-Commissaire à la protection des Droits, des Libertés et à la Médiation,
Mme Isabelle Bonnal, Commissaire Général chargé de la Direction de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports,
M. Richard Marangoni, Contrôleur Général en charge de la Direction de la Sûreté Publique,
M. le Commandant Martial Pied, Chef du Corps de la Compagnie des Carabiniers du Prince,
Mme Magali Ginepro, Secrétaire Général de la Direction des Services Judiciaires,
M. Éric Bergesi, Conseiller Technique à l’Autorité Monégasque de Sécurité Financière,
Mme Céline Cottalorda, Conseiller Technique au Secrétariat Général du Gouvernement, Déléguée interministérielle pour la promotion et la protection des droits des femmes,
M. Richard Dubant, Conseiller auprès du Secrétaire d’État à la Justice,
M. Olivier Zamphiroff, Conseiller auprès du Secrétaire d’État à la Justice,
M. Régis Bastide, Commissaire Divisionnaire, Directeur Adjoint de la Sûreté Publique,
M. Jean-François Mirigay, Commissaire Divisionnaire, Chef de la Division de Police Judiciaire,
M. Olivier Richaud, Directeur de la Maison d’Arrêt,
M. Michel Gramaglia, Président du Tribunal du Travail,
M. Karim Tabchiche, Vice-président du Tribunal du Travail,
Mme Cécile Cresto-Pizio, Directeur Adjoint de la Maison d’Arrêt,
Mme Valérie Campora, Directrice de l’Association d’Aide aux Victimes d’Infractions,
M. Bernard Beignier, Recteur de la région académique Provence-Alpes-Côte d’Azur,
M. Jean-Baptiste Perrier, Doyen de la faculté de droit et de sciences politiques d’Aix Marseille Université,
M. Didier Linotte, ancien Président du Tribunal Suprême.
Des hauts magistrats des juridictions voisines de la République française étaient également présents dans la salle :
M. Jean-Marc Baissus, Président de chambre, représentant M. Renaud Le Breton de Vannoise, Premier président de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence,
Mme Pascale Dorion, Présidente du Tribunal judiciaire de Nice,
M. Jean-Philippe Navarre, Procureur adjoint, représentant M. Damien Martinelli, Procureur près le Tribunal judiciaire de Nice,
M. Frédéric Silvestre-Toussaint-Fortesa, Vice‑président, représentant Mme Marianne Pouget, Présidente du Tribunal administratif de Nice,
Mme Emmanuelle Perreux, Présidente du Tribunal judiciaire de Grasse,
M. Damien Savarzeix, Procureur de la République près le Tribunal judiciaire de Grasse,
Ont également assisté à l’audience une délégation de Hauts magistrats du Royaume du Maroc, présents en Principauté afin de signer un Protocole d’accord en matière de coopération judiciaire :
Monsieur M’Hamed Abdennabaoui, Premier Président de la Cour de Cassation du Royaume du Maroc,
Monsieur El Hassan Dak, Procureur Général près la Cour de Cassation du Royaume du Maroc,
Madame Saloi Mazouz, Conseillère à la Cour de Cassation du Royaume du Maroc,
Monsieur Kaddour El Houjjaji, Directeur de Cabinet du Premier Président de la Cour de Cassation du Royaume du Maroc,
Monsieur El Fathi Tounsi, Directeur de Cabinet du Procureur Général de la Cour de Cassation du Royaume du Maroc.
[1] Cf. Notamment, R. BEAUVOIS, Le législateur et le juge monégasque face à la CEDH : révolution ou évolution ?, Discours de rentrée des Cours et Tribunaux de Monaco 2009-2010, S. MOUROU-VIKSTRÖM : La Cour européenne des droits de l’homme, une juridiction en perpétuelle évolution, Discours de rentrée des Cours et Tribunaux de Monaco 2014-2015.
[2] Résolution de la CEDH sur les conséquences de la cessation de la qualité de membre du Conseil de l’Europe de la Fédération de Russie à la lumière de l’article 58 de la Convention EDH, 21-22 mars 2022.
[3] Cf. notamment Fedotova et autres c. Russie [GC], 17 janvier 2023, constatant une violation de l’article 8 compte tenu de l’absence de toute possibilité en droit russe de faire officialiser une relation entre personnes de même sexe.
[4] « Il incombe au premier chef aux Hautes parties contractantes, conformément au principe de subsidiarité, de garantir le respect des droits et libertés définis dans la présente Convention et ses protocoles, et ce faisant, elles jouissent d’une marge d’appréciation, sous le contrôle de la Cour européenne des droits de l’Homme instituée par la présente Convention ».
[5] À la différence des protocoles additionnels qui consacrent des droits substantiels qui ne s’appliquent qu’aux États les ayant ratifiés, après un certain nombre de ratification, en général dix.
[6] M. GUYOMAR, Souveraineté des États et responsabilité partagée dans l’application de la Convention européenne des droits de l’homme, Revue des juristes de Sciences Po, mars 2022, dossier thématique, p.22-24.
[7] CEDH, gde ch., 12 fév. 2008, n°14277/04, Guja c/ Moldova.
[8] CEDH, 21 juin 2016, n°79972/12, Soares c/ Portugal : un caporal-chef de la garde nationale républicaine condamné pour avoir notamment diffusé des rumeurs.
[9] CEDH, gde ch., 14 fév. 2023, n°21884/18, Halet c/ Luxembourg : Procédures n°7, p.4, étude « Protection des lanceurs d’alerte- à propos de l’arrêt Halet » S. Biancheri.
[10] Cour d’appel de Monaco, 24 janvier 2017, R.2494.
[11] Cour de révision de Monaco, 16 octobre 2017, R.381.
[12] Belgique, Grande-Bretagne, Danemark, Espagne, Pays-Bas, Norvège, Suède.
[13] l’identification personnelle est un élément important de la vie privée protégée par ce texte, qui garantit à l’individu une sphère dans laquelle il peut poursuivre librement le développement et l’épanouissement de sa personnalité et le droit pour chacun d’établir les détails de son identité d’être humain, selon un principe d’autonomie personnelle. Cf. notamment CEDH 23 mars 2017, n° 5325/13, A.-M.V. c/ Finlande, §76, CEDH 18 avril 2018 n° 48151/11 et n°77769/13, Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs et autres c/ France, §153.
[14] Cinq pays (l’Allemagne, l’Autriche, l’Islande, les Pays-Bas et Malte) ont ouvert la possibilité d’obtenir d’autres mentions que « masculin » ou « féminin ». Des débats judiciaires sont en cours en Grande-Bretagne.La tradition de reconnaissance des personnes intersexuées peut se retrouver même dans le passé lointain : dans la mythologie grecque antique Hermaphrodite est le fils d’Hermès et d’Aphrodite.
[15] Le Monténégro est le dernier, le 11 mai 2007.
[16] Mireille Delmas-Marty, Vers une communauté de valeurs ? Les forces imaginantes du droit (IV), 2011.