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ANNEE JUDICIAIRE 1999-2000 - Rentrée des Cours et Tribunaux - Audience Solennelle du vendredi 1er octobre 1999

  • No. Journal 7414
  • Date of publication 29/10/1999
  • Quality 100%
  • Page no. 1505
Le 1er octobre a été marqué par la traditionnelle Rentrée des Cours et Tribunaux à laquelle Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain a honoré de Sa présence le Corps Judiciaire.

Cette Audience Solennelle a été précédée par la Messe du Saint-Esprit, concélébrée par le Père Jean Susini, représentant Monseigneur Joseph Sardou, Archevêque de Monaco, et l'ensemble du clergé diocésain.

A l'issue de la Messe du Saint-Esprit, et après que l'ensemble des magistrats Lui ait été présenté, S.A.S. le Prince Souverain, escorté du Colonel Serge Lamblin, Son Chambellan, a été accueilli au Palais de Justice par :



Patrice Davost, Directeur des Services Judiciaires, Président du Conseil d'Etat,

Roland Drago, Président du Tribunal Suprême,

Jean-François Landwerlin, Premier Président de la Cour d'Appel,

Daniel Serdet, Procureur Général,
MM.
Philippe Narmino, Président du Tribunal de Première Instance.

S.A.S. le Prince Souverain était ensuite conduit par le Directeur des Services Judiciaires à Sa place dans la Salle d'Audience de la Cour d'Appel.

L'Audience Solennelle débutait alors sous la présidence de M. Jean-François Landwerlin qui était entouré de MM. René Vialatte et Jean-Philippe Huertas, Premiers Présidents honoraires, Mme Monique François, Vice-président, Mme Irène Daurelle, M. Dominique Adam, Conseillers et M. Philippe Rosselin, Conseiller honoraire.

M. Philippe Narmino, Président du Tribunal de Première Instance, conduisait les magistrats de sa juridiction :

Mme Brigitte Gambarini, Premier Vice-président,

M.Jean-Charles Labbouz, Vice-président,

Mlle Patricia Richet, Premier Juge d'instruction,

M. Jean-Christophe Hullin, Juge d'instruction,

Mme Martine Castoldi, Juge de Paix,

M. Jean-Claude Florentin, Juge tutélaire,

Mmes Isabelle Berro-Lefèvre, Muriel Dorato-Chicouras, Anne-Véronique Bitar-Ghanem et M. Gérard Launoy, Juges,

Mlle Sabine-Anne Minazzoli, Juge suppléant.

M. Daniel Serdet, Procureur Général, représentait le Ministère Public avec, à ses côtés, Mlle Catherine Le Lay, Premier Substitut Général, M. Dominique Auter, Substitut et Mme Bernadette Zabaldano, Secrétaire Général du Parquet.

M. Yves Jouhaud, Vice-président de la Cour de Révision était accompagné de MM. Paul Malibert, Jean Apollis et Thierry Cathala, Conseillers.

Le plumitif d'audience était tenu par M. Antoine Montecucco, Greffier en Chef, accompagné de Mmes Béatrice Bardy et Laura Sparacia, Greffiers en Chef adjoints, entourés des greffiers en exercice.

Me Marie-Thérèse Escaut-Marquet et Me Claire Notari occupaient la place des huissiers.

Me Jacques Sbarrato, Bâtonnier, était accompagné des membres du Barreau.

Etaient également présents des représentants des notaires, des experts-comptables, des administrateurs judiciaires et syndics.

Après avoir déclaré ouverte l'Audience Solennelle, le Premier Président de la Cour d'Appel s'exprimait en ces termes :

Les magistrats de la Cour d'Appel, du Tribunal de Première Instance, et de la Justice de Paix sont aujourd'hui réunis, en Audience Solennelle, afin de répondre aux prescriptions de l'article 51 de la loi portant organisation judiciaire du 15 juillet 1965, lors de l'ouverture de leur année judiciaire.

Entourés des membres de la Cour de Révision, qui inaugurent aujourd'hui leur session, du personnel du greffe général, du barreau, ainsi que des notaires et des huissiers, ils ont pour mission, au voeu de l'article 88 de la Constitution, d'assurer le plein exercice du pouvoir judiciaire, que Votre Altesse Sérénissime leur a délégué.

Conscients de la difficulté de leur tâche, ils ressentent comme un immense honneur, et un insigne encouragement, la présence de Votre Altesse Sérénissime à cette audience.

Ils y discernent, en effet, une marque particulière de l'intérêt que Votre Altesse apporte à l'oeuvre de Justice.

Le Premier Président, Jacques de Monseignat, lors de la dernière Audience Solennelle de rentrée qu'il avait présidée, le 2 octobre 1978, avait rappelé combien cette oeuvre de Justice est étendue dans la Principauté, par l'effet de dispositions constitutionnelles plus complètes que dans d'autres pays.

Lors du discours qu'il prononcera dans quelques instants, M. Roland Drago, Président du Tribunal Suprême, témoignera de cette extension, dans le domaine du droit public.

La célébration du Jubilé de Votre Altesse, qui a doté la Principauté de sa Constitution, nous conduit, en effet, à rappeler, Monseigneur, combien l'oeuvre de Justice accomplie sous Votre règne, et en Votre nom, a contribué à Monaco à l'épanouissement d'un Etat pleinement respectueux du droit.

Je donne la parole à M. le Président Drago.


-*-*-*-*-*-


Monseigneur, je tiens à dire l'honneur que je ressens de prendre la parole en face de Votre Altesse en cette année de Son Jubilé.

Et je sais gré aux Autorités Judiciaires de la Principauté de m'avoir demandé de prononcer le discours d'usage en ce début d'année judiciaire.


Eloge du droit public

Il peut sembler paradoxal de vouloir prononcer un "Eloge du droit public" devant des juridictions qui, dans leur ensemble, ont pour compétence d'appliquer le droit privé dans toutes ses parties. Mais, ainsi qu'on le verra, un des thèmes de ce discours, sera de montrer que la discipline juridique appliquée est dissociable du juge qui l'applique.

Il faut dire aussi que " Eloge du droit public " ne signifie pas obligatoirement que le droit public est le meilleur qui soit et qu'il doit absorber tous les autres. On veut dire seulement qu'il mérite une place importante dans un système institutionnel et que, dans la Principauté de Monaco, il occupe cette place. Il m'a donc semblé que le Président de votre Tribunal Suprême pouvait tenter de la définir.

Je le ferai d'abord en présentant les origines, les formes et les fonctions du droit public et je présenterai ensuite le droit public dans l'Etat monégasque.

