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Loi n° 1.491 du 23 juin 2020 relative aux offres de jetons.

  • N° journal 8492
  • Date de publication 26/06/2020
  • Qualité 100%
  • N° de page

ALBERT II
PAR LA GRÂCE DE DIEU
PRINCE SOUVERAIN DE MONACO

Avons sanctionné et sanctionnons la loi dont la teneur suit, que le Conseil National a adoptée dans sa séance du 16 juin 2020.

Article Préliminaire.

Les termes « actif numérique », « actif financier virtuel » et « jeton » sont entendus au sens de la loi n° 1.383 du 2 août 2011 pour une Principauté numérique, modifiée.
Le terme « clé cryptographique privée » est entendu au sens de « clé privée », telle que définie par la loi n° 1.383 du 2 août 2011 pour une Principauté numérique, modifiée.

CHAPITRE I
DES OFFRES DE JETONS

Article Premier.

Une offre de jetons consiste en une proposition de souscrire à ces jetons, quelle qu'en soit la forme.
Elle peut être privée ou publique dans les conditions fixées par ordonnance souveraine.
Lorsqu'elle est faite au public, l'offre ne peut porter sur des jetons présentant les caractéristiques des instruments financiers.
Il appartient à l'émetteur de déterminer :
- la nature du jeton à émettre et les droits y afférents et ;
- le caractère public ou privé de l'émission.

Art. 2.

La réalisation d'une offre de jetons est subordonnée à l'obtention d'une autorisation administrative préalable revêtant la forme d'un label, dans des conditions précisées par ordonnance souveraine.
L'autorisation est délivrée par le Ministre d'État après avis motivé d'une commission, chargée d'instruire la demande d'autorisation.
La commission, dont la composition et le mode de fonctionnement sont précisés par ordonnance souveraine, est présidée par le Conseiller de Gouvernement-Ministre des Finances et de l'Économie.
Celle-ci se prononce après réception des pièces constitutives de la demande de label, parmi lesquelles figure un document destiné à l'information des souscripteurs, portant notamment sur la société émettrice, la présentation détaillée du projet, le détail de l'offre de jetons et les risques présentés par l'offre. Le contenu du document d'information doit être exact, clair et non trompeur.
Celui-ci ainsi que la liste des pièces à joindre à la demande d'autorisation sont précisés par ordonnance souveraine.
La commission peut entendre les représentants de la société pétitionnaire ainsi que toute personne dont elle estime l'audition utile.

Art. 3.

Seule une personne morale immatriculée à Monaco peut réaliser une offre de jetons.
Toutefois, la demande de label peut être soumise par une société en cours de formation à Monaco.
Lorsque les jetons présentent les caractéristiques des instruments financiers, l'offre ne peut être réalisée que par une société par actions.

Art. 4.

La personne morale pétitionnaire propose des moyens permettant la sauvegarde des fonds recueillis dans le cadre de l'offre de jetons, ainsi que le suivi de leur utilisation en conformité avec le projet présenté dans la demande d'autorisation.
Les fonds recueillis dans le cadre de l'offre sont placés sous séquestre à compter de l'émission des jetons pendant la durée de l'opération, dans les conditions prévues par ordonnance souveraine.
Ils sont déposés sur un compte bancaire spécialement dédié à l'offre, lequel doit être situé sur le territoire de la Principauté.
En cas de révocation de l'autorisation, d'abandon du projet présenté ou lorsque le montant minimum n'est pas atteint, les fonds séquestrés sont restitués aux souscripteurs.

Art. 5.

L'offre est réalisée par l'intermédiaire d'une plateforme numérique autorisée par le Ministre d'État dans les conditions définies par ordonnance souveraine.

Art. 6.

La liste des offres de jetons qui obtiennent le label visé à l'article 2 fait l'objet d'une publication par les services de l'État, avec la mention de leur date, selon des modalités déterminées par ordonnance souveraine.

Art. 7.

Le document d'information, dûment revêtu du label, est mis à la disposition des souscripteurs par l'émetteur, au plus tard la veille du début de l'offre de jetons, dans des conditions précisées par ordonnance souveraine.

Art. 8.

Tout changement ou fait nouveau susceptible d'avoir une influence significative sur la décision d'investissement de tout souscripteur et qui survient après que l'autorisation ait été délivrée et avant la clôture de l'offre, fait l'objet d'une demande d'autorisation modificative avec le dépôt d'un document d'information modificatif dans des conditions définies par ordonnance souveraine.

Art. 9.