I - Origines, formes et fonctions du droit public

On pourrait croire que le droit public -dont, volontairement, je n'ai pas encore donné une définition- procède d'une lente évolution des sociétés primitives. Il n'en est rien. La distinction entre le droit public et le droit privé procède d'une analyse théorique des subdivisions du droit faite par ULBIEN au Digeste (I, fr. 1,62) : Publicum ius est quod ad statum rei romanae spectat, privatum quod ad singulorum utilitatem (le droit public est ce qui concerne l'Etat romain, le droit privé, ce qui concerne l'utilité des particuliers).

C'est dans cette magnifique construction de l'Empire de Justinien datant du VIème siècle de notre ère qu'apparaît donc une notion qui a gardé aujourd'hui encore tout son sens.

J'ai dit qu'il s'agissait d'une construction théorique car la formule ne fait apparaître ni la forme ni les fonctions du droit public alors qu'elle affirme déjà que le droit privé concerne les intérêts (utilitas) des particuliers. Le droit public est le droit de l'Etat, et cela suffit.

L'évolution ultérieure dans l'Europe du Moyen Age et de la Renaissance allait permettre d'affiner ces notions. Sans doute, le droit public reste la manifestation la plus pure de la souveraineté de l'Etat. L'Etat, le pouvoir, le droit public, c'est sur ces bases que Jean BODIN, au XVIème siècle, dans les Six livres de la République (1576) allait bâtir les caractéristiques de la société politique moderne. Mais les formes des diverses branches du droit vont être différentes. Le droit privé, l'ensemble des règles qui régissent les intérêts particuliers, n'émane pas de l'Etat. Il résulte des coutumes, c'est-à-dire des pratiques séculaires des hommes, nourries par l'usage et acceptées comme lois par tous, y compris les juges. Seul le droit public est d'origine étatique, il concerne le système gouvernemental mais il n'intervient dans le système coutumier que si un intérêt public l'exige. Ainsi les deux parties maîtresses du système juridique se distingueront par leur forme : l'une est d'origine exclusivement coutumière, l'autre est unilatérale. Mais on remarquera aussi que les règles de droit public, si elles sont des signes du pouvoir et les manifestations de la souveraineté de l'Etat, doivent être orientées par l'intérêt général.

L'expression n'est pas encore employée mais c'est celle de "bien commun" (bonum commune) qu'on doit à Saint Thomas d'Aquin qui est utilisée. C'est la fameuse phrase : "la loi est un ordre de la raison promulgué par le Prince, pour le bien commun".

Le droit public s'est donc enrichi d'une inspiration. Il ne se justifie pas par lui-même mais par son but. Toute loi qui n'aura pas l'intérêt général pour objectif sera mauvaise. Ainsi le pouvoir trouve-t-il aussi sa justification.

Cette vision cavalière, trop rapide et sans doute trop simplificatrice va se compléter au siècle des lumières de deux manières. En premier lieu, toutes les règles, celles de droit privé comme celles de droit public, vont devenir l'oeuvre du législateur. La coutume, source quasi unique du droit privé, sera codifiée donc rigidifiée et ne sera plus, à la veille de la Révolution, selon le mot de D'Argentre qu'un " brouillard sur un marais ". Le critère organique, qui permettait de distinguer les deux grandes disciplines, aura disparu et il faudra revenir à des critères plus intellectuels imprégnés de l'esprit du temps. Du but de l'intérêt général, qui n'est certes pas oublié et ne le sera jamais, on passera à un objectif plus précis, plus significatif qui sera celui des droits de l'homme et bientôt du citoyen.

La matérialisation de cette évolution se trouvera dans la Déclaration de 1789.

Article 6 : "La loi est l'expression de la volonté générale". C'est-à-dire que tout le droit émanera de la loi, quelles que soient les matières qu'elle régit, et celle-ci procédera de la souveraineté nationale, c'est-à-dire des représentants élus.

Article 16 : "Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution".

La séparation des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire) devient un élément essentiel du système constitutionnel. Mais surtout, la " garantie des droits ", c'est-à-dire la garantie des droits des citoyens, même contre l'Etat est, elle aussi, la condition d'existence de ce système.

Pour s'arrêter quelques instants à cette fin du XVIIIème siècle, on dira que le droit public correspond toujours à sa définition initiale (Droit de l'Etat justifié par l'intérêt général) mais justifié par un "butoir" qui figurait déjà dans la notion d'intérêt général mais se trouve concrétisé de façon beaucoup plus nette dans les droits des citoyens.

La garantie des droits dans le cadre du droit public ne peut être que le fait du juge. Certes les régimes monarchiques précédents n'ignoraient pas le contrôle du juge et l'on pense au célèbre poème d'Andrieux " Si nous n'avions pas des juges à Berlin". Mais il faut pourtant considérer que la question a changé d'échelle car on doit parvenir à ce que Duguit appellera plus tard "la limitation de l'Etat par le Droit".

De ce point de vue, en ce qui concerne cet aspect fondamental du droit public, le XIXème siècle sera un siècle d'évolution lente. Il ne faut pas croire que l'existence d'un juge spécialisé (en l'espèce, et pour le moment, un juge administratif) sera la solution parfaite. On a déjà évoqué au début de ce discours le problème éternel du lien entre le droit appliqué et l'application du droit par le juge. Ce problème est un faux problème car, depuis toujours, la situation des juges dans les pays de Common law montre qu'il n'y a pas de déterminisme. Ou bien alors il faudrait admettre, toujours à propos du droit administratif, que la phrase de Portalis le jeune est exacte. Or, cette phrase est "Juger l'administration c'est encore administrer". Cette phrase impliquait -et implique peut-être encore dans la France d'aujourd'hui- qu'il peut exister un juge à l'intérieur de l'ordre exécutif.

Le problème se situe ailleurs. Il se ramène à une expression tellement galvaudée aujourd'hui, celle "d'Etat de droit ". Née dans la doctrine allemande de l'époque de Bismarck (Rechtstaat), elle s'oppose à celle d'" Etat de police" (Polizeistaat) selon laquelle l'Etat peut tout faire puisqu'il agit dans l'intérêt général. L'effet de cette doctrine sur les juristes français de la fin du XIXème siècle, Laferrière, Aucoc, Batbie fut considérable et aboutit à la réforme du Conseil d'Etat en 1872 avec l'adoption du système dit de la "Justice déléguée" et le prodigieux essor jurisprudentiel qui a suivi.

Mais le système était pour le moins incomplet car la loi, notion de base du droit public, était hors d'atteinte. Dans tous les pays d'Europe, à cette époque, la loi est insusceptible de contrôle, donc " l'Etat de droit " n'est pas réalisé. Il est intéressant aujourd'hui de s'interroger sur les motifs et les mobiles de cette situation. On sait seulement que les Etats Unis depuis 1803 (à la faveur d'une intrigue politique mineure) pratiquent le contrôle de la constitutionnalité des lois devant toute juridiction. Ainsi le droit public américain avait rejeté la thèse que je viens d'évoquer, celle du lien prétendument nécessaire entre le droit applicable et la spécialité du juge.

Pour l'Europe, le cycle n'a été terminé qu'après la seconde guerre mondiale avec la création dans la plupart des Etats d'une juridiction constitutionnelle.

Seule la Principauté de Monaco faisait exception car, depuis la Constitution de 1911, elle avait un Tribunal Suprême compétent à la fois en matière constitutionnelle et en matière administrative et appartenant à un ordre judiciaire unique.
Ce rappel me conduit, tout naturellement, à la deuxième partie de mon discours sur le droit public dans l'Etat monégasque.

II - Le droit public dans l'Etat monégasque

A) - Il y a quelques mois, dans un article publié dans le n° 1 de la nouvelle Revue de droit monégasque, j'écrivais que le Tribunal Suprême était la plus ancienne juridiction constitutionnelle du monde. Je dois m'expliquer ici à propos de cette affirmation présomptueuse.

Sans doute, la priorité revient à la Cour Suprême des Etats-Unis depuis la célèbre affaire Marbury c/Madison jugée en 1803. Mais la Cour Suprême est une juridiction ordinaire et n'est ni en droit ni en fait une juridiction constitutionnelle. Elle peut apprécier la constitutionnalité des lois mais par voie d'exception à l'occasion d'un procès. Une juridiction constitutionnelle est au contraire celle qui, étant déclarée comme telle par la Constitution, peut, à ce titre, accueillir des recours directs contre les lois et les déclarer non conformes à la constitution en les retirant de l'ordonnancement juridique.

Car le Tribunal Suprême a été créé par la Constitution du 5 janvier 1911 octroyée par le Prince Souverain Albert Ier. Constitution libérale contenant un Titre II intitulé " les droits publics " (art. 5 à 14) consacrant, pour les citoyens monégasques, des droits comparables à ceux qui figurent dans la Déclaration de 1789. L'article 14 qui le termine est ainsi rédigé :

"Un Tribunal Suprême est institué pour statuer sur les recours ayant pour objet une atteinte aux droits et libertés".

L'organisation et le fonctionnement du Tribunal résultèrent d'une ordonnance du 21 avril 1911. Selon son article 1er, le Tribunal " statue souverainement sur les recours ayant pour objet les atteintes aux droits et libertés consacrés par le titre II de la loi constitutionnelle, qui ne rentrent pas dans la compétence des tribunaux ordinaires ". En outre, l'article 11 décide que les recours sont présentés dans les deux mois, " à partir du jour où a eu lieu le fait sur lequel il est fondé ou à partir du jour où ce fait a pu être connu de l'intéressé".

La rédaction de l'article 14 comme celle des textes qui viennent d'être cités ne fait pas référence à des actes mais à des faits. C'est-à-dire que les atteintes aux droits et libertés pourront résulter aussi bien d'une loi votée par le Conseil National, que d'une ordonnance souveraine du Prince ou d'un acte émanant d'une autorité administrative mais aussi de faits attentatoires aux droits et libertés.

Au surplus, l'article 1er de l'ordonnance qu'on vient de citer, réserve la compétence des tribunaux ordinaires, ce qui les fait déjà entrer dans le domaine du droit public.

En tout cas, aucune Constitution au monde, à cette époque, n'avait prévu une juridiction de cet ordre et un tel recours. La seule réserve pourrait concerner les lois constitutionnelles autrichiennes du 21 décembre 1867 consacrant les réformes libérales décidées à cette époque du règne de François-Joseph, créant la Double Monarchie et le Tribunal d'Empire. Ce Tribunal était compétent pour régler les conflits entre l'Empire et les Etats membres mais aussi pour statuer directement, selon le texte de 1867, sur "les recours concernant la violation des droits individuels par des actes législatifs ou réglementaires".

La ressemblance pourrait sembler parfaite et elle fut soulignée en 1935 dans la thèse de doctorat que devait soutenir, devant la Faculté de droit de Paris, M. Crovetto sur le Tribunal Suprême de la Principauté. Il convient cependant d'indiquer que, à propos de ces recours, le Tribunal d'Empire ne pouvait que procéder à une constatation et non rendre une décision juridictionnelle exécutoire.

Ainsi il apparaît que le Tribunal Suprême est bien la première juridiction à pouvoir rendre des décisions en cette matière.

En 1920 fut créée dans l'Autriche née des traités de l'après-guerre et démembrée de la Double Monarchie une Haute Cour Constitutionnelle qui reprenait certaines des caractéristiques du Tribunal d'Empire mais qui était compétente pour connaître des recours des particuliers contre les lois et pour procéder à leur annulation en cas de non conformité avec la Constitution. C'est une juridiction qui existe encore dans l'Autriche d'aujourd'hui avec les mêmes caractères.

Chacun sait que la Haute Cour de 1920 était due au célèbre juriste autrichien Hans Kelsen. Soutenant une théorie de la formation du droit par degrés (stufentheorie), il affirmait la suprématie de la norme constitutionnelle et préconisait l'institution d'une juridiction, accueillant les recours des particuliers et compétente pour annuler les lois inconstitutionnelles. Ses idées furent donc consacrées et la Haute Cour de 1920 est souvent présentée comme la première Cour constitutionnelle de l'Histoire. On voit que, neuf années auparavant, une juridiction de ce type avait été créée dans la Principauté de Monaco.

C'est, pour moi, l'occasion, Monseigneur, en profitant de la célébration de Votre Jubilé, de souligner avec force cette réforme libérale due à votre ancêtre, le Prince Souverain Albert Ier à qui la Principauté doit tant, dont la réputation scientifique est considérable mais qui a aussi fait entrer l'Etat monégasque dans une ère constitutionnelle moderne.
Aujourd'hui, ainsi que je l'ai déjà souligné, la plupart des Etats démocratiques ont voulu instituer une juridiction constitutionnelle à compétence directe et l'on fait même de ces juridictions le critère essentiel d'un régime démocratique. Il était bon, je crois, de rappeler notre antériorité.