La réalisation des offres de jetons dument autorisées donne lieu à une information annuelle par l'émetteur auprès des souscripteurs et du Ministre d'État suivant des modalités précisées par ordonnance souveraine.

Art. 10.

Les souscripteurs sont informés des résultats de l'offre de jetons et, le cas échéant, du service en ligne proposé permettant l'échange des jetons selon des modalités précisées par ordonnance souveraine.

CHAPITRE II
DU CONTRÔLE DE LA RÉGULARITÉ DES OFFRES DE JETONS

Art. 11.

Le contrôle du respect des conditions de l'autorisation délivrée en application du Chapitre I est exercé par les agents de la Direction de l'Expansion Économique, conformément aux articles 18 à 21 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, modifiée.
Dans l'exercice de ces contrôles, les agents visés au précédent alinéa peuvent s'assurer le concours de tous experts, lesquels sont tenus au secret professionnel dans les conditions de l'article 308 du Code pénal.
Les experts ainsi désignés ne doivent pas se trouver en situation de conflit d'intérêts avec les personnes contrôlées.

Art. 12.

Les agents visés au précédent article exercent la mission qui leur est dévolue sans que le secret professionnel ne puisse leur être opposé sauf en ce qui concerne les informations couvertes par le secret applicable aux relations entre un avocat et son client. Nonobstant les dispositions du précédent article, ils peuvent notamment :
1°) se faire communiquer la transcription, par tout traitement approprié, des informations contenues dans les programmes informatiques des professionnels, dans des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle ainsi que la conservation de cette transcription sur un support adéquat ;
2°) à partir d'un service de communication au public en ligne, consulter les données librement accessibles ou rendues accessibles, y compris par imprudence, négligence ou par le fait d'un tiers, le cas échéant en accédant et en se maintenant dans des systèmes de traitement automatisé d'information le temps nécessaire aux constatations ; retranscrire les données par tout traitement approprié dans des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle.
Les modalités d'application du présent article sont précisées par ordonnance souveraine.

Art. 13.

Le Ministre d'État est saisi par la Direction de l'Expansion Économique des comptes rendus de contrôle ; il les transmet à la commission visée à l'article 2.
Sauf dans les cas où il n'y a manifestement pas lieu de proposer une sanction, la personne mise en cause est informée, par écrit, des griefs susceptibles d'être formulés à son encontre.
Les griefs notifiés à la personne morale concernée, le sont également à ses représentants légaux.
La personne mise en cause est convoquée par la commission en vue d'être entendue en ses explications, ou dûment appelée à les fournir.
Lors de son audition, la personne mise en cause peut être assistée d'un conseil de son choix. Ses explications sont consignées dans un procès-verbal établi par la commission.
La commission délibère hors la présence du rapporteur désigné de l'affaire.
Celle-ci émet un avis sur l'existence et la gravité d'une méconnaissance des conditions ou des limites de l'autorisation visée à l'article 2, du contenu du document d'information ou des conditions visées aux articles 3 à 5, et, formule, le cas échéant, une proposition de sanction.
La commission transmet son avis, ainsi que le procès-verbal visé au cinquième alinéa, au Ministre d'État.

CHAPITRE III
DES SANCTIONS

Section I
Des sanctions administratives

Art. 14.

Par décision du Ministre d'État, l'autorisation visée à l'article 2 peut être suspendue ou révoquée après avis de la commission visée à l'article 2 lorsque :
1°) l'offre de jetons est mise en œuvre en méconnaissance des conditions ou des limites de l'autorisation visée à l'article 2 ;
2°) il advient que l'offre n'est plus conforme au document d'information visé à l'article 3 ou à l'une des conditions visées aux articles 3 à 5.
Toutefois, lorsque l'urgence le justifie, le Ministre d'État peut suspendre l'autorisation à titre provisoire par décision motivée sans que la commission soit saisie. Dans ce cas, toute personne intéressée à laquelle les mesures prescrites font grief, peut demander au Président du Tribunal de première instance saisi et statuant comme en matière de référé, d'ordonner la levée desdites mesures.
L'exercice de poursuites pénales n'ayant pas abouti à une décision de justice passée en force de chose jugée ne fait pas obstacle à l'application du présent article.
Les modalités d'application du présent article sont précisées par ordonnance souveraine.

Art. 15.

La décision privant d'effets ou suspendant les effets de l'autorisation visée à l'article 2 entraîne pour la personne autorisée l'obligation de mettre fin à toute communication concernant l'offre de jetons.

Art. 16.