B) - Mais le droit public monégasque n'est pas resté figé. Et c'est à Vous, Monseigneur, que nous devons sa considérable extension résultant de la Constitution du 17 décembre 1962.

Son titre III " Les libertés et droits fondamentaux" contient seize articles qui reprennent non seulement les libellés de 1911 mais aussi les droits économiques et sociaux, spécialement ceux qu'a proclamés la Déclaration Universelle. Le Tribunal Suprême y trouve sa fonction élargie d'autant plus que l'article 90 donne à sa compétence une étendue et une portée qui confirment l'originalité de l'institution.

Cette originalité, elle tient d'abord au fait qu'il est à la fois juge constitutionnel et juge administratif. Cette particularité -qu'on ne rencontre que de façon très partielle dans le système allemand- est évidemment de nature à lui donner encore plus d'autorité. Mais elle se manifeste dans le fait que les recours constitutionnels contre les lois et les recours contre les ordonnances souveraines et les actes administratifs sont régis par les mêmes règles. Je veux dire par là que le délai est de deux mois, que toute personne intéressée peut intenter un recours et que les moyens d'annulation correspondent aux mêmes techniques de contrôle, même si, à propos des recours constitutionnels, les normes de référence ne sont que celles du titre III. Il est vrai que le Tribunal, par sa jurisprudence, a, de cette règle, une interprétation très souple, ce qui étend encore sa compétence.

Ainsi, il y a en droit public monégasque, une interpénétration quasi complète entre le droit constitutionnel et le droit administratif qui rencontre, une fois de plus, une vue prophétique d'Alexis de Tocqueville, lui qui écrivait : "La décision pédagogique, depuis des générations, entre droit administratif et droit constitutionnel a fait que nous ne voyons pas à quel point l'organisation municipale fait partie, de la manière la plus étroite de la vie constitutionnelle".

Cette osmose se traduit dans des pratiques et des règles de procédure qui sont encore spécifiques et ne se rencontrent pas toujours ailleurs. En premier lieu, le Tribunal estime qu'il est compétent, à propos d'un recours en matière administrative, pour s'emparer d'un moyen tiré de l'inconstitutionnalité de la loi applicable et pour trancher la question. Au surplus, l'article 90 lui donne le pouvoir de statuer, après un renvoi par les tribunaux judiciaires, sur un recours en appréciation de validité d'une loi, comme il peut aussi le faire à propos des ordonnances souveraines ou des décisions des autorités administratives.

Cette amplitude de compétence se traduit aussi dans une attribution qui, à ma connaissance, n'est conférée à aucune juridiction constitutionnelle. Toujours selon l'article 90, le Tribunal peut accueillir un recours en indemnité concernant une loi déclarée non conforme. La même possibilité lui est donnée à propos d'actes matériels qui porteraient atteinte aux droits et libertés consacrés par le titre III, c'est-à-dire à propos de ce que nous appelons une voie de fait.

Il est donc une juridiction à part entière, dotée d'une procédure unique concernant tous les recours, possédant un ministère public parlant au nom de l'Etat et régi par le titre X de la Constitution concernant "La Justice". Pour toutes ces raisons, il est bien différent des autres juridictions constitutionnelles ou administratives qui, pour des motifs historiques ou politiques, sont amputées de telle ou telle de ces caractéristiques. Il faut qu'on sache qu'il est un véritable laboratoire susceptible de servir de modèle dans les projets que l'on élabore aujourd'hui dans divers pays à propos de tous ces problèmes.

C) - J'en arrive maintenant, et pour terminer, à une dernière caractéristique du droit public monégasque. Le Tribunal Suprême n'est pas le seul juge qui applique le droit public à Monaco. Il faut, pour le comprendre, relire l'article 12 de la loi du 15 juillet 1965 portant organisation judiciaire :

"Le Tribunal de Première Instance connaît encore, comme juge de droit commun en matière administrative, en premier ressort, de tous les litiges autres que ceux dont la connaissance est expressément attribuée par la Constitution ou la loi au Tribunal Suprême ou à une autre juridiction".

Ainsi, les tribunaux judiciaires sont juges de droit commun en matière administrative. Cette formule règle, pour la Principauté, la question que j'ai abordée au début de ce discours, celle des rapports pouvant exister entre le juge et le droit applicable. L'expression " juge de droit commun " fait référence à l'emploi originel de cette formule à une époque où, dans une vision conforme à l'histoire, un juge administratif ne semblait utile que lorsqu'il s'agissait des recours en annulation. C'est une thèse qu'avait déjà défendue Laferrière et que, en France, le Conseil constitutionnel a reprise dans sa décision du 23 janvier 1987 relative au Conseil de la concurrence.

L'expression signifie donc que tous les litiges relatifs au contentieux des contrats et marchés publics, à celui de la responsabilité administrative, aux élections, au contentieux fiscal relèvent de cette compétence. En un mot, il s'agira de tous les litiges, comparables à ceux qui peuvent naître entre deux particuliers et qui ont des incidences subjectives et pécuniaires. Les règles qui s'appliquent peuvent être des règles de droit public, mais on estime qu'il n'est pas nécessaire qu'elles soient appliquées par un juge spécialisé.

Ainsi, la Principauté s'apparente, de ce point de vue, aux Etats tels l'Allemagne ou la Belgique qui pratiquent, comme on dit, un "système mixte", c'est-à-dire les Etats où le juge judiciaire est effectivement juge de droit commun en matière administrative, les juges administratifs n'étant compétents que pour trancher le contentieux de l'annulation. La France est à l'opposé de cette vision, mais on peut se demander si, du fait de réformes récentes et des principes formulés par le juge constitutionnel, elle n'est pas prête à entrer dans cette catégorie.

Nul ne doutait qu'il existât un droit public monégasque. Mais j'ai tenté de montrer que ce droit public possédait une extrême originalité par ses juridictions, par ses mécanismes de contrôle, par son modernisme susceptible de permettre toutes les évolutions d'un Etat au début du XXIème siècle.

Au demeurant la situation de la Principauté dans le domaine juridique et judiciaire suscite l'admiration. L'oeuvre de codification se poursuit avec un dynamisme dont témoigne, par exemple, le récent Code de la Mer promulgué par Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain le 27 mars 1998. La Revue que j'ai souvent citée regroupe des recherches doctrinales qui viennent justement encadrer l'activité législative et jurisprudentielle. En un mot, le droit monégasque a sa place dans la communauté des nations.


-*-*-*-*-*-*-

Le Premier Président de la Cour d'Appel s'adressait alors à M. Drago.

M. le Président,

Vos brillants propos, dont je vous remercie au nom du corps judiciaire, viennent d'évoquer en nous la question qui a été et sera encore longtemps débattue dans divers pays de la Dualité des juridictions.

A l'occasion du bicentenaire de la loi française des 16 et 24 août 1790 qui avait proclamé le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la Revue française de Droit Administratif a fait paraître une publication traitant de cette importante question.

Vous y avez écrit un article, auquel vous avez réservé un titre volontairement provocateur : " le juge judiciaire, juge administratif ".

Vous avez alors mentionné combien, dans une certaine mesure, pouvait être naturelle cette expression, dès lors que le juge judiciaire connaît en pratique, et a toujours connu, de litiges intéressant l'Administration.

Votre éloquent discours nous rappelle aujourd'hui le contenu particulier qui est conféré à cette pratique dans la Principauté au travers de la qualité de juge de droit commun en matière administrative que vous avez soulignée et qui est reconnue par la loi au Tribunal de Première Instance, pour tous les litiges qui ne relèvent pas de la compétence du Tribunal Suprême ou d'une autre juridiction.

Sous cet aspect, il est bien vrai que le Tribunal de Première Instance, la Cour d'Appel et la Cour de Révision sont naturellement conduits à statuer en matière administrative et constituent donc, au sens même du droit public, des juridictions administratives.

Il demeure que la Haute juridiction que vous présidez connaît seule du contentieux de l'excès de pouvoir et de la constitutionnalité, même après la promulgation des lois.

Le Tribunal Suprême détient, à ce titre, une place éminente dans l'ordre juridictionnel, et nous sommes heureux qu'au travers de votre discours, et pour la deuxième année consécutive, le Tribunal Suprême soit étroitement associé à la célébration de notre traditionnelle Audience de Rentrée.

A cette occasion, et dans le sens du concours à l'oeuvre de Justice, qui doit unir tous les ordres de juridiction, il me paraît important d'observer combien l'existence d'un renvoi préjudiciel des juridictions de droit commun au Tribunal Suprême, portant sur des questions de constitutionnalité, assure à Monaco, par voie d'exception, une parfaite suprématie de la règle de Droit.

La Pluralité des ordres de juridiction, ainsi corrigée par l'existence de tels recours, s'avère de la sorte parfaitement à même de garantir le respect des droits constitutionnels, dans le déroulement de toutes les instances judiciaires.

Et, comme vous l'avez excellemment souligné à la fin de vos propos, ce mécanisme moderniste est susceptible de constituer un modèle pour d'autres systèmes juridictionnels.

Se trouve ainsi préservée, au plus haut point de la sécurité juridique, l'efficience de l'oeuvre de Justice, qu'au nom du Prince Souverain l'ensemble de nos juridictions accomplit.

M. le Procureur Général,

Vous avez la parole pour vos réquisitions.

Monseigneur,

En cette année jubilaire exceptionnelle, la cinquantième de Votre accession au Trône, au cours de laquelle ont été célébrées les remarquables réalisations de Votre règne, la présence de Votre Altesse Sérénissime à cette Audience Solennelle de Rentrée de la Cour d'Appel et des Tribunaux est le témoignage éclatant de Son attachement à l'oeuvre de Justice.

Ce privilège que Vous nous consentez aujourd'hui est ressenti par nous tous et notamment par les Magistrats du Ministère Public investis par Votre volonté de la mission d'exercer l'action publique pour l'application de la loi, comme un insigne honneur et un très précieux encouragement à déployer, avec une résolution raffermie, tous nos efforts au service de la Justice rendue en Votre Nom.

Je vous prie, Monseigneur, d'accepter l'hommage de notre très profond respect, de notre entier dévouement et de notre indéfectible loyauté.

M. le Président du Tribunal Suprême,

J'ai suivi avec le plus vif intérêt votre passionnant discours et je tiens à m'associer pleinement aux compliments et aux remerciements que M. le Premier Président vient de vous adresser.

De ce brillant exposé je retiendrai le caractère manifestement moderne du système institué en Principauté pour traiter la matière du droit public, alliant le Juge constitutionnel et le Juge judiciaire, système propre à affirmer l'Etat de droit et à répondre aux aspirations et interrogations des années à venir, tout spécialement dans le domaine des droits et libertés fondamentaux.

Avant d'entamer une nouvelle année judiciaire, je crois utile de jeter un bref regard sur le bilan de l'activité pénale de l'année écoulée.

En premier lieu, je me dois de mentionner que par une ordonnance du 3 mai 1999 Vous avez daigné, Monseigneur, par un geste magnanime d'apaisement et de pardon, accorder l'amnistie pour certains délits et contraventions, sans que soient lésées les victimes et en en écartant les infractions les plus intolérables, afin, selon une formule jurisprudentielle " de couvrir du voile de l'oubli et d'effacer le souvenir des condamnations ou des poursuites ".

En exécution de cette mesure, le casier judiciaire tenu au Greffe Général s'est trouvé purgé de plus des trois quart des quelques 15000 fiches qu'il contenait.

Dans la masse globale du courrier reçu, le Parquet Général a eu à traiter 2059 procédures consignant des plaintes, dénonciations et constatations sur des faits susceptibles de caractériser une infraction pénale consommée ou tentée. Ces procédures sont révélatrices surtout d'une petite délinquance, objectivement peu développée mais encore trop perturbatrice de l'ordre public, plutôt stable dans l'ensemble par rapport à l'année précédente.

Ont entre autres été enregistrées

644 atteintes aux biens (tels que vols, escroqueries, émissions de chèques sans provision...)

66 atteintes aux personnes (tels que violences et voies de fait, abandon de famille, non représentation d'enfant...)

413 infractions délictuelles à la circulation routière, ce chiffre est en nette augmentation, dont 84 conduites sous l'empire d'un état alcoolique

69 infractions à la législation sur les stupéfiants (en augmentation), s'agissant principalement de détentions de résine de cannabis en petite quantité aux fins d'usage personnel

Le Parquet Général a exercé devant le Tribunal Correctionnel, en cherchant à privilégier le jugement rapide des affaires,

- 117 poursuites selon la procédure de flagrant délit,

- 62 poursuites selon la procédure de comparution sur notification,

- 297 poursuites par voie de citation directe.

Il a saisi les Cabinets d'instruction de 66 réquisitoires d'information et de 82 commissions rogatoires émanant de l' étranger; il a aussi ouvert 17 dossiers pénaux au Cabinet du Juge Tutélaire.

Le Tribunal Correctionnel a prononcé 549 jugements qui ont concerné au total 749 personnes, infligeant en particulier 75 peines d'emprisonnement sans sursis.