Le Ministre d'État peut décider de procéder à la publication de sa décision au Journal de Monaco et, le cas échéant, sur tout autre support papier ou numérique.
Toutefois, les sanctions administratives prononcées par le Ministre d'État sont publiées de manière anonyme dans les cas suivants :
1°) lorsque la publication sous une forme non anonyme compromettrait une enquête pénale en cours ;
2°) lorsque le préjudice qui résulterait d'une publication sous une forme non anonyme serait disproportionné.
Lorsque les situations mentionnées aux chiffres 1°) et 2°) sont susceptibles de cesser d'exister dans un court délai, le Ministre d'État peut décider de différer la publication pendant ce délai.
Il peut également décider de mettre à la charge de la personne sanctionnée tout ou partie des frais de la publication visée à l'alinéa premier.
Section II
Des sanctions pénales

Art. 17.

Sont punis de l'amende prévue au chiffre 4 de l'article 26 du Code pénal dont le maximum peut être porté jusqu'au montant du profit éventuellement réalisé :
1°) les personnes ou les dirigeants des personnes morales qui procèdent ou qui tentent de procéder à une offre de jetons sans l'autorisation visée à l'article 2 ;
2°) les dirigeants des personnes morales qui procèdent ou qui tentent de procéder à une offre de jetons alors que l'autorisation dont ils étaient titulaires au titre de l'article 2 a été suspendue ou révoquée ;
3°) les dirigeants des personnes morales qui procèdent ou qui tentent de procéder à une offre de jetons autre que celle autorisée ou qui excède les limites déterminées par l'autorisation ou qui n'est pas conforme aux conditions mentionnées par celle-ci ;
4°) les personnes ou les dirigeants des personnes morales qui poursuivent une émission de jetons initiée antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi sans avoir sollicité l'autorisation visée à l'article 2, postérieurement à l'expiration du délai de six mois visé à l'article 21.
Les personnes morales déclarées responsables des infractions prévues au présent article encourent une amende dont le montant est égal au quintuple de l'amende prévue pour les dirigeants des personnes morales visées au précédent alinéa.

Art. 18.

Sont punis d'un emprisonnement d'un à six mois et de l'amende prévue au chiffre 4 de l'article 26 du Code pénal ou de l'une de ces deux peines seulement les dirigeants ainsi que toute personne qui font obstacle ou tentent de faire obstacle aux contrôles exercés en application des articles 11 et 12 de la présente loi.
Les personnes morales déclarées responsables de l'infraction prévue au précédent alinéa encourent une amende dont le montant est égal au quintuple de l'amende prévue pour les dirigeants des personnes morales visées audit alinéa.

Art. 19.

Sont punis de l'amende prévue au chiffre 4 de l'article 26 du Code pénal, dont le maximum peut être porté jusqu'au montant du profit éventuellement réalisé, les personnes ou les dirigeants des personnes morales qui méconnaissent l'obligation de solliciter l'autorisation du Ministre d'État visée à l'article 2.
Les personnes morales déclarées responsables des infractions prévues au présent article encourent une amende dont le montant est égal au quintuple de l'amende prévue pour les dirigeants des personnes morales visées au précédent alinéa.

CHAPITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES

Art. 20.

Sont ajoutés à l'article premier de la loi n° 1.362 du 3 août 2009, modifiée, les chiffres 21°), 22°) et 23°), rédigés comme suit :
« 21°) les personnes morales titulaires de l'autorisation de procéder à une offre de jetons visée à l'article 2 de la loi n° 1.491 du 23 juin 2020 ;
22 °) toute personne qui, à titre de profession habituelle, soit se porte elle-même contrepartie, soit agit en tant qu'intermédiaire, en vue de l'acquisition ou de la vente d'actifs financiers virtuels pouvant être conservés ou transférés dans le but d'acquérir un bien ou un service, mais ne représentant pas de créance sur l'émetteur ;
23°) les prestataires de service de conservation pour le compte de tiers d'actifs numériques ou d'accès à des actifs numériques, le cas échéant sous la forme de clés cryptographiques privées, en vue de détenir, stocker et transférer des actifs numériques. ».

Art. 21.

Les personnes qui, au jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, ont initié une offre de jetons qui n'a pas encore donné lieu à leur émission, disposent d'un délai de six mois pour se conformer aux dispositions de la présente loi.
La présente loi est promulguée et sera exécutée comme loi de l'État.
Fait en Notre Palais à Monaco, le vingt-trois juin deux mille vingt.

ALBERT.

Par le Prince,
Le Secrétaire d'État :
J. BOISSON.

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