Les décisions des juridictions répressives ont été frappées de 29 appels et de 19 pourvois en révision.

La Maison d'Arrêt a procédé à 168 écrous (33 détentions préventives - 5 extraditions).

L'évocation de cette activité pénale m'offre l'occasion de penser à tous ceux qui y ont participé. Outre les Magistrats, Greffiers, Fonctionnaires du Palais de Justice et ceux de la Maison d'Arrêt qui relèvent de la Direction des Services Judiciaires et qui, eux aussi, méritent tous les éloges, je veux citer les policiers et les avocats.

Les liens du Parquet Général avec les services de la Direction de la Sûreté Publique sont nécessairement étroits.

J'ai pu observer que les policiers remplissaient leurs nombreuses tâches, avec dévouement, sens du devoir et du service public, compétence, efficacité et respect des règles de droit. Ils doivent être félicités et encouragés.

A vous M. le Bâtonnier, Mesdames et Messieurs les Avocats-Défenseurs, Avocats et Avocats-Stagiaires, je tiens à dire combien sont appréciés au plus haut point le talent, les connaissances juridiques, les qualités intellectuelles et humaines que vous mettez en oeuvre pour permettre que soit rendue une justice créatrice de paix sociale et attentive à l'individu, justice qui ne se conçoit pas sans votre indispensable concours.

Soyez persuadés que ma confiance et ma considération vous sont entièrement acquises.

La tradition me commande maintenant de rappeler les événements qui ont marqué notre Compagnie judiciaire.Le 17 septembre dernier nous avons appris la triste nouvelle du décès de M. Michel Monegier du Sorbier, Premier Président en exercice de la Cour de Révision.

Né le 5 juin 1920 à Antonne (Dordogne) M. Monegier du Sorbier a, après deux années en Province, accompli à Paris à partir de 1946 une remarquable carrière de Magistrat.

Il en a rapidement franchi les étapes, puisqu'il a été nommé Conseiller à la Cour d'Appel en 1961, Président de Chambre en 1968, Conseiller à la Cour de Cassation en 1972, et Président de la troisième chambre civile de la Cour de Cassation en 1984, fonction qu'il a occupée jusqu'à sa retraite en 1990 et dont l'honorariat lui a été conféré.

Il convient de relever que M. Monégier du Sorbier a également été Membre du Cabinet du Garde des Sceaux en 1960 et 1961 et Membre du Conseil Supérieur de la Magistrature de 1963 à 1967.

Il était titulaire des grades de Commandeur dans l'Ordre de la Légion d'Honneur et dans l'Ordre National du Mérite.

M. Monegier du Sorbier a mis ses très hautes compétences au service de la Justice de Monaco en siégeant à la Cour de Révision, dont il a été nommé Conseiller dès 1983 et aux travaux de laquelle il a très activement participé à compter de 1991. Nommé Vice-président en novembre 1992, il a, selon ordonnance Souveraine du 15 janvier 1996, accédé aux prestigieuses fonctions de Premier Président que nous lui avons vu assumer encore en mai dernier avec une noblesse d'esprit, une autorité et une science unanimement respectées.

Il a aussi fait profiter la Commission de Mise à Jour des Codes de sa riche expérience professionnelle et de ses exemplaires qualités de juriste.

Durant toutes ces années M. Monégier du Sorbier a donné la preuve du plus grand dévouement à la Principauté et à ses Institutions.

Son éminente contribution au prestige de la Justice monégasque a été consacrée par son élévation le 18 novembre 1997 au grade de Commandeur dans l'Ordre de Saint Charles.

Sa disparition est douloureusement ressentie par l'ensemble de la famille judiciaire monégasque. A son épouse et à ses enfants nous renouvelons l'expression sincèrement émue de nos profondes condoléances.

Les juridictions et les professions judiciaires ont connu divers mouvements :

A la Cour de Révision ont été nommés Conseillers MM. Jean Apollis et Thierry Cathala, tous deux Conseillers honoraires à la Cour de Cassation française.

A la Cour d'Appel qu'a quittée M. Robert Franceschi atteint par l'âge de la retraite, ont été nommés Conseillers :

- Mme Irène Daurelle, Premier Juge au Tribunal de Première Instance,

- M. Dominique Adam, Conseiller à la Cour d'Appel de Colmar,

Au Tribunal de Première Instance, où a été noté le départ de M. Charles Duchaine qui a réintégré les cadres français, ont été nommés Juges :

- M. Gérard Launoy, Procureur de la République adjoint à Nancy,

- M. Jean-Christophe Hullin, Magistrat à l'Administration Centrale du Ministère de la Justice à Paris, qui a été chargé de l'Instruction,

- M. Jean-Claude Florentin, Juge au Tribunal de Grande Instance de Lyon, qui a été chargé des fonctions de Juge Tutélaire.

A la Justice de Paix, a été nommée Juge de Paix Mme Martine Coulet épouse Castoldi, Conseiller à la Cour d'Appel de Caen.

Nous nous réjouissons d'accueillir en Principauté ces Magistrats qui étaient tous précédés d'une flatteuse réputation.

L'Ordre des Avocats-Défenseurs et Avocats s'est enrichi de trois nouveaux membres en intégrant comme Avocats-Stagiaires

- Me Sophie Bouhnik-Lavagna,

- Me Déborah Lorenzi,

- Me Alexis Marquet.

Le notariat a également connu un changement important puisque par une récente ordonnance Souveraine, Mme Magali Crovetto épouse Aquilina est nommée Notaire en remplacement de Me Louis-Constant Crovetto démissionnaire. Elle prêtera serment prochainement.

Enfin à la Direction des Services Judiciaires Mme Géraldine Péglion, Assistante Sociale, a remplacé Mme Paule Leguay admise à faire valoir ses droits à la retraite.

A chacun des bénéficiaires de ces nominations nous renouvelons nos vifs compliments et nos voeux de parfaite réussite dans leurs nouvelles fonctions.

A Mme Leguay, à M. Franceschi et à Me Crovetto nous formulons des souhaits très sincères d'heureuse retraite.

Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain a bien voulu distinguer deux personnalités de la famille judiciaire,

- M. Pierre Delvolvé, Membre du Tribunal Suprême ayant été promu Officier dans l'Ordre de Saint Charles,

- M. Charles Marson, Directeur de la Maison d'Arrêt ayant été nommé Chevalier dans ce même Ordre.

Nous leur adressons nos bien chaleureuses félicitations.


-*-*-*-*-*-*-


M. le Premier Président,

Mesdames, Messieurs de la Cour,

Au Nom de Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain, j'ai l'honneur de requérir qu'il plaise à la Cour,

- me donner acte de ce qu'il a été satisfait aux prescriptions des articles 51 et 52 de la loi du 25 juillet 1965 portant organisation judiciaire,

- déclarer close l'année judiciaire 1998-1999 et ouverte l'année judiciaire 1999-2000,

- ordonner la reprise des travaux judiciaires,

- me donner acte de mes réquisitions et dire que du tout il sera dressé procès-verbal sur le registre des actes importants de la Cour d'Appel.

M. Landwerlin reprend alors la parole.

M. le Procureur Général,

Avant qu'il ne soit fait droit par la Cour à vos réquisitions, l'ensemble des membres du siège tient à s'associer, comme vous l'avez fait, au souvenir de M. Monegier du Sorbier, qui vient de nous quitter, dans les circonstances douloureuses que vous venez d'évoquer.

La mémoire de notre Premier Président Monegier du Sorbier ne peut laisser aucun d'entre nous indifférent, tellement était appréciée sa personne, de par sa compétence et ses immenses qualités humaines.

Pour avoir mieux connu M. Monegier du Sorbier lors des travaux de la Commission de mise à jour des Codes, je puis témoigner de la richesse de sa pensée juridique, de son alerte vivacité d'esprit, et de son exceptionnelle capacité d'écoute.

Sa grande générosité le conduisait toujours à envisager avec une extrême bienveillance les arguments d'autrui, et c'est en homme de paix et de dialogue, avec une infinie science du Droit, et une grande autorité, qu'il savait élaborer, dans la concertation, la meilleure solution acceptable.

La perte de M. Monegier du Sorbier et de son attachante personnalité laisse un vide considérable dans notre entourage humain, et c'est avec une grande tristesse que nous adressons nos pensées à Mme Monegier du Sorbier, ainsi qu'à tous les membres de sa famille, en les assurant de notre très profonde sympathie.

Je souhaite également, au nom des magistrats du siège, rappeler combien nous manquera cette année la présence de M. Robert Franceschi, qui vient de prendre sa retraite, comme Conseiller à la Cour d'Appel.

L'étroitesse des relations que sa chaleur humaine lui a permis de tisser avec chacun de ses collègues, fait que c'est un ami qui nous quitte, et comme tel nous le regrettons.

Je sais cependant que son esprit juridique ne prendra pas de sommeil, et que c'est en homme de Droit actif, que nous aurons, encore, le plaisir de le rencontrer.

Nous souhaitons cordialement, à M. Robert Franceschi, une très heureuse vie nouvelle dans sa retraite, en l'assurant de notre estime, et de notre amitié.

Le départ à la retraite de notre collègue Franceschi me conduit maintenant à évoquer, l'activité civile de la Cour d'Appel.

Ce départ s'est, en effet, très rapidement accompagné d'une nomination à la Cour, en la personne de notre nouveau Conseiller, M. Dominique Adam.

La nomination de ce magistrat, qui a fait suite à celle de Mme Irène Daurelle également comme Conseiller à la Cour, nous promet désormais une activité plus intense dans notre juridiction, dotée à présent de son effectif normal.

Il faudra en effet faire face cette année à un flux d'enrôlements, qui a été bien plus important que par le passé.

Car, le nombre d'affaires nouvelles a approché, cette année, en matière civile, le double de celui des affaires jugées.

Cela traduit un déséquilibre qu'il nous faudra rapidement corriger.

En comparaison, le nombre d'affaires civiles, enrôlées à la Justice de Paix et au Tribunal de Première Instance, est demeuré quasiment stable, cette année passée, de même que l'activité globale de ces deux juridictions.

Cette stabilité d'ensemble ne doit pas, cependant, nous faire méconnaître l'important effort que chacun des membres du Tribunal a personnellement consenti, pour qu'il en soit ainsi, au sein de ce qui est, certainement, la juridiction la plus chargée de la Principauté.

Un nombre supérieur de jugements a, en effet, été rendu, par rapport à l'année précédente, alors que les effectifs de la juridiction étaient très largement amputés par des vacances de postes, qui ne viennent d'être comblées que partiellement.

Il me revient, comme Premier Président de la Cour d'Appel, de louer publiquement la qualité et l'importance du travail fourni par tous ces magistrats, en leur témoignant, au nom du corps judiciaire, toute notre reconnaissance et nos encouragements.

Sans qu'il ait lieu d'entrer ici dans le détail des statistiques, pourtant éloquentes, de l'activité du Tribunal, je voudrais me borner à souligner deux aspects de cette activité, qui méritent d'être relevés.

Il s'agit, en premier lieu, d'une nouvelle diminution du nombre des procédures collectives de règlement du passif, qui avait déjà été constatée l'an passé.

Cette diminution témoigne, sans doute, de ce que les commerçants de Monaco sont mieux à même d'honorer leurs engagements par suite d'une amélioration de leur environnement économique.

Elle témoigne aussi de ce qu'en cas de difficultés majeures, et grâce aux procédures d'aide mises en place, avec le concours des experts-comptables, par l'Administration et les juridictions, l'ouverture d'une faillite n'est plus désormais totalement inéluctable, et cela est heureux.

Une deuxième tendance, moins optimiste, doit être également signalée, qui tient à un important accroissement, cette année, des procédures d'accidents du travail.

L'augmentation constatée indique, peut être, l'émergence d'un contentieux de masse, dont il conviendra d'améliorer le traitement.

Ces indications, sur lesquelles je ne puis m'étendre aujourd'hui, font apparaître, une nouvelle fois, la grande diversité des affaires traitées par l'ensemble des juridictions monégasques.

Au nombre de celles-ci une mention particulière doit être d'ailleurs réservée au Tribunal du travail, important facteur de Paix sociale, dont l'activité contentieuse a quelque peu fléchi cette année, en même temps qu'a augmenté le nombre de conciliations intervenues.

La diversité constatée de nos travaux mérite certainement d'être mieux cernée, car elle témoigne de la richesse de notre Droit.

En concluant, je ne puis à ce propos, passer sous silence la naissance, cette année, de la Revue de droit monégasque.

Sous l'impulsion de son directeur, M. le Conseiller d'Etat Norbert François, cette revue saura, en effet, dévoiler notre jurisprudence, et en assurer la diffusion en dehors de cette enceinte, ceci dans l'intérêt même de tous les praticiens qui concourent à l'oeuvre de Justice.

SUR QUOI,

LA COUR faisant droit aux réquisitions de M. le Procureur Général, déclare close l'année judiciaire 1998-1999, et ouverte l'année judiciaire 1999-2000.

Ordonne la reprise intégrale des travaux de la Cour d'Appel et des Tribunaux, partiellement suspendus durant les vacations.

Donne acte à M. le Procureur Général de ce qu'il a été satisfait aux prescriptions de la loi.

Ordonne que, du tout, il sera dressé procès-verbal, sur le registre des actes importants de la Cour d'Appel.

Avant de lever l'audience, et au nom du corps judiciaire, qu'il me soit permis de renouveler, à Votre Altesse Sérénissime, l'expression de notre vive reconnaissance pour avoir, lors de notre cérémonie de rentrée, honoré de Sa présence la Justice, et ceux qui font profession de la servir.

Qu'il me soit également permis de témoigner à Votre Altesse notre plus extrême gratitude pour les moyens humains et matériels qui nous sont procurés, afin de faire face à nos charges.

Je prie votre Altesse, ainsi que les membres de la Famille Souveraine, d'accepter l'hommage de notre très profond respect, et de notre entier et fidèle dévouement.

Je remercie, également de leur présence, l'ensemble des hautes autorités et personnalités qui nous ont fait l'honneur d'assister à cette audience, en marquant ainsi l'intérêt qu'elles portent à nos travaux.

Je les convie maintenant à se rendre dans la salle des pas perdus de la Cour, à l'invitation de M. le Directeur des Services judiciaires.

L'Audience Solennelle est levée.

De nombreuses personnalités avaient tenu à assister à cette Audience Solennelle, aux premiers rangs desquelles on notait :




S.E. M. Michel Levêque, Ministre d'Etat,

Charles Ballerio, Président du Conseil de la Couronne,
MM.
Jean-Louis Campora, Président du Conseil National,
Me
Jean-Charles Marquet, Secrétaire d'Etat,

Philippe Perrier de la Bathie, Consul Général de France,

Giorgio Maria Baroncelli, Consul Général d'Italie,
MM.
le Contre-Amiral Giuseppe Angrisano, Président du Bureau Hydrographique International,

S.E. M. Raoul Biancheri, Ministre Plénipotentiaire,

Philippe Deslandes, Conseiller de Gouvernement pour l'Intérieur,

Henri Fissore, Conseiller de Gouvernement pour les Finances et l'Economie,

Michel Sosso, Conseiller de Gouvernement pour les Travaux Publics et les Affaires Sociales,
MM.

Georges Grinda, Chef de Cabinet de S.A.S. le Prince,

M. le Colonel Lamblin, Chambellan de S.A.S. le Prince,

Maurice Torrelli, Vice-président du Tribunal Suprême,

Robert Projetti, Conseiller au Cabinet de S.A.S. le Prince,
MM.

Philippe Blanchi, Conseiller au Cabinet de S.A.S. le Prince,
Mlle
Anne-Marie Campora, Maire de Monaco,
M.
Jean-Jo Pastor, Vice-Président du Conseil National,
Me
Henry Rey, Président de la Commission des Finances et de l'Economie Nationale,

Alain Michel, Président de la Commission de Législation du Conseil National,

René Clérissi, Président du Conseil Economique et Social,

Gilles Tonelli, Contrôleur Général des Dépenses,

Norbert François, Conseiller d'Etat,

Rainier Imperti, Secrétaire Général du Ministère d'Etat,

Bernard Gastaud, Directeur du Contentieux et des Etudes Législatives,
MM.

Bernard Thibault, Commissaire Divisionnaire, représentant M. Maurice Albertin, Directeur de la Sûreté Publique,
Mme
Sophie Thevenoux, Directeur du Budget et du Trésor,

Gilbert Bresson, Directeur des Services Fiscaux,
MM.

Jean-Noël Véran, Administrateur des Domaines,

Yvette Lambin de Combremont, Directeur de l'Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports,
Mmes

Catherine Orecchia-Matthyssens, Directeur de l'Expansion Economique,

Didier Gamerdinger, Directeur Général du Département de l'Intérieur,

Franck Biancheri, Directeur Général du Département des Finances et de l'Economie,

Maurice Gaziello, Directeur Général du Département des Travaux Publics et des Affaires Sociales,

Alain Malric, Directeur du Contrôle des Jeux,

Alain Sangiorgio, Secrétaire Général de la Direction des Services Judiciaires,
MM.

le Capitaine Morandon, représentant M. Le Chef d'Escadron Luc Fringant, Commandant la Compagnie des Carabiniers de S.A.S. le Prince,

M. le Colonel Yannick Bersihand, Commandant de la Compagnie des Sapeurs-Pompiers,

Jacques Wolzok, Vice-Président du Tribunal du Travail,

Jean-Luc Nigioni, Président du Tribunal du Travail,

Adrien Viviani, Commissaire Divisionnaire,
MM.

Jean-Yves Gambarini, Commissaire Divisionnaire,
Me
Louis-Constant Crovetto, Notaire,
Me
Paul-Louis Auréglia, Notaire,
Me
Magali Crovetto-Aquilina, Notaire,

Jean Curau, Secrétaire Général Honoraire du Parquet Général,

Bruno Casagrande, Receveur Principal des Douanes,

Pierre Julien, Professeur à la Faculté de Droit et de Sciences Economiques de Nice,
MM.

Renaud de Bottini, Professeur Honoraire,
Mme
Suzanne Simone, Conservateur du Musée d'Anthropologie Préhistorique,

Simard, représentant M. Doumenge, Directeur du Musée Océanographique,

Charles Marson, Directeur de la Maison d'Arrêt,
MM.

Christian Zabaldano, Sous-Directeur de la Maison d'Arrêt,
Mme
Géraldine Péglion, Assistante Sociale,

Gabriel Bestard, Procureur Général près la Cour d'Appel d'Aix en Provence,

Jean-François Hertgen, Président de la Cour administrative de Marseille,

Pierre Chanel, Président du Tribunal Administratif de Nice,

Hervé Expert, Président du Tribunal de Grande Instance de Nice,
MM.

Pierre Colombani, représentant M. Antoine Graglia, Président de l'Union des Compagnies d'Experts Judiciaires des Alpes-Maritimes et du Sud-Est,
Mme
Joëlle Dogliolo, Secrétaire en Chef du Tribunal du Travail,
Me
Thierry-Paul Lemaitre, Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Grasse,

Jean Billon, Conseil juridique,
MM.

Jacques Orecchia, Président de la Chambre Monégasque de l'Assurance,
Mme
Paule Leguay, Assistante Sociale chef Honoraire.

